Ce grand-père pas comme les autres

Titre : Ce grand-père pas comme les autres

Volume I : L’environnement de l’enfance de ce grand-père pas comme les autres :Le Pays Dagara :

.Volume II : Autobiographie de ce grand-père pas comme les autres.

A Frédéric et à Dominique mes enfants
A Louise , Raphaël, Eli et Julia, mes petits enfants devenus grands !

SOMMAIRE :page 1

Avant-propos pages
Introduction

Première partie ou volume I :L’environnement de l’enfance de ce grand-père pas comme

les autres : LE PAYS Dagara
1. REMARQUE LIMINAIRE : Quid des Lobi et des Dagara
2. L’ethnie et le Pays Dagara ra

3.Les origines de l’ethnie et du Pays Dagara

4 Quid des Mossi et des Dagara ?
5.Quelles influences toutes ces populations ont eu sur le Pays et la langue Dagara
6.La répartition géographique de l’ethnie Dagara dans le Sud-Ouest du Burkina Faso
7 Structures de la société Dagara
8.Croyances et conceptions Dagara de l’homme(Homo)
9.Le Dagara, l’homme rebelle
10.Les femmes Dagara, inférieures aux hommes ?.
11 Hiérichisation par générations et classes d’âge.
12.L’esclavage dans l’histoire des Dagara
13.Comment un Dagara conçoit-il la vie
14.L’amitié dans la société Dagara.
15.Le mariage traditionnel et coutumier Dagara
16.Structure des villages Dagara
17.Les « Clans » dans l’ethnie Dagara
18.Organisation politique et administrative traditionnelle Dagara
19.Double appartenance de chaque Dagara
20.Le système de parenté Dagara
21.La maison Dagara…
22.La parenté à plaisanterie
23.La liaison avunculaire Oncle –neveu
24.La parenté par alliance page 89
25.Les groupes de services réciproques
26.Les conditions de vie du paysan Dagara
27.Les croyances ,rites et religion traditionnelle de la société Dagara

28.Le milieu traditionnel de l’enfance de grand-père racontée à ses petits enfants.
29.L’éducation traditionnelle des enfants en Pays Dagara
30.Le système des marchés traditionnels Dagara
31.La boisson traditionnelle Dagara (daan)
32.Jour de repos dans la société traditionnelle Dagara : ta ko daa …..
33.L’orpaillage en Pays Dagara pendant la saison de repos.
34.Musique, chants et danses Dagara
35 Maladies, mal, médecine traditionnelle,sorcellerie et sorciers dans la société traditionnelle Dagara
36.La mort et les célébrations funéraires dans la société traditionnelle Dagara
37 Cosmologie et cosmogonie Dagara
38.Contes et légendes Dagara : zukpaï
39.Devinettes et sentences Dagara( zukpaï, pluriel de zukpaar)…..
40.Proverbes Dagara( Zukpaar,)
41.Le Dagara baghr (ou l’initiation Dagara)
42. La christianisation du pays Dagara
43.Conclusion
Postface.

Deuxième partie ,volume II : Récit autobiographique de ce grand-père pas comme les autres pages 309-665

1.Les premiers souvenirs d’enfance de grand-père : Pépé Simon ,catéchiste à Dayèrè
2.Pépé Simon est malade et évacué au village
3 Mort de Pépé Simon
4 Cérémonies funéraires de pépé Simon
5.Inhumation. de pépé Simon.
6.Grand-père entre à l’école
7. Les différents séjours de grand-père au village
8.Les défunts de la famille de votre grand-père
9.Annonce du décès et funérailles de mémé Julia
10.Comment devient-on chef de terre en pays Dagara
11.Origine des familles Kusiélé et leur dispersion au travers de tout le pays Dagara
12.Migrations des groupes de familles Dagara pour échapper à leurs différents ennemis ou pour la conquête de nouveaux espaces et de nouvelles terres fertiles.
13.Les anciens occupants du pays Dagara actuel
14.Les poussées mutuelles et positions actuelles des ethnies voisines des Dagara ou la politique du « pousses-toi que je m’y mette »
15.Les années Séminaire de grand-père à
16 Le rêve d’enfance réalisé : grand-père en soutane., mais pas pour longtemps, hélas ! Le rêve brisé !
17.Grand-père entre à l’université d’Abidjan
18.Grand-père à Toulouse.
19.Les différentes aventures parisiennes de Grand-père
20.Bilan des années d’études de grand-père.
21.Grand-père à la recherche de la perle rare et son mariage avec grand-mère ,
22.Le séjour de la famille à Palaiseau
23.Grand-père , citoyen français

24.Grand-père à Cotonou : Grand père enseigne à l’Université Nationale du Bénin
25 Grand-père enseigne à l’Université de Dschang (1991-1996)

26.L’année sabbatique de grand-père à Beaumont
27.Grand-père retourne en Afrique : Second séjour au Bénin
28.Grand-père et grand’ mère prennent leur retraite en France .
29.Grand-père et grand’mère auprès de leurs enfants et petits-enfants
30.Grand-père et ses rapports à l’écriture
31.Le style d’écriture de grand-père
32. Grand-père étudie la philo ,la théologie et les religions.
33.Grand-père et l’université du troisième âge.
34.Grand-père réfléchit sur sa foi.
35.Grand-père étudie les langues anciennes : Latin , grec, hébreu, arabe
36.Grand-père et la politique
37.Grand-père et l’écologie.
38.Grand-père, sa passion pour l’horticulture,les jardins et le jardinage.
39.Grand-père , sa passion pour les études, l’enseignement et la recherche.
40.Les regrets de grand-père dans déroulement de sa carrière et de sa vie
41.Les souvenirs marquants de la vie de grand-père.
42:Les souhaits et vœux de grand-père.
43.Conclusion
44.Signature

Postface générale

AVANT-PROPOS

:« Raconte-nous, s’il te plaît, grand-père, ton enfance au fin fond de la brousse africaine », n’ont cessé de me solliciter très affectueusement mes enfants , puis ensuite mes petits-enfants !
J’ai fini par céder à leurs demandes réitérés !
Mais raconter oralement certaines des épisodes marquantes d’une vie chargée d’ans est autre que coucher sur papier ou en traitement de texte des récits sur une vie qui puissent intéresser non seulement ses petits enfants, mais encore un père et son fils , une mère et sa fille ,etc sans compter en sus tous ces lecteurs anonymes qui ,eux aussi, rêvent de livrer un jour leurs histoires secrètes d’enfance aux leurs, mais pour des raisons ou d’autres, n’en ont pas encore pris le chemin ! car malheureusement ce n’est pas chose si aisée que de raconter toute son enfance, tout le cours d’une vie surtout par le biais de la chose écrite !
On n’en retient de fait que certaines épisodes parmi les millers de souvenirs qui se bousculent en vous et vous assaillent l’esprit tous à la fois, chacun voulant reapparaître à la lumière du jour !
Il convient ensuite de les organiser dans le temps et dans l’espace pour faire un récit de vie et une œuvre d’écriture!
Il faut soigner tout aussi le style car l’art d’écrire n’est pas celui de conter oralement !
Il faut ensuite veiller à intéresser son monde!
Grand-père dut donc polir et repolir, y revenir sans cesse tout en pensant à cette fable de la Fontaine :
La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf :
disant : « Regardez bien, ma sœur
Est-ce assez ?Dites-moi ; n’y suis-je point encore ?
_ Nenni_M’y voici ?_ Point du tout_ M’y voilà ? vous n’en approchez point » la chétive pécore
s’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas sages et ne s’improvise pas écrivain qui veut !
Ne serait-ce pas le cas de votre grand-père?
Prétendre écrire, n’est-ce pas outre mesure ? vaine prétention Ce n’est pourtant pas la première fois que grand-père s’est mis à l’écriture comme vous le verrez dans cet essai sans jamais toutefois soumettre ses épreuves au feu d’une critique publique
Au point où il en est y parviendra-t-il jamais,un jour ?.
En tout état de cause,pour mieux égayer les récits et les notions assez abstraites de la culture Dagara,le dialogue entre un grand-père, ses enfants et ses petits enfants qui le pressent de nombreuses questions, désireux de tout savoir de l‘enfance de ce grand-père pas comme les autres ,a été retenu.
En effet le dialogue se rapproche le plus du récit oral et est plus vivant que tout discours.
D’aucuns trouveront le procédé quelque peu artificiel , peut-être
peu compatible avec un récit de vie!
Mais « bien fou du cerveau
qui prétend contenter tout le monde et son père »
….J’en veux faire à ma tête ». Il le fit , et fit bien.
Cf le Meunier dans « le Meunier, son fils et l’âne » de la Fontaine.
C’est aussi l’attitude adoptée par votre grand-père n’en déplaise à ses détracteurs potentiels !
Pourvu que ses enfants et ses petits enfants y trouvent leur compte dans ce récit de vie qui leur est conté par ce grand-père pas comme les autres !
« Il n’y en a pas comme moi(bis), s’il y en a , il n’y en a guère »

« Grand-père, tu commences ? – Nous te sommes tout ouïe »
« Oui , je suis à vous, les enfants ! » .
Je suis fin prêt, enfonçons-nous dans les dédales de l’enfance d’un grand-père, d’un grand-père pas comme les autres, d’un grand-père comme il y en a pas deux, pour mieux appréhender ce que fut l’enfance , la vie de ce petit africain ,né dans sa lointaine brousse africaine au-delà des mers tandis que la guerre faisait rage en Europe !car disons-le toute suite : grand-père est né pendant la dernière grande guerre le 25 juin 1942.

Introduction

Quel est ce grand père pas comme les autres, à la peau marron-foncé, aux cheveux crêpus et aux yeux si noirs et au nez si épaté ?
D’où nous vient-il notre grand père ?
Les enfants, votre grand-père n’est effectivement pas comme les autres.
Il est né, par de là les mers , en Afrique, dans un petit village Dagara du sud ouest de la Haute Volta appélé Béné.
Ses parents étaient Dagara eux-mêmes nés de parents Dagara …
Ne cherchez pas la Haute Volta sur votre mappemonde. Elle n’existe plus ! Elle a changé de nom et s’appelle aujourd’hui le Burkina Faso.
Avant de vous conter l’histoire de ce grand-père pas comme les autres, permettez-lui de vous parler d’abord des origines de ses aïeux.
Il essaiera avec vous de se poser quelques questions sur les origines, la vie quotidienne, les traditions sociales, culturelles, religieuses ,voire philosophiques de ce petit peuple Dagara où il a vu le jour et grandi.
Malheureusement les réponses à ces réflexions ne seront parfois qu’ ébauchées parce que grand-père n’a gardé que très peu de souvenirs.
Mais si vous êtes intéressés ou intrigués par quelques menus détails, pourquoi n’iriez-vous pas faire vos propres recherches ?
Grand-père se fera alors la joie de vous y accompagner tout le temps que vous l’aurez encore.
Ceci dit, votre grand-père essaiera de vous éclairer à l’aide de ses souvenirs personnels d’enfance , mais aussi d’écrits glanés ça et là au cours de ses maigres recherches.
Il abordera tour à tour dans le désordre, les questions suivantes :

Quels sont les différents idiomes Dagara et leurs origines?
Quelles étaient les organisations sociales, économiques, politiques et religieuses de cette société ?
Quels sont les noms et prénoms traditionnels ?
Comment s’effectuaient les échanges (troc, cauris et autres monnaies)
Comment se transmettaient les biens en milieu traditionnel
Comment se pratiquaient l’agriculture et la chasse ?
Quelles étaient les activités artisanales ?
Quels étaient les activités ludiques et culturelles ?
Qui pratiquaient la médecine ?
Quelle était la religion traditionnelle?
Quel regard portait-on sur la vie, la mort, l’au-delà ?
Peut-on parler d’une sagesse ou d’une philosophie Dagara?
Etc,etc.

PREMIERE PARTIE : Volume I
.LE PAYS DAGARA ET SON ENVIRONNEMENT

D’autres camarades ont écrit sur les Dagara et le pays Dagara. Mais grand-père n’a malheureusement pas pu disposer de leurs écrits !Il n’en veut citer ici que les plus connus :
– Bèkuonè Der Somé Joseph Mukassa ( thèse Doctorat es- Sciences sociales , Institut catholique de Paris-Ehess, juillet 1989).
-Gbaanè Dabiré Constantin : Thèse de Doctorat en anthropologie :
« Nisaal, l’homme comme relation », tome 1, janvier, 1989.
,
– Révérend Père Jean Hébert : Esquisse d’une monographie historique du pays Dagara(1976)

1 ;Remarque liminaire.Quid des Lobi et des Dagara?

La Région du Sud Ouest du Burkina Faso occupe une superficie d’environ 13000 km2. Y vivent des populations auxquelles l’administration coloniale a donné le nom de « Lobi », nom qui leur reste encore aujourd’hui. Pourquoi avoir regroupé les ethnies Lobi, Birifor, Dagara, Dyan, Gan et autres sous l’appellation générique de Lobi , ce d’autant plus que ces derniers ne sont pas les plus nombreux et n’occupent pas le plus grand territoire du Sud Ouest ?
Il est vrai qu’elles partagent, à des degrés divers, des institutions et des cultures similaires, qu’elles ont toutes migré du Nord Ghana vers le Sud Ouest du Burkina Faso sur des territoires contigus à la même période ( XVIIIème – XIXème siècles) et qu’elles ont contracté des alliances exogamiques entre elles.

C’est que les Lobi ont conquis leur réputation en se distinguant comme d’intrépides guerriers ayant longtemps opposé une farouche résistance à la pénétration coloniale sur leur territoire alors que les autres ethnies voisines ont moins lutté contre la conquête de leur territoire par les troupes françaises . Certaines même, par peur, ont vite collaboré avec l’ennemi !
Les lobi ont donc plus marqué l’administration française d’alors que les autres ethnies qui partageaient avec euix le même territoire. En effet venus de l’actuel Ghana vers 1770, les Lobi furent suivis par les Dagara vers 1800. Ces deux ethnies ont en commun des institutions et des pratiques culturelles très proches. Elles ne possèdent pas comme les Moose (Mossi) un système politique centralisé, mais « acéphale » qui n’est pas, comme l’ont déclaré les premiers colons et anthropologues, le signe d’une anarchie ; mais ici l’ordre social ne repose pas sur l’ autorité d’un homme ou d’une institution humaine.Il est issu de puissances divines invisibles.

Ainsi la loi chez l’ethnie Dagara et Lobi se veut d’abord d’origine divine .
Par exemple, le crime de sang est-il interdit par la divinité-Terre, le Tigan , qui est sous son contrôle à l’intérieur du territoire.
Ainsi en est-il également du jet de sorts à l’égard d’autrui et des querelles sur la place du marché villageois ,formellement proscrits par une divinité spécifique.
Dans ces types de sociétés, le respect des règles de conduite nécessaires pour le maintien de la cohésion sociale se fonde sur la contrainte religieuse : la transgression d’un interdit entraîne la colère du dieu concerné à qui le coupable est tenu d’offrir des sacrifices pour expier sa faute. Sans l’expiation de celle-ci, l’individu lui-même ou l’un des membres de sa famille risque une punition plus ou moins grave pouvant aller d’une simple maladie à la mort en passant par l’échec de plusieurs de ses entreprises.
Nous aurons les occasions de revenir sur les resemblances et les différences entre les sociétés Lobi et Dagara.

Votre grand-père vous explique maintenant quel espace occupe le pays Dagara et qui est ce peuple, cette ethnie forgée au cours de ses différentes migrations.

-2.L‘ethnie et le Pays Dagara(carte)

L’ethnie Dagara a-t-elle toujours été là où elle est aujourd’hui ou a-t-elle occupé différents espaces au cours de ses migrations successives ?
Sociologues , missionnaires, historiens, administrations, nous ont souvent appelés Dagari ou Dagarti, en anglais. Mais nous-mêmes nous nous nommons Dagara dans notre langue. C’est donc l’appellation que nous utiliserons toujours dans ce livre pour désigner cette ethnie, qui occupe aujourd’hui une zone circonscrite appelée pays Dagara , Dagaraland ou Dagara-wiè .
Il s’étend vers l’est à partir du 3 ème degré de longitude ouest sur lequel il empiète ; il est centré entre le 10ème et le 11 ème degrés de latitude nord. Il les déborde d’une façon quasi égale et se répartit presque symétriquement à l’est et à l’ouest du fleuve Volta noire appelé aujourd’hui Mouhoun.
Le Dagaraland de l’est appartient à la république du Ghana et celui de l’Ouest et de la pointe du Nord-est au Burkina-Faso (Haute-Volta jusqu’en 1984).
L‘ensemble territorial épouse approximativement un losange de 250 kms du nord au sud et 110 kms d’ouest en est( voir carte)
Des liens de parenté demeurent forts entre les deux blocs ghanéen et burkinabè. Ils se constatent notamment à l’occasion des grandes funérailles annoncées de part et d’autre et des visites traditionnelles.
Par sa position géographique, le pays Dagara a constitué pendant longtemps un axe de développement de grandes voies et de moyens modernes de locomotion. Il se veut une zone de transit vers la Côte d’Ivoire et le Ghana notamment des populations du nord-ouest et du centre-ouest du pays. Beaucoup de mouvements migratoires de caravaniers à pied ou à dos d’ânes s’effectuèrent vers le Sud pour des échanges de produits tels que les étoffes tissées main, le sésame, le soumbala contre d’autres denrées telles la kola, les tissus exotiques et divers produits manufacturés ; mais aussi pour chercher du travail salarié en basse côte. Ces migrations revêtent encore aujourd’hui une grande importance économique et culturelle.

Les hypothèses sur l’origine de l’ethnie Dagara sont assez controversées. Il semblerait ( Tauxier) que le peuple Dagara soit un peuple métissé, issu de la rencontre d’une population autochtone de la région , les Dyan, et des envahisseurs Mossi. Les révérends pères Louis Girault et Jean Hébert, deux missionnaires Pères Blancs, qui ont fait des recherches sur cette ethnie avec laquelle ils ont longtemps vécu, ont critiqué cette hypothèse en se fondant sur des bases linguistiques et historiques .
Une autre hypothèse plus vraisemblable soutenue par M. Delafosse, Jean Hébert et divers récits des Dagara eux-mêmes les font descendre des Dagomba comme les Mossi.
D’un point de vue historique , cette hypothèse intègre mieux le mouvement au schéma général des déplacements des populations ayant eu lieu entre le 15ème et le 19ème siècle sur le plateau ghanéen et le sud du Burkina Faso : Dagomba, Mossi, Sissala, Pougouli, Dyan, Lobi, Turka et Gouin.
Les Mossi et les Dagara descendraient donc d’une souche commune, les Dagomba.
Une légende Dagara ne rapporte-elle d’ailleurs pas qu’un prince Dagomba, envoyé pour acheter un cheval, ne revint jamais et devint l’ancêtre des Dagara ?
Une autre veut que l’ancêtre des Dagara fut un orphelin exclu de la société Dagomba. Il fut sauvé et en vint par le hasard des choses à faire survivre ses frères au cours d’uns grande famine et à se faire reconnaître comme Joseph à ses frères . . Invité à rejoindre la société Dagomba, il déclina l’offre et devint ainsi l’ancêtre d’un groupe dissident , plutôt « révolté » , « rebelle » , d’où son nom Da-gara ( Da, deb= homme ; gara= le révolté, le rebelle. Le Dagara, c’est l’homme révolté ou le rebelle .
Les sociétés Dagara et Mossi évoluèrent séparément chacune de leur côté : Les Mossi se déplacèrent vers le nord ; tandis que les Dagara se dirigèrent d’abord vers le sud.
Les Mossi organisèrent un pouvoir central fort .
Nos rebelles Dagara formèrent une société acéphale, sans pouvoir organisé avec un chef à leur tête. Mais ils sont loin de constituer, comme on l’a trop souvent dit, une société anarchique, à l’instar d’autres ethnies voisines telles les Lobi dont ils adoptèrent les coutumes et suivirent les périgrinations vers le nord-ouest et le nord-est du Ghana pour fuir les esclavagistes de la côte et chercher des terres fertiles.
Au fur et à mesure de leurs déplacements, l’ethnie Dagara se mélangea en partie avec les Dioula pour donner à Wa aux Dagara–Dioula dont une partie évolua vers Diébougou notamment ; une autre partie se mélangea aux Lobi pour donner les Birifor.
Il y a aussi les ethnies assimilées aux Dagara telles que les Yèri dont. Certains sont d’ailleurs devenus de vrais Dagara .
Les Yèri précédaient les Dagara dans leur marche vers le nord. En effet à plusieurs endroits la chefferie de terre leur a appartenu.
Ce fut le cas de Béné, village de votre grand-père,
Nous en reparlerons un peu plus tard dans ce livre.
Mais les chefferies ont été rétrocédées aux différents clans Dagara soit sous la pression des nouveaux arrivants soit contre des cadeaux.
Le RP. J. Hébert écrit : « Pour fuir les esclavagistes ou à la recherche de terres fertiles, les Dagara-lobr se déplacèrent , repoussant leur frères Wiilé qui , à leur tour refoulèrent les Dyan et les Pougouli tandis que les Lobr faisaient subir le même sort aux Pougouli et aux Sissala » .
Souvent ces pressions furent pacifiques sauf quand le voisinage engendrait des conflits. Ces compénétrations favorisaient l’échange de certaines valeurs culturelles . Mais le fait qu’il n’y ait jamais eu de fusion laisse supposer que des différences essentielles existaient entre les groupes en présence et les Dagara, traditionnellement très attachés à leurs coutumes fondamentales.
Les Dyans furent aussi en contact avec les Dagara. En effet ils sont remonté de la région de Lawra vers le nord ouest, voisin des Pougouli jusqu’au niveau de la ville de Toumou,au Ghana. Ils furent rejoints par les Dagara,les Wiilé et les Lobr du côté Nord- est. Après le passage de la Volta Noire (Mouhoun), on les retrouve à côté des Dyan, des Birifor et des Pougouli dans la région de Diébougou au Burkina-Faso.
Le contact avec les Dioula de Wattara de Kong qui ont rayonné jusqu’à Diébougou dans leur montée vers la région de Bobo Dioulasso a battu en brèche l’animisme des Dyan et cette influence a rejailli sur leurs voisins Dagara.

4.Quid des Mossi et des Dagara ?
L’hypothèse de l’origine commune des Dagara et des Mossi avec les Dagomba devrait conférer une relation privilégiée avec les Mossi. Pourtant cela ne semble pas être le cas car leur voisinage semble beaucoup plus récent. Cela peut s’expliquer par le premier déplacement des Dagara d’abord vers le Sud du Ghana tandis que les Mossi optaient pour la montée vers le nord et pour l’acculturation aux valeurs des populations plus au nord et ceci aux dépens des cultures ancestrales d’origine comme le dit la légende , en entamant leur montée vers le nord.
Ce n’est que lors de la remontée des Dagara vers le nord et le nord -est du plateau ghanéen qu’il y eut à nouveau des contacts entre Dagara et Mossi alors que d’autres populations comme les Gourounsi et les Pougouli et autres ethnies s’étaient déjà interposées entre eux.
La rencontre des Dagara avec les Mossi eut lieu d’abord à l’occasion des voyages de ces derniers vers le sud Ghana où ils allaient échanger ou vendre leurs produits. Ce n’est que petit à petit que des groupes Mossi de plus en plus nombreux se sont infiltrés dans les populations avoisinantes grâce au commerce sur les marchés. De nos jours , ils ont pu ainsi s’installer à Dano, Dissin et Wèssa , carrefour des populations à l’entrée du Ghana ainsi que dans les zones tampons entre Dagara et Gourounsi à l’est vers Léo et entre les Dagara et les Pougouli au nord du pays Dagara vers Founzan.
Il existe une affinité de parler entre Mossi et Dagara, même si les deux groupes ne se comprennent pas au premier abord, mais on observe une profonde différence de coutumes notamment dans la célébration des funérailles, et de l’organisation politique et sociale.
Si du point de vue des croyances, il peut y avoir des similitudes , comme d’ailleurs dans toute l’Afrique Noire : exposition du défunt, rites de présentation des honneurs et des offrandes au mort, de séparation et de purification, etc, il existe de très nettes différences des pratiques.
Il en est de même de l’organisation politico-sociale des deux groupes : la société Mossi est très hiérarchisée avec à sa tête le Moro-Naba, alors que celle des Dagara est acéphale sans chef reconnu.
Dans le passé, les Dagara ont entretenu aussi des rapports avec les Peulh.Ils leur confiaient la garde de leurs bœufs contre rémunération en nature. Mais les mésententes entre agriculteurs Dagara et éleveurs Peulh ont conduit ces derniers à se déplacer vers d’autres cieux plus favorables à leur élevage
Les Sissala, aux maisons regroupées, comme les Dioula , ont été repoussés vers le Nord-est du pays Dagara après de violents conflits relatifs aux chefferies de terre.
Au Ghana, les Dagara vivent au contact de populations aux dialectes différents mais qui arrivent tant bien que mal à se comprendre : les Waalè, les Dègabè et dans une certaine mesure les Dagomba.
Ainsi les premiers Dagara convertis au christianisme et de nos jours ceux du Ghana, récitent encore les prières en dialecte Dègabè.
5.Quelles influences toutes ces populations ont eu sur le groupe Dagara ?
Il est légitime de penser, que la rencontre des Lobi, des Yeri, des Dioula, des Dyan, des Mossi, des Pougouli, des Sissala , des Peulh par les premiers Dagara a entraîné une certaine acculturation. Des emprunts , des synthèses, des changements importants sont intervenus. Il est difficile d’évaluer précisément l’héritage pour les Dagara de leurs contacts avec toutes ces ethnies.
Mais on a pu remarquer leurs rapprochements avec les Lobi, les Yèri, les Birifor tandis que les Dèga- Dioula, muslmans la plupart , se sont éloignés d’eux.
Ces nombreux contacts, ajoutés à la position géographique du pays Dagara, voie de passage privilégiée entre le Burkina Faso et les pays très fréquentés pour les émigrations saisonnières que sont le Ghana, et la Côte d’Ivoire, donnent aux Dagara une grande facilité d’acculturation et un esprit généralement ouvert.
Il ne faut donc pas s’étonner de l’adoption de la religion chrétienne , la facilité d’adaptation aux nouvelles technologies de communication : radio,téléphones portables, groupes électrogènes ; l’adoption de l’habillement moderne au détriment du costume Dagara. La principale fête traditionnelle, le « Bourgnièn » ou fête des récoltes, a été confondue avec la fête de Noël appelée « Bourgnien » .
Les Dagara ont beaucoup emprunté aux populations voisines :
Ils ont échangé par exemple le tambour Dagomba,contre le xylophone Lobi, adopté la poterie Yèri. Aujourd’hui, avec l’usage du cercueil, les tombes rectangulaires se multiplient , et remplacent les tombes circulaires traditionnelles. Aujourd’hui, on y enterre des morts vénérables alors qu’autrefois les tombes rectangulaires étaient réservées aux esclaves .
Les Dagara auraient-ils eu des contacts avec des étrangers de race blanche de religion chrétienne au sud du plateau ghanéen où ils ont d’abord migré avant de remonter vers le nord, sous la poussée probablement du mouvement esclavagiste?
Certains éléments culturels tels le récit de la création chanté par les initiés au cours des rituels du «baor » ou initiation, le signe de croix traditionnel , symbole de la puissance et de la protection, font penser qu’ils ont pu avoir, selon le R.P. Hebert, des contacts avec des Portugais sur la côte notamment dans la région d’Accra d’où ils disent être remontés.
Nous reviendrons plus amplement sur la question par la suite.
Le catholicisme amené par les Pères Blancs a été très bien accueilli par les Dagara et a marqué d’une empreinte profonde la vie spirituelle et culturelle Dagara .
L’influence européenne sur les Dagara date de l’occupation coloniale. Les anglais parviennent les premiers par l’actuel Ghana jusqu’à la région de Gaoua avant l’arrivée des Français qui interviennentt vers la fin de l’année 1897 après avoir sillonné à leur tour l’extrême nord du Ghana actuel.
En dépit des tentatives d’acculturation voire de déculturation, l’homme traditionnel Dagara demeure rigoureusement attaché à ce qu’il considère comme l’essentiel de sa coutume.Les Dagara sont restés eux-mêmes sans pour autant se replier sur eux.
Certes, ils n’ont pas combattu l’occupant français aussi farouchement que leurs voisins Lobi. Ils se sont soumis plus tôt à l’administration coloniale en se convertissant massivement à la religion chrétienne tout en maintenant leurs croyances traditionnelles .
Les Dagara ont su ainsi conserver le souci d’une certaine pureté de la coutume et des conduites , qui seraient à l’origine de la différenciation du groupe.
Ce sont les fondations de cette identité qui se manifestent singulièrement à l’occasion de la mort et des rites funéraires.
Votre grand-père vous le racontera un peu plus tard.
Néanmoins, il y a une évolution constante des coutumes en fonction des zones dialectales que sont les Wiilé,les Lobr et les Birifor.
La distinction peu exacte entre «Dagari » et Wiilé n’est pas pertinente. En effet les Dagara se subdivisent en deux zones dialectales du moins au Burkina Faso : Les Dagara –Lobr et les Dagara- Wiilé appelés plus couramment Lobr et Wiilé. Les dénominations de ces deux dialectes remontent au temps de leur séjour au nord Ghana où les deux sous-groupes occupaient des localités voisines :Lawra pour les Lobr, Ouli pour les les Wiilé ou oulé. Mais en fait, il semble que ces appellations proviendraient de la position occupée par les deux sous-groupes dans leur remontée vers le nord et désigneraient en quelque sorte l’avant et l’arrière garde, les Wiilé étant toujours à l’avant-garde des déplacements successifs pour montrer(woul,oul), ouvrir la voie au Lobr.
A cette interprétation se rattache celle , légendaire qui fait de « Oulé » le nom de l’envoyé Dagomba auprès de l’orphelin expulsé devenu l’ancêtre des Dagara pour lui indiquer(Woulu ou oulo) le bon chemin
C’est sans doute en vertu de cette mission assignée à l’ancêtre que le groupe Wiilé ou Oulo a toujours ouvert le chemin avant que les Lobr ne les suivent.
Le parler Wiilé plus ancien que le parler Lobr s’apparente davantage au Waalè et le Lobr au Dègabè de Girapa, deux dialectes très proches du Dagara actuel dont seraient issus les deux sous groupes présents aujourd’hui au Burkina-Faso.
Mais avec Carola Lentz, il est permis de se poser la question de l’existence d’ une ethnie Dagara ou de différents groupes claniques aux parlers quelque peu différents qui se sont rejoints, regroupés pour défendre des intérêts communs ou qui ont conclu des liens matrimoniaux croisés de plus en plus complexes .
L’administration coloniale , les élites locales ensuite ont contribué à la création de l’ethnie par des regroupements des différents clans ayant approximativement les mêmes parlers.

6.La répartition géographique de l’ethnie Dagara dans le Sud-Ouest du Burkina-Faso .
( voir carte).
Elle occupe les provinces du Ioba, de la Bougouriba, du Noumbiel et dans une moindre mesure le Poni. La majorité se trouve dans le Ioba.
Les Dagara- Wiilé occupent le nord du pays Dagara et dans le sud, les rives de la Volta Noire dans les régions de Legmoin et Wa.
Ils sont dans les provinces du Ioba, du Noumbiel, et très peu dans le Poni surtout peuplé de Lobi.
Dans le département de Dano ils constituent les villages de Balembar, Balembar –Goran, Balembar-par, Compla, Dano, Dayèrè, Batiara, Gnigbana, Gnikpière , Kobar, Kpélégane, Manzour, Ourgane , Sarba , Sorkon Tambalan, Tamiri, Tamirirkpere, Tessiougane , Wadiélé, Yèrè gane Yo, Zouziègane
Ils sont également dans les départements de Guéguéré et de Oronkua.
Les Dagara –lobr se retrouvent au Nord-Ouest de part et d’autre du fleuve,
essentiellement dans les provinces du Ioba et de la Bougouriba,
Ils sont dans les départements de Dissin, Niégbo, Zambo, Ouessa et Koper.
Koper est en même temps une commune composée de 19 villages (Babora , Béné, Bingane, Boulmonteon, Dalgane, Dibogh, Gorgane, Gourpouo, Koper,Kpaï, Lopal, Mémer, Mougnoupèlè, Pirkuon, Tankpè, Toukpouo, Zingane , Zoner, Zopal)
Le département de Dissin comprend 23 villages dont Kpomane :Bagane, Benvar, Bilbalè, Dakolé, Dissin, Done , Gora, Kankampèle, Kokolibou, Korgnègane, , Kouléteon, , Kpomane, Kpoperi, Mou , Nakar , Lamare , Natièteon , Navrikpè,Ouizine , Saala , Tangsèbla, Tolèper, Zodoun- Tampouo.
Les Birifor se répartissent dans le Noumbiel, le Poni et la Bougouriba.

7.Les structures de la société Dagara

A la base de l’ethnie Dagara comme dans toutes sociétés africaines traditionnelles, il faut placer l’homme, non pas en tant qu’individu, mais comme membre d’un groupe englobant les hommes ( Ni-saal,) les animaux, les végétaux, le monde inanimé, les esprits. Ce thème est développé par l’abbé Gbaanè Dabiré Constantin (1983) , disparu malheureusement trop tôt (2014) !
Selon la conception Dagara, l’homme est le centre d’intérêt de toute action, quel qu’en soit le domaine.
Une communication permanente est maintenue avec les forces surnaturelles et les ancêtres. Ceux-ci jouent le rôle d’intermédiaires auprès des divinités qui sont chargées d’intercéder en faveur des hommes s’ ils respectent leurs volontés.
Toute l’organisation sociale et d’une façon générale toute l’activité de l’homme Dagara sont conçues pour une pérennité de la vie au niveau de l’individu et surtout au niveau du groupe.
L’anthropocentrisme est une forme d’animisme projetant la psychologie de l’homme et son subjectivisme sur ce qui compose la nature : les êtres inanimés, les végétaux, les animaux et les nombreux génies (kontonmè) des montagnes , des rivières, des arbres et des maisons .Tout peut manifester son existence par la participation à l’action humaine, dans une interdépendance généralisée, cosmique de l’ordre du symbolique plutôt que du déterminisme des causes et des effets.
-Cet anthropocentrisme sert même de modèle à la vie dans l’au-delà. Si elle est de repos et de bonheur, la vie des ancêtres (Kpinmè) n’est pas autrement conçue que celle d’ici sur cette terre des « vivants ».
Les cérémonies de funérailles ont pour but de garantir la continuation de la vie tant pour l’individu que pour le groupe social dans son passage de la vie à la mort.

8.Croyances et conceptions Dagara de l’homme

a. L’homme , composé d’un corps visible (yawn-gan) et d’une entité invisible(siè).
Les croyances Dagara situent, d’emblée, l’homme au carrefour du visible et de l’invisible.
Nous le reverrons plus en détail dans le traitement des funérailles Dagara.
Au milieu des êtres de la nature, l’homme Dagara ou « nir »,
« deb »( Lobr) ou « daba » (Wiilé) pour le masculin et « pow » pour la femme, possède plusieurs états ou modes d’être correspondant en quelque sorte à des degrés d’existence.
Il est bien différent des autres êtres de la nature. L’animal possède lui aussi le « vuuru » ie le souffle vital, mais pas d’humanité ;
Aussi on appellera l’homme, l’adam,ou l’humain ,« Ni- saal »
Pourquoi avoir ajouté au terme nir celui de « saal »
Le terme « saal » précise la qualité d’être sans poil, lisse ( saal ) ,mais aussi et surtout la perfection ontologique ( saal= parfait, excellent).
C’est pourquoi le terme « ni-saalu » s’emploie à propos d’un jugement d’ordre moral: « Ni-saalu tomé na fu toon » ( tu as agi en homme).
Il se comporte comme un« Nir », ou mieux comme un « ni-saal » disposant d’abord d’un corps matériel bien visible dont le premier degré est le « yawn-gan », comprenant deux parties :
le« gan » ou peau non velue , à l’extérieur et à l’intérieur le yawn que protège la peau fait de muscles,os, sang, et autres constituants d’un corps humain autre que la peau !
b.La partie invisible de l’homme.

L’homme possède d’autres formes d’existence qui se passent du « yawn-gan » du moins sous la forme-décrite ci-dessus !
Le « siè » dont l’apparence est le « yawn-ziè » ,ou corps rouge « ziè ». par analogie avec l’animal écorché. Mais il ne s’agit pas ici à proprement parler du «nèn » ou viande car ce yawn –ziè vit par le souffle qui est en lui( le vuuru) . Mais il y a plus ! Il est séparable du corps en tant que matière informée , toutefois incapable de subsister tout seul dans sa forme de «siè », élément ou corps physique second invisible de l’homme normal , mais visible par les sorciers et les voyants ( bons sorciers qui ne font pas de mal).
Les sorciers quant à eux peuvent le saisir pour « en faire la manducation » car le Dagara utilise bien le terme owbr signifiant croquer alors que manger se dit normalement di.
Le séjour du « siè » hors du corps est limité. La nuit, durant le sommeil, le « siè » peut s’absenter du corps. C’est le moment rêvé par le sorcier pour s’attaquer à leurs victimes.
Certains par contre estiment que seuls les « siè » des sorciers peuvent sortir de leur corps à la recherche de proies à dévorer.
Les « siè » des personnes ordinaires, tout en s’absentant, durant le sommeil gardent un certain seuil de perception et donc de présence.
Les modalités d’existence du « siè »,engendrent toute une gamme de croyances qui seront relatés plus loin .
A l’approche de la mort, le « siè » quitte le corps, parfois assez longtemps avant le décès, pour mener une vie errante de quelques mois pour le « si-pla », ie le siè blanc à quelques années pour le « si- sèbla » ou le « siè noir ».
Le corps abandonné par le « siè » n’est que le « gan », la peau, apparemment vivante, mais en fait déjà mort , même s’il accomplit toujours les fonctions biologiques : « C’est un mort vivant ».
De même le « siè » sans le corps est un mort en sursis. En effet le « yawn-gan » sans le « siè » constitue une forme déchue de l’existence humaine.Cet état d’homme devenu « fofor » ou « ni-fofor », ne présente plus qu’une apparence, en quelque sorte un fourreau ou une enveloppe ou coquille vide .
La religion chrétienne, dont l’empreinte sur la culture Dagara est indéniable, a identifié le « siè » à l’âme immortelle, objet de salut ou de damnation, différente en cela de l’âme végétative et sensitive que distinguent Aristote et Descartes comme principe de la vie végétale et animale.C’est le souffle (vuuru).
Par leurs croyances, les Dagara , pensant que le « siè » est doté de chair seconde, saisissable et « manducable », se prémunissent contre sa perte. Mais convertis à la foi de la nouvelle religion chrétienne, ils veulent, paradoxalement, bien admettre l’identification du « siè » avec l’âme immortelle !
Faut-il y voir une incohérence ?
Pour le moment faisons comme si l’assimilation siè – âme était juste !
le « siè » possède le souffle car c’est par son souffle que le sorcier peut le chasser de son « yawn-gan » pour mieux le dévorer.
Aussi il n’est-il pas permis de souffler sur quelqu’un. On ne sait jamais !
Par ailleurs le sorcier, parfois pour masquer son attaque, emprunte la forme d’un tourbillon.
Oh une sorcière ! Ecartez-vous-vous ! Elle est très pressée . Ouf , elle est passée . »
Méfiez-vous des tourbillons de poussière qui empruntent la route aux heures les plus chaudes du jour. C’est le véhicule idoine des sorcières lorsqu’elles sont particulièrement pressées, tiraillées par la faim et à la recherche d’une proie à dévorer.
Elles emportent le « siè », des personnes imprudentes ou distraites au creux d’un arbre où elles s’engouffrent pour le croquer, loin des regards indiscrets !
Passez donc votre chemin . » Gare aux enfants trop curieux qui se risqueraient à venir les déranger .
Cette façon de penser n’est pas propre qu’aux seuls Dagara, mais à l’Afrique sub-saharienne toute entière.
Dans les croyances Dagara, le souffle n’est qu’un médium de manifestation du « siè » .
Le « siè » en lui-même représente l’essentiel de l’homme, tout en ne restant qu’une composante de l’être humain.
Lorsqu’une personne meurt, son « siè » abandonne le « yawn-gan » .
Les premières funérailles ont pour but de conduire « l’âme » devenue un « gniankwiin »( fantôme) vers le séjour des ancêtres.
Cependant , lorsque le sorcier « croque » le « siè » d’une personne, l’élément d’identification de l’homme va tout de même au séjour des ancêtres.
Le « siè » n’a pas d’existence possible sans le « yawn-gan » qui constitue son siège, sa survie et sa protection. Mais sans lui, le « yawn –gan » n’est qu’une enveloppe vide, déchue, vouée à la désagrégation.
Inversement sans le « yawn-gan », les jours du « siè » sont comptés.
-Il semble donc que l’existence du « siè » soit incompatible avec la mort du corps physique.
Alors qu’ont-ils donc de commun le « siè » dans la conception Dagara et l’âme immortelle des philosophes grecs et des chrétiens ?

2).Le le Kwiin et le « Gnyankwiin »
Pour la croyance Dagara, ni le « yawn-gan » ni le « siè » ne vont au séjour des ancêtres après la mort. Seul le « kwiin » y a accès.
C’est donc la notion Dagara qui semble correspondre le mieux à celle d’une âme immortelle sauf à admettre que le kwiin récupère le siè de la personne une fois morte !
Dans la croyance Dagara, on ne parle pourtant plus de son siè après la mort d’une personne , mais plutôt de son kwiin
Le « kwiin » est de fait l’être de l’homme dégagé de son corps et de ses soucis vitaux. Il se réfère à une réalité post-mortem et spirituelle. Sa destination est le pays des ancêtres ou kwiinmè-teeng où il continuera à s’occuper de la destinée des siens restés sur la terre des vivants.
Le « kwiin » devenu un membre de la famille, est représenté par le « bois ancestral » ou « kwin-daa » fourchu pour le mâle et le « da-mwuol » bâton non fourchu pour la femme.
Les ancêtres ( kwiinmè) ont droit à un culte lors de deux fêtes annuelles, après la récolte et à l’approche de la reprise des travaux des champs avant le début de la saison des pluies .
Ils sont consultés régulièrement, pour les évènements importants de la vie des leurs comme par exemple avant les funérailles d’un membre de la famille; également en cas de dangers, de malheus, etc, et chaque fois que le devin le préconise.
La vision d’un « kwiin » pendant le sommeil donne lieu à une consultation d’un devin qui précisera la volonté de l’ancêtre et la nature du sacrifice à faire.
Qu’est-ce qu’un Gnyankwiin ?

C’est le kwiin non encore admis au pays des ancêtres et qui n’a donc pas encore acquis les qualités d’un kwiin .Il est donc appelé gnyankwin(nouveau kwiin)
Il est considéré par le Dagara comme un être errant , contrarié, voire méchant, jaloux de ses biens et de sa(ses) femme(s) !
Le gnyankwin est la forme d’existence de l’homme ayant perdu son « yawn-gan », son corps physique visible, du moins pour le commun des mortels car certaines personnes peuvent les voir !
Il reste néanmoins un être terrestre, mais désormais invisible.
Il prétend encore aux mêmes relations que de son vivant ,
Il n’a, en effet, pas encore quitté l’univers terrestre.
Il n’a pas encore atteint le pays des ancêtres.
Il est encore entre deux mondes , ni homme ni ancêtre !
Il se comporte comme s’il était omniscient , tout puissant vis-à-vis des humains encore sur terre.
Il ne laisse rien impuni tant il a une perception claire, éclairée ( gnyan) des choses.
Il exige des vivants que toutes ses volontés soient accomplies,
que toutes les réparations soient faites pour qu’il puisse parvenir au doux pays des ancêtres.
Il est comme frustré d’où sa méchanceté.
Ce « revenant », le tout nouveau kwiin a encore des besoins à satisfaire notamment ceux de se nourrir.
Aussi est-il servi comme de son vivant sur la terrasse de la maison où il lui est déposée sa part de nourriture.
Certains « gnyankinmè » vagabondent , piétinent les dormeurs encore à demi éveillés et peuvent cracher ou salir la nourriture qu’ils sont en train de manger.
Seules certaines personnes les perçoivent, non sans danger .

En principe le Gnyankwin d’un individu peut être perçu quelque temps avant sa mort tout comme le « siè ».
Le « siè » en souffrance s’échappe déjà quelque temps avant la mort de l’individu.
On distingue le « siè » à la tête rasée à l’arrière de l’oreille vers la tempe : c’est le « si-sebla ou le « siè noir ». Le malade peut encore vivre un maximum de 4 ans .
Le « si-pla » ou le « siè blanc » a la tête entièrement rasée avec une touffe de cheveux au milieu du crâne : pour la personne concernée, la mort est alors imminente .

La rencontre avec un gnyankwiin
Méfiez-vous des lieux où vous pourrez rencontrer les gnyankwinmè .
Vous les trouverez notamment dans les grands rassemblements tels que les funérailles, les marchés, les manifestations festives, les endroits très passants comme les grands chemins .
Vous les reconnaîtrez facilement à leur ombre portée ou « dasulé » dépourvue de tête.

c.Mais qu’est-ce que le « dasulé » pour un Dagara ?

Au plan physique, c’est l’ombre portée d’un objet projeté sous l’effet d’un éclairage naturel (soleil, lune) ou artificiel comme l’éclairage d’une lampe.
Mais pour le sorcier Dagara par exemple , le « dasulé » peut être considéré comme le signe de présence de son « siè » et dans laquelle il est imprudent à un inconnu de pénétrer sous peine de se faire attaquer.C’est ainsi qu’il est par exemple interdit en pays Dagara d’enjamber quelqu’un, voire même une bête ou tout objet capable d’agir car il peut y avoir communication de maladies à celui qui est enjambé par celui qui enjambe .
Mais en fait, la maladie n’est qu’un aspect secondaire du « dewr », ie de « la saleté » en Dagara que quelqu’un peut vous communiquer en vous enjambant , en entrant en communication avec vous par son « dasulé », son ombre portée.
d.La « saleté » ou « dewr »

Pour un Dagara, c’est d’abord la saleté physique d’un endroit, d’un habit, d’un corps, etc.
Puis ce terme a vite dépassé le cadre physique pour désigner ce que tout homme vivant est capable de sécréter et de rejeter à l’extérieur, toutes les ordures ménagères de l’homme, les déjections animales et tous les déchets jetés autour de la maison pour servir de fertilisants aux cultures faites autour de l’habitat dans le champ dit de case.
Mais à un autre niveau, l’homme sécrète une saleté plus intime telle la sueur, les sécrétions bucco-nasales , voire génitales.
Ce niveau de « saleté » devient partie intégrante de la personne et constitue une sorte d’expansion de son être à travers son environnement immédiat et une extension de lui-même à ses objets familiers et à ceux avec qui il entre quotidiennement en contact intime et auxquels il communique ses « saletés »
Cette imbrication avec les êtres de son entourage se réalise par degré, selon l’intimité même de la relation qui le crée.
La « saleté » tend ainsi à devenir plus subtile. C’est ainsi qu’une interdépendance ferme existe entre un mari et sa femme qui, par la relation sexuelle, réalisent l’échange le plus profond de « saleté ».
Elle lie également l’homme et ses vêtements, et ses outils usuels : tels que : arc, carquois, daba (houe), canne, oreiller, etc. autant d’objets à purifier ou à faire disparaître pour que l’enterrement du mort soit complet .
Cette notion de « saleté » est fondamentale pour expliquer les relations sociales , notamment les comportements dans les funérailles .
Elle peut également servir de point de départ pour expliquer la conception Dagara de la vie morale dans la mesure où elle se généralise dans le concept de l’autre alors que l’idéal Dagara de la vie sociale et morale , c’est d’ être par soi-même ( so fo tuora).
Il convient donc pour le moment de vous préciser que la présence du « dewr » d’un individu sur un autre matérialise l’interdépendance entre deux êtres. C’est une manière d’héberger son autre , mais cela les rend vulnérables l’un à travers l’autre et particulièrement l’un par l’autre.
C’est ainsi que l’adultère nécessite une purification de la femme fautive, du « dewr » de son partenaire occasionnel qui l’a contaminé, soit par le sang ou par le feu ou par les deux à la fois.
En cas d’adultère, un sacrifice expiatoire est offert aux ancêtres invoqués lors de l’admission de la nouvelle épouse au foyer.
Dans certains clans, avec le caleçon ou le pagne du couple adultérin , un feu est allumé, que l’épouse infidèle est invitée à enjamber.
Elle peut aussi être fouettée jusqu’au sang. Dans tous les cas, le procédé expiatoire implique une purification du « dewr » étranger par le sang ou et par le feu.
Dans les funérailles notamment ,comme vous le verrez plus tard, la référence au « dewr » est fondamentale.
Toutefois, il convient d’ores et déjà de mentionner que les rites des funérailles ont essentiellement pour but d’une part de protéger les vivants porteurs du « dewr » du défunt, de peur que celui-ci ne revienne les emporter dans l’au-delà. Aussi les purifie-t-on du « dewr » du défunt qui, s’inscrusterait sinon dans le groupe social. D’autre part, le défunt est lavé du « dewr » des vivants et de celui de ses mauvaises actions passées.
Ainsi lorsqu’un membre du village décède loin de chez lui et que le retour de son corps s’avère impossible, tout objet considéré comme le « dewr » de l’individu pour le contact intime qu’il a eu avec lui, vêtements, outils de travail, couchette, photos, etc. peut prendre la place du cadavre au moment de l’exposition.
Mais dans la tradition, l’intention est surtout de présentifier le mort par son « dewr » et non par sa ou ses photos comme cela se fait aujourd’hui.

e. L’ intelligence humaine.

La première caractéristique psychologique de démarcation entre l’homme et l’animal, dans les croyances Dagara, c’est l’intelligence, le « ian » plutôt que la pensée ( tièru).
Les animaux ( doun) et les objets inanimés sont censés être dénués d’intelligence.
L’intelligence est la faculté de l’homme et des êtres supérieurs, génies de la brousse ou, kontonmè, les esprits et les divinités . Elle est aussi la capacité d’adopter des comportements pratiques devant des situations concrètes.
L’imbécile manque d’intelligence : c’est donc un (dan-bol-sob) ou l’homme qui possède la bêtise ou la sottise » :
« fo bol a » , « tu es un imbécile » ou sous forme interrogative : « Fo bola bi ? » « Es-tu un imbécile ? », a-t-on l’habitude de dire aux enfants lorsqu’ils ne cessent de faire des bêtises ou plutôt des sottises.

f.L’homme et la pensée ( tièru).
« Tièru » , c’est peser le pour et le contre ; juger en vue de trouver le convenable ; découvrir le faisable tant du point de vue pratique que moral ; la conformité avec la tradition .
C’est aussi chercher le sens des évènements et des choses : « u niè na tièri tô ? » ( a-t-il seulement pensé jusqu ‘au bout ? ) , s’inquiète-t-on devant la légèreté d’un homme qui s’engage sans avoir bien réfléchi et sans avoir pris en compte le point de vue des autres et partant sans égard aux conséquences de son acte.
La pensée a donc pour référence le sujet pensant comme objet, mais aussi la tradition représentée ici et maintenant par la société plus ou moins élargie , celle des frères, des amis, des alliés et des étrangers , mais aussi celle de la volonté des ancêtres, dans l’au-delà.
La qualité de la pensée va dépendre de l’efficacité de trois facteurs :
D’abord le sujet pensant :
Quel est son degré ontologique ?
-Est-il dans la plénitude de son être doué d’intelligence , « ian sob u. ou « o bani ian » littéralement « il possesseur d’intelligence » , « il est intelligent » et non pas assujetti à quelque faute sordide qui chasse son « siè » de sa demeure.
-N’est-il pas oublieux de son devoir envers les esprits qu’il héberge dans sa maison ( les kontonmè ou les tibè ) et surtout envers les ancêtres( les kpiinmè) ou redevable au « Tigan » ( la divinité –terre) ou au « Saa », (la divinité –ciel) ?
Auquel cas, il appartient au règne de la folie plutôt que de la sagesse .
-N’a-t-il pas commis un crime de sang contre un frère, ce qui le dissocie du groupe et l’éjecte dans la brousse le privant de la sève nourricière des kpiimè ou ancêtres qui alimentent sa pensée ?
Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir la même profondeur dans la perception des choses.
Le « voyant » ou le devin excèle plus que l’homme du commun , considéré souvent comme « aveugle » ou plutôt non voyant

9.Le Dagara, homme à l’esprit rebelle, indépendant, individualiste ? ou au contraire, homme très dépendant d’ une société très hiérarchisée ?

L’attitude Dagara face à la liberté peut paraître contradictoire.
En effet , ce qui frappe ou choque les étrangers , c’est la liberté de comportement , l’indépendance d’esprit qui la caractérise. Certains parlent même d’esprit anarchique .
Pour un Dagara ,en effet, un homme n’est pas supérieur à un autre ni une femme supérieure à une autre.
C’est dit-on la colonisation qui a imposé des chefs et ce faisant, à la base de l’inégalité entre les humains .
Ne dit-on pas : « Tout ce qu’un Dagara est en mesure de faire, un autre Dagara peut aussi le faire et cherchera à le faire »?
Des armées Dagara n’ont pas manqué d’opposer une résistance parfois farouche au colonisateur (à Pirkuon, Nakaar, etc.)
Mais paradoxalement , ce goût de liberté s’accompagne d’une dépendance étonnante à tous les niveaux des rapports sociaux :
C’est ainsi qu’on découvre dans la société une hiérarchie selon le sexe, l’âge et la génération.

10.Pour un Dagara,les femmes sont-elles inférieures aux hommes ?

« Deb bè ter lé », « un homme(vir) n’est jamais petit » dit un proverbe Dagara :ie « la valeur d’un homme n’attend pas le nombre d’années ».
par contre une femme devra attendre d’avoir quatre à cinq enfants au moins pour mériter considération dans la famille de son mari et donc y être intégrée et elle devra en plus attendre d’être vieille pour être considérée comme définitivement acquise et commencer à être associée aux affaires de la maison de son mari.
On explique cette discrimination entre homme et femme par le fait que tant qu’une femme n’est pas vieille, elle peut encore procréer,et susceptible de quitter la famille de son mari pour aller se remarier ailleurs .
Elle n’est vraiment sûre que lorsqu’elle devient vieille et qu’elle a de grands enfants.
Mais dans le mariage c’est la femme qui transmet son bèlu ( nom matrilinéaire) à ses enfants .
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11.Hiérarchisation par générarations et classes d’âge

Chez les hommes, la génération dans laquelle ils sont nés compte beaucoup plus que l’âge réel des individus. De même âge, le plus grand sera toujours celui de la génération la plus ancienne. Même plus jeune, le garçon de la génération précédente aura la préséance sur le plus âgé .
Au niveau de la société, c’est la consécration de la gérontocratie.
On n’outrepasse pas la « bouche » d’un ancien, c’est à dire la parole d’une grande personne, on ne désobéit pas à un ancien du lignage, de la société , les enfants ne désobéissent pas à un adulte…
Dans la société , le clan, l’autorité commence d’abord par les anciens, c’est à dire les plus âgés de la génération la plus ancienne et ainsi de suite.
Le chef de terre, le « Tigan-sob » est en principe le plus ancien par le rang générationnel et par l’âge, de la plus ancienne famille fondatrice du village.
Ainsi à Béné , votre grand père fait partie de la famille du chef de terre. Il sera chef de terre théoriquement lorsque tous les hommes de la génération d’avant, tous ses oncles l’auront été du plus âgé au plus jeune.
On passera alors à la génération de grand -père en commençant par le plus âgé . Grand père théoriquement est classé en troisième ou quatrième position dans l’ordre de succession de la chefferie de terre de Béné .
Mais comme il ne réside pas au village, il laissera sa place .
Raphaël Simon Kusiélé ou Eli Jean Kusiélé Somda , si vous voulez devenir chef de terre de Béné, il vous faudra attendre encore très longtempsvotre tour .
Mais vous avez le droit d’y prétendre.
Louise et Julia, les femmes peuvent ,théoriquement, être chefs de terre , mais il faut auparavant que tous les hommes de sa famille aient disparu. Une telle probabilité, vous le reconnaitrez,est infime.
Ainsi toute la société est soumise à un système de règles, de normes, de jugements , en un mot à la tradition omniprésente et personne ne rêve d’y échapper.
Cependant, l’excellence par les hauts faits est suceptible d’engendrer un chef technique , le kara-za, le plus fort, le plus valeureux, dans un domaine donné tel :
le « baor- bour- kara »,ie « le plus fort dans l’art de la divination » ;
le « bow-tou-kara », « le plus fort dans le forage des tombes » ;
le « na-kiin-kara » , « le plus fort des bergers » ;
le « kara –za », « le plus fort de tous ». C’est lui qui devient le chef désigné des armées en cas de guerre.
Un Dagara sait cependant, en cas d’abus de pouvoir, se révolter , se rebeller, fidèle à la réputation historique de son nom.

12.L’esclavage dans l’histoire des Dagara
Lorsque les circonstances l’exigeaient ( en cas de famine par exemple ) ,avait lieu la vente en esclavage (Gbangbaalu) d’un individu à une personne d’un autre clan ayant le même « bèlu ».
C’était plutôt par abus de parenté matriclanique car on vendait très rarement des parents directs de même patriclan ; mais on le faisait en usurpant le droit de propriété ou « gban-diru » au sein d’un même matriclan. Par contre , on n’osait pas vendre une personne d’un « bèlu » différent du sien car, on se serait attiré la vengeance de son groupe matriclanique.
L’esclave ( Gbangbaa) perdait sa liberté et ses noms patri et matriclanique pour ceux de son maître. Sa réintégration au sein de ses groupes passait par le paiement d’une « dette de rachat » au chef de terre, le « tigan-sob » faute de quoi son statut social était définitivement perdu et en cas de décès, il n’avait pas droit ni à des funérailles ni même à l’enterrement d’un homme libre. Il n’avait pas droit à une tombe rituelle, et il était enterré à la va-vite dans une tombe rectangulaire près d’un marigot qui, en saison des pluies pouvait charrier ses restes. C’est la dispersion ontologique, sanction extrême réservée également aux sorciers, aux grands voleurs et aux criminels de sang bannis .
Comment concilier cette expérience Dagara de dépendance et le sentiment profond d’égalité en droits et en liberté ? Ces paradoxes ont surpris le colonisateur. Il a d’ailleurs, imposé des chefs de village et de canton à une population qui, auparavant, n’en avait jamais eu.
Comment comprendre cette dépendance traduisant une soumission totale à la tradition et à son ensemble de valeurs et de règles consacrant l’ordre social, l’ordre des « sankom-minè-nuor », c’est à dire « l’ordre des ancêtres », mais aussi l’ordre du cosmos, de diverses divinités et de différents esprits dont le « Namwin » , le chef des dieux présidant l’existence de tous les êtres créés ?
Garante de la vie en société, cette soumission n’est pas à considérer comme la négation de la liberté mais sa condition, même si elle privilégie en premier lieu une liberté collective plutôt qu’individuelle.
C’est ainsi que l’esclavage a pu être toléré dans la mesure où les revenus de ce commerce contribuaient à sauver la vie du groupe familial.
Néanmoins cette dépendance peut voler en éclats pour des aspirations profondes de l’individu :
Tel jeune homme s’enfuira à l’étranger (Ghana, Côte d’Ivoire) à la recherche d’un travail et surtout d’un contexte social qui le libére de l’autorité de son père ou des anciens de la famille , voire du clan ou du village.
Telle femme exaspérée finit par se sauver de la famille de son mari pour rejoindre son propre patriclan.

13.Comment un Dagara conçoit-il sa vie?

a.Quelles sont les qualités qui permettent d’apprécier un homme ou une femme dans la société ?

En premier lieu, un homme de bien doit être physiquement normal.
Les enfants frappés de dysmorphie étaient transpercés d’une perche quelque temps après leur naissance, puis jetés dans un buisson touffu.
Les imbéciles ( dan-bolé) , incapables de s’intégrer socialement étaient abattus à la faveur de quelque méfait commis !
Un sort similaire attendait les malfaiteurs, les sorciers, les voleurs, les traîtres,….
L’homme de bien est capable d’une bonne intégration sociale.
Dès le plus jeune âge, l’éducation de l’enfant est prise en charge par le groupe des parents et par toute la société.
Il est très mal vu qu’un père ou une mère désapprouve la correction donnée par une autre personne, à son enfant.
L’enfant en grandissant apprend que la dépendance exigée de lui par la société est la condition de son devenir et de sa liberté . Mais il peut aussi ressentir l’exploitation dont il est l’objet comme une perversion abominable du système qui mérite la révolte.
Un homme , une femme doit être capable d’exécuter les travaux qui relèvent de son ordre de manière à se suffire à lui-même et ne dépendre de personne.
La fierté du Dagara consiste à pouvoir dire : « Je ne mange pas chez lui. Ce n’est pas lui qui me sert le mil. »
L’homme, le vir en latin ou le « dèb » en Dagara doit être capable de procurer la nourriture à ses femmes et à ses enfants.
L’homme de qualité , dans la tradition Dagara se doit d’avoir plusieurs femmes pour avoir une nombreuse progéniture et une grande maison.
Le « deb-lu » la qualité d’homme s’acquiert par sa bravoure au combat avec son arc et ses flèches bourrées dans son carquois, prêt à combattre vigoureusement un agresseur jusqu’à la mort sans réculer ni fuir, ni gémir devant la douleur !
L’homme riche possède des greniers qui regorgent de toutes les céréales : mil , sorgho rouge, sorgho blanc, maïs , riz ; Il a une grande étable pleine de bœufs qui lui doteront ses nombreuses femmes et lui permettront de faire des largesses pendant les funérailles familiales.
La femme de qualité doit se mesurer à son mari dans les travaux des champs en assumant la part lui revenant sans geindre ni s’en remettre aux amies. Travailleuse, elle sera louée par la famille de son mari lors de ses funérailles. Toute femme de qualité, respectable,se doit de posséder tous les attributs de la féminité : nombreuses jarres, canaris, calebasses décorées , paniers, pagnes et robes, colliers, …, en nombre. Son intérieur est propre et paisible quel que soit son statut social.
Il faut engendrer beaucoup d’enfants pour perpétuer sa descendance et la tradition,exceller en sociabilité et nouer des relations durables avec les autres, être honnête et généreux, surtout pour l’hôte de passage. Un Dagara n’hésite pas à puiser dans sa réserve de semences pour les besoins de l’hospitalité.
La parole donnée et le sens de la retenue sont importants. L’homme qui n’a pas de « bouche » ie de parole, est répugnant par sa futilité. Il amuse les autres, mais ne mérite ni attention ni confiance. L’homme sans parole, c’est le menteur. On lui coupe une oreille.et s’il est convaincu de traitrise on n’hésite pas à l’abattre. L’homme sans retenue n’est pas digne de respect.
Les salutations révérencieuses, la préséance, les témoignages d’amitié de son vivant et au moment du « muolu »( témoignage d’amitié ) à ses funérailles, constituent la récompense de l’homme de qualité.
Le fait d’être humain « Ni- saalu » se conçoit donc en fonction du contexte social Dagara et de ses traditions.
L’homme de qualité, le sage Dagara, se donne un statut dans la société par l’excellence de son intégration et constitue du même coup une norme vivante d’adaptation et un ferment de cohésion sociale. Sa soumission aux prescriptions des ancêtres et sa fidélité à perpétuer leurs volontés, le destinent, à sa mort, au « kwinmè-teng », ie au séjour bienheureux des ancêtres où il sera lui aussi un ancêtre vénéré par les siens par le culte à son fétiche ( kwin-daa) le représentant dans la chambre des kpiimè .

14.L’amitié dans la société Dagara

La sagesse Dagara conduit l’homme de qualité à prendre conscience qu’il ne peut se réaliser complètement qu’en tant qu’être de relation. Un Dagara s’accomplit dans un complexe relationnel à divers niveaux.
Il vit dans un cadre rigide de relations parentales imposées par la famille.
Il vit en relation avec le cosmos dans un monde visible et invisble où il entre en relation avec tous les êtres , de l’Etre suprême jusqu’au caillou au bord du chemin.
Dans le monde des êtres humains si les parents lui sont imposés, il tisse aussi tout un réseau de relations à l’extérieur de son lignage .
Pour parler de l’amitié nous nous référerons à l’article de feu le professeur Nurukyor Somda , Maître-assistant d’Histoire à l’université de Ouagadougou, ancien ministre de la culture, traitant de « l’amitié dans la chaîne de solidarité du style « do ut des ».
L’homme (deb), la femme( pow) Dagara, s’accomplit, se réalise au travers de certains comportements ou attitudes éthiques et sociales , valeurs cardinales de référence et parmi lesquelles l’amitié Dagara, dans sa diversité ( baalu,kienu ,sènu). occupe une place de choix dans les manifestations de sa vie sociale. Elle s’avère , dans l’échelle des valeurs comme une institution sacrée que l’on essaie de pérenniser le plus possible dans la famille comme nous le montrerons.
Elle surclasse même la richesse matérielle ( naalo) et rivalise avec d’autres valeurs pragmatiques comme celles d’avoir une vie bien accomplie, une progéniture nombreuse (dogfu), une réussite en agriculture et en élevage( kukur), devenir un grand chasseur traditionnel avec pour symbole Dagara le tamyur, ou réussir dans le commerce (yèru) .
Avoir un grand nombre d’amis, ( ni-iang-ni) littéralement des gens qui vous marquent du respect, est un signe de réussite sociale et humaine dans la société rurale Dagara.
Ne dit-on pas en Dagara : « Ba -vla sa yeb », « un bon ami vaut mieux qu’un frère »
L’amitié se rencontre à plusieurs niveaux et les dénominations diffèrent selon les cas car les relations amicales Dagara ne connaissent ni âge, ni sexe ni condition sociale.

•kiènu, l’amitié entre deux femmes
•sènu,les relations amicales entre un homme et une femme.
•baalu, l’amitié entre deux personnes de sexe masculin
•Le iang –taa : le repect mutuel.
•iang : le respect
• taa,la réciprocité.
Les termes Dagara ne manquent pas pour exprimer toutes les nuances et degrés de cette amitié :

Ba-mimir-muon pour désigner le vrai ami intime .
Ba-tuo : l’ami intime
Ba –siza : le vrai ami
Ba-papa : l’ami véritable
Ba –per : l’ami, le compagnon

Les mêmes termes sont utilisés dans l’amitié hommes-femmes ou femmes-femmes :
Sèn-mimir –muon,
sèn- tuo,
sèn-siza,
sèn-papa .
ou
kièn mimir-tuo,
kièn-tuo, kièn siza
kièn papa .
Le mari et l’ami de sa femme peuvent s’interpeller réciproquement par le terme sèn-dèb( ami-homme) .
L’amitié évolue généralement en se renforçant au fur et à mesure qu’elle perdure et tend même à survivre aux partenaires initiaux comme nous le verrons.
Une amitié peut être simple, franche , cordiale, ostentatoire voire complexe.
L’amitié simple n’a pas de connotation sexuelle.
L’amitié complexe ou « amitié noire » concerne surtout l’amitié homme-femme( sèn-sèbla) .
L’homosexualité étant impensable et tabou dans la société traditionelle Dagara, il n’en est jamais fait allusion dans les relations sociales qui s’affichent publiquement. En effet,l’amitié Dagara est un fait social qui ne se cache pas. Elle se vit de façon souvent ostentatoire par des fréquentations dans les lieux publics comme les cabarets, les marchés , les fêtes et réjouissances publiques.
Des amitiés cachées ne sont pas des amitiés dans la société Dagara car l’amitié n’est pas conçue comme une relation unissant deux individus, mais comme un fait intéressant toute la société.
Il existe d’ailleurs une procédure, avec des démarches officielles devant témoins, pour établir une amitié de ce type.
En effet la relation amicale dans sa concrétisation doit suivre un cheminement officiel dont les étapes et la manière sont déterminées par la coutume. Il y a une façon officielle de lier amitié, tout comme il existe une procédure pour se marier, installer un fétiche, etc.
Avant la colonisation vers les années 1897, l’amitié était scellée en pays Dagara de plusieurs manières : elle se contractait au gré de la fortune ; elle pouvait être un choix délibéré ou dériver d’une dévolution successorale .
Il peut y avoir des amitiés sans consentement mutuel du fait du hasard des choses. Quelques exemples vous le feront comprendre :
Un homme surprend une femme en train d’accoucher; il puise dans sa besace une somme de 20 cauris qu’il dépose auprès d’elle . Un tel geste est censé lier l’enfant à naître à celui qui l’accomplit et engage en même temps les familles repectives des acteurs. L’enfant né dans de telles circonstances devient s’il est un garçon , l’ami de celui-ci. Si c’est une fille, elle est une promise pour laquelle une partie de la dote a déjà été versée dès la naissance ( les 20 cauris) La nouvelle-née est déjà une future épouse de cet homme et de sa famille.
Un autre cas d’amitié non mutuellement consentie ; c’est le cas de l’amitié entre un enfant et un adulte par la force des choses.
Un garçonnet ou une fillette tombe gravement malade. Passe une vieille ou un voisin ou un parent à plaisanterie qui lui attache une petite cordelette à la cheville en intercédant auprès des ancêtres de l’enfant pour son prompt rétablissement.
Cette incantation est suivie de conditions et de vœux jugés imprescriptibles : « Il sera mon ami s’il guérit »ou « il sera ma femme si elle devient grande », etc
Et la famille de l’enfant et l’enfant seront tenus d’exécuter les vœux sous peine de sanctions occultes.
Mais exceptés ces cas assez rares, la plupart des amitiés se lient par consentement mutuel, entre des adultes conscients et responsables .
Elle peut revêtir plusieurs formes et provenir même de l’enfance . Voyons quelques exemples types :
Amitié entre garçons dans le cadre de la vie champêtre où ils se lancent des défis, luttent ensemble et se vouent ainsi un respect mutuel.
C’est parfois le soir auprès de « grands frères » ,de « grandes sœurs »,voire de grands-parents que se feront les défis et connaissances aboutissant au respect mutuel.
Pour les filles , l’amitié se fait de façon plus douce et plus directe parce qu’elles s’apprécient réciproquement dès la prime enfance.
Mais l’amitié peut également « s’hériter » au sein de deux familles amies généralement de patriclans différents. Ainsi les amitiés d’un père, d’une mère,d’un frère, d’une sœur peuvent se perpétuer malgré la disparition des partenaires initiaux.
Au décès d’un homme, tous ses amis , hommes et femmes , ont des obligations codées d’avance, par exemple celle de témoigner publiquement aux funérailles de l’amitié qui les liait au défunt . Selon la profondeur des liens amicaux, c’est un coq, un bouc, un bélier ou un taureau que l’on offre à son ami dans son voyage vers le pays des ancêtres. C’est aussi l’occasion de pérenniser ou de clore cette amitié.Pour la clore, il s’agit de suspendre simplement le coq au paala( hangar d’exposition du mort) sans aucune forme de cérémonial . On pose l’offrande auprès du défunt et on la montre à ses parents Mais l’ami défunt peut céder sa place à l’un de ses proches (frères, fils, cousins, etc) au cours du rite du muolu. L’ami vivant se tient à un moment donné devant le paala , y convoque sa parenté et celle du défunt et proclame à haute voix (muoulu), ce qu’il a retiré de son amitié avec le disparu. Il dit ainsi ses adieux au défunt en lui faisant une dernière offrande : coq, bouc, bélier, taureau, selon ses forces puis il demande à la famille du défunt de trouver un remplaçant en son sein, capable de poursuivre la relation amicale brisée par la mort . Il est alors remis au nouvel élu, qui accepte la poursuite de cette amitié, l’offrande apportée par l’ami au défunt . Le cadeau peut être accompagné d’une somme de 20 cauris .
Dans certaines régions, si l’offrande est un ruminant ( bouc, bélier, taureau,), celui-ci est abattu et partagé entre les deux camps. La tête revient au nouvel ami .
Pour la mort d’une amie, l’homme apporte une pintade . Entre amies, ce sont calebasses , paniers, canaris ou autres objets de femme Dagara que l’amie vivante remet à une sœur ou à une fille de la défunte .
Pour le décès de pépé Simon le muolu a été très important ,de même pour mémé Julia.
L’amitié ordinaire est habituelle dans la société Dagara , surtout pour les enfants, et se traduit au quotidien par une fréquentation plus ou moins assidue pour les jeunes garçons, s’ ils vivent dans le même village ou dans des villages voisins. Entre jeunes de sexe différent, l’amitié se traduit par le jeu d’évitement réciproque et le sentiment alors éprouvé est celui de la gêne , de la honte (vii) comme on dit en Dagara . Pour autant cette amitié entre jeunes reste simple sans connotation amoureuse pouvant conduire à une quelconque future union conjugale. Elle donne lieu à des manifestations de gentillesse, des échanges de cadeaux divers. Adultes, ils rendront officielle leur amitié qui se concrétisera par des échanges de dons materiels ou de services divers .
Les visites sont l’occasion de témoigner une véritable amitié envers son hôte en lui rendant le séjour le plus agréable possible . Pour la famille de l’ami il faut relever le défi pour lui éviter une honte qui s’étalera sur toute toute la famille .
Par ailleurs , la vie quotidienne offre souvent des opportunités pour témoigner publiquement son amitié à un homme ou à une femme . On lui fait servir volontiers un canari de bière de mil lors des rencontres. La femme envoie à son ami , un plat de galettes (sinsin) quand ils se retrouvent au marché et l’ami de lui subtiliser discrètement sa calebasse ( mwan-kolé) pour la remplir de morceaux de viande succulents baignés dans du bouillon. Le morceau de viande le plus prisé en général est le boudin de chèvre bien gras, appelé bu-péé en Dagara . L’ami convie volontiers sa petite amie dans un cabaret de bière de mil ( daan) où il peut lui offrir à boire tout en flirtant légèrement. Le geste ultime consiste à boire dans la même calebasse en même temps , en Dagara le « daan gbawbru » : Leurs lèvres se touchent de façon à ce qu’aucune goutte de bière ne puisse se perdre . Ils se gardent néanmoins d’aller plus loin car en milieu traditionnel Dagara, le domaine sexuel constitue un sujet tabou et les faveurs sexuelles ne sont consenties que dans le cadre très strict et réglémenté du mariage . Le flirt plus poussé est formellement interdit avec les jeunes filles car il attire une série de malheurs sur soi-même et sur sa famille. Et c’est une grande honte pour la jeune fille qui conçoit en dehors du mariage. L’enfant né d’une telle aventure interdite est un zii-yir-bié, c’est-à-dire un « ’enfant de la maison », l’enfant de malheur qui n’habitera jamais avec son père biologique et qui devient souvent le souffre-douleur dans le lignage de sa mère .
A l’âge de la puberté, les jeunes peuvent s’amuser en tâtant les seins de leur petite amie . Mais de tels comportements doivent vite s’interrompre lorsque la fille se marie et que la dot est versée. Tout égarement entraînerait le versement de la dette du sexe ( paar saan) par la famille du fautif aux « maris » de la femme « adultère » soit 3000 cauri, sept poules et un mouton . Mais la sanction peut être plus lourde si les « maris » viennent piller,selon la coutume, tous les animaux du coupable : volaille, caprins, ovins, et même jusqu’aux bovins sans qu’ aucun membre de sa famille ne s’y oppose.
Mais, aujourd’hui une simple purification par le sacrifice d’un coq ou d’une pintade suffit à la réparation de l’adultère .
L’amitié entre hommes et femmes mariés existe en pays Dagara .
On parle de « daan-dion – sèn » littéralement l’amitié de cabaret, une simple amitié limitée au cadre des invitations à se retrouver ensemble autour d’un bon canari de bière de mil .
Le « sèn-sebla » littéralement « l’amitié noire »,plus complexe, implique une amitié jusqu’à des engagements sexuels entre personnes de sexe opposé. Dans « l’amitié noire » entre un homme et une femme mariée, le prétendant doit introduire sa demande auprès des beaux-frères de la femme désirée. Si jamais, elle est acceptée, l’amant amène une poule et une pintade,offertes en sacrifice expiatoire aux mânes des ancêtres de la famille du mari , seuls habilités à autoriser des rapports sexuels entre « leur femme » et un autre homme.
« L’amitié noire » officielle est actuellement rare en milieu Dagara. Elle survenait autrefois lorsque le mari, dans un mariage croisé, était encore trop jeune pour remplir ses devoirs conjugaux. Un membre de la famille ou un ami intime de la famille y suppléait.
Egalement dans le cas d’infertilité constatée du mari, un ami de la femme pouvait bénéficier de ses faveurs sexuelles pour donner des enfants au mari stérile .
L’amitié ne se conçoit pas comme une relation individuelle entre deux personnes, mais intéresse toute la société, parents et voisins. Elle se dévoile dans certaines circonstances de la vie sociale (initiation, mariage, funérailles) où les amis se trouvent dans l’obligation de se manifester devant l’assistance . Ils s’entraident également dans les travaux domestiques et champêtres.
L’amitié naît, s’officialise par des échanges de dons et vise à se pérenniser.
Elle est trop précieuse pour être mise sous le boisseau.
Publique, l’amitié se nourrit de faits ,de gestes et de comportements.Les liens amicaux ne sauraient rester secrets pendant longtemps dans ce milieu paysan car plus qu’ailleurs, solidarité oblige, les amis des amis sont des amis dans les tâches agricoles quotidiennes.
L’amitié entre deux hommes (baalu) ou entre un homme et une femme ( sènu) se manifeste au moment des travaux des champs pendant la saison des pluies où ils font des échanges de services comme le ba-kob et le sinsin-kob .
Le ba-kob qui est la manifestation typique de l’amité entre deux hommes Dagara en temps normal à l’exception des funérailles dont nous reparlerons ultérieurement.
Dans le ba-kob,la coutume veut que l’ami amène les membres de son groupement de cultures dans le champ de son ami trois fois au cours d’une même saison de cultures. L’ami qui reçoit cette marque de solidarité se met toujours en frais pour faire bonne réception à ses hôtes avec de la bière de mil et la meilleure nourriture possible. Il rendra la dette l’année d’après dans les mêmes conditions en amenant des membres de son groupe de cultures dans le champ de son ami trois fois dans la saison pluvieuse .
Cette alternance d’entraides d’une année sur l’autre est susceptible de se poursuivre longtemps.
Quant à l’amie, elle invite ses copines pour porter aide à son ami soit dans son champ d’arachides soit pour la recolte et le transport des produits des champs, maïs, mil, arachide ou pour le puisage de l’eau lors de la construction de sa maison ou de sa chambre à coucher .
Les amis s’avéraient également indispensables autrefois dans le mariage du jeune Dagara qui ne pouvait s’adresser directement à l’ élue de son cœur . Il fallait qu’il passe par ses amis qui se chargeaient de cette démarche ardue et souvent longue .
La cour à une jeune fille se fait dans les marchés, funérailles, lieux de fêtes et de réjouissances populaires, voire dans les fêtes d’initiaton ou après les messes dominicales.
La jeune fille, de connivence avec les jeunes amis du garçon, se fait enlever et amener chez les parents du prétendant ou chez un de ses amis intimes . Ainsi tous les amis sont en quelque sorte correponsables de l’avenir du couple qu’ils ont contribué à créer et la femme n’hésitera pas de le rappeler à ces témoins privilégiés en cas de futures mésententes avec son mari.
Autre évènement qui interpelle les amis : la phase finale du baor ou l’initiation , une fête populaire où se déroulent les danses des baor-binè. Lors de cette fête le jeune initié reçoit de ses amis, des cauri, un coq ou une pintade, une chèvre, un mouton, essentiellement des produits agricoles .
L’assistance mutuelle dans le deuil constitue également un autre grande obligation sinon la plus grande pour des amis dans la coutume Dagara :Elle est autant morale que pécunière .
Au décès d’un membre de la famille de son ami, on lui envoie un ko-yéré( annonceur de funérailles). Il doit alors se mettre aussitôt en route pour venir le soutenir moralement surtout en étant son ko-tulé c’est à dire son compagnon de deuil durant toute la cérémonie des funérailles , en moyenne les trois jours qui suivent le décès .
Il est son réconfort dans le deuil en veillant sur lui jusqu’à la fin des cérémonies . Il l’emmène si possible après pour se reposer, un à 3 jours loin de son domicile .
Il aide aussi matériellement l’ami en deuil en apportant des cauris pour participer aux menues dépenses des cérémonies funéraires .
L’ami qui a bénéficié de cette aide a contracté de ce fait une dette envers tous ses amis et devra la rembourser quand eux aussi seront en deuil .
« Do ut des » telle est la coutume Dagara dans ces dons et contre- dons consistant à se porter mutuellement secours. Les Dagara en cela sont très pragmatiques .
La réciprocité est en effet une règle d’or dans ces dons et contre-dons.Le receveur du cadeau éprouve une honte , une grande gêne tant qu’il n’a pas relevé le défi en créant une véritable surenchère pour payer plus que la simple dette , le jeu consistant à mettre en défi à nouveau son partenaire en lui créant une nouvelle dette qu’il sera obligée de surpayer à son tour et ainsi de suite jusqu’à ce que l’un des partenaires jette l’éponge de guerre lasse .
Mais la honte d’avoir capitulé une fois bue, l’amitié peut redémarer sur de nouvelles bases plus acceptables pour l’un et l’autre.
Voilà , les enfants . Vous en savez suffisamment maintenant pour vous faire des amis et des amies au pays Dagara.
La société Dagara ignore officiellement l’homosexualité. Le sujet s’avère d’ailleurs tabou si bien que grand-père n’en a jamais entendu parler .

15.Le mariage traditionnel et coutumier Dagara

Commençons d’abord par quelques mots Dagara:
« De pow »,« kiar pow » s’emploient couramment en Dagara . pour signifier : « prendre femme » ,« ducere uxorem », comme le disent les romains , tandis que pour la femme on dira seulement « de sir »« prendre un mari » . Mais il est incorrect de dire « kiar sir »car ça sous-entend déjà doter . Mais doter sa femme se dira plutôt « do pow » .
Quant aux termes « kul pow » pour un homme , « kul sir » pour une femme pour signifier qu’il ou elle est marié et surtout le terme de « kul taa » sont des termes récents employés depuis l’avènement du christianisme notamment kul-taa qui exprime la réciprocité dans l’acte du mariage civil ou religieux de nos jours et qui traduit non seulement la réciprocité par le terme taa mais aussi d’autres notions d’égalité et de consentement mutuel dans l’acte de se marier. Dans le mariage traditonnel Dagara surtout lorsqu’il s’agit d’un mariage polygame, l’homme dit pluôt :« in kuli pow-saan » « j’ai pris une nouvelle femme » ou « in lè kul pow-saan », mais aussi « in de ni pow-saan », « j’ai pris une nouvelle femme » .
Mais en tant que polygame , on dit qu’il est un « powbè a yi sob, a taa, a naar sob », littéralement, il est « possesseur de deux, trois, quatre femmes » soit tout simplement « o teri pow-yaaga », « il possède beaucoup de femmes ». On pourrait aussi dire de lui « pow-yagaa sob » « possesseur de beaucoup de femmes » .
Il n’y a pas de cérémonie officielle de mariage devant une quelconque autorité telle le tigan-sob ni même le chef de famille. Mais la nouvelle mariée sera présentée devant l’autel des ancêtres pour que ceux-ci donnent leur consentement à l’entrée de cette étrangère au sein de la famille pour en assurer la pérennité à travers les générations.
Le mariage est engagé lorsqu’une jeune femme pressentie comme future épouse est « enlevée » avec son consentement un jour de marché ou de fête pour être emmenée dans la famille de son futur mari et qu’après deux à trois jours, les amis du prétendant viennent prévénir sa famille ( ses pères) avec un coq . Si après quelques tractations avec la plupart des « pères » de la fille, le coq est accepté, la première étape vers le mariage effectif est franchie . Mais en réalité cette étape veut dire simplement que la jeune fille et le garçon peuvent se fréquenter en simples amis .
Notons au passage que le mariage Dagara est exogamique, nul ne peut se marier dans son propre clan (endogamie).

a. La dot des 360 cauris consécratoires et des autres cauris compensatoires

En effet le mariage en milieu Dagara est une alliance entre deux clans qui se réalise au travers de deux individus d’où le consentement indispensable des familles notamment celle de la fille . Mais le mariage ne sera effectif qu’après le versement des 360 ou 350 cauris consacrant véritablement le droit de consommation du mariage pour le prétendant . La jeune fille devient sa femme à partir de ce moment.Certains disent même qu’au départ seuls 60 cauris étaient exigés et que si vous payez 300 cauris et vous oubliez d’ajouter les 60 cauris de la tradition, vous n’avez pas, seul, le monopole de droit sur votre femme, mais que tous vos « frères » disposeront du même droit . Mais seuls les 60 où 50 cauris consacrent vos seuls droits sur elle .
Disons en gros que les 360/350 cauris se donnent généralement en même temps accompagnés d’une pintade en cadeau pour la future belle-mère et une poule pour le sacrifice aux ancêtres en vue de solliciter leur protection et la fécondité de la jeune femme. Ils constituent la véritable étape du mariage et la première du versement de la dot . C’est en quelque sorte le noyau dur du mariage traditionnel Dagara . Selon la manière dont la mère de la fille a été dotée, il peut y avoir des charges supplémentaires de poulets/ pintades (10) , de chèvres voire de moutons lors de cette étape .
Les 350 cauris chez les Wiilé et les 360 chez les Dagara –Lobr sont parfois appelés « cauris amers » ( libi-tuo) . Certains les appellent mêmes les cauris consécratoires car ils font l‘objet d’un sacrifice auprès de l’autel des ancêtres du lignage de l’époux de la femme .
Au terme de cette cérémonie , la femme , selon l’expression Dagara devient « amère » et acquiert son statut d’épouse .
Mais voyons d’abord comment se déroule la cérémonie rituelle de consécration du mariage du côté de la famille qui accueille la femme dans son patriclan pour assurer la procréation et lui permettre de s’agrandir, le but essentiel du mariage Dagara .
La cérémonie se déroule dans la chambre des ancêtres « kpiinmè-dion » destinée uniquement au culte des ancêtres . On y trouve l’autel des ancêtres , sous la forme d’un petit monticule de terre surmonté de statues en bois fourchu , chacune représentant un ancêtre de la maison. Les visages des statues sont tournés vers l’entrée de la chambre. De petites ouvertures de fortune laissent passer les quelques rayons de soleil qui permettent de suivre le déroulement du rituel de la cérémonie et surtout surveiller attentivement les comportements des poulets égorgés .
Pieds nus et bonnets en main par respect pour les ancêtres, l’assistance est assise dos au mur dans une attitude recueillie, silencieuse , humble et repectueuse. Un des participants prend soin d’éloigner les esprits maléfiques en disposant une traînée de cendre blanche sur le seuil des trois ouvertures du kpiinmè-dion , rite d’exorcisme , de purification et de pacification des lieux . On ne sait jamais !

D’abord le no-turè qui préside la cérémonie, récite la liste des grands ancêtres du lignage et explique à l’assistance le sens de la cérémonie et enfin implore la bienveillance des ancêtres .
le suor-sob ( le maître du couteau) ,le sacrificateur au « ventre blanc »( pupla- sob), l’homme au cœur pur,sans rancune se charge des sacrifices .
Le kasog-sob . est « l’homme de la corbeille » où sont enfermés les poulets destinés au sacrifice .
Les 350/360 cauris sont déposés au pied de l’autel .
Pendant que le no-turè invoque les ancêtres , le suor-sob frappe son couteau contre l’autel à petits coups répétés signes d’aquiescement. Enfin il appelle la bienveillance des ancêtres sur la nouvelle épouse et leur sévérité en cas d’inconduite .
Puis il prononce une toute dernière invocation aux ancêtres sollicitant leur bénédiction pour la fidélité et la fécondité de l’épouse . Il demande ensuite un signe de leur acceptation de la nouvelle épouse dans le lignage par l’offrande du sacrifice.
Les poulets égorgés doivent retomber sur le dos , le regard tourné vers le ciel .
Au terme du discours du no-turè, le kasog-sob tend le poulet au suor-sob qui l’égorge , le tient à la verticale, asperge l’autel de son sang, puis arrache quelques plumes qu’il colle à l’autel, ensuite il le jette . Celui-ci se débat et s’il finit par mourir sur le dos, le sacrifice est accepté par les ancêtres . Les cauris sont alors retirés de l’autel et remis à la belle-famille . Si jamais l’animal mourait sur le ventre , il faudrait reporter la remise des cauris et rechercher les causes de refus des ancêtres .
Après la clarification et la réparation d’une éventuelle faute, tout rentre dans l’ordre et les ancêtres finissent par accepter de consacrer l’union des deux jeunes des deux familles alors alliées .
Les cauris amers remis à la famille de l’épouse, ses parents vont aussi se réunir dans la chambre rituelle de leurs ancêtres pour un nouvel rituel, appelé kuon-pur . Il s’agit de verser de l’eau , symbole de fraîcheur, de paix pour demander à leurs ancêtres de protéger et de rendre féconde leur fille .
L’acceptation du sacrifice par les ancêtres du futur époux et celle des cauris par les parents de la nouvelle épouse constituent les deux séquences rituelles qui rendent amère la femme cédée et lui confèrent ainsi son statut d’épouse .
L’alliance matrimoniale ne se conclut ni devant monsieur le maire ni devant monsieur le curé, mais devant les ancêtres des deux familles .
Les deux époux se retrouvent donc avec des droits et des devoirs réciproques :
L’homme dispose de sa femme sur le plan sexuel et se doit de l’entretenir en nourriture, en vêtements, et la protéger .
La femme devient la propriété exclusive de son mari sur le plan sexuel et est tenue à la fidélité conjugale . Tout acte d’adultère qu’elle commettra sera une offense aux ancêtres et devra être réparé sous peine de mort soit pour elle à l’accouchement soit pour son conjoint si elle continue de s’approcher de lui .
La pratique de la dot semble avoir pour but de légitimer la filiation.
La preuve semble résider dans le cas des enfants que les Dagara jugent illégitimes .
Voyons plutôt le cas de ces pauvres enfants qui n’y sont pour rien :
Dans la société les Dagara , deux catégories d’enfants posent problème :
. Les ziin-yr biir pluriel de ziin –yir bié littéralement les « enfants assis à la maison » : ce sont les enfants nés alors que leur mère, non mariée résidait encore dans la maison paternelle d’où leur nom « enfants issus de la maison paternelle ». Ce sont des enfants dont la société Dagara ne reconnaît pas la paternité de leur géniteur .
En second lieu, il y a les bi-yo,littéralement les « enfants de la vadrouille », les enfants issus d’un libertinage sexuel passager au hasard des rencontres . Ils se distinguent des premiers car non désirés, ils sont conçus accidentellement lors de rencontres occasionnelles généralement entre deux jeunes.
Ces deux types d’enfants nés hors mariage officiel coutumier tel que décrit plus haut ne rentrent pas dans la norme traditionnelle Dagara qui veut que tout enfant soit procréé par des partenaires acceptés et consacrés par les ancêtres des deux clans patrilinéaires .
Ils sont donc en principe sans famille légitime. Mais la société Dagara très pragmatique,les attribue d’office à la famille de leur mère alors que la logique voudrait qu’ils soient rejetés car non conçus par un mâle de la famille .
Nous verrons que le Dagara nage dans la complexité pour ces deux types d’enfants : Oui ,ils « appartiennent » , ils sont « la propriété » de la famille de leur mère et non de leur père biologique,mais ils n’ont ni statut de fils ou de fille du patrilignage ni même celui de neveux ou de nièces utérins .
Les pauvres enfants ! Vous ne trouvez pas ?
Parvenus à l’âge adulte , ils n’auront pas accès aux sacrifices rendus aux ancêtres du lignage de leur mère : Ceux-ci les refuseraient car ils n’ont pas accepté au paravant l’union dont ils sont issus .
D’ailleurs dans certains lignages , dès qu’un de ces enfants approche de la majorité , vers les 18-20 ans, on délimite pour lui une parcelle d’habitation et un champ en dehors de la maison familiale car en réalité , dans la logique Dagara , le garçon né d’une union de ce type, ne peut appartenir au clan de sa mère . Celui-ci ne l’héberge qu’à titre provisoire .
Le statut de la fille née hors mariage ou avant le versement de la dot de sa mère : Lorsqu’elle-même voudra se marier, à qui reviendra sa dot?
On pourrait penser qu’au moment de son kyaru ( mariage), la dot soit reçue par les responsables du lignage de sa mère ?
Eh bien non, dans la tradition Dagara .
Seuls les fils des oncles maternels c’est à dire ses cousins maternels, sont habilités à recevoir les versements ; mais ils ne peuvent pas, comme dans une situation normale, les offrir à leurs ancêtres domestiques .
Et la dot qui, dans un mariage( kyaru) normal, est offert par la famille du prétendant , fait l’objet d’un rituel, mais dans un lieu impur le tan-puor, où s’accumule les déchets domestiques, à l’entrée de la maison .
Le statut particulier du ziin –yir bié ou du bi-yo s’explique : nés de mères non rendues « amères » par les rites du mariage coutumier, leur filiation pose problème .
Quelle type d’explication logique donner à un tel phénomène ?
Nous avons noté que , quels que soient les liens tissés par un ziin –yir- bié ou un bi-yo avec les membres du lignage paternel de sa mère, elle ne pourra jamais être perçue comme fille du lignage contrairement à ce qui se passe dans certaines ethnies burkinabè où ce type d’enfant est rattaché au lignage de leur mère au titre d’ « enfants de filles » .
Si la fille issue hors mariage a un frère utérin, il est assimilé à un fils de son frère et pourra donc recevoir avec ses cousins maternels la dot de sa sœur . Ceci laisse entendre que les fils du frère de la mère n’agissent pas comme représentants du lignage , mais au titre de cousins germains .
Cet examen de la naissance hors mariage permet de voir ce que l’institution de la dot Dagara cherche à construire : une filiation légitime conçue comme une double inscription, au titre de fils ou fille dans un lignage paternel , et au titre de neveu et de nièce utérins dans un lignage maternel .
Si les 360 cauris sont une condition nécessaire à l’union, ils ne sont pas une condition suffisante . Loin de là . Car ce n’est qu’un début permettant au jeune homme de « jouir » de sa femme en attendant de s’acquitter du reste de sa dette car se marier c’est contracter une dette envers la famille de la jeune fille .
Cette dette variable selon les régions et les familles revêt toujours trois éléments fixes de services en nature à rendre à la belle famille par le jeune homme :
Mais c’est aussi pour les « pères » du jeune homme le versementt à la famille de la fille d’une certaine somme de cauris variable selon les régions et pouvant atteindre 20000 à 30000 cauris voire davantage selon la dot de sa mère .
A ces cauris , il faudra ajouter un bœuf et deux génisses .
Mais nous n’en sommes pas encore là .
Il faudra d’abord cultiver avec les amis le champ du beau-père pendant 5 à 7 ans .

b. Prestations de travail envers la belle famille :
Les travaux dans les champs des beaux-parents sont devenus une obigation matérielle aujourd’hui très codifiée . Mais à l’origine, ils représentaient un acte symbolique visant à présenter le beau-fils à la puissance Terre ( Tigan) dont relève le village des parents de la future épouse . Ce qui avait hier valeur symbolique est devenu aujourd’hui une obligation contractuelle tout en restant rattaché à un système de représentations liées à la terre.
L’obligation du gendre de s’investir pendant un certain temps dans les champs de ses beaux-parents comporte trois types de séances : le vu-kob, le kob-sora et le kob-per. Ils constituent une suite de mises à l’épreuve.
D’abord le vu-kob ou en plus explicite, le ko-ti- vure-ni : « cultiver à en ramper » :
Il faut arriver avec ses amis ou ses camarades pour travailler toute la journée, sous la chaleur , avec très peu de boissons pour étancher la soif et de repas pour couper sa faim .
Il s’agirait à cette première étape d’éprouver l’endurance du gendre et de ses amis ou camarades pour s’assurer qu’il est capable de nourrir leur fille et les enfants à naître .
En deuxième lieu vient le kob-sora littéralement la « culture énumérable, comptable » appelée encore culture de grande invitation. Il s’agit cette fois-ci d’arriver avec le plus grand nombre possible d’ amis ou de participants dans le champ du beau-père .
La belle-famille évalue ainsi la capacité de mobilisation de ses amis par leur gendre.
Enfin le kob-per, littéralement « la dernière culture ». C’est la dernière séance de culture de la saison des pluies
En effet au cours de la saison, chaque homme en âge de participer activement aux travaux des champs dispose de trois types d’invitatons de cultures :
Le ba –kob : la culture dans le champ de l’ami
Le diem-kob :la culture dans le champ du beau-père( diem):
Le puo- kob : la culture dans son propre champ.
Chaque type d’invitations se renouvelle trois fois dans la saison de cultures à 6 « marchés » d’intervalle soit tous les 36 jours, le marché ayant lieu tous les 6 jours .
Le Dagara ne connaissait pas la semaine de sept jours . Il comptait en « marchés » de 6 jours. Cette pratique perdure encore de nos jours et cohabite avec la semaine de 7 jouirs.
Donc le kob-per qui clôture le cycle saisonnier du diem-kob s’avère bon enfant . Le gendre y invite parents et amis . Les beaux-parents mettent leur honneur à réserver à leurs hôtes un excellent accueil destiné à sceller définitivement les relations d’alliance entre les deux familles .
Ces travaux des champs dureront entre 5 et 7 ans , le temps que le jeune couple ait « deux enfants qui marchent » .
c.La dot en bœufs
La coutume Dagara exige normalement trois têtes de bétail dont obligatoirement deux génisses mais nous verrons dans les faits ce qui se passe .
Cette obligation renvoie au statut de la génisse dans le cheptel de la famille de la jeune épouse . Elle est symbole de fécondité , et y occupe une place comparable sous un certain rapport à celle de la femme cédée au lignage de son époux . De même que celle-ci contribue à accroître le lignage de son mari par les enfants qu’elle met au monde, la génisse contribue , en vêlant , à augmenter le cheptel de sa famille. En signe d’acceptation de cette compensation symbolique en nature , les parents paternels de la femme immolent auprès de l’autel familial une à trois têtes de bétail , des mâles , jamais une génisse .
Quelle valeurs et quelles fonctions sont attachées au bétail dans la pensée symbolique Dagara ?
Signe de richesse, la possession d’un grand troupeau donne au chef de maison autorité et prestige auprès de ses pairs . Il est certain que les mariages de nombreuses filles de la maison constitue un des moyens sûr d’avoir un cheptel important.
Le sacrifice d’une vache ou d’un taureau peut être un acte expiatoire édicté par un devin comme sanction à une faute grave contre un ancêtre ou une divinité afin de conjurer un malheur voire la mort qui peut s’ensuivre . La mort de l’animal qui est source importante de richesse constitue effectivement un sacrifice compensatoire à la hauteur de la faute commise pour espérer se faire pardonner .

d.La notion de dette sociale

Dans le cadre des alliances matrimoniales, un Dagara ne prendra pas tous les bœufs exigés . Il remettra aux « pères » de son gendre une dette de « la dernière vache » dûe d’après la coutume Dagara. Il ne la réclamera surtout pas . Cette vache s’appelle le « na-baara » c’est à dire « la vache de la fin ».

Qu’arrive-t-il lorsque qu’une famille s’égare à réclamer le na-baara ?

Exiger que la famille du mari donne le naa-baara provoque une détérioration des relations entre les deux familles alliées .
Par ailleurs en faisant solder la dette ouverte par le don de leur fille, la famille risque de se voir tenus à l’écart des évènements , heureux ou malheureux, survenus dans la famille de leur gendre .
L’épouse en veut à sa famille qui l’a totalement abandonnée ,vendue à la famille de son mari . Certaines femmes , écoeurées par cette attitude cupide de leurs parents décident de couper les relations avec leur famille pour protester contre cette atteinte à leur honneur .
Mais c’est surtout au décès de la femme cédée que les tensions entre les deux groupes peuvent êtres intenses . En effet du fait d’avoir exigé le na-baara , les parents de l’épouse perdent tout droit de regard sur le traitement réservé à leur fille lors de ses funérailles . La famille du mari n’est plus tenue de consulter la famille de la défunte sur le déroulement des funérailles ni de l’inviter à venir voir la tombe et à donner son point de vue sur son aménagement ; elle peut même ne pas la convier à l’inhumation . En effet leur fille ne leur appartient plus puisque les autres ont payé toute la dette .
Ce serait totalement inimaginable tant qu’il y a cette dette du na-baara entre les deux familles alliées .
Les enfants de la femme ainsi « vendue » , par réaction à cette insulte (zum) peuvent se déclarer désormais sans devoirs envers le patrilinéage de leur mère alors que généralement les liens sont très étroits entre les enfants et la famille de leur mère .
Le na –baara recouvre donc des enjeux qui dépassent largement ceux de la compensation matrimoniale . Il est clair que tant que cette dette existe , le lien entre les deux familles alliées est maintenu ne serait-ce qu’à cause de cette dette .
Par ailleurs réclamer le na-baara signifie que les relations entre les deux familles ne sont pas déjà très bonnes pour ne pas dire qu’elles sont tellement exécrables que les parents de la fille n’ont plus rien à perdre en réclamant et en obtenant la restitution de leur na-baara. Elles en finissent définitivement avec la famille du mari .Cette désalliance n’est possible que dans des cas extrêmes .
Dans les faits, le na-baara n’est jamais exigé , mais il peut être évoqué pour dire à la famille du mari : « Attention . vous nous devez encore le na-baara, faites attention à notre fille . »
C’est ainsi qu’aux funérailles de mémé Julia, lors de la réunion de concertation des deux familles sur le déroulement de ses funérailles, ses « frères » ont rappelé aux « maris » de mémé Julia, c’est à dire à mes oncles patrilinéaires, qu’ils ne leur avaient pas versé le na-baara de mémé Julia . Ils ne le réclamaient pas, mais ne lançaient qu’un simple rappel afin qu’un « enfant ignorant» ne se lève un jour pour exiger le na-baara à un des leurs qui prendrait femme dans notre patriclan .
« do ut des » : « Je te laisse une dette pour que tu me la laisses à ton tour » .

e.Dot Dagara, mercantilisme ou symbole ?
Votre grand-père ne prendra pas part à cette polémique entre partisans et adversaires de la dot.

Les adversaires pensent que le système de la dot confine la femme Dagara dans un statut d’infériorité tout en lui conférant un semblant d’importance et de reconnaissance .
Le mariage Dagara tient compte de la femme parce que son nom matrilinéaire ( bèlu) est donné à l’enfant . Il est vrai que chez les Dagara l’enfant porte deux noms : un nom patrilinéaire prioritaire donné par le père (dowlu ou yiru) de l’enfant : Kusiélé, Bèkuonè, Mètuolè, Kuselbè, Nayilé,Waalè, Zawlè, etc et un matrilinéaire ( bèlu) comme Somda, Dabiré, Kpogda, Meda pour les Da, Somé, Hien,Kambiré/Kambouélé pour les autres .
La femme Dagara comme l’homme transmet un nom, son bèlu, à ses enfants mais bien sûr pas son nom patrilinéaire qu’elle conserve, tout comme le père ne peut transmettre son nom matrilinéaire à ses enfants .
Mais en réalité il n’y a bien sûr pas d’égalité entre les deux noms puisque pour un Dagara , le nom patrilinéaire prime:en effet un Dagara s’identifiera toujours en premier lieu par rapport à son dowlu ou yiru, son nom patrilinéaire, ensuite il ajoutera son nom matrilinéaire .
Si l’on demande à un Dagara « comment t’appelles-tu ?» il éprouvera quelque difficulté à répondre :
En effet sa réponse variera en fonction du contexte et des circonstances : S’il se trouve dans son patriclan où tout le monde connaît sa famille, il donnera le plus souvent son prénom usuel : Jean-Philippe par exemple . S’il est avec quelqu’un qui est censé connaître son patriclan , mais ne connaît pas forcément son nom matrilinéaire, il répondra : Jean-philippe Somda. Enfin s’il est avec un inconnu qui ne connaît ni son patriclan ni son matriclan, il répondra : Kusiélè Somda Jean-Philippe .
Homme ,femme, égalité parfaite pour les noms. La femme ne prend jamais aucun des noms de son mari. Elle a les siens et les garde pour toujours.
Mais une égalité de noms ne rime pas avec une égalité sociale .
Très souvent , le poids des traditions l’emporte sur la logique la plus élémentaire : un humain (homo /ni-saal) est un homme vir /deb ie homme au masculin ou mulier/pow, femme/ homme au féminin .
-Chez les Dagara comme dans nombre de sociétés , les femmes sont dominées par les hommes qui ont une plus grande force physique.
L’abbé Gbaanè Dabiré Constantin, dénonçant le côté mercantiliste de la dot, le reconnaît cependant :« La dot , par essence , n’a pas vocation de soumettre la femme » .
Les partisans de la dot disent qu’elle est sacrée et doit le rester telle . Or ils le savent, la dot d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier : il y a eu par exemple une diminution du montant des cauris compensatoires qui est passée dans certaines régions, de 10 000 à 2 000 cauri Alors pourquoi ne pas demander que les 360 cauri qui , elles sont consécratoires, symboliques et supprimer le reste de la dot compensatoire ?
Mais certains retorquent : «La suppression de la dot serait une décapitation de la société Dagara » .
N’exagérons rien ! Certaines ethnies l’ont bien fait avant les Dagara et elles n’ont pas été décapitées pour autant !
La solution sage viendrait peut être d’un retour à la valeur symbolique du mariage Dagara qui a évolué dans le sens « mercantile » jusqu’à maintenant .
Mais quelle autorité traditionnelle Dagara peut opérer un tel retour aux valeurs fondamentales de la tradition Dagara ?
Nous sommes dans une société acéphale composée de clans et de chefs de terre !

f.L’adultère et sa réparation dans la société traditionnelle Dagara

Le Petit Larousse nous dit que l’adultère est la « violation du devoir de fidélité entre les époux »
Quelque soit la dénomination ou la traduction plus ou moins idéolgique du terme adultère dans nos langues africaines, le problème est de définir ce que chaque ethnie , en particulier les Dagara ,considère et punit comme étant un adultère, c’est à dire une intrusion jugée fautive par la société dans les droits exclusifs que l’époux ou l’épouse a sur son conjoint. Dans nos sociétés phallocrates, de tels droits exclusifs sont souvent reconnus à l’homme seul qui acquiert des droits sexuels sur sa femme en payant la dot mais pas à la femme que l’homme trompe. Elle n’apparaît jamais dans le débat d’adultère .
Ceci a pour base la polygamie dans laquelle l’homme peut s’assurer des droits exclusifs sur plusieurs femmes et bien sûr, chacune de ses femmes ne dispose d’ aucun droit en cas d’adultère de son mari . Par contre dans l’adultère, on parlera de la souillure de la femme qui a des rapports sexuels avec un autre homme autre que son mari. Son partenaire homme doit réparer la faute en tant qu’agent actif ; la femme adultère condamnée, elle, comme agent passif doit subir un rite de purification en elle-même pour pouvoir poursuivre sa fonction prioritaire de procréation .
Déjà , on constate chez les Dagara, que les sanctions infligées aux deux partenaires ne sont jamais les mêmes.
Mais au fait, qu’est-ce que le Dagara considère comme étant un acte adultère ?
Est considéré comme acte adulère le fait qu’un homme, marié ou pas, ait des rapports sexuels avec une femme mariée autre que sa femme. Un homme marié qui a des rapports sexuels avec une femme non mariée ne commet pas d’adultère envers sa ou ses femmes et n’encourt aucune sanction . Il n’y a pas de réciprocité dans le couple car la femme mariée commet toujours un adultère si elle a un partenaire autre que son mari. Son mari exigera réparation et purification de sa femme . La ou les femmes de l’homme fautif n’entrent jamais en ligne de compte. Elles sont tenues à l’écart d’une histoire qui ne les concerne pas car elles n’ont payé aucun droit de dot sur leur mari et donc n’ont aucune exclusivité sexuelle sur lui . Voilà les vraies raisons de la non réciprocité de l’adultère entre l’homme et la femme Dagara .
L’homme accusé d’adultère est en fait sanctionné , puni pour vol de bien ne lui appartenant pas tandis que sa partenaire , femme mariée qui a accepté l’acte sexuel avec un homme autre que son mari, ne commet pas de vol mais véritablement une faute d’adultère caractérisée.
C’est bien avec son accord que le hold up a eu lieu .
C’est bien elle qui a trahi tous les serments de bonne conduite auprès de l’autel des ancêtres du patriclan de son mari .
C’est bien elle qui par égoïsme a préféré le plaisir à la procréation .
C’est elle qui s’est salie, ayant reçu de la saleté ( dewr ) d’un homme autre que son mari .
C’est elle qui sera fouettée à sang par le frères du mari.
C’est elle qui maintenant a besoin de purification .
C’est elle qui sera donc purifiée auprès des ancêtres de son mari par le rituel du paar-saan(dette du sexe) consistant en 350 ou 360 cauris et plusieurs poules . Ils feront une offrande pour le rétablissement de l’harmonie dans le foyer grâce au pardon et à la réconciliation des ancêtres ainsi sollicités par la famille du mari .
Le contrat de mariage est de nouveau rétabli par le versement de ce paar-saan qui ressemble curieusement aux 360 « cauris amers » consécratoires du mariage traditionnel .
Il s’agit, en effet, pour le mari de réacquérir symboliquement les droits sexuels volés car il ne pouvait plus ni avoir des rapports sexuels, ni manger la nourriture préparée par sa femme fautive par crainte de mourir . Et la fautive méritait le même sort à l’accouchement .
Si ce n’est pas un remariage, c’est tout au moins, un renouvellement des promesses du mariage qui s’opère par ce rituel du paar-saan .
La deuxième séance de « purification » se fera au détriment de la femme celle qui a accepté de se laisser « souiller, « salir » . En effet dans le rituel de purification, une poule est sacrifiée afin de s’assurer s’il y a eu véritablement adultère . S’il est avéré, une deuxième poule ( poule de la faute) est offerte aux ancêtres pour implorer leur pardon . Pendant le sacrifice de cette deuxième poule dans la chambre du kpiinmè dion, la femme infidèle mimera par 4 fois de traverser la porte de la pièce pour entrer dans la maison de son mari et se verra repousser à chaque tentative à coup de fouets par « ses maris », en l’absence toutefois de son véritable mari . Finalement , ils finiront par la laisser franchir la porte d’entrée de la maison , la feront asseoir et lui offriront même à manger en signe de réconciliation : elle a reconnu la faute, les ancêtres ont accepté le pardon, elle a subi le châtiment symbolique des coups de fouets, il faut la réintégrer au foyer pour poursuivre son œuvre de procréation . C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a été acquise par les deux dots, l’une consécratoire l’autre compensatoire, les deux , étant ici renouvelées .
Et tout rentre dans l’ordre : Le mari a réacquis ses droits sexuels exclusifs, les ancêtres ont pardonné, le lignage a posé un geste de réconciliation . la femme a rejoint le foyer virilocal de son mari. Les liens du mariage rompus par l’adultère fautif de la femme et le vol sexuel de son partenaire complice ont été rétablis .
Certains auteurs ( J.Goody, A.Lobnibé) pensent que l’importance de la réparation dépend des relations parentales du « voleur de paar » avec le mari de la femme volée : s’ils sont de même patriclan et surtout de même bèlu, la sanction ne sera pas la même que pour un homme appartenant à un patriclan différent. Dans le cas du patriclan différent la sanction sera beaucoup plus sévère.
Il semble qu’un parent de même patriclan et de même bèlu matriclanique soit traité avec plus d’égards . En effet, n’est-il pas plus ou moins un « frère » ayant aussi des droits sur la femme, sauf que les 60 cauris consécratoires ne l’ont pas désigné propriétaire sexuel exclusif de la femme tant que le mari attitré est encore vivant ? C’est au mari exclusivement de veiller à la procréation avec sa ou ses femmes . Mais à son décès, c’est bien parmi ses « frères » que se fera le lévirat pour la poursuite de la procréation .
Mais qu’arrive-t-il si le mari légal s’absente pendant longtemps ?
Il arrive souvent que le mari légal migre au Ghana ou en Côte d’Ivoire pendant plusieurs années laissant femmes et enfants à la charge de ses « frères » .La tentation est alors grande de considérer le devoir de procréation prioritaire à toute autre considération morale . Le « frère » ayant pris en charge femme et enfants peut être tenté de jouir ausi des faveurs de la femme qu’il a prise sous sa protection . Et il semble pour la sagesse Dagara que sa faute soit moins grave que celle d’un étranger à la famille .
Rappelons que chez les Dagara le mariage est exogamique et que tout rapport sexuel entre femmes et hommes de même clan est formellement proscrit et considéré comme incestueux et donc interdit . En aucun cas il ne peut et ne doit avoir de rapports sexuels à l’intérieur d’un même clan .

g.Le divorce dans la société traditionnelle Dagara

-Le vocabulaire Dagara pour parler du divorce n’est pas identique lorsqu’une femme quitte définitivement son mari ou lorsque c’est l’homme qui la répudie.
Lorsqu’une femme quitte définitivement son mari, le Dagara dit que la femme est sortie de la maison de son mari : « o yi na » littéralement « elle est sortie », « elle a quitté » sous-entendu la maison de son mari . On pourra également dire « o zo na », « elle s’est enfuie » .
ou tout simplement « o kul a », « o kul a a o saan yir » : « elle est partie dans la maison de son père », « elle a rejoint sa maison patrilinéaire » .
Oui, la femme s’en va , rejoint sa famille patrilinéaire lorsque son mari lui rend la vie insupportable, invivable . Les parents des deux côtés peuvent tenter une conciliation mais jusqu’à un certain point .
Toutes ces expressions ne peuvent pas s’adresser à un homme puisque c’est la femme qui quitte sa maison pour rejoindre le domicile de l’homme (virilocalité)
D’un homme qui divorce de sa femme, on dit : « O diu na bèr », « il l’a chassée » ou simplement «o bè r u na » « il l’a laissée » .
Comme on le voit, le verbe divorcer n’existe pas en Dagara ni le nom « divorce » . Le Dagara utilise donc des périphrases pour signifier la séparation, le divorce d’un couple .
Est-ce dire pour cela que le concept de divorce n’existe pas en Dagara ?
Oui, vu que le Dagara est très pragmatique, il n’est pas embarrassé qu’une femme le quitte . Il en reprendra une autre .
La femme chassée de son mari essaiera de se remarier ailleurs .
Concernant la dot, l’homme « divorcé » récupère la totalité de la dot qu’il avait versée auprès du nouveau mari de son ex-femme .
Généralement, il ne récupère pas les années de cultures faites chez son beau-père car il ne peut pas jouer le rôle de beau-père chez le mari de son ex-femme n’étant pas le père de son « ex » , ensuite le temps de cultures est passé avec les années de mariage vécues avec son ex-femme .
Par contre lorsque l’ex-mari n’a pas fini de payer la dot, c’est le nouveau mari qui doit et à l’ex-mari et aux parents de sa nouvelle femme en fonction de ce que l ’ex-mari a déjà payé .
De toutes les façons l’ex-mari ne perdra rien excepté les années de cultures et les parents de la femme non plus, sauf dans le seul cas où la femme décide de ne plus se remarier et reste dans sa famille paternelle . Dans ces conditions son ex-mari ne récupère rien de la dot versée, ce qui veut dire que la femme lui appartient encore de droit et que tout enfant illégitime qu’elle aura avec un autre homme lui appartiendra . Les rapports sexuels de son ex-femme avec d’autres partenaires ne seront pas considérés comme interdits car la séparation de corps s’est faite aux yeux de tous et en pratique elle n’est plus sa femme . Mais si les droits des 360 cauris et une poule ne lui sont pas versés, tout enfant à naître de son ex- femme lui appartiendront encore .
Le nouveau mari n’a aucun intérêt à différer la paye des « cauris amers » ou consécratoitres . C’est de son intérêt de vite payer ses droits sur sa nouvelle femme car tant qu’il ne les a pas payés la femme ne lui appartient pas vraiment.
Ils ne font que vivre en union libre sans pouvoir bénéficier d’aucun des avantages prévus par le mariage coutumier .

h.La polygamie ou plutôt polygynie dans la société traditionnelle Dagara

Mais qu’est-ce que la polygamie ?
Le mot vient du grec polus : nombreux et de gamos : mariage . Donc si l’on respectait l’origine du mot, ça devrait être un homme voire une femme ( pourquoi pas) qui a eu de nombreux mariages . Or en fait, le terme est utilisé pour un homme ( aner/ vir/deb) marié à plusieurs femmes simultanément . On devrait appeler ces hommes polygynes : gunè en grec signifiant femme . Mais le terme polygame est le terme consacré pour parler d’un homme polygyne .
Nous l’utiliserons pour parler de la polygynie , terme qui aujourd’hui n’est utilisé qu’en anthropologie pour désigner le cas particulier de la polygamie selon laquelle le système social fixe à chaque homme(aner/ vir/ deb) le nombre de femmes qu’il doit avoir .
La polygamie dans son sens ordinaire , est le cas le plus fréquent dans la société traditionnelle Dagara .
Grand-père vous parlera de polygamies, c’est-à-dire de véritables mariages généralement coutumiers où la dot au moins consécratoire a été déjà versée . Nous verrons un peu plus loin, des fausses polygamies en milieu urbain où un homme cohabite en union libre avec plusieurs femmes sans avoir versé au préalable, de dot au moins consécratoire .
La vraie polygamie est fréquente en milieu traditionnel Dagara pour ses nombreux avantages :
.Nombreuse progéniture donnant plus de bras dans les travaux agricoles ;
.Réduction des tâches pour les femmes qui se partagent les travaux ménagers et agricoles
-Prestige de l’homme qui,par la polygamie, montre sa capacité d’acquérir plusieurs femmes par la dot .Car si la dot de la première femme est payée par ses « pères », les dots des autres femmes sont à sa charge. Il les prend au fur et à mesure de ses moyens surtout en cauris, volailles et bœufs . Le Dagara traditionnel « riche » se doit d’avoir beaucoup de cauri, de volailles, un grand troupeau d’ovins, de caprins ,de bovins, beaucoup de femmes et de nombreux garçons et filles pouvant lui assurer de nombreuses alliances avec les autres patriclans . Ainsi sera-t-il connu et respecté dans le milieu .
Mais traditionnellement tout homme monogame entre la trentaine et la quarantaine à qui le père a doté sa femme et donné un lopin de terre pour s’assumer et nourrir sa petite famille trouve intérêt à prendre rapidement une seconde femme tant pour les travaux des champs que pour le ménage domestique . Ensuite il agrandira plus rapidement sa famille et s’assurera ainsi de l’arrivée de nouveaux bras pour les travaux champêtres .
Mais si la polygamie présente des avantages dans le milieu rural, il a aussi ses inconvénients que personne n’ignore : Querelles interminables entre les co-épouses par jalousie surtout si le mari manifeste des préférences pour l’une d’entre elles .
Prosmicuité des membres si l’espace familial est réduit .
Pour y rémédier le mari construit généralement un lowr ou côté comprenant une sorte de vestibule ou kiara (sorte de grande salle commune) et une petite chambre pour chaque femme et ses enfants .
Ainsi la polygamie est généralement plus forte en milieu rural qu’urbain surtout pour des raisons de main d’œuvre .
Souvent il est difficile de faire la distinction entre la vraie polygamie où toutes les femmes ont été dotées et les cas où des hommes prennent une autre femme avec laquelle ils vivent en union libre . Mais il n’a pas souvent intérêt à pratiquer cette stratégie de concubinage en milieu rural car il n’a à y gagner que des ennuis avec la famille de la femme avec laquelle il fait ménage . Celle-ci ne cessera de demander la dot avec des menaces de « retirer sa fille » . S’il a des enfants avec elle, de toutes les façons ils ne lui appartiendront pas . Cette situation ne peut être que transitoire .
Ce sont les citadins qui, loin du village, peuvent vivre ainsi pendant un certain temps avec la complicité de leur femme sans avoir trop à subir la pression du milieu
Il convient de souligner enfin le cas de la stérilité féminine en milieu traditionnel Dagara.
Elle est dramatique dans la mesure où la femme ne remplit pas sa fonction naturelle de procréation .
La femme stérile fait l’objet de toutes les vexations et de tous les mépris de la part de son milieu si bien qu’elle finit par se culpabiliser et s’engager dans le cercle infernal des consultations des devins-guérisseurs pour savoir quelle faute elle a pu commettre contre les ancêtres familiaux pour mériter un tel châtiment et chercher ce qu’elle doit faire pour réparer la faute et retrouver sa fertilité perdue quitte à y laisser ses maigres économies .
Très souvent ,elle finit par être répudiée par son mari qui ne supporte pas de n’avoir pas d’enfants avec elle . Dans les meilleurs des cas, elle se prendra volontiers une co-épouse qui assurera la descendance si la stérilité ne vient pas du mari .

i.L’union libre dans la société Dagara traditionnelle

Nous la mentionons simplement en tant que système d’union transitoire qui , dans le milieu traditionnel, n’arrange aucun des partenaires. L’homme a intérêt à vite normaliser la situation et la femme également car elle court le risque de mécontenter sa famille si elle n’obéit pas aux injonctions de regagner vite le foyer paternel jusquà ce que son prétendant fasse les premières démarches coutumières et paie les premiers éléments de la dot .
En ville elle est susceptible de durer si le couple s’entend bien et joue de la complicité contre les pressions parentales. Les familles demandent de normaliser au plus vite la situation.

16.Structure des villages Dagara

Tout le pays Dagara présente la même physionomie par sa répartition en villages plus ou moins éloignés les uns des autres, implantés de maisons dispersées et identiques par leur aspect et leur structure interne.
D’une façon générale, les villages voire les quartiers sont séparés de no-man-lands plus ou moins grandes.
L’habitat Dagara est fait de terre battue, durcie au soleil et présente des murs massifs et colossaux, plutôt curvilignes vus de l’extérieur, troués de meurtrières laissant filtrer le jour à l’intérieur. En cas d’attaque, il offre un rempart efficace contre l’ennemi. L’intérieur présente toujours à peu près la même structure :
Une cour ouverte « le davura » ; une grande salle le « kiara » avec à l’entrée des jarres ( duwr) destinées à la préparation de la bière de mil, le « daan », indispensable à toutes les rencontres officielles et surtout aux rites , aux associations de cultures( Kob) et aux travaux divers, aux cérémonies des funérailles, au commerce comme boisson légèrement alcoolisée et à toutes les fêtes et réjouissances.
A l’autre extrémité, se dresse le gros grenier ventru ( bowr) rempli de céréales : mil sorgho rouge et sorgho blanc.L’entrée cylindrique du grenier dépasse légèrement la terrasse et coiffée d’une sorte de chapeau conique en paille tressée. Le maïs, le riz , l’arachide, les noix de karité remplissent les petits greniers adossés au mur du « kiara ». Avant le grenier principal, on trouve l’âtre ou foyer principal utilisé lorsqu’il fait mauvais temps sinon d’autres sont construits dans la cour ouverte , le « davura »et servent régulièrement à la cuisine journalière et à la préparation de la bière de mil.
Sur la grande salle , s’ouvrent plusieurs chambres ,celles des épouses. les « di-bili » ou « petites chambres ».
Le mari dort sur la terrasse et par mauvais temps dans l’étage ( Bowpiè) construit au-dessus de la terrasse d’un « dibilé » central par rapport à l’ensemble de la maison. En l’absence du « bowpiè », généralement réservé au chef de famille d’un certain âge, il séjourne dans le dukpè donnant directement sur la cour d’entrée ou « davura ». Il est généralement fait d’une seule pièce où*le chef de famille dépose ses affaires personnelles et y dort éventuellement par mauvais temps Le bowpiè est le privilège exclusif du chef de famille ayant atteint un certain âge et orphelin de père . Encore faut-il faire une consultation chez le devin pour obtenir l’avis favorable des ancêtres et offrir un sacrifice avant et après la construction de la demeure . Ainsi ne construit pas un bowpiè qui veut . Les jeunes gens se fabriquent également leurs « dukpèri » appelés également « gaan-yir » ( des coucher-lever) où ils disposent leurs affaires et reçoivent leurs amis, voire des visiteurs de marque. Ils peuvent servir comme leur nom l’indique de chambres à coucher.
Les enfants dorment soit dans le « kiara » soit dans le di-bilé avec leurs mères soit sur la terrasse du toit ( gara). Le « kiara » est muni de plusieurs créneaux carrés de 4 mètres sur 4. Ce sont les « gori » généralement surélevés et aménagés pour servir de chambres par exemple aux grands parents ou à un jeune non encore marié n’ayant pas construit encore son « gan-yir » ou « dukpè ».
Juste à l’entrée du « kiara », des meules en pierre pour écraser divers produits (grains , condiments, etc ).

.17.Grand père, peux-tu nous parler des grandes familles,encore appelées « clans » dans l’ethnie Dagara ?

Qu’est-ce qu’un clan chez les Dagara ?
C’est un regroupement de plusieurs familles descendant d’un ancêtre commun , portant le même nom patrilinéaire et vivant dans un même espace territorial.C’est le doglu ( naissance) ou encore le yiru ( la maisonnée).
Loin de se disperser n’importe comment sur l’aire du village, les maisons sont regroupées suivant la parenté entre les habitants, créant des zones d’influence des clans et des patrilignages. De ce point de vue,un mélange est souvent significatif : une maison d’un clan A au milieu de maisons de clan B sera par exemple celle d’un neveu grandi chez son oncle utérin, puis devenu adulte, a marié une de ses cousines et s’est établi là, à proximité, sur un terrain cédé par son oncle ; soit encore un émigré d’un autre clan ayant fuit son village d’origine pour diverses raisons et à qui le tigan- sob a donné un lopin de terre proche de sa propre maison où il construira sa demeure.
Le don d’une femme du village facilitera son intégration .
L’unité interne d’une région Dagara exige de fait que ses habitants soient d’une descendance commune. Ces liens naturels , plus ou moins directs , de parenté , tissés entre ses membres soutiendront fermement la trame organisationnelle de la société.
A l’observation attentive de la composition des villages Dagara , nous constatons que la majorité des habitants forment un même clan ou un sous-clan A’ formé à partir d’un même clan A ; soit d’un clan X ou Y issu d’un matrilignage ou encore d’une alliance matrimoniale entre un clan A et un clan B .
Les clans Dagara sont de plus en plus nombreux . Il est très facile de montrer qu’ils dérivent d’un nombre plus réduit de clans primitifs éclatés en plusieurs sous-clans devenus à la longue des clans et ainsi de suite . A ceci,différentes raisons dont notamment l’augmentation des effectifs qui exige des scissions susceptibles de favoriser les mariages sans trahir la sacro- sainte loi de l’exogamie. Et en cas d’endogamie malgré tout au sein d’un patriclan devenu très nombreux , il se produit de facto une scission créant un sous-clan et l’endogamie se transforme ainsi en exogamie.Dans les faits ,la décision de rupture ne se prend pas sans douleur et souvent à la suite d’ interminables disputes,pressions au sein du clan pour faire casser le dit mariage incestueux. Mais de guerre lasse on finit par se résoudre à la fatalité de la création d’un sous- clan . Auparavant , on aura tout essayé pour éviter l’irréparable séparation.
Grand-père a vécu une aventure avec une cousine éloignée en provenance d’un autre village .Voici les faits :
Votre grand père avait voulu la fréquenter sans savoir qu’elle était , elle aussi une Kusiélé pure souche . Ce fut le holà de toute la famille :« ce sont les animaux qui ne savent pas reconnaître les leurs . »
La tentative s’arrêta là nette car grand-père appartenait à la chefferie de terre et ç’eut fait mauvais genre de poursuivre dans une voie sans issue au risque d’être la risée de tout le monde .
D’autres histoires se sont moins bien terminées et ont abouti à des brouilles entre familles.
Dans le cas de grand-père , il n’y a eu aucune fâcherie entre les deux familles . Un peu de moquertie pour ces jeunes de la « brousse qui ne savent plus se reconnaître entre eux » !
Grand père a gardé des relations affectueuses avec cette cousine Kusiélé .

De même, la descendance d’un esclave devenue nombreuse peut être distinguée du patriclan acheteur de son aïeul par un sous-clan proche. Ses descendants ont d’ailleurs tissé de nombreux liens de parenté par alliance avec le patriclan acheteur .

le clan souche Kpièlè a donné aujourd’hui par exemple:les kpièlè- saduw, les kpièlè- yir-paalè,les kpièlè-dotièlè, les Kusiélè, les kuselbè , les pur-yiilé et beaucoup d’autres clans et sous-clans.
Par ailleurs il n’est pas aisé aujourd’hui de retrouver la signification exacte des noms des clans .
Néanmoins , on a tenté d’établir leur parenté à partir de leurs chants de gloire ou cris de bravoure, des interdits communs et des relations interclaniques .
La signification de kpièlè viendrait de « kpier »( habiter) et « lè « ( comme cela, quand même), soit la volonté d’habiter quand- même la maison ( yir) délabrée au sens propre comme au figuré
Le sens du « lè » ou « lé » terminal à beaucoup de noms de clan signifierait plutôt : « ceux qui habitent là » .
Les Kusiélè , ce serait les « installés sur le promontoire en pierre.( kusier) » . Les pur-yiilè sont « ceux ayant leur maison près d’un tamarinier ( puré) » dont les jeunes feuilles pilées et trempées dans l’eau l’acidifient . Cette eau acide sert à acidifier la pâte de mil ou « saab » dit encore « tô ». Les pur-yiilé se ventent d’être le tamarinier géant dont l’abondance du feuillage comble les nécessiteux . Ils seraient donc ceux qui sont issus du tamarinier .
Les kpièlè ont donné un peu plus de 16 clans et sous-clans .
Le « dowlu » ou « yiru » c’est le clan qui correspond au « yir » ou à la famille .
« yir » est d’abord la maison-forteresse abritant la famille polynucléaire capable de s’enfler en dimension en donnant plusieurs « lowé » mononucléaires ou côtés.
Mais après la mort du pater-familias, si la situation l’exige, le groupe des frères peut se dissocier, chacun étant libre de se bâtir sa propre maison à part avec l’accord toutefois des aînés de lignage.
Généralement chaque « yir » porte le nom de l’aîné de la maison à moins que celui-ci soit incapable ou se fasse éclipser par un cadet plus influent .
C’est ainsi que fit notre aïeul Kuun- Wuré qui laissa ses petits frères à Pirkuon et vint s’installer à Béné avec ses enfants . Bèvon, le grand père de votre grand-père fit de même et se construisit une cabane provisoire ou « gur » dans son champ pour y habiter,durant la saison des pluies en vue de protéger ses cultures contre les saccages des singes . Puis au fil des années, il transforma le « gur » en habitation définitive qui devint un « yir ». Mais les gens du village jusqu’ici appellent encore notre maison « Bèvon –guri » ie « chez le gur de Bèvon » plus de 70 ans après .
Ensuite ce fut le tour du grand oncle Sinsour de rejoindre son frère Bèvon en venant construire une maison à proximité de celle de son frère. Après, ce fut le tour de leur jeune frère Dignè encore surnommé Wata. ; puis d’un demi-frère des trois frères utérins, Deb-ziè. L’agglomération, au départ ne comptait donc que 4 maisons séparées de moins de 500 mètres les unes des autres. Aujourd’hui c’est un quartier d’une vingtaine de maisons issues exclusivement de l’éclatement des quatre premières qui, ajoutées au maisons restées au « débuo », ie à l’ancienne maison de notre aïeul, forment au total une trentaine de cases de nos jours Elles constituent le quartier centre de Béné appelé Wouré-gan( « de l’autre côté de Wouré).
La grosse maison de Baa-koun, venu de Pirkuon rejoindre Wouré ( Baakoun-yir ) compte aujourd’hui plus d’une dizaine de maisons et forme le quartier de « Bakoun ». D’autres quartiers de Béné tels que Bèen-gan (10 maisons) ; Germain-lowr ou Mwan-bèrè groupe de 10 à 15 maisons ; celui de Bègnarè-gan une vingtaine de maisons ; celui de Mètuol-Tangzu , une dizaine et celui de Mètuol-Gaa-kuon , une vingtaine ; celui de Kargbélé-yir( des bèkuonè) , une dizaine et celui de Gbélétiper ou Mémer-guri(des kpaoungnanè ?), la dizaine, soit en tout une dizaine de quartiers de plus de 150 maisons . Chaque quartier est séparé d’un no-man’ s land plus ou mons important. Si chaque maison compte en moyenne vingt personnes au moins, la chefferie de terre de Béné ne comprend pas moins de 3ooo âmes
– Il faut cependant distinguer la chefferie de terre de la chefferie de village moins grande car certains quartiers , venant de villages voisins sont encore rattachés administrativement à leurs villages d’origine tout en vivant dans l’espace de la chefferie de terre de Béné qui s’étend d’ailleurs à d’autres villages tels que Kwaï et autre villages Wiilé voisins.
Béné qui comprend un peu plus de 150 maisons aujourd’hui , n’a accueilli , en plus de 60 ans, que quelques familles se comptant sur les cinq doigts de la main en provenance d’autres villages .
Grand-père ne connaît que la famille de Job venue de Babora vers les années 50 et trois familles Wiilé venus les unes après les autres entre les années 40 et 60 formant aujourd’hui une dizaine de maisons . C’est dire que l’agrandissement du village ne vient pas de l’immigration, mais d’une natalité grandissante à l’intérieur de l’ancien village provoquant la multiplication des maisons alors que pendant le même temps, aucune famille n’a fuit Béné pour un autre village .
Cela montre la stabilité et la dynamique des villages Dagara dont les familles bougent très peu ,mais dont le nombre de personnes augmente sans cesse . En effet au départ Béné comptait à peine une dizaine de familles venues les unes après les autres . Ces familles sont restées les mêmes en l’espace d’à peu près un siècle. Seuls les naissances ont accru et les mortalités surtout infantiles diminué au cours de ces années .
En nombre , le clan Kusiélé formé de trois quartiers sur la dizaine domine largement ; puis suivent les Kuselbè , un sous-clan des Kusiélé s’étendant sur deux quartiers, ensuite viennent les Mètuolè séparés en deux quartiers très éloignés l’un de l’autre (ils n’ont pas émigré du même village originel).Enfin quatre autres familles ont immigré après les autres entre les années 40-50 . Soit un total de 7 clans dont les 2 clans originels venus de Pirkuon : les Kusiélé et leur sous-clan Kuselbè.
On constate ici comment évolue un « yir » ou famille en s’agrandissant en effectifs pour donner un lignage issu d’un ancêtre commun, puis de plusieurs lignées formant un sous-clan, puis un clan ou patriclan qui, à son tour peut voler en éclats pour donner plusieurs sous-clans ,qui avec le temps deviennent à leur tour des clans à part entière occupant chacun , au départ tout au plus 3 à 4 villages différents dans un espace régional donné comme les anciens cantons de Koper, Dissin , Gnigbo, Zambo,Kokolibou, pour le parler Lobr, Dano, Guéguéré,Orounkpa, Fouzan ,Batié,Legmoin,etc pour le parler Wiilé.
Au Ghana se sont formés également plusieurs régions avec plusieurs dialectes : les Dagara-Lobr des régions de Nadom et Lawra ; les Waalè de Wa,et les Dègabè et Wiilé de Girapa, etc.

–Mais revenons au « yiru » ou « dowlu », ie aux clans ou familles pour constater que chacun possède ses chants de gloire, ses cris de bravoure et ses totems ou plutôt ses interdits (yi- kiru) qui les différencient des autres à moins qu’ils ne témoignent par leurs ressemblances ,des clans de même origine, en cours de différenciation. C’est le cas de tous les clans issus à l’origine du clan souche kpièlè, ie : Kusiélé, Pur-Yiilé, Kusiélè,Nayiilé, Waalè, Yi-paalè, Berwuolè, Kuselbè, Nakyièlè, Yir-wèlè, Di-kpièlè, Tièrè, les tiè- dem,voire d’autres encore .
Les interdits claniques des Dagara ne sont pas assimilés à des ancêtres mais plutôt à des êtres remarquables qui, par leur contribution historique , ont participé à la survie de ces groupes ; par leur rôle protecteur et leurs bienfaits, ils ont accédé à des statuts de parents.
Ce sont plutôt des tabous que des totems ayant des valeurs morales hautement significatives pour la vie du groupe selon ses aspirations fondamentales.
C’est ainsi que le clan Kpawnyannè a pour tabou le charognard qu’il ne chasse ni ne mange. Il est respecté comme un parent et sa présence aux funérailles par exemple a valeur de participation des ancêtres.
Les Kpièlè et les Kusiélé ont comme interdit clanique le « pélé puo saab », ie littéralement « la pâte de mil du panier », ie « le pâte non sortie du panier » . Ces clans ne mangent pas du «saab» dans le panier
Il faut le sortir d’abord de son panier .
Les Pur-yiilé ont comme totem de ne pas consommer les prémices de leurs récoltes sans les offrir au préalable aux ancêtres.
Les Tiè-dem abhorrent manger le singe ( Mwaam ) ; les Waalè, le héron cendré (Bur-mwan) ; etc.
Les violations des interdits amènent des sanctions très sévères telles que des maladies comme la perte des facultés mentales voire la mort brutale .
Pour éviter ces malheurs, il faut réparer la faute auprès des ancêtres et demander le montant auprès du bao-burè ou devin.

18.Quelle est l’organisation politique, administrative et religieuse du peuple Dagara, grand-père ?

Les Dagara ont la réputation d’être des « anarchistes »,et des « rebelles » comme d’ailleurs leurs voisins Lobi et Birifor. Cependant comme ces derniers, ils ne manquent pas ‘ d’une organisation politique, administrative ,sociale ou religieuse en leur sein. D’abord :

a.Le Tigan , le Tigan sob et autres autorités
Chaque village pourvu d’un tigan est administré par un Tigan-sob, autorité religieuse et civile, fondatrice de l’espace villageois qu’il a conquis et dont il contrôle les limites exactes. Il en assume la responsabilité auprès de ses ancêtres dont il a hérité.
Son pouvoir politique consiste en l’attribution des terres cultivables aux habitants nouvellement arrivés et en la surveillance des limites de l’espace villageois. Il règle également les conflits de terre entre habitants établis dans l’espace qu’il contrôle.
Mais son pouvoir religieux est encore plus étendu, quoiqu’on en dise, et ce malgré une forte christianisation de la région Dagara -Lobr .
Il est prêtre du Tigan , ie de la divinité-terre et donc médiateur entre cette divinité et les hommes soumis à son autorité .
Il veille à l’entretien de la « peau »( gan ) de la divinité Terre (Teeng)
Chaque fois qu’il est question de « couper la peau », le « gan » de la terre « teeng », ce qui ne peut se faire que par nécessité telle que le forage d’un puits, ou d’une tombe, la construction d’une nouvelle maison, le défrichage d’un nouveau champ, le tigan-sob doit attirer la prospérité sur les habitants concernés pour ses activités en veillant au respect des interdits du Tigan et des coutumes ancestrales. En cela , il règle tous les conflits liés aux offenses contre la divinité-Terre, celles liées par exemple au sang versé sur l’espace villageois , les conduites perverses telles faire l’amour en brousse, les vols, et brigandages sur son territoire. Bref, il est le chef religieux de l’ordre moral et social de son territoire.
En retour, il reçoit les versements en nature ou en cauris des réparations des fautes contre la divinité-Terre .Il lui revient également toutes les bêtes errantes ou tout objet important égaré,trouvé dans l’espace villageois sous son autorité .
Généralement le tigan-sob , chef de terre est l’aîné désigné du lignage détenteur du « tigan ».La transmission par filiation est plutôt rare !
Le chef de terre n’était donc pas le « maître » de la terre, mais plutôt son« prêtre » en même que le détenteur de l’autorité administrative locale.Certes l’autorité,religieuse et administrative était concentrée dans sa seule personne .
Mais d’autres personnages exerçaient aussi une certaine autorité ,non des moindres :
effectivement le chef de terre n’exerce pas seul ses fonctions
-Il il est assisté par le conseil du « yir »,
-élargi parfois selon l’importance de l’affaire. On désigne souvent cette assemblée par le terme « tigan –dem » ou « gens du tigan ».
-Il est également accompagné d’un sacrificateur, le « suor-sob » ou maître du couteau » chargé d’immoler les bêtes.
-Le « wuob-sob » ou « bao- bourè », « maître du sac en peau tannée »ou devin, « révélateur des vérités cachées ;enfin,
-le « kuber-sob »( celui qui. ne se laisse pas faire ». Il peut être du même clan ou d’un clan ami. Il contrôle les actes des « tigan –dem » afin de relever tout abus éventuel et les « tigan-dem » peuvent avoir des réparations à faire si des faits d’abus sont avérés.
Sous l’autorité du tigan-sob, les « ni-bèrè »( les anciens ) exercent leur autorité de façon plus directe et plus constante au niveau des « « yié », ie des familles.

b.Un « ni-kpèen » est un adulte responsable de ses actes.
Plusieurs étapes de vie consacrent le statut de « Ni-kpèen », à compter de la première enfance :
5 étapes du nourrisson (bié), ie de la naissance aux premiers pas ( bi- kiéna).
Quatre étapes de l’enfant de l’âge de 5 ans à l’adolescence.
Le début des activités économiques de l’enfant dépend de son sexe :
La fillette capable d’assister un plus petit enfant, c’est la « bigouré »ou « gardienne d’enfant » ;puis de le porter et de le divertir, de l’entretenir : c’est la « bi-yaal ».
Pour le garçonnet , c’est l’âge de suivre les bergers, de veiller sur un troupeau à proximité du village.
Fillette ou garçonnet peuvent garder les « petits champs » semés.
Le gardiennage des champs en épis de la brousse se fait par les adultes.
A cet âge , l’enfant Dagara portait des fibres de jonc( gyir) teintes en rouge ou en noir.
Certaines filles y ajoutaient des ceintures de perles enfilées aux hanches.
Après l’âge de 12 ans , arrivent la puberté et l’adolescence.
Le garçon devient un « dé-kolé » ( petit jeune homme célibataire) et la fille , une « pow-kolé » ( petite jeune femme célibataire).
Dans la tenue , la jeune fille ajoutait alors un cache-sexe par devant en fibres ou en perles ; le garçon passait de simple nakiinè(berger) au statut de « na-kiin_ kara », ie berger en chef .
Puis les jeunes gens deviennent mûrs pour assurer les activités de leur sexe : le jeune homme devient un « pol » ou pol-bilé » et la jeune fille , une « pow-sira » ou « pow- sira-lé » ou jeune femme, âge nubile ;
puis l’étape adulte : « deb » pour l’homme et « pow » pour la femme.
A cet âge homme ou femme sont déjà mariés. : « L’homme a pris femme »ou « dé pow » et la femme est partie pour un homme « kul sir ». Ils se sont mariés :« bè kuli-taa ».
Si l’homme n’est pas encore marié ou s’il a perdu sa femme, il est devenu un « dè-kuor »ou un homme sans femme , ie célibataire ; et la femme , une « pow- kuor », « une femme sans homme » , une célibataire.
Puis s’amorce la vieillesse tant pour l’homme devenu un « deb-sowg » et la femme une « pow-sowg » .
Ils ont généralement de petits enfants.Ils n’accomplissent plus certains travaux nécessitant beaucoup d’énergie tels que la participation active dans les groupes de culture, sinon ils sont préposés à l’arrachage des mauvaises herbes et n’ont plus de parts.
Respectés en tant qu’anciens « ni-bèrè », ils deviennent des autorités en matière coutumière.

Puis inexorablement , ils passent au stade de « dè-gnyan-mè », vieux ou de « pow-gnyan- mè », vieilles.
Le « yir ni-kpèen », le chef de famille, est l’aîné de la maison. Il cèdera sa place s’il devient trop âgé et n’arrive plus à « sortir » dehors, ie n’est plus actif dans la société. Le « yir- ni-kpèen, le représentant et le chef de la maison, de la famille élargie , ie « yir » , il agit en concertation avec les autres « ni-bèrè » , les anciens de la maison. Il est le prêtre des divinités familiales et préside donc à la consultation des ancêtres, aux sacrifices du ménage et à tous les offices délégués par le « tigan-sob ». Au niveau de sa maison, il est le juge et l’administrateur des biens.Il tranche les litiges entre les membres de la maisonnée. Il est chargé du paiement des dettes familiales avec la participation des autres adultes mariés de la maison.
Il gère les biens de la famille, champs et bétail collectif. Il a l’initiative des funérailles qu’il annonce en poussant le premier cri de lamentation, le fameux « Saan-wéi « ou « man-wéi », « oh père . », « oh mère . » selon qu’il s’agit d’un défunt ou une défunte, cri d’appel, d’invocation des ancêtres .
Il est chargé également de réunir les impôts et toutes collectes incombant aux membres de la maison.
Pour toute convocation, il représente sa maison.
Mais pour les affaires interlignagères, claniques ou villageois, il n’est pas fait appel à tous les chefs de famille, mais aux représentants des lignages ou clans concernés.
Aujourd’hui, avec l’implantation d’organisations modernes dans les villages, groupements, associations, coopératives, on assiste à la naissance d’un statut de « ni-bèrè » par voie élective et pour une durée limitée .
Mais pour autant le rôle traditionnel des anciens reste encore bien ancré dans les mentalités villageoises notamment celui du chef de terre .

c.Le culte du Tigan

Le culte de la terre,ou esprit de la terre est en relation étroite avec le culte des ancêtres comme nous le verrons un peu plus tard !
Dieu a donné la terre nourricière à l’homme;c’est d’elle que dépend sa vie , il la tient des ancêtres dont il descend. Les hommes sont sortis de la terre et y retournent comme tous les parents défunts. Etant à Dieu , la terre ne peut appartenir à l’homme ; il n’y a pas de propriété du sol au sens européen du mot. Elle ne peut donc pas se vendre et tous ceux qui le faisaient encouraient le courroux du Tigan et s’exposaient à une « mauvaise mort » dont nous reparlerons plus tard.
Le tigan-sob ou prêtre de la terre est chargé d’offrir les sacrifices qui assureront les bonnes recoltes. C’est lui qui délimite les parcelles des champs et c’est par ses sacrifices que l’on obtient l’autorisation de cultiver pour la première fois le champ ainsi délimité.
Mais la partie délimitée et cultivée par une famille, un linéage devient inaliénable . En cas de conflit , le tigan-sob dépose un rameau de gaa (néflier d’Afrique ) sur le champ en signe de dépossession provisoire jusqu’à ce que le litige se résolve.
Le tigan-sob ne peut transmettre son pouvoir qu’à son patrilinéage . Il n’y a pas d’élection. En principe c’est le plus ancien du
patrilinéage qui prend automatiquement le titre à la mort du tigan-sob en place.
Le tigan-sob ne peut donner que des ordres conformes à la coutume , sinon ce serait la révolution !
Cette autorité peut conférer richesse et puissance ,car la fonction rapporte comme nous le verrons .
En plus tout individu vivant sur l’autorité territoriale du chef de terre lui doit obéissance !
Mais en fait , il ne peut agir sans tenir compte des contre-pouvoirs de contrôle instaurés par les coutumes.
Quand un chef de terre meurt, c’est en principe le plus ancien de la lignée paternelle qui le remplace et non son fils ,comme il est dit çà et là à tort !
Mais il peut arriver qu’un chef de terre désigne son fils pour lui succéder avec l’assentiment unanime des anciens de la famille.
Quand le représentant légitime est incapable ou jugé tel de remplir correctement la fonction de chef de terre , un conseil de famille lui adjoint un frère ou un demi-frère.
Ce fut par exemple le cas de Daaviel pour la chefferie de terre de Béné : Il était aveugle et lorsque son tour arriva , on lui adjoignit Sinsour.qui assura effectivement la marche des affaires jusqu’à la mort de celui-ci où il fut officiellement investi comme nouveau chef de terre. Aussi dans certaines listes de successions des chefs de terre, le nom de Daaviel ne figure pas à tort.

d.La cérémonie d’installation d’un chef de terre :

Après les funérailles d’un chef de terre , a lieu l’installation de son remplçant.
La cérémonie a lieu pendant la saison sèche. Ce jour-là, chacun apporte ce qu’il peut pour la participation au sacrifice
On prépare du daan (bière de mil Dagara) et des offrandes .
C’est au cours de cette cérémonie que le ku -ber -sob présente officiellement le nouveau chef de terre.
A Qui revient en général la chefferie de terre d’un territoire donné ?
En principe , c’est un des descendants du premier occupant du territoire délimité qui est fait chef de terre .
Mais il peut arriver que celui-ci soit évincé ainsi que sa famille par la raison du plus fort qui est toujours la meilleure !
Cela s’est souvent passé entre les Dagara et les ethnies qui les ont dévancés :
Dans la région de Dissin, il y eut d’abord les Gan, puis les Pougouli qui furent gentiment priés de céder la chefferie de terre et de déguerpir !Ce fut souvent le cas même si les Dagara ont tendance à le nier en prétendant avoir acheté la chefferie !
Ce qui en principe ne se fait jamais !
C’est aussi ce qui arriva aux Pougouli de Koper et de Dalgaane qui étaient toujours repoussés par les Dagara !En effet les Pougouli ne cultivent pas beaucoup ! Ce sont surtout des artisans qui font de la poterie et les échangent contre les vivres !
Il leur arrive donc d’emprunter des vivres aux Dagara et en cas de non remboursement c’était des bagarres ! Les Pougoulis , plus pacifiques que les Dagara, préféraient souvent s’en aller pacifiquement que de subir la violence des Dagara qui n’hésitaient pas à prendre arcs et flèches pour se faire justice !
C’est donc ainsi qu’ils se firent repousser jusqu’à franchir la Volta Noire et à se retrouver à Fiteng !
Pendant ce temps les Dagara, premiers arrivés ,s’arrogeaient la chefferie de terre après avoir offert des sacrifices expiatoires au dieu de la Terre !
A Guéguéré , il en fut de même où les Gbaanè Wiilé chassèrent les Pougouli.et prirent la chefferie de terre !
Mais aujourd’hui ce sont les Zaguè qui ont le Tigan !
A Dano, le Tigan était d’abord aux Kpièlè ,les premiers arrivés .Il est aujourd’hui au Zaguè les plus nombreux !
A Oronkpa, les Zaguè cherchèrent également à prendre la chefferie de terre ,mais en vain !
Parfois le Tigan était divisé ou donné aux nouveaux arrivants pour éviter des histoires et faire en sorte que tout le monde s’entende bien.
C’est le cas de Béné où la chefferie de terre fut donnée par Bang- ni- bo, le chef de terre Pougouli à son neveu Wouré avant de traverser la Volta Noire !

e.Qu’est-ce que, grand-père cette fameuse pierre ( kour)) du Tigan ?

Selon certains , ce serait une pierre spéciale enterrée très sécrètement et brillante comme du quartz avec filets d’or. Selon d’autres, ce serait une pierre ordinaire , mais enterrée profondement au-dessous de celle que l’on voit effectivement ! Elle serait bien cachée , car si elle venait à disparaître , la famille du tigan-sob devrait émigrer pour éviter la mort !
Un cas similaire arriva à Legmuan :Au moment de sacrifier au Tigan ,on ne trouva pas la pierre !
Tout le pays Legmuan fut en émoi ! Il fallait retrouver la pierre dans les deux jours qui suivent sous peine de malédictions et malheurs sur toute la chefferie de terre ! Pas un habitant ne pourrait plus rester sur les lieux !
Une femme étrangère par mégarde avait trouvé la pierre dégagée par des travaux de terrassement pour construire une école et l’avait emportée chez elle pour écraser le mil !
Retrouvée, elle fut traduite devant le conseil des vieux qui lui auraient fait la fête sans la présence du commandant !
Elle n’eut même pas à payer en réparation de son geste sacrilège les bœufs , les chèvres, poules et autres cauris pour les sacrifices expiatoires en vue d’apaiser la divinité-Terre .
Celle-ci dut cependant quitter précipitamment Legmuan avant que que les autochtones ne se vengent après le départ du commandant !
La pierre de plusiurs kilos provenait du pays d’origine du clan venu du Ghana !

f.Les sacrifices ou offrandes expiatoires et propiatoires

Elles consistaient à offrir des sacrifices pour réparer une offense faite au Tigan par un individu ou toute la communauté.
Le Bao-bourè ou devin consultait le tigan et fixait le montant de l’amende pour se faire pardonner. C’était notamment le cas pendant des séchéresses prolongées au cours de la saison des pluies. Il fallait consulter par des sacrifices pour trouver la ou les causes , puis sacrifier ensuite pour obtenir le pardon du ou des dieux offensés pourqu’ils ne retiennent plus la pluies bienfaitrices.
Mais il pouvait s’agir également de sacrifices propiatoires pour demander les faveurs des divinités à différente occasions : début de saison des pluies pour bénéficier d’une bonne saison des pluies et de bonnes recoltes. ,
Pour la construction d’une maison, le tracé d’un champ, un mariage !, etc.
Il pouvait s’agir également de sacrifices de remerciement après des évènements heureux : Sacrifices après les recoltes, après une naissance,un mariage , etc.
L’ouverture d’un marché comme nous le verrons dépend aussi de la chefferie de terre qui procède à des offrandes sacrificielles pour demander la protection de ceux qui viennent au marché et les défendre contre les gens mal intentionnés : porteurs de poisons,jeteurs de sorts et autres « mangeurs d’âmes »,etc
C’était une des raisons de la perception d’un droit en nature sur chaque marchandise . Cette contribution était en fait une participation aux frais des sacrifices propiatoires que devait offrir le chef de terre au Tigan.

g.Les cas graves relevant de la juridiction du chef de terre.

Toute faute grave ou tout cas concernant la terre relève de l’autorité du chef de terre.et plus spécialement certains évènements comme :
• les serments prononcés sous l’autorité du Tigan : « que le Tigan me fasse ceci ou cela si je ne dis pas la vérité ou si j’ai fait ceci ou cela ».
• les objets perdus trouvés sur le territoire du Tigan.
• les convocations par un plaignant dépendant de la chefferie de terre .
• l’adultère en brousse ,
• Les dettes contractées sur le territoite du Tigan
• Les vols commis dans le Tigan
• Les coups , blessures et meutres , ie le sang versé sur le territoire du Tigan,
• Les « mauvaises morts » attribuées au Tigan

-Serment sur le Tigan

Jurer par le Tigan est un serment très solennel.
On prend une poignée de terre pour la tendre à son adversaire . On en appelle au Tigan.
On peut frapper également le sol de la main
Celui qui fait le serment au Tigan s’acquitte d’une amende au chef de terre : 3000 cauris, 7 poules, et un mouton ou une chèvre ( un duun sèbla ). Ces animaux sont immolés sur le kour (pierre du tigan).
Le parjure était reconnu par le deuil qui survenait très prochainement dans les deux familles.
On consultait aussitôt le bao-bourè (le devin) et l’amende tombait irrémédiablement avec le refus d’enterrer tant que l’amende de mauvaise mort pour offense au Tigan n’avait pas été préalablement payée !

-Objets perdus

Tout objet perdu et retrouvé sur le territoire du Tigan doit être rapporté sans faute au tigan-sob qui le détient provisoirement en recherchant le propriétaire par des annonces au marché
Si au bout d’un an , le propriétaire n’était pas retrouvé ,l’animal ou tout autre objet trouvé revient au chef de terre qui l’offre en sacrifice au Tigan et en partage la viande avec les anciens s’il s’agit d’un animal. Si celui-ci a pu donner de la progéniture, on attend une année de plus avant de l’immoler.
S’il s’agit d’objets ou d’argent, ils reviennent au bout d’un an au chef de terre.
Les personnes perdues font l’objet de la même procédure et les ayants droit pour les récupérer doivent payer une forte amende au chef de terre.

Convocation par un plaignant

Le chef de terre écoute la plainte , puis il délivre une convocation urgente à la partie adverse, mais en gardant chez lui le plaignant pour éviter une éventuelle représaille contre lui.
En même temps les principales autorités et chefs de famille sont convoqués .
Le jour fixé tout le monde se réunit chez le chef de terre qui donne la parole au plaignant ,puis ensuite à l’accusé qui expose sa version des faits.
•Après les avoir écoutées, les deux parties sont séparées pour éviter les bagarres.
Alors le conseil des anciens délibère et au cours d’une nouvelle réunion donne son avis.
Et ce n’est que le Ku-ber –sob, « celui qui ne laisse jamais rien passer »,sorte de procureur ou d’avocat neutre du peuple, qui rappelle les coutumes traditionnelles et en vertu de ces coutumes prononce le verdict. Le tigan –sob approuve et fait exécuter la sentence.
Le coupable verse dommages et intérêts ,non directement à la partie adverse , mais au Tigan qui en prélèvera une part pour le fonctionnement de la chefferie.
C’est de la démocratie directe.

-Adultère en brousse

C’était une faute particulièrement grave à l’égard du Tigan et si elle n’était pas réparée, c’était la sécheresse assurée en pleine saison des pluies.
Le coupable retrouvé devait payer au Tigan une forte amende d’un mouton ou chèvre , sept poules et 300 à 3000 cauris pour les sacrifices expiatoires au Tigan puis au mari lésé .
Nous parlerons un peu plus tard de l’amende de l’adultère.
S’il y a eu viol, l’amende est doublée !

-Dettes

La dette se paye au délai fixé . Si le débiteur ne le peut et s’excuse, le créancier ne dit rien.Mais la dette sera quand même réclamée après la mort du débiteur et sera payée par ses parents apès toute honte bue !
Nous y reviendrons au moment du traitement des cérémonies des funérailles

-Vols

Un voleur pris en flagrant déli doit retourner tout ce qu’il a volé
S’il est tué dans la bagarre, ses parents ne diront rien !S’il est surpris et prend la fuite, il risque de se prendre des flèches et en cas de mort, personne de sa famille ne le vengera !
Si le voleur reconnu de vol est incapable de rembourser les objets volés , c’est une dette qui lui échoit et dont il devra s’acquitter .
Si plus tard,on constate qu’il est à même de payer et qu’il s’y réfuse , on lui enlève des animaux ou objets lui appartenant à la hauteur de la dette.
Si la famille du voleur prend sa défense , c’est un motif de causus belli et alors les flèches parleront !
Le chef de terre se doit alors d’intervenir.
Si un soupçon grave pèse sur quelqu’un d’avoir volé des choses importantes , le tigan-sob peut prendre la décision de mettre une branche de « gaa » (néflier d’Afrique) dans son champ en guise de préhension provisoire par le Tigan en attendant que le différent se règle sous l’abre à palabres par les anciens réunis !

-Coups et blessures , bagarres généralisées pouvant générer des morts.

Lorsque des disputes dégenèrent en conflits graves pouvant opposer des familles entre elles et les entraîner à prendre les armes,( et cela arrivait assez souvent par suite de l’impulsivité des Dagara), le chef de terre se faisait accompagner de 6 hommes dont le ku-ber-sob. Il tenait en main le « zer » , une sorte d’enclume de forge,une paire de pinces ,une branche de « gaa »,insigne du chef de terre ou de son adjoint (le ku-ber-sob), une calebasse pleine de cendre pour apaiser les belligérants et une autre pleine d’eau pour éteindre la flamme de violence et de colère . Selon la coutume , l’enclume ne se porte jamais sur la tête , mais étant donnée la gravité de la situation, elle l’est à cette occasion.
Le chef de terre et sa suite , se dirigent vers les lignes de combat où ils circulent lentement parmi les combattants pour arrêter les hostilités ! La cendre est jetée en direction des combattants , l’enclume et les tenailles sont jetées au centre des combats et de l’eau est versée dessus !
Ensuite le chef de terre fait une admonestration très sévère à l’encontre des belligérants , puis s’en retourne avec sa suite. « Alia jacta est. ». « Le sort en est jeté » !Dès ce moment tout le monde range les flèches dans les carquois, puis tous les instruments sont retournés au chef de terre et tous les conbattants deviennent prisonniers du Tigan jusqu’à ce que jugement soit rendu.
Une femme peut également jouer le rôle de médiation avec une calebasse en mains et en demandant pardon aux conbattants qui se doivent d’arrêter le combat !
Les neveux ont le même rôle de médiateurs !
Il en est de même en cas de crime : la famille de la victime réagit spontanément et rapidement à coups de flèches sans attendre l’intervention du chef de terre !
Ceci entraîne l’intervention du tigan-sob qui impose à chacune des deux familles belligérantes une amende d’un bœuf,un mouton, une chèvre, 7 poules et 3000 cauris pour des sacrifices expiatoires au Tigan !
Si une famille refuse de verser l’amende, elle est aussitôt bannie du groupe social et chassée hors du Tigan !
Mais il peut s’agir de deux Tigan-dem Dagara qui s’affrontent.
Cela s’est produit plus souvent que l’on pense,
C’est par exemple le cas entre le Tigan de Pirkuon et celui de Koper au sujet d’un différent sur Babora :
L’affaire fut jugée grave pouvant entrâiner beaucoup de victimes de part et d’autres ! Les deux ku-ber-dem s’entendirent en s’interposant entre les combattants des deux campsen brandissant leurs branches de « gaa » !
Les deux chefs de terre acceptèrent l’offre de paix sous peine de lourdes amendes par la suite !

La mort attribuée au Tigan ou Tigan-kuu

Le domaine du Tigan s’étend non seulement sur les vivants , mais aussi aux morts !comme nous le verrons par la suite dans ce livre. Le refus du permis d’inhumer constitue la sanction la plus grave que le tigan-sob puisse prendre envers ceux qui refusent de se plier à ses exigences !
Certains accidents mortels ou décès sont attribués au « tigan –kuu » parce que c’est Tigan qui est censé les avoir tués :
•mort par foudre ;
°par maux de tête ;
•par dysenterie,
•par l’hydropisie ,
•par suite de chute d’un arbre ;
•par morsures de serpents
•par les anthrax,
° les poutres qui en tombant écrasent les victimes ;
•les maux de ventre,
°la mort de femmes en couches ;
etc ,etc !
Les familles des défunts doivent payer l’amende prévue au chef de terre : 3000 cauris, 7 poules et un animal ( duu –sèbla : mouton ou chèvre).
Le tout est immolé sur le tigan –kuur ou pierre du Tigan.
.Pour savoir la cause de la mort, on jette 4 cauris qui tombent chacun soit sur le dos ( la fente du coquillage en l’air) : c’est le yelmè ;
soit sur le ventre : c’est le muru.
Lorsque les yelmè sont égaux aux muru, ou lorsque les 4 cauris sont tous en position yelmè ou que tous les 4 en position Muru,l’interprétation est : Le Tigan l’a tué
Dans les quatre autres cas, le Tigan ne l’a pas tué.
On Confirme une fois encore qu’il en est bien ainsi.
On fixe une amende , qui exécutée , ouvre la porte au permis d’inhumer !

-L’épreuve du Tigan

Exemple cité par le RP Hébert

« Le 30 mars 1948, à Dano à cause de nombreux décès causés par la méningite qui sévit généralement dans la région, entre les mois de février –mars, le chef de terre convoque tout le monde pour trouver le ou les coupables de ces décès, en faisant boire à tous de l’eau terreuse pour que les mangeurs et mangeuses d’âmes avouent leur crime !
Mais l’infirmier , au courant de la manœuvre empêcha le rassemblement à cause de l’interdiction administrative des réunions pendant l’épidémie ! »

Ailleurs le même stratagème est appliqué à la mort de sa femme par un particulier
En effet après les toilettes funéraires de sa femme, il appela les gens du quartier et voulut savoir qui l’avait tuée en leur faisant boire à tous une boisson avec de la terre prélévée dans la tombe de la défunte et un peu de cendre !
Et l’on se passa la calebasse et tout le monde but du fameux liquide.
L’histoire ne dit pas s’il trouva le coupable espéré !

19.Le Dagara caractérisé par sa double appartenance : son dowlu ou yiru et son bèlu.

Tout Dagara se situe au carrefour de deux axes de descendance dont il hérite les deux noms .L’un qu’il est appelé à perpétuer, s’il est un individu mâle en restant dans son patrilignage et qui s’appelle le « dowlu » ou le « yiru », et l’autre le « bèlu » qui se transmet selon la descendance utérine hors du clan ou du lignage autonome par le mariage exogamique ou exceptionnellement dans le clan pour les enfants naturels appartenant aux grands parents ou à leurs oncles maternels (frères de la mère).
Le « dowlu » , appelé aussi « yiru » ou encore « yir dowlu »( l’appartenance à telle ou telle famille) situe l’enfant dans sa descendance agnatique et définit pour toujours sa filiation de façon patrilatérale.
Mariée, la femme conserve le nom de sa famille paternelle , son « dowlu », son « yiru » ou « yir dowlu » .
Mémé Julia, la mère de votre grand père, par exemple, était une Naayiilé et elle l’est restée même lorsqu’elle s’est mariée a pépé Simon, un kusiélé.
Les petites sœurs de grand-père , mariées l’une dans une famille Mètuolè , l’autre dans une famille kuselbè, sont restées toutes deux des kusiélé par leur naissance .Cependant l’une donnera des enfants Mètuolè et l’autre des enfants kuselbè .
Le « bèlu » ,par contre, est un nom matrilinéaire qui rattache l’enfant à un groupe diffus, répandu dans tous les « dowlu ». Tous ceux issus d’une même mère auront le même « bèlu » quel que soit leur « dowlu » patrilinéaire. Votre grand -père a le même « bèlu » que ses cousins et cousines utérins dits encore cousins maternels issus de sœurs de même mère. Ils auront ainsi le même « bèlu » que leurs oncles maternels issus de même mère. De même tous les enfants de ses sœurs porteront tous le « bèlu » Somda hérité de leur matrilinéarité quel que soit par ailleurs leur « dowlu », Mètuolè ou Kuselbè .
Donc chez les Dagara, tous les Somda sont issus d’une même mère comme d’ailleurs tous ceux qui portent les mêmes « bèlu » matrilinéaires :Mèda, Kpowda, Dabiré, Dah, Somé , Hien, Kambiré/ Kambouélé.
De même tous ceux qui portent le même « dowlu » ou « yiru » sont né de la même famille(yir).
L’administration coloniale française a porté par erreur comme nom de famille Dagara, les « bèlu » au lieu des « dowlu »ou « yiru » ou les deux à la fois comme le fait traditionnellement chaque Dagara .
Par contre l’administration britannique , au Ghana n’a porté aucun des deux noms ni patriclanique ni matriclanique sur les régistres administratifs. Elle n’a retenu que le prénom de l’individu : Der , Bangfo, etc . et le prénom du père comme nom de l’enfant ; ce qui n’est guère mieux .
Donner les « bèlu » comme noms de famille revient à semer la confusion dans une même famille polygame dont les enfants ne porteront pas tous le même nom . Certains lettrés Dagara en viennent à donner leur « bèlu » comme nom de famille à leurs enfants ; ce qui est une faute et une négation de la tradition Dagara.
Aussi on tend , aujourd’hui à inscrire désormais le « bèlu » de la mère et le « dowlu » ou « yiru » du père à côté des prénoms Dagara, musulmans ou chrétiens. Ainsi le nom de votre grand-père sera : Kusiélé Somda Bangfo Jean-Philippe et votre père : Kusiélé Somda Frédéric Sylvain. ; Tata Dominique : Kusiélé Somda Dominique Marie Et vous Kusiélé Somda Louise Marie ,Kusiélé Somda Raphaël Simon, Kusiélé Somda Eli Jean, Kusiélé Somda Julia Malou.
Le problème ne semble pas se poser chez les Dagara du Nord-Ghana qui connaissent dans le cadre coutumier leur dowlu ou yiru et leur bèlu dans le cadre du mariage exogamique, extérieur au clan et dans le cas des héritages par le bèlu .
Il est remarquable de constater que le clergé local ,de l’évêque au prêtre de base ,respecte scrupulement cette règle et contribuera ainsi petit à petit à la prise de conscience des autres catégories sociales à commencer par les lettrés !
Pour ce qui concerne les illettrés de nos campagnes , la tâche sera plus hardue car ils ont tous intériorisé cette règle et ne trouvent pas nécessaire de le dire à l’administration lors des déclarations de naissances , de mariages et de décès.
Par contre vous vous demanderez, avec raison, pourquoi votre père n’a-t-il pris le nom de sa mère et vous de même ? Et vous auriez raison si le nom Ceaux de la mère de votre père et de votre tata était matrilinéaire et non patrilinéaire . Le français ne possédant pas de système bilinéaire comme chez de nombreux autres peuples, la tradition Dagara, dans sa sagesse ancestrale, a prévu que, lorsque la mère n’est pas Dagara, les enfants , dans ces conditions exceptionnelles,portent à la fois le « bèlu » et le « dowlu » du père et non le patronyme de leur mère pour ne pas perdre le « Bèlu » Dagara dans un mariage mixte .
Vous noterez que les femmes ,en France, ne perdent jamais leur patronyme en se mariant !
Par contre, lorsqu’une femme Dagara épouse un non Dagara, son « «bèlu » est perdu pour sa descendance au profit du seul patronyme de son mari .
La France ne prévoie dans ses lois qu’un patronyme . Aussi pour le moment votre patronyme est par erreur administrative,le bèlu de votre grand-père qu’a pris dans le système français votre père et le vrai patronyme de votre grand-père est devenu chez vous comme chez votre père un prénom secondaire .
La tradition Dagara, elle, l’a prévue.Au sens de la coutume Dagara, l’enfant n’a pas qu’un père . Il doit considérer tous les « frères », ie tous les hommes de la même génération de son père dans le clan que lui comme ses « pères » à commencer par ceux du même « bèlu » ,ceux-là mêmes qui hériteront de lui en cas de décès ,et qui assumeront la tutelle de la famille et éventuellement le remariage de la veuve.
Bien plus, le géniteur est parfois loin d’être le père . C’est le cas de la fille-mère dont l’enfant ( un ziin –yir bié ou un bi-yo) revient en priorité à un frère utérin de même bèlu soit à un des autres frères de la mère.
Ce fut le cas pour la sœur de votre grand-père Delphine qui eut ses deux premiers enfants sans être mariée, ie sans que le géniteur de ses enfants n’ait versé la dot traditionnelle . Ils furent attribués d’office à son frère utérin, ie à leur oncle maternel, ie à votre grand père . Trois autres filles de la famille donnèrent également des enfants sans être dotées . Ils revinrent à leurs oncles maternels ou à leur grands pères s’ils sont encore en vie .
De même l’enfant adultérin appartient toujours au mari légitime, même décédé et non à son géniteur qui, en plus devra verser un forte amende au mari trompé ou à sa famille si celui-ci est décédé.
C’est ainsi qu’Edouard Hien, cousin germain de votre grand-père, un « frère » dans la tradition Dagara, eut avec une jeune femme du village dont le mari, Denis Somda était décédé, deux beaux garçons qui restèrent dans sa famille et non dans la nôtre car il n’avait pas remboursé la dot à la famille de Denis même pas les 360 cauris. Sa conduite était de l’ordre de l’adutère dans la coutume Dagara ou pour le moins du concubinage . Edouard ne pouvait hériter de Denis décédé qui, tout étant son « frère » générationnel ne portait pas le même « belu » que lui . Denis était un Somda et Edouard un Hien . Hien et Somda ne « mangent » pas ensemble . ie un Hien ne peut hériter d’un Somda et vice versa . S’il était un Somda, les enfants lui revenaient de droit au nom du lévirat car en tant que « frère » de même « bèlu » , il pouvait hériter de la femme de son « frère » et prolongerait ainsi la descendance du « frère décédé » dont il a acquis en tant qu’ un des héritiers légitimes les droits sexuels de la veuve en versant les 360 cauris au préalable pour « jouir » seul des avantages sexuels de la femme . Mais en vivant en union libre avec la veuve de Denis, il ne faisait que produire des « zii-yir bir »aux héritiers légitimes de Denis .
On voit par cet exemple l’importance du bèlu !
Pourquoi n’a-t-il pas voulu payer au moins les 360 cauris ? Mystère !
Il n’ignorait pas pourtant la coutume !

Par contre pour mémé Julia, la mère de votre grand père, à la mort de pépé Simon, son premier mari, la coutume Dagara fut respectée : Le grand frère utérin de pépé Simon, Gabriel ,de même « bèlu » que pépé, devenu veuf lui aussi, a épousé mémé Julia en secondes noces et ils eurent ensemble Delphine, la demi-sœur de grand-père.
Dans l’ordre de la parenté, tous les hommes de la génération immédiatement antérieure à celle du père sont « des grands pères » car des « pères » du père. Ainsi les « frères » ie les cousins de grand-père de même génération sont vos grands-pères .
Les fils des oncles du clan ou « pères » sont des « frères » et leurs filles des « sœurs » . Les « frères » du mari , dans le clan, sont des époux et leurs femmes des co-épouses,etc. Toutes les tantes maternelles, soeurs de la mère sont des « mères » et leurs enfants des « frères » et des « sœurs ». On a également les oncles maternels (maa-dèbr) et les grands parents maternels appelés respectueusement « saa-kum-minè et « maa-kum-minè ».
Il existe ainsi un parallélisme entre la descendance patrilinéaire et matrilinéaire. Toutefois, il est à noter que les cousins croisés ( fils ou fille de la sœur et du frère) issus de mariage exogamique ,désignés comme des frères et sœurs, peuvent cependant se marier . C’est même le mariage préférentiel Dagara qui permet des échanges et des rapports équilibrés et apaisés entre deux familles.
Les rapports de l’épouse et des enfants au chef de la cellule familiale ont un caractère austère. En effet le couple doit procréer et perpétuer la vie.
Entre époux prédomine la loi du devoir obligeant le mari à loger, vêtir et nourrir sa femme .
L’épouse en retour doit « apprêter la couchette » à son époux .La femme vit distante de son mari en compagnie des autres femmes notamment de ses « co-épouses ».Elle garde son « bèlu » et son « dowlu », se réserve d’exprimer ses sentiments vis avis de son mari sous peine d’être réprimandée ou d’être taxée de libertinage.Cependant, il n’est pas rare de voir des jeunes couples Dagara se promener et causer ensemble. Par ailleurs ,il existe une certaine relation de plaisanterie entre l’épouse et les autres « frères » ou sœurs du mari qui donne l’occasion d’extérioriser indirectement les sentiments et d’égayer l’ambiance.
L’épouse peut faire le commerce à son propre compte car les biens personnels sont séparés entre mari et femme. Cependant les produits des champs destinés à l’alimentation sont pour toute la famille, mais sous la responsabilité du chef de famille qui peut néanmoins disposer des ventes des produits agricoles.
En retour, il lui incombe de procurer à sa femme et aux autres membres de la famille les outils de travail, l’habillement élémentaire , l’amélioration du menu par de la viande et du riz notamment aux grandes fêtes. Il « dotera » également ses « fils ».
En cas d’insoumission caractérisée de l’épouse, il arrive que le couple en arrive aux mains et que l’épouse soit battue et se sauve chez ses parents jusqu’à l’envoi d’une mission de réconciliation.
Quant à l’éducation des jeunes enfants, la mère s’occupe surtout des jeunes enfants et ensuite de ses filles. L’éducation des garçons à partir d’un certain âge, revient au père . Mais après la dot de sa femme par le père, il peut arriver , en cas de mésentente, que le père fasse la séparation des champs et des greniers en donnant à son fils ses propres parcelles.
Les relations entre frères reposent chez les Dagara sur leur conscience que les fondements du « yir » dépendent de leur degré d’entente. Donc la concertation entre eux est très importante et personne n’est laissée de côté. Cela n’empêche pas les distances entre frères suivant leur âge, les plus âgés imposant leur loi aux plus jeunes.
Dans les familles polygames,il existe une plus grande intimité entre les enfants d’une même mère.Celles-ci orientent leurs enfants dès leur enfance à se tourner vers leurs « frères », leurs oncles maternels, mais aussi vers leurs « sœurs » et leurs enfants, car ils sont de la même descendance matrilinéaire consanguine, de même « bèlu ».
Les relations entre grands- parents patri ou matrilinéaires et les petits–enfants sont plus ouvertes et amicales Les biens du grand-père reviennent au pet-fils. Indépendamment de leur « bèlu », petits-fils et grands parents « mangent ensemble » i e héritent les uns des autres.
Les cousins et cousines parallèles sont des « frères « et des « sœurs ».Ils sont soit du même bèlu ou du même dowlu et ne peuvent se marier .

20.Qu’entend-on par système de parenté . grand-père ?

L’expression système de parenté apparaît avec l’anthropologue Lewis Henry Morgan en 1871 : System of consanguinity and affinity of the human family.
Morgan établit deux systèmes : l’un descriptif, l’autre classificatoire. Mais il est difficile de distinguer les deux systèmes car le descriptif classe également.
Ainsi chez les Iroquois, le père et le frère du père sont appelés par le même nom et relèvent d’une classe distincte de celle des individus désignés par le terme utilisé pour appeler le frère de la mère.
Dans l’exemple Dagara, on a une classification similaire. Seulement au terme père et mère seront adjoints d’autres termes qui ont pour fonction de déterminer la nature et le degré précis du lien de parenté.
, Pour Radcliffe –Brown, la parenté devient « un domaine privilégié de droits et de devoirs organisés par des terminologies selon des principes moraux et de droits ( autorité, indulgence affective). »
Désormais , la parenté comme système, se conçoit comme système de terminologies définissant les liens de parenté dans un groupe auxquels correspondent des attitudes sociales.
L’aspect fondé sur les attitudes sociales est renforcé par Lévi- Strauss. La parenté acquiert une autre dimension avec le système d’alliance fondé sur une théorie de l’échange. Les structures élémentaires de la parenté reposent donc sur une règle d’alliance qui autorise, favorise, certains mariages, en interdit d’autres.
Selon la thèse de Lévi-Strauss , le mariage exogamique constitue une occasion d’établir une relation entre deux groupes et de ce fait résout la question de l’inceste car il n’y a pas de consanguinité entre les membres d’un groupe à l’autre. Toutefois, le mariage entre certaines catégories de consanguins est accepté voire favorisé : C’est le mariage préférentiel chez les Dagara qui a pour but , entre autre, de conserver les biens , conformément aux règles de succession, dans le même groupe. C’est le mariage entre cousins germains croisés. Exemple mariage entre la fille de l’oncle maternel et le fils de sa sœur utérine ou la fille de la tante paternelle et le fils de son frère utérin, etc.
Il y a donc là une donnée économique non négligeable dans les liens de parenté qui , parfois, constitue une base de l’organisation du groupe.
Pour analyser convenablement ces liens, grand-père va examiner avec vous d’abord l’unité familiale Dagara.
Dans l’ethnie Dagara la résidence du couple est virilocale ie
la femme quitte toujours la maison de son père pour aller habiter chez son mari. Mais en fait, il s’agit d’une patrilocalité car la résidence du mari , traditionnellement est celle de son père, ie le fils marié vit toujours chez son père jusqu’à acquérir sa propre indépendance vers l’âge de 40 ans lorsque le père lui accorde son propre lopin de terre à cultiver et son propre grenier où il engrangera sa propre récolte en tant que chef de famille responsable de nourrir sa famille . Son père peut lui adjoindre des petits frères utérins dans le cadre d’une famille polygame. C’est « le don de la houe » . Le fils ainsi séparé reste généralement sous le même toit que son père jusqu’à un certain âge tant que son père est toujours en vie si l’entente est bonne.
Cela s’est vérifié dans les familles paternelles que maternelles de votre grand-père.
Il apparaît ainsi dans la société Dagara un premier type résidentiel:
La famille élémentaire ou nucléaire est composée du couple monogame ou polygame, les enfants mineurs ou célibataires.
.La famille agnatique se compose du père, des fils mariés, et leurs épouses : des frères du père mariés et leurs épouses ; des fils de l’oncle paternel mariés et leurs épouses ; les fils de frères consanguins et leurs épouses, voire parfois du neveu utérin du chef d’habitation.
Chacun tout en vivant sous le même toit a son « côté », son « lowr » où vit la famille nucléaire.
L’agnation désigne donc, pour un groupe social, la parenté par les mâles unissant un père de famille ou l’ancêtre mâle encore vivant à tous les descendants soumis à son autorité familiale..

21.Comment, grand-père ,comment se présente une maison Dagara ? (photo)

L’architecture de la maison Dagara, le yir est bâtie avec de l’argile pétrie. Elle ressemble à une petite forteresse dépourvue de fenêtres et autrefois même de porte d’entrée. Aujourd’hui en temps de paix, on a plusieurs portes : une porte d’entrée dans la cour extérieure et une porte dans la salle principale commune (le kiara). Autrefois, les seules ouvertures consistaient en de nombreuses meurtrières et en une grande ouverture conique par la terrasse.
Les murs de la maison sont construits en bandes de terre superposées les unes aux autres en laissant le temps nécessaire à la bande précédente de sécher d’abord avant d’en superposer la suivante.
Dans ce type de maison , sans portes ni fenêtres , on y entrait grâce à une échelle extérieure en bois appelée dèr(photo) conduisant à la terrasse et une autre placée dans la grande ouverture faite sur la terrasse qui permettait l’accès aux différentes chambres. Chaque nuit, l’échelle externe était retirée de même que l’échelle interne en cas de danger.Les hommes se postaient alors devant les meurtrières et pouvaient ainsi décocher leurs flèches empoisonnées contre les assaillants .
La maison traditionnelle Dagara est constituée d’un grand vestibule (photo) central autour des chambres des épouses(photo) Dans cette pièce se dresse le grand grenier à mil(photo). Moins imposants , les petits greniers à maïs, arachides, niébé et autres récoltes s’adossent au mur (photo) .
Cette grande pièce est le lieu de vie privilégié de toute la famille. C’est en sorte le salon où on reçoit, mange, discute, raconte les contes, la nuit à la lumière de la lampe à l’huile de karité
Les épouses ont leur chambre individuelles où elles entreposent leurs affaires (habits, paniers,poteries et autres possessions de la femme.). Les petits enfants en bas âge y dorment avec leur mère. Les garçons devenus grands peuvent se construire leur propre chambre ou dukpè(photo). D’ailleurs aujourd’hui le chef de famille possède aussi sa propre dukpè. Il peut se construire un « bowpiè »(photo), ie une petit étage sur la terrasse selon l’habitude familiale.
Le petit bétail et la volaille disposent chacun de leur propre abri fermé dans la maison(photo). Par contre le gros bétail est parqué à l’extérieur de la maison généralement dans abri ouvert en bois entrecroisés(photo). En saison des pluies, il se trouve donc exposé aux intempéries et à la boue.

22.Qu’est-ce que c’est, grand-père, que cette parenté à plaisanterie ?

Cette relation de parenté( lonluoru) constitue par sa nature un principe modérateur, un moyen de résolution des conflits entre individus et parfois entre lignages. Par le jeu, la plaisanterie, la dérision, on essaie de dédramatiser des situations peuvant dégénérer sans une intervention incontestée par les parties en cause. La parenté à plaisanterie ainsi instituée exclut tout domaine d’interdiction à la plaisanterie à l’égard des membres qui la constituent.
L’interdiction , si l’on veut, consiste dans la non dérogation à la règle de la réciprocité et d’éviter entre eux toute situation conflictuelle . Pas de colère, acceptation des joutes oratoires parfois insultantes ou vexatoires sous forme de jeu . Grâce à ces alliances, il est possible d’éviter des drames ou parfois des guerres interclaniques voire intraclaniques.
Les parentés à plaisanteries peuvent se tisser
•Entre grands-parents et petits fils ;
•Entre belles sœurs et beaux frères
•Entre bèlu, exemples les dari ( Somda, Meda, Kpowda, Dabiré) avec les Somé.
•clans patrilinéaires , exemples : Gbaanè et Kpièlè ; Tièrè et Dafièlè ; entre Ganè et Kpangnyawnè , etc voire même ethnies différentes ,
exemple Gouin–Dagara qui, dès qu’ils se rencontrent ,se traitent réciproquement d’esclaves .
Ainsi la parenté à plaisanteries constitue un principe régulateur des tensions entre groupes ou entre individus. Le refus des règles de réciprocité peut entraîner des sanctions infligées aux récalcitrants par leurs ancêtres ; punitions peuvant aller jusqu’à la mort .
Aussi la prescription est-elle en général très bien acceptée et respectée .
La parenté à plaisanteries lorsqu’elle intervient dans des circonstances douloureuses comme les funérailles s’accompagnent de saupoudrage de cendre . La parenté à plaisanteries s’appelle alors le tan –pèlo –sob, « celui qui met la cendre » pour apaiser ,atténuer si possible la douleur .
Attention donc à ne jamais vous fâcher contre une parenté à plaisanteries .
Vous les reconnaîtrez toujours à leur façon de plaisanter ou vous en serez avertis . Vigilance donc si vous partez en pays Dagara, vous les rencontrerez à tous les coups .

23.Grand-père, peux-tu nous parler de la relation avunculaire oncle-neveu?
L’oncle dont il est question n’est pas le frère du père qui est indifféremment appelé également « père », mais le frère de la mère encore appelé oncle maternel ou man-deb
La relation avunculaire concerne la filiation matrilinéaire .Les liens de parenté avunculaire sont donc établis entre le frère utérin de la mère et le fils de la sœur. Ces liens obéissent à des règles de comportement bien définies et parfois contraignantes. L’oncle et le neveu appartiennent à un même système de droits et devoirs.
Par exemple il appartient à l’oncle , selon la tradition de payer la compensation pour la deuxième femme de son neveu. Le neveu, pour prétendre à ce droit,doit dès son jeune âge aller aider son oncle dans les travaux des champs. L’oncle pour pourvoir à ses obligations donne traditionnellement une poule qui, multipliée suffisamment, sera échangée contre un cabri, puis une génisse et ainsi de suite, pour permettre à l’oncle d’accomplir ses obligations envers son neveu. L’oncle devra donner ,si besoin, un peu de terres à son neveu devenu adulte, lui fournir également du bétail pour les sacrifices rituelles dont il doit s’acquitter.
Mais l’oncle joue également un rôle de conseiller auprès de son neveu. Par exemple en cas de conflit entre le neveu et son père, l’oncle maternel interviendra pour lui indiquer la démarche à suivre pour obtenir le pardon de son père. Il faut signaler qu’en général les relations entre l’oncle et son neveu sont très détendues ; Mais le neveu étant un héritier potentiel de son oncle maternel si celui-ci n’a pas ou plus de frère, il devient de fait un frère de son oncle maternel , donc un mari potentiel du ou des femmes de son oncle qui le considèrent comme tel.
Cet héritier potentiel peut brouiller les cartes et provoquer des conflits si l’on y prend garde . Par ailleurs si l’oncle refusait de donner ou n’était pas capable d’honorer ses devoirs, cela pourrait créer des tensions avec son neveu
En conclusion, le système de parenté Dagara nous donne un exemple de parité entre masculin –féminin qui s’entremêle continuellement pour déterminer différents niveaux identitaires de l’individu sans rivalité ni compétition. Mieux encore, le respect de la réciprocité de la circulation des femmes d’un lignage à l’autre constitue un principe d’équilibre observable dans le mariage croisé matrilatéral ou mariage préférentiel ou encore mariage entre le fils du frère et la fille de la sœur. En donnant à son fils en mariage la fille de sa sœur , on ramène dans son lignage une femme en compensation de celle qui était partie en l’occurrence la sœur du père.
En rééquilibrant ainsi l’effectif des femmes dans les groupes respectifs, on contribue ainsi au maintien des biens dans son groupe du fait du système d’héritage s’exerçant entre frères, neveu et oncle consanguins.
Féminin et masculin se complètent chez les Dagara fort admirablement . C’est l’une des caractéristiques des sociétés bilinéaires en lesquelles une harmonie entre les deux genres assure la cohésion et l’unité des communautés.
La femme a donc son importance dans les sociétés bilinéaires certainement davantage chez les ethnies où le matriarcat domine davantage comme cela a lieu chez les Lobi alors que chez les Dagara c’est le patriarcat qui l’emporte contrairement à ce qu’a pensé et écrit les etnologues sous la colonisation !
Il convient donc de ne point assimiler toujours les coutumes des deux ethnies Lobi et Dagara comme cela s’est fait assez souvent sous la colonisation !

24..Et la parenté par alliance,qu’est-ce, grand-père ?
La parenté par alliance est due au mariage exogamique. L’échange des femmes est traditionnellement un phénomène collectif chez les Dagara, très organisé et non une décision individuelle, personnelle, libre. Il l’est par le consentement des groupes alliés et par la nature de la dot en bœufs et en travaux qui nécessitent une entente et une collaboration par les lois sociales telle le retour des filles dans le clan de leur mère, de préférence. La relation entre gendre ( dakiè)/ beau-père ( diem) ou la belle-fille( bié-pow) et beaux-parents est comme une relation déléguée qui doit être emprunte de respect mutuel au delà des devoirs rigoureux déterminés par la réglémentation de la dot.
Dans le cas d’un refus ou d’un « retard important » dans le versement de la dot, le beau-père rappelle sa fille. On utilise en Dagara le terme « faa » ,ie « retire » sa fille et exige avant son retour la liquidation intégrale de toute la dot .

25.Et les groupes de services réciproques, qu’estce que c’est ,grand-père ?

Entre le clan kusiélé et celui des kusèlbè de Béné, par exemple,
Le groupe de service réciproque est constitué avec un autre lignage de même souche, mais séparé depuis un certain temps comme le sont kusiélé et kusèlbè . Il existe entre les deux groupes une parenté éloignée. La séparation est intervenue pour faciliter les mariages entre les membres des deux lignages . Mais en fait la nécessité pour tout lignage érigé en clan d’avoir son groupe de services réciproques, l’amène , dans un village, à se donner comme groupe réciproque tout autre lignage de la localité avec lequel il vit en bonne intelligence . Le domaine principal d’intervention réciproque est celui des funérailles où les groupes réciproques sont chargés de diverses servitudes telles que l’exposition du mort, le forage de la tombe, l’enterrement , la consommation de l’animal symbolisant le mort en tant que cultivateur pour un homme et la conservation du carquois du défunt jusqu’aux dernières funérailles.
A Béné, il existe un contrat de services réciproques avec le sous-clan kuselbè très proche avec lequel les kusiélé vivent en bonne intelligence grâce à de multiples échanges matrimoniaux
Parle-nous maintenant , grand-père ,des conditions de vie d’un paysan Dagara.

a.D’abord quelle agriculture pratique-t-il ?

Un Dagara pratique traditionnellement l’agriculture, l’élevage, la chasse et occasionnellement le commerce en rapport avec ses autres activités. Le troc constituait la règle générale.
Il occupe également ses loisirs en s’adonnant à divers travaux d’artisanat tels la vannerie, la forge,la poterie, la couture , la sculpture, la construction de divers instruments de musique notamment des balafons , des flûtes en bois, des tambours, la fabrication du beurre de karité, du « kaal » ou « soumbala » en faisant fermenté après cuisson des graines de néré ( Parkia biglobosa), la bière de sorgho rouge fermentée en une boisson légèrement alcoolisée.
Passons en revue chacune de ses activités en premier lieu les activités agricoles :
Le Dagara est un agriculteur dans l’âme avant tout autre métier. Les techniques culturales pratiquées dans toute cette savane soudanaise semblent identiques chez toutes les ethnies. En effet on y débrousaille, laboure et sème en utilisant hâche, coupe-coupe, pioche et daba (houe) et lorsque la terre s’épuise , on la laisse quelques années en jachères.
Mais lorsque l’on y regarde de plus près, chaque ethnie diffère par ses outils, par ses productions céréalières et autres cultivables, par les façons culturales, par l’organisation des travaux des champs et la répartition des travaux champêtres entre l’homme et la femme.

•b.Quels sont ses outils traditionnels de culture ?(photos)

Une fois que le tigan-sob a procédé au sacrifice à la divinité-Terre pour solliciter sa bienveillance, l’ inauguration du futur champ commence : La brousse est alors attaquée à coup de hâches et de coupe-coupe pour abattre arbres et buissons tandis que les pioches déracinent les touffes d’herbes. Ces travaux préliminaires se déroulent soit après les premières pluies soit juste après les dernières cultures au mois de septembre surtout pour les extensions de champs.
-Le feu consumera les tas d’herbes et de bois séchés. Les hommes passeront ensuite au façonnage de la terre (buttage ou culture à plat) avec la houe. Ensuite, les femmes utiliseront pour semer le piolet et pour repiquer les plantes, la pioche.
Traditionnellement , les femmes ne font pas de labours dans les champs de brousse réservés aux hommes. Elles sont chargées des semis et des repiquages des plants. Mais elles peuvent labourer de petites surfaces pour des cultures secondaires d’arachides et de légumes-sauces( gombo, courges, dah( bir) et autres légumes traditionnels).
Aujourd’hui, l’évolution des techniques culturales a atteint le pays Dagara et on y utilise la culture attelée notamment pour les cultures de rente telles le coton. Mais il a fallu beaucoup de temps pour vaincre les résistances et faire accepter aux jeunes Dagara de « se faire aider ou nourrir par des bœufs . » . Mais quelle honte, quel abaissement . quelle humiliation pour le vieil agriculteur traditionnel Dagara habitué à gagner son « saab » , sa nourriture, courbé, fier sur sa houe, à la force de ses bras .
L’agriculture Dagara traditionnelle possède ses caractéristiques et ses avantages dus à la nature favorable de ses terres dans les bassins de la volta Noire, actuel Mouhoun. Il en résulte une grande variété de cultures et de techniques culturales. En effet ils pratiquent les assolements, la jachère, les épandages de fumure organique grâce à leur élevage et minérale dans les cultures de coton . Ils cultivent à plat l’arachide, dressent des buttes pour la culture de mil, sèment le maïs , plantent l’igname, la patate douce, le riz sur sols limoneux dans des bas-fonds humides et sur de grosses buttes larges . Ils combinent également l’association des cultures céréalières / légumineuses notamment sorgho rouge/haricots bruns, tous deux des cultures précoces ; sorgho blanc/ haricots blancs rampants ,deux cultures tardives.
Dans les champs de case, on cultive du maïs et du sorgho rouge avec de nombreux légumes sauces gourmandes en engrais organiques ; du haricot brun précoce, de l’arachide ou des pois de terre, toutes légumineuses moins gourmandes en engrais organiques sur le polé ( petit champ proche des habitations opposé aux grands champs de brousse)
Dans le grand champ de brousse , le « puo », ils produiront de préférence les céréales les plus tardifs tels que le petit mil ziè, le sorgho blanc ( zèlè), le haricot blanc ( bèon plaa.). Les abords des marigots sont consacrés aux cultures de riz( muné), d’igname(gnyur)), de patate douce (gnagnyur), de taro et de maïs( kamaan) , gourmandes en eau . Aujourd’hui le jardinage se pratique en contre-saison au cours de la saison sèche. Les jardins sont entourés d’enclos protecteurs contre le vagabondage des animaux domestiques laissés en divagation durant cette saison) et on y cultive de la tomate, salade, bananiers, citroniers, aubergines, gombo, courgettes,etc.
Les cultures de rentes, très peu pratiquées autrefois faisait l’objet de commerce occasionnelle , les Dagara n’aimant pas vendre leurs recoltes non transformées.
Cependant l’arachide autrefois beaucoup emblavée se vendait localement dans les marchés, funérailles, lieux de récencements ,vaccinations, messes dominicales, bouillie, grillée , décortiquée ou non ie transforméecar , souvenezvous : le Dagara ne doit pas vendre, sinon rarement les produits des champs non transformés !
Le tabac se cultive après la récolte de maïs dans les champs de maison ou dans les bas-fonds humides au bord des marigots. Les grosses buttes destinées aux cultures de maïs, patate douce et autres légumes, cassées et refaites en recouvrant les fânes de maïs qui, décomposées, fournissent de l’humus( puoru) dont raffolent les plants de tabac poussés auparavant sous abris.Les cultures précoces de maïs et de sorgho rouge se recoltent assez tôt avant le lâcher des animaux domestiques en début de saison sèche. Les champs de brousse ,éloignés des maisons sont emblavés avec des variétés tardives.
Un Dagara dispose ainsi de plusieurs champs afin de diversifier ses cultures et varier les possibilités de production en fonction de la pluviosité .
Les champs proches des maisons se subdivisent en champ sur les déchets domestiques de la maison ou « tan-puo » et en « po-lé »ou petit champ un peu plus loin.
Sur le « tan-puo », on y cultive en première culture des variétés précoces telles que le maïs et les courges.et en deuxième culture le tabac.
Les Wiilé adorent particulièrement cette spéculation .
Ils recoltent progressivement les feuilles jaunissantes qui, pilées dans un petit mortier et conservées sous forme de boules noirâtres, seront vendues au marché ou échangées contre d’autres produits. Ecrasées en poudre fine savamment dosée en potasse , elles raviront les palais avisés des chiqueurs accros
Les cultures de rente telles le sisal, le sésame et le coton se sont invitées en pays Dagara à la faveur de l’invasion coloniale..
Le sisal et le sésame ont aujourd’hui disparu tandis que le coton gagne progressivement du terrain aux dépens de l’arachide et des cultures vivrières .
Le riz demeure un aliment festif, encore peu consommé, souvent vendu en période de disette contre d’autres céréales. Le paysan Dagara diversifie autant que possible les différentes cultures pour se préserver contre les aléats pluviométriques.

c.Qu’est-ce que c’est que ces groupements de travail dont tu parles , grand-père ?.
Dans chaque village, voire quartier , lorsque le village est très étendu,se constituent des groupements de travaux champêtres(kob) au cours de la saison des pluies.
L’entrée dans ces groupements est libre, mais possède ses propres codes déontologiques basés sur la solidarité et la confiance réciproque.
A chaque « invitation » dans un champ, chaque associé doit labourer deux portions de terre dont les dimensions varient selon les types de cultures.
Mais vu le cumul inévitable des invitations à une même date, on peut difficilement s’y rendre à toutes.Il est alors introduit une système de représentation de une,deux ou trois autres personnes en ajoutant une part supplémentaire par membre représenté
Une personne représentée : 2+1 part= 3 parts deux part pour soi et une pour la personne représentée.
deux personnes représentées : 2+2= 4 parts ;
3 personnes réprésentées : 2+ 3=5 parts.
Ces cumuls évitent ainsi les déplacements importants et réduisent aussi la fatigue d’une longue journée de travail.
La part ( nuor) est tracée, coupée comme on dit, par un « coupeur » de parts ( no-mwaarè) accompagné du propriétaire du champ chargé de le guider.
La longueur d’une part constitue une bande de parcelle d’environ 100 m de long sur 3 à 4 m de large.
Ces entraides de cultures fournissent des occasions de témoignage de parenté,d’amitié, de solidarité et d’échanges de prestations de services réciproques « do ut des) : « je viens à ton invitation pourvu que tu viennes à la mienne » .
C’est un contrat de confiance entre des hommes d’un même village ou d’un même quartier qui se connaissent bien.
Elles peuvent servir aussi d’échanges pécuniers ou en nature . Par exemple un neveu conduira un groupe de cultures dans le champ de son oncle maternel pour obtenir la dot de sa deuxième femme ( cauri et vaches) .
Le gendre paiera en partie la dot de sa femme sous forme de travaux des champs exécutés en groupe de culture dans le champ de son beau-père( diem-kob).
L’entraide entre amis se pratique également , la culture en groupe pour de l’argent ou un animal domestique aussi , etc.
Les femmes s’organisent également en groupes de cultures pour les sarclages des champs personnels d’arachide, la coupe de bois, les puisages d’eau des travaux de construction ou la fabrication de bière de mil. A l’instar des invitations masculines, les associations féminines peuvent satisfaire des besoins d’argent, honorer un ami sinsin –kob), par solidarité envers un handicapé ou une vieille personne impotente ou sans enfant.
Les groupes de cultures constituent une école d’émulation et de sociabilité villageoise où les travailleurs apprennent à se connaître , à se jauger ,à s’apprécier ou à tester la confiance portée à telle ou telle personne.
Par ailleurs, il faut savoir éviter pour les fixations de ses dates de cultures les jours de repos traditionnels( Kpaandaa ou ta-ko daa) où il est interdit d’aller en brousse et aussi les dimanches où tout le monde prend maintenant le repos dominical.
Les invitations se font environ tous les 36 jours ( tous les 6 marchés ,un même marché revient tous les 6 jours ) . Plus de 3 personnes ne doivent pas retenir la même date d’invitation car il se produit alors une surchage de travail si on tient à les honorer toutes.
On fait des annonces répétées pour rappeler au groupe de cultures la date de son invitation notamment au cours des repas offerts après les travaux des champs .
Les invitations peuvent se faire dans son propre champ, dans les champs d’un ami , du beau-père, de l’oncle maternel voire chez quelqu’un d’autre pour des besoins d’argent.
Mais on ne peut pas s’éparpiller en prenant plus de trois types de cultures sinon , il sera impossible de placer toutes les invitations à des dates raisonnables et d’avoir suffisamment de monde à ses nombreuses invitations . On n’a généralement la possibilité que d’inviter 3 fois dans la saison pour chacun des 3 types de cultures octroyés à chaque membre du groupe. Il ne peut donc inviter que 9 fois dans la saison . Ce qui est déjà beaucoup compte tenu des jours de repos traditionnellement chômés et des dimanches !
On déborde généralement sur le début de la saison sèche par des invitations à la recolte des différentes céréales des champs de brousse ,à la préparation de nouveaux champs ou à la construction d’une nouvelle demeure.
Dans la tradition Dagara,cultiver est une obligation morale , culturelle et sociale pour tout homme en âge de le faire . S’y soustraire est considéré comme une anomalie propre aux handicapés physiques et mentaux .
Aucun homme, si riche soit-t-il , ne peut s’en dispenser ou pour le moins créer ses propres champs .Il se ferait automatiquement traité de fainéant , déprécié, coupé , exclu de la communauté villageoise .
Traditionnellement, on ne remplit pas son ou ses greniers en achetant des céréales au marché !
Il était interdit sinon très mal vu de vendre des produits non transformés .Donc impossible de remplir ses greniers autrement qu’ en cultivant ou en faisant cultiver ses champs par des prêts d’argent à des personnes dans le besoin qui organiseront des groupes de cultures pour vous.
Pour montrer l’importance des cultures en pays Dagara, l’hôte masculin que l’on reçoit honnera son hôte en l’accompagnant au champ et en participant aux travaux . Si c’est une femme, elle en fera autant avec les femmes de la maison dans leurs travaux ménagers ou champêtres.

d.Quel type d’élevage pratique-t-on en pays Dagara, grand-père ?

Un Dagara est, certes,avant tout un agriculteur, mais il n’en demeure pas moins un éleveur. En effet, il n’est pas de maison Dagara, si pauvre soit elle, qui soit entièrement dépourvue de poules, pintades, chèvres, moutons, bœufs, porcs, canards , etc
Toute famille, même indigente , élevera au moins des poules dans sa basse-cour . Et si elle le fait avec beaucoup d’application, elle pourra avoir par échange le reste. Comme Pérette l’espérait dans « Pérette et le pot au lait » de La Fontaine. elle échangera une dizaine de poules contre une chèvre , une quinzaine contre un mouton , puis des chèvres ou des moutons contre une vache et ainsi de suite.
Mais un Dagara n’élève presque jamais d’ânes encore moins de chevaux certainement parce qu’ils ne s’adaptent pas à ce climat de savane humide .
L’élevage constitue une activité surtout masculine et les revenus reviennent aux propriétaires.
La possession d’animaux revient surtout à l’homme, mais les femmes peuvent en avoir la propriété pour et par leurs fils
Les animaux sont élevés comme épargnes et ,en cas de coups durs, susceptibles de vente.
Les chèvres s’élèvent au piquet durant la saison des pluies, en divigation à la saison sèche . Caprins et ovins partagent le plus souvent la même étable. Mais les moutons, en saison des pluies sont conduits au pâturage ensemble avec les bœufs.
En saison sèche, chèvres, moutons, bœufs sont laissés tous en libre pâturage dans le village ou dans la brousse la plus proche.
Les bœufs sont généralement la propriété de la famille toute entière au même titre que la terre. Ils servent à la dot des femmes, à rembourser les dettes collectives et souvent à payer les impôts. En dehors de ces cas, ils constituent une précieuse épargne que l’on ne touche que rarément lors des funérailles et des sacrifices rituelles commandés par la coutume .
L’élevage des porcins est aujourd’hui en pleine extension et constitue une épargne vite mobilisable alors qu’autrefois il suscitait beaucoup de méfiance à cause des dégâts que le porc peut causer aux cultures.
Le rôle social de l’élevage prime sur celui de l’agriculture.En effet le détenteur de nombreuses têtes de bœufs sera davantage considéré qu’un agriculteur qui remplira ses greniers de céréales et d’autres produits agricoles . les ventes d’animaux sont permises et plus rentables que celles des céréales vendues seulement après transformation.
En plus le propriétaire d’un cheptel important pourra s’offrir plus de femmes car seul il aura la capacité de les doter sans peine !

e.Grand-père,comment se déroule-t-elle la chasse traditionnelle Dagara ?
La chasse constituait autrefois une activité collective importante pendant la saison sèche après le passage des feux de brousse pour nettoyer les hautes herbes dans lesquelles pouvaient se dissimuler les animaux sauvages ou des bêtes féroces .
Autrefois la chasse avait son rituel propre bien codifié : L’ouverture de la chasse était soumise à des consultations auprès du devin. Il ordonnait les sacrifices à faire au « Tigan », la divinité-Terre,etc.
Les produits de la chasse ,fumés sur foyers en dehors de la maison se conservaient sur la terrasse , près du grand grenier et constituaient une propriété familiale voire clanique. A la fermeture de la chasse collective , toute la viande ainsi boucanée,était collectée et bouillie en une seule fois en dehors de la maison dans de grandes marmites spéciales.Le bouillon de la viande servait à faire de la pâte de mil pour accompagner la viande. Ce repas prenait une allure festive et se voulait uniquement clanique et masculin.Sont en effet exclues toutes personnes, hommes ou femmes d’un autre clan .
C’est la fête du « Wè-tiin » où les femmes sont, enfermées dans la maison avec défense absolue d’en sortir sous peine d’y être ramenées à coup de fouets .
Les ustensiles utilisés étaient tous détruits à la fin du festin pour que les femmes ne puissent ni goûter ni toucher aux miettes du « Wè-tiin » puisqu’elles n’apparetiennent pas au clan de leur mari sous peine d’annhiler le poison de la famille .
L’organisation de la chasse ressemble à celle des groupes de cultures à la différence qu’elle peut concerner plusieurs villages, voire plusieurs cantons ou toute une région . La participation est également libre et non obligée. Mais comme les groupes de cultures,elle donne lieu à la fixation d’un calendrier et d’un cadre géographique avec des rappels fréquents, à la désignation d’un point de ralliement et, après l’opération à des rééditions périodiques.
Le meilleur auxiliaire de l’homme à la chasse ,c’est bien sûr son ou ses chiens , spécialement dressés. Les instruments de chasse comprenaient uniquement l’arc et le carquois porté en bandoulière et contenant de nombreuses flèches empoisonnées.
Deux à trois flèches accompagnent l’arc fortement bandé.
Longtemps avant l’ouverture de la chasse, après la récolte, les flèches sont empoisonnées, puis aiguisées quelque temps avant le jour J, les crochets des flèches sont réglés. Leurs entailles ou marques distinctives recouvertes par le poison sont réouvertes et accentuées..
Le chasseur porte aussi à l’épaule un da-kura , une sorte de bâton ou de canne massue et crochue destinée à assommer et achever l’animal touché par la flèche.
Il a aussi à son poignet gauche le « zaan », une sorte de brasselet en peau d’écureuil ou d’iguane ou à défaut de mouton ou de chèvre , cousu et bourré de coton ou de kapock . Il sert de par-choc à la corde de l’arc après le départ de la flèche.
Il y a la flûte en bois taillé ,le Wiè ou le Wélé en corne de bélier de bœuf que l’on joue pour le ralliement des chasseurs.
Un sac en peau tannée ( le wuo) sert de gibecière pour le petit gibier.
Le chasseur se protège généralement du soleil par un chapeau en paille ou par un bonnet en tissu teint .
La chasse se pratique de février à mai. Mais il est rare que les chasseurs emportent de l’eau. Ils se débrouillent pour en trouver en brousse dans une mare ou un marigot.
•Il existe trois types de chasse :
°Le « yèru » ou battue qui se pratique au voisinage du village, dans la brousse proche ; dans les forêts galeries des marigots .
•Le deuxième type de chasse est le « zo-tuor » ou le « Wiè- tuor », ie la chasse de rencontre.
Cette chasse concerne plusieurs villages voire deux régions différentes par exemple des Wiilé et des Lobr. Elles s’étendent sur une zone de ralliement. Il s’agit de deux fronts de chasse devant se toucher deux à deux et former un cercle fermé avant l’entrée en action.
•Le troisième type de chasse est le « wiè », ie la chasse en brousse ( wiè ». Elle peut durer un à plusieurs jours.
Les attaques des fauves peuvent briser la chasse.
Il est à noter que dans la chasse collective traditionnelle, il n’y a pas place pour le fusil .
De nos jours, la chasse collective à l’arc a perdu de son poids. Ne reste que la chasse individuelle au fusil de chasse légiférée par l’Etat

f.La pêche

La pêche en pays Dagara est une activité de saison sèche moins pratiquée que la chasse surtout par manque d’eau pendant cette période. Lorsqu’elle a lieu, elle revêt surtout un aspect ludique pour femmes et enfants .
Néanmoins la pêche dans certains marigots ou plans d’eau exigent au préalable des rites sacrificiels car le « maan »( fleuve) ou le « baa » ( marigot) tout comme le « wiè »( brousse) sont des esprits de la puissance-divinité « Tigan ».
La séance traditionnelle de pêche collective consiste à remuer l’eau de manière à obliger le poisson à remonter à la surface , le flécher et le cueillir au panier ou à la corbeille.
Pour la pêche, les flèches ne sont jamais empoisonnées

g.Le commerce

C’est plutôt une activité d’échange , de relation , de transformation de biens . Elle concerne les produits agricoles , animaux, artisanaux ou de chasse individuelle .
Le besoin d’acquérir des produits nouveaux ainsi que la monnaie moderne en CFA a favorisé le développement du commerce par les ethnies Yèri , Dioula et Mossi .
Mais les formes prédominantes du commerce traditionnel Dagara étaient le troc et l’utilisation des cauri .
Le troc est un échange de biens contre d’autres biens ou contre des services.
Avec le troc, le premier souci, c’est de mener des relations humaines de complémentarité et de solidarité qui garantissent la vie sociale.
L’échange exclut a priori tout calcul, proportion et mesure . C’est ainsi que l’artisan Dagara qui bâtit un grenier , travail d’expert de plusieurs semaines ,ne reçoit en retour qu’une poule !
Il en est de même du forgeron travaillant dur en échange seulement d’une matinée de travail de son client .
Par contre, à la recolte des arachides, tous les participants reçoivent chaque fois une portion de leur recolte proportionnelle à la qualité de leur intervention.
Les médicaments, dans le passé, jamais gratuits, ne donnaient droit qu’à une contre-partie toute symbolique de 5 cauri et une poule .
Aujourd’hui , les guérisseurs exigent un bœuf, des moutons, des chèvres , des poules et de fortes sommes d’argent .

L’usage des cauris(photo) :
Les cauris servaient, il y a à peine une cinquantaine d’années de monnaie traditionnelle faits de coquillages marins. Ils représentaient une sorte de troc et d’échange de biens.
Les cauri servaient également de parures tressées en colliers et assuraient la protection des proches parents du défunt. Ces derniers les exhibaienten bandoulière au cours des funérailles contre les atteintes du mort ! .
Les cauris revêtent également une haute valeur rituelle : 350-360 cauris primordiaux pour le mariage traditionnel Dagara. Ils ne peuvent pas être remplacés même par des des millions de francs CFA.
Dans certains rites , il ne faudra que 5 cauris et même qu’un seul ; véritable indicateur de la valeur toute symbolique du cauri en lui-même .
Tout en rappelant le franc symbolique,celui-ci en diffère par la considération portée sur sa matière propre.
Le fait est si vrai qu’en dépit de la hausse du taux de change des cauris de 20 à 3 cauris pour 5 francs CFA,les cauris continuent de s’acheter en pays Dagara auprès des échangeurs ambulants de monnaie . Nécessité rituelle oblige .
C’est que , pour un Dagara, le cauri a une origne divine lui confèrant des propriétés exceptionnelles, notamment purificatoires et protectrices car le cauri en sortant des profondeurs sous-marines relève du « Tigan-Baa ( Puissance terre-eau) .
De l’idée qu’un Dagara traditionnel ne place pas avant toute autre chose le gain dans les échanges commerciaux , certains en viennent à affirmer que l’ethnie Dagara n’a pas le sens du commerce . Pourtant il convient de noter que la plupart des noms matrilinéaires ont un rapport avec la vente ou l’achat : da ( acheter ou vendre ) : Som-da, Kpowg-da, Mè-da , Da- biré sont des subdivisions formant dans les bèlu un seul et même groupe en Dagara , les dari, en français le groupe des Da ou Dah seul nom subsistant d’ailleurs chez les birifor .
Serait-ce que les femmes qui ont donné ces « bèlu » seraient à l’origne du commerce dans la société Dagara ? Ce n’est qu’une hypothèse interprétative entre autres .
Il est à noter par ailleurs la grande importance des marchés : Ils servent en effet de repères temporels et permettent de fixer les échéances :
Le jour du Kpaan-daa se distingue entre tous car , mourir ce jour est considéré comme un signe néfaste tant et si bien que ceux qui meurent ce jour-là sont interdits des honneurs des funérailles officielles et sont passibles de sanctions car il y a eu « mal mort » .
Ce jour est également un jour de repos ( voir ta-ko-daa) où les principales activités agricoles, chasse ,pêche et autres sont stictement interdites . Il n’est pas question d’aller en brousse sous peine de faire de mauvaises rencontres d’esprits mauvais et d’y perdre sa vie par « mauvaise mort » .
Le marché Dagara se tient tous les 6 jours/ On y vend divers produits et c’est l’occasion pour les agriculteurs, éleveurs et artisans de vendre leurs productions transformées ou non et de se faire un peu d’argent .
On y trouve des aliments : beignets de mil (mwiimè), de haricot blanc(sinsin) ou de pois de terre(sinsin), de la viande boullie ou crue ; de l’igname et patate douce, de l’arachide bouillie ou grillée en coques disposée en tas de 5 cauris autrefois,aujourd’hui en tas de 5 ou 10 francs(photos) .
Il s’y vend aussi des condiments pour la préparation des sauces accompagnant la pâte de mil, tels les pimentset notamment le « soumbala » ou « kaal » en Dagara, préparé à partir de graines bouillies et fermentées de Parkia biglobosa ( néré ou nété) , douor en Dagara ; il a une forte odeur de fromage . Il se vend en boulettes rondes.(photos)
On y vendait ou achetait autrefois du sel gemme , aujourd’hui du sel blanc de mer mis en tas de 25 ou de 50 francs, du sel gris de potasse ,etc. ; du poisson fumé ou séché en provenance de Mopti au Mali ; différents articles de poteries en argile : jarres, marmites, canaris, pots, etc ; de la vannerie : , des chapeaux en paille tressée, des cordelettes, des nattes en paille tressée ; mais aussi des instruments de cultures :manches de daba ,des socs de houe, des pioches, hâches, coupe-coupe et autres outils aratoires.(photos)
N’oublions pas la vente d’animaux domestiques : poules, pintades, moutons, chèvres, vaches , cochons, etc.
Allons maintenant du côté des marchands de produits d’importation tels que les étoffes Mossi ou Dioula, la fripperie, les savons et savonnettes,assiettes, allumettes, lampes-tempête et des tas de bric- à-brac.(photos)
Quant au commerce de bière de mil ( dolo )ou « daan » en Dagara, il se fait dans les maisons-cabarets( daan- dio) et cabanes proches du marché par les « dolotières »ou daan-powbè en Dagara (vendeuses de bière de mil) . Autrefois le dolo se vendait dans des canaris, aujourd’hui dans de petites gourdes et dans de simples calebasses.(photos)
De nos jours, il se trouve au marché des produits agricoles non transformés, vendus en grain tels que le mil,le sorgho servant à la fabrication de la bière locale ; le maïs , le riz, alors qu’autrefois,non transformés, ils étaient interdits de vente.
Mais tout objet ne se vend pas sur la place de marché :Ainsi en est-il des berceaux des nourrissons, des balafons, des sièges de femmes, etc. Leur acquisition se fait par troc en dehors du marché .
Aujourd’hui tout rassemblement devient une occasion de marché : Messes dominicales, funérailles, récensements, vaccinations collectives,meetings politiques, etc.
Le bon commerçant, la bonne commerçante sera honoré au moment de ses funérailles par un « zanu » ou commémoration consistant à rappeler la vie méritante du mort et de son métier devant le hangar mortuaire où est exposé son corps. Nous verrons plus loin que le « zanu » vise à empêcher que le « gnyankwin » ( le revenant)du mort ne vienne hanter et troubler ses familiers et amis dans leur sommeil .Alors on l’éloigne en lui rendant des honneurs officielles et en faisant mémoire des faits essentiels de son existence terrestre .

27.Quelles sont, grand-père, les croyances, les rites et la religion endogène traditionnelle de la société Dagara ?

Nous ne discuterons pas ensemble , les enfants, de la distinction entre magie et religion, entre rites magiques et rites religieux. Laissons-les aux anthropologues car nous partons convaincus que même orales, les religions traditionnelles endogènes sont de véritables religions avec une véritable pensée religieuse et non une simple magie comme voudraient nous le faire croire certains anthropologues dès qu’ils abordent l’étude des peuples dits primitifs, incapables selon eux d’élaborer une véritable pensée religieuse.
Qu’est-ce qu’une religion sinon une création collective en laquelle toute action est orientée vers une force transcendante que l’homme ne peut influencer. La destinée de l’homme dépend de cette transcendance, de cet être, ce principe unique et multiple à la fois ?
Les anthropologues appellent magie un ensemble de savoirs inexplicables par la raison, des croyances et des pratiques engendrées par le besoin d’agir sur des forces inhérentes à la nature ou à certaines personnes. La magie est donc une action de l’homme sur des forces qu’il cherche à manipuler en fonction de ses exigences :La magie constitue donc un ensemble de techniques .
La religion au contraire forme un système de pensée cohérent aboutissant en la croyance d’un être ou en des êtres transcendants à qui l’homme doit rendre un culte ,se concilier les faveurs et obtenir , ici bas ou dans l’au-delà, pour soi-même ou pour la collectivité,certains bienfaits de la divinité pour tous ceux qui l’invoquent.
La religion se conçoit donc comme une relation entre l’homme et le surnaturel, entre l’homme et la nature transcendante. Les rites mis en place pour un culte aux forces surnaturelles, supérieures à l’entendement humain, constituent de véritables actes religieux. Ils se distinguent des rites magiques, exécutés non pour rendre un culte , mais pour influencer.
Ceci dit,il n’est pas interdit à une même personne de procéder à des rites magiques de guérison pour un autre individu ou pour une collectivité et d’accomplir ensuite un acte cultuel de remerciement aux forces transcendantales pour l’obtention de cette faveur . Rien de contradictoire dans ces deux attitudes .
La magie constitue une technique de guérison similaire à la science médicale toute proportion gardée.
La religion se considère un acte cultuel de prières et de remerciements à une force surnaturelle capable d’opérer une telle guérison .
La société Dagara, comme la plupart de ces sociétés considérées par les premiers anthropologues comme n’ayant pas de pensée religieuse, mais magique, a accédé à une véritable pensée religieuse certes encore peu élaborée comme toutes les religions traditionnelles endogènes de l’Egypte à la Grèce antique, de la Mésopotamie à l’Inde , de la Chine au Japon,etc.
Toutes ces civilisations dites primitives pratiquaient aussi la magie à l’instar des autres peuples ou civilisations anciennes à qui on a reconnu pourtant une religion

La religion traditionnelle endogène.
A l’image de toutes les sociétés d’Afrique Noire précoloniale, la société Dagara pratique une religion ancestrale acréditée par la littérature anthropologique du terme d’ « animisme », aujourd’hui religion « traditionnelle endogène’ ».
Que désigne–t-on, grand-père, par le terme « animisme » ?

L’animisme est la croyance en une âme immortelle survivant après la mort dans un au-delà.
C’est une doctrine selon laquelle il existe une vie de l’individu après sa mort et ce, à travers son âme, après la séparation de l’âme du corps mortel.
En cela , on pourrait conclure que la plupart des sociétés humaines possèdent une religion (Tylor EB (1832-1917).
A partir de l’universalité de la religion, Tylor introduit sa théorie d’animisme, terme désignant la « doctrine de l’âme ». En fait Tylor reprend à son compte la théorie du mouvement présente déjà chez Aristote pour qui l’âme ou anima , n’est rien d’autre qu’un principe de mouvement, le pneuma,en grec, le souffle vital ,traduit, en latin par le terme anima. Comme son nom l’indique, il anime, met en mouvement tous les êtres qui en possèdent. Ainsi pour Aristote, il existe des êtres animés, ie dotés d’une âme comme l’homme, les animaux et les plantes et des êtres inanimés qui en sont dépourvus car non mobiles par eux-mêmes . Pour Aristote , le mouvement s’inscrit dans un processus de croissance et de déchéance ,de génération et de corruption : l’homme comme l’animal et le végétal naît, croît et meurt.
Mais Tylor va plus loin qu’Aristote car pour lui , l’âme n’est pas la panacée des êtres ayant en eux le principe moteur, les objets dits inanimés possèdent en eux aussi une âme comme le dit si bien Lamartine :
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »
Par ailleurs il admet le principe de plusieurs divinités là où Aristote n’admet qu’un principe absolu et transcendant non soumis au processus de mouvement. et qui est au-dessus du mouvement.
Pour Tylor, la religion des sociétés traditionnelles s’entend comme la croyance, après la mort , d’une existence manifestée par la vie de l’âme de l’individu défunt.Cette conviction conduit à vénérer les âmes des ancêtres après leur mort pour qu’elles puissent intercéder les faveurs du Principe absolu que l’homme dans sa vie terrestre ne peut atteindre. L’ancêtre devient alors un médiateur entre ce Principe et l’homme vivant encore sur la terre.
Mais pour un Dagara, un certain nombre de phénomènes dits naturels comptent dans sa vie et sont donc sollicités comme médiateurs. On les appellera souvent des divinités ou des esprits supérieurs tels la colline, le fleuve, la rivière, la montagne, la terre, le ciel et bien d’autres encore que nous aurons à décrire plus tard . Ainsi la vie religieuse d’un Dagara se présente partout à tous les niveaux de l’existence humaine. Rien n’est ou ne se fait sans l’intervention divine. Aucun fait ne peut s’expliquer sans référence aux divinités ou aux esprits. Par conséquent, toute action de quelque importance est précédée par une offrande afin de solliciter l’intercession des divinités et des ancêtres par les membres vivants de la famille. Pour mieux comprendre le fonctionnement de la religion Dagara, examinons quelques exemples de divinités dans leurs rapports avec les humains.

Qu’entends-tu, grand-père, lorsque tu nous parles de la divinité-Terre ou Tigan, divinité protectrice du village ?

Existe-t-elle ? y crois-tu vraiment ?
Nous avons déjà vu que le principe d’organisation de la société Dagara relève avant tout du « religieux » et en tant que tel , soumis à la règle du secret . L’élément perceptible du territoire villageois est le symbole de la divinité-Terre, ie un autel qui lui est consacré.
La Terre (Téeng ) est perçue comme étant un être divin et en tant que tel possède son propre autel ou représentation statuaire.
Dans la plupart des cas , cet autel ( Tigan) est composé d’un arbre sacré planté souvent à proximité de la maison du fondateur du village, première personne à occuper les lieux.
Au pied de cet arbre, se trouvent plusieurs pierres amassées qu’accompagne un pot contenant de l’eau . Grâce à ce dispositif, symbole de la présentification de la divinité -Terre, l’homme peut communiquer avec ce dieu qui étend son pouvoir et sa protection sur le territoire villageois. Les interdits prescrits par la divinité -Terre, sont au fond des règles morales régissant la vie sociale. Toute personne vivant sur l’espace territorial, placée sous l’autorité de cette divinité , est tenue au respect de ces interdits de la « loi », tels le crime de sang sur le territoire villageois,le vol, l‘adultère, l’acte sexuel accompli en brousse, etc.
Chaque fois qu’il se produit une transgression, l’auteur du crime est tenu d’en informer le chef de terre ( tigan-sob), ie le fondateur du village ou un de ses descendants ( en lignée patrilinéaire). Gardien de l’autel du dieu de la terre, il représente la force de l’ordre . Il lui revient le droit de fixer l’amende dont s’acquittera le coupable.Elle consiste souvent en cauri et animaux sacrifiés ou déposés sur son autel. Sans cette offrande la divinité peut punir soit le criminel, soit la famille du fauteur ou même le village tout entier.
Pour l’assister , le sacrificateur ou suor-sob, « celui qui tient le couteau »,est chargé d’égorger les animaux offerts à la divinité-Terre tandis que le kumber-sob,ie « celui qui n’abandonne jamais , ne lâche jamais , ne laisse jamais impuni aucune faute quelle que soit la personne fautive », se choisit parmi les premières familles arrivées au village,après celle du fondateur. La tradition voudrait qu’il ne puisse être ni du patriclan ni du matriclan du tigan- sob, ie sans liens de parenté avec le chef de terre,afin de bien remplir sa mission en toute liberté .
Partant, le kumber sob a pour autre mission de veiller à ce qu’il n’y ait d’abus de pouvoir dans les mains d’un seul individu ou d’un seul clan ou famille (yir) et de faire régner une justice transparente .
N’est-ce pas, les enfants, de la démocratie directe telle qu’elle se pratiquait dans les cités de la Grèce antique ?
Un culte annuel a lieu une fois par an, après les récoltes en novembre-décembre, pour remercier le dieu -Terre des bonnes récoltes qu’il a données au village. C’est la fête du « Burgnèen » A cette occasion, on prépare de la bière de mil (daan) pour les réjouissances poulaires. C’est aussi l’occasion de renouveler le sentiment d’appartenance à la même communauté. Ceci se traduit par la soumission à un même autel de la divinité -Terre. Sous l’autorité de cet autel sont placés un territoire défini ainsi que tout ce qui s’y rapporte. En ce sens l’autel est le signe visible que chaque village Dagara est une entité donnée bien délimitée.
Cette cérémonie de fin d’année a en même temps un caractère réparateur des fautes commises et non déclarées au cours de l’année écoulée et donc pas encore réparées.
Au passage, on remarquera que la fête de Noël qui se situe à la même période a été appelé « Burgnèen » et a pris la place du véritable « burgnèen » !
Cela n’est pas sans nous rappeler que la fête de la Nativité du Christ( Natalis dies )avait pris déjà la place d’une fête païenne des vendages qui avait lieu en décembre à Rome chez les premiers chrétiens !

Comment démasque-t-on, les enfants, ces fautes non réparées?

En fait,toute personne ayant commis un crime ou une grave faute à l’insu de la communauté et ayant refusé de se dénoncer, est obligée de se confesser avant de prendre part au repas sacré du festin auquel participe tout le village.
Cela ne ressemble-t-il pas à l’ordalie du Moyen Âge où on devait se confesser avant de s’approcher de la sainte Table ?
Sans cette confession, le criminel, ayant décidé de passer outre et d’y participer, risquait des sanctions très sévères pouvant entraîner la mort .
Par ailleurs, le fautif ne peut fuir le repas sans explications préalables sinon il est considéré comme ayant commis une faute grave qu’il refuse de révéler au prêtre de la divinité-Terre . C’est donc de cette manière que les criminels peuvent être démasqués et amendés pour réparer leurs fautes encore non avouées .
Vous avez bien compris, les enfants ?
En dehors de ce culte annuel, des sacrifices expiatoires ou propitiatoires sont effectuées chaque fois que l’on entreprend des activités communautaires collectives de chasse, de pêche , de construction de nouvelles maisons, d’ouverture de nouveaux champs, de forages de puits, etc , afin de solliciter les divinités concernées leur bieveillante protection .
Le prêtre consulte également le devin pour découvrir d’éventuelles transgressions d’interdits non repérées et causes d’éventuels malheurs .
La garde de l’autel, relevant du tigan-sob lui confère une autorité mue par la crainte des gens de la divinité qu’il représente en tant que prêtre.
De nos jours, par suite de la colonisation , de la conversion massive au christianisme et de la création d’un état moderne, l’autorité du tigan-sob s’est quelque peu érodée :
Il a du ainsi abandonner ou partager certaines de ses prérogatives avec la religion chrétienne et avec l’administration coloniale ou l’état moderne.
Mais pendant la période précoloniale, où il n’y avait ni pouvoir central ni christianisme, il était le seul représentant religieux de pouvoir divin .Il accumulait à ce titre le pouvoir civil parce que fondateur ou issu de la lignée patrilinéaire du premier fondateur et le pouvoir religieux en tant que grand prêtre. Seul habilité, il présidait aux cultes de toute la communauté,effectuait les sacrifices expiatoires ou propitiatoires pour protéger en quelque sorte le peuple dont il avait la responsabilité dans le territoire dont il avait la charge tant profane que religieuse.
Aujourd’hui ,devenues chrétiennes , certaines personnes ont tendance à ne plus tenir compte de l’autorité du chef de terre tant dans les affaires religieuses que civiles. Ils oublient que celui-ci reste néanmoins le chef coutumier que les autorités administratives consultent en cas de conflits fonciers sur le territoire qu’il contrôle . Il est en effet le seul à connaître parfaitement les limites de son territoire.
En tout état de cause,la famille patrilinéaire de grand-père , fondateur du village de Béné, en tant que responsable de l’autel de la divinité-Terre, se fait encore respecter. Elle accomplit avec conscience son travail coutumier de gardienne des terres du village dans le pur respect de la tradition ancestrale quoiqu’ aujourd’hui , elle aussi convertie à un christianisme envahisseur . Tenue aux deux religions, elle pratique de fait un véritable syncrétisme religieux en voulant poursuivre les deux lièvres à la fois .

e.Quelles sont la religion et les croyances traditionnelles Dagara
Le système cosmologique Dagara distingue une hiérarchie entre les êtres transcendants, invisibles et ceux naturels, visibles et invisibles sur terre .
Le critère de distinction entre un être et un autre de degré inférieur, réside dans sa force et son ascendance dans la génération. Au sommet de la hiérarchie se trouve « Mwiin ou Naamwiin, le Dieu chef , l’Etre originel, le Principe absolu, l’Etre suprême , lointain, sans aucun lien direct possible avec l’homme, incapable de s’adresser directement à lui.
Il doit donc passer par des intermédiaires que sont les mwimè, les divinités , véritables médiateurs entre l’Etre suprême et l’homme .
Viennent également les puissances supérieures cosmiques « Saa » ou Ciel et « Tigan » ou Terre .
« Saa » et « Tigan » sont les premières paroles de Dieu. Ils sont un et double comme l’homme et la femme. D’après le mythe Dagara de la Création, « Saa » descendit sur « Tigan » sous forme de Foudre pour la féconder et il s’ensuivit la génération de tous les êtres terrestres.Aussi certaines croyances pensent qu’il est supérieur au « Tigan » et donc le prennent pour le chef des dieux tangibles avec qui l’homme peut entrer en relation puisqu’il ne peut communiquer avec Mwiin.
Mais tout comme « Tigan », « Saa » n’est pas à proprement parler une divinité. C’est un « Bom kpèen », « une grande chose », « une chose importante ».Ils constituent tous deux des principes, l’un mâle appelé « Saa » , l’autre femelle appelé « Tigan ».
Certains les prennent même pour des Puissanes jumelles. Mais
les hommes, par la crainte de leurs manifestations fortes et brutales sur les éléments naturels , les ont toujours vénérés comme des divinités afin d’obtenir leur faveur et leur protection bienveillantes.
Ils interviennent tous deux pour rétablir l’ordre troublé par les hommes et les fautifs leur doivent réparation.
Tout phénomène concernant le firmament relève du pouvoir de la divinité « Saa » : la voûte céleste « saalom », la pluie « saa- wara », la foudre ou le tonnerre « saa-taana », l’éclair « Saa-gniura », etc.
« Tigan » comprend toute manifestation et production de la divinité- Terre. : Tous les êtres terrestres et les esprits d’ici-bas . Il est notamment matérialisé par la colline, la montagne (tang), par le fleuve( maan), le marigot, la rivière,le cours d’eau ou « baa», par la forêt (Tuou), par la brousse ( Wiè) et par le sol et la poussière ( tèeng-sow» . Tous constituent autant d’esprits particuliers de la divinité Terre et sont considérées des divinités secondaires qu’il convient de satisfaire .
« Tigan » est la mère de toute prospérité qui s’obtient par des offrandes, des sacrifices et des invocations sur son autel.
Il a horreur de la violence.Aussi les litiges de terre et les conflits sanglants sont-ils sévèrement punis par la chefferie de terre comme indispostions ou offenses à cette divinité donnatrice de vie et dispensatrice de tout bien.

Grand-père, qu’est-ce que c’est que les autels des dieux ?
1)-L’autel du marché ou daa-kpaar
Avant d’exposer la signification et le rôle de cet autel dans la société Dagara ,essayons de déterminer ce que recouvre ce terme dans son parler :
Daa-kpaara est un mot composé de daa (marché), daaru (marchandage) ou le fait d’acheter. Daa désigne le lieu où se déroule le marchandage, c’est-à-dire le marché. C’est aussi un lieu d’échanges économiques, lieu où des biens et des services sont vendus, échangés,
Pourquoi ce lieu d’échanges économiques est-il sacré, les enfants ? Pourquoi faut-il une divinité du marché ?
Pour répondre à ces questions , essayons,les enfants, de comprendre la signification du deuxième terme kpaaru. Kpaar signifie surtout fixer ; kpaar-taa : se réunir, se rassembler ; kpaaru, la réunion, le rassemblement . Daa-kpaara : ce qui unit ou fixe ou rassemble, le marché.
Pour un Dagara, le marché est d’abord un lieu de réunion, de rassemblement dont le but est avant tout récréatif, festif, jour de repos traditionnel( ta-ko-daa ou kpaan-daa) à l’instar du dimanche pour les chrétiens , du sabbat pour les juifs ou du vendredi pour les musulmans. Nous y reviendrons un peu plus tard .
Le marché traditionnel Dagara revêt d’abord un rôle social , ensuite économique. On y va , non seulement pour acheter ou vendre des biens, mais aussi pour voir et se faire voir,pour y rencontre aussi des amis, des parents et s’y distraire également.
Etant un lieu public où se rencontrent des gens se connaissant peu ou prou, autochtones et étrangers, le marché se tient tous les 6 jours. Aussi fait-il l’objet d’une surveillance par la divinité du marché dont la représentation est installée sur la place du marché. Celle-ci consacre ainsi la place désignée comme marché, lieu d’échanges économiques,de repos, de récréation, de rencontre, devenu sacré par la présence symbolique du dieu du marché ou daa-kpaara.
Dans la plupart des cas, l’autel du marché est fait d’un bois fourchu planté sur la place du marché, la partie fourchue tournée vers le ciel. Au pied de ce bois, on dépose un canari. Dans certains cas , l’autel se présente sous la forme d’un cône dans lequel sont déposées deux statuettes anthropomorphes en bois .
Le marché ainsi consacré au dieu du marché ne doit en aucun cas être souillé soit par des vols, des bagarres ou des tentatives de sorcellerie de tous genres ( jets de sort,saisies des siè (âmes) de personnes, etc.).
Bref tout acte de malveillance contraire à la morale sociale du groupe y est proscrit
Toute transgression fait l’objet d’une sanction infligée au coupable et d’un sacrifice expiatoire de réparation pour la purification du lieu sacré à la charge du fauteur qui, sans ce geste de demande de pardon au dieu du marché,risquerait une sanction plus grave pouvant aller jusqu’à la mort .
Par ailleurs le dieu pourrait déserter le marché qui,livré alors à lui-même, sans protection divine devendrait la proie à l’insécurité de tous ordres : vols, bagarres, sorcellerie et crimes
Sa réputation et sa fréquentation se trouveraient alors menacées.
Le chef de terre, prêtre du village,est seul habilité à désigner la place où doit se tenir le marché. Il est chargé des sacrifices expiatoires et propitiatoires lors de sa son inauguration et chaque fois que sa purification s’avérera indispensable. Il est donc le premier responsable du marché du village et à ce titre , il veille à le sécuriser et à en faire un lieu de paix et de tranquillité propice aux échanges économiques, au repos, aux réjouissances .
Ainsi autrefois en temps des guerres interclaniques ou tribales, on faisait une trêve dès la veille et le jour de marché. Et surtout pas de bataille sur la place du marché ce jour-là . Alors, les hommes habitués à ne jamais quitter leur arc et carquois venaient au marché et déposaient leurs armes au pied de l’autel du dieu du marché en signe d’acceptation de la trêve .
Et comme dans les villages environnants se tenaient également des marchés à des dates différentes, tous les 6 jours de la semaine Dagara devenaient ainsi des jours de trêve .
Cette interdiction limitait ainsi les risques de guerre généralisée dans une région déterminée.

2)-L’autel de la divinité–Ciel ou « Dawèra »

Le dieu-Ciel « Saa », pour certains, le dieu créateur de la terre et de tout ce qui y vit, maître du ciel et de la foudre, symbolise le mâle pénétrant la femelle, déesse terre qu’il féconde par la pluie. La foudre est l’expression de sa colère due au non respect des interdits sociaux .
Il est source de vie et de mort.
Il est parfois pris comme le plus important parmi les nombreux dieux ,un peu comme Zeus dans la Grèce antique ou Jupiter dans l’ancienne Rome, chef des dieux de l’Olympe ayant pour femme la déesse Héra chez les grecs et Junon chez les romains
« Saa » a un autel constitué de deux éléments, mâle et femelle ( Saa-Tigan) incluant l’autre. Ce sont « Saa-duw » constituées de deux marmites contenant une macération de divers produits. Ces marmites sont munies de couvercles juchées sur des pieux fourchus, devant la maison ou déposées sur la terrasse. Le prêtre du « Saa » appelle la pluie et la foudre ou au contraire apaise les lieux où elle tombe avant toute approche.
Le « Saa-daa-wèra » symbolise la puissance mâle de « Saa »,ie la foudre. Il est représenté par un ou plusieurs pieux de 50cm à un mètre de hauteur, plantés à la dévanture ( tan-puo) de la maison (yir) ou sur le toit et traversés dans la partie supérieure par des éclats de bois provenant d’un arbre abattu par la foudre. C’est le symbole de la puissance phallique, aveugle et brutale très crainte des Dagara.
Le « Saa-daa- wèra » est utilisé également pour interdire le vol des biens de manière absolue et pour se protéger . Il suffit de déposer un morceau de bois provenant de l’autel à l’endroit indiqué ou de le porter en forme de gris-gris.
C’est donc une invitation de la foudre sur tous ceux qui se hasarderaient à passer outre l’interdiction et sur tout endroit où celle-ci est appelée. L’autel de « Saa » est en principe détenu par le clan-mère de « Saa », ie le clan Kpièlè notamment kpiel-saaduw chez les Lobr et tiè -dem chez les Wiilé. Les autres clans dérivés se contentent d’attributions secondaires relatives à « Saa » telles que chasser la pluie. Parfois , vus les avantages matériels qu’ils donnent ,ces autels sont aujourd’hui acquis à coup d’argent et deviennent des biens de famille transférables.
La divinité du ciel ou « Saa » désigne aussi la pluie, la foudre que le tonnerre. Elle est représentée par un pieu que traverse une cheville de bois prélevée sur un arbre foudroyé. L’ensemble est fixé en terre à proximité de la maison de préférence au bord ou à l’alentour immédiat de la maison ( le siman) soit à l’intérieur même de la maison, sur la terrasse ou dans une chambre .En effet cette divinité a pour fonction de protéger les biens et les personnes.
L’installation de la divinité Saa en bordure d’un champ protège du vol des récoltes. A la maison, elle veille sur les membres de la famille contre les sorciers « mangeurs d’âmes ». Certaines personnes portent même un pendentif du dieu du ciel pour se protéger personnellement contre les personnes mal intentionnées à leur égard. Quiconque s’amuse à voler quelque chose ou quelqu’un protégé par Saa sera foudroyé.
L’autel de la divinité du ciel peut être installé par toute personne désignée par cette divinité en foudroyant un arbre de son champ, soit au cours d’un de ses rêves. L’intéressé devra consulter un devin pour connaître la volonté réelle de la divinité qui lui révélera si sa volonté est de lui construire ou non un autel.
Le patriclan Nakyèlé est le prêtre officiel de la divinité-ciel. Aucun de ses membres n’est soumis au respect des règles observées par le reste de la communauté à l’exception de ceux des lignages ayant des relations de parenté à plaisanterie avec les Nakyèlè. Tous ceux-là peuvent transgresser l’interdit de la divinité sans sanctions. Cependant il faut respecter notamment la grande règle de réciprocité.
La divinité-Ciel , à la différence de la divinité- Terre , n’ est pas une divinité publique, communautaire. Le culte qui lui est rendu est de nature individuelle ou tout au plus familiale.
N’empêche .Cette divinité inspire beaucoup de crainte et de respect et ses interdits sont suivis de tous .

3)-Les autels de « Tigan »

A la différence de « Saa » , le « Tigan » comprend une gamme étendue d’esprits dérivés ou de, génies dont les plus connus sont :
-« Wiè, la Brousse,
-« Tèeng , le pays
-« Maan », le fleuve
-« Baa », la rivière , le marigot, le cours d’eau,
-« Tang », la colline ,la montagne
•Toug », la forêt,
voire d’autres encore.
Mais « Tigan » a un autel-mère : le « Kuur », pierre, socle de la terre qui est détenue par le « Tigan-sob » ou chef de terre. C’est sur lui que le sacrificateur de Tigan ou « suor-sob » immole les offrandes notamment avant et après les cultures. Il répare les fautes contre le « Tigan » telles les meurtres, les cas de sorcelleries, vols, adultères, mort par maladies de « Tigan » telles morsures de serpent, hydropisie, maux de ventre, diarrhée, mort en couches, voire mort subite ou accidentelle brutale, etc .
Il existe d’autres occasions où sont offerts des holocaustes à « Tigan » notamment chaque fois qu’il faut « couper la peau de la terre » en créant soit un nouveau champ, un chantier de construction d’une maison,le forage d’un puits ou d’une tombe,etc.
En dessous des principales Puissances dérivées de « Tigan », il y a une prolifération d’esprits divers. très exigents, mais capables d’aider l’homme s’ils sont domestiqués.Ces esprits sont identifiés à l’occasion de leur action envers l’homme, par exemple, en cas de maladies. Ils sont alors matérialisés à travers des objets modelés, sculptés, etc.
On en distingue 3 catégories :
–Les « kontonmè » ou « esprits de la brousse ». Ce sont des esprits malins, toujours prêts à nuire à l’homme ,amené à vivre quotidiennement au contact de la nature . Ces « kontonmè » sont de trois ordres :
Les « kontonmè » des collines ou « kontonbili ».
Les « kontonmè » des rivières ou « kontonm- maan ».
Les « kontonmè » des arbres ou « kontonm-tèri ».
Les « kontonmè » sont habituellement hébergés dans les chambres ou « dibili », sur la terrasse des toits ou sur les murs de la cour ( davura). On peut également les placer sous un hangar à proximité de la maison.
On assimile parfois les « konton-bili » aux pygmées censés vivre dans des grottes. Ils sont roux avec les pieds retournés vers l’arrière, le membre viril difforme est si long qu’il l’enroule autour du cou . Si quelqu’un réussit à le capturer en brousse, il peut obtenir tout le secret de la nature.
Les kontonbili sont considérés comme les maîtres de tous les animaux de la brousse dont le chasseur ne peut tuer que ceux qui s’égarent. Si celui-ci s’aventure à traquer des animaux sous bonne garde , surtout s’il les poursuit jusque dans leur antre, il n’en ressortira plus sain et sauf . Et il demeurera leur prisonnier et si jamais il lui arrivait de s’enfuir, il resteraitt tout de même « possédé » des kontonbili en perdant la raison .
En tant que maîtres de la nature dont ils détiennent toute la science, ils font l’objet de dometication grâce à la construction de statuettes consultées à l’occasion.
Une légende Dagara rapporte que les kontonbili ont révélé à l’homme le balafon, la danse, l’initiation du « baor » et les principes de tous les arts.
–Le« Tiib »( pluriel Tibè),est la matérialisation de l’esprit d’un être, ou l’hypostase et la réprésentation d’une idée-force en tant qu’esprit dont les effets pour la vie ou la survie d’un individu ou d’un groupe sont remarquables .
Comme esprit influent, mais méconnu, le Tiib est traumatisant, mais une fois identifié et incarné à travers une scupture et non par un modelage comme le kontom, il devient une source d’inspiration et de protection. Comme exemple de « Tiib », on peut citer le kpiin-daa ( bois ancestral) installé dans le « zaw »( entrée principale de la maison) lors des dernières funérailles.
–Le « Dagnyur » est la représentation de la divinité, gardienne de tout bien, notamment des produits agricoles. Elle frappe le voleur de « mauvaise mort ».
Nous avons cité déjà le « Saa-dawèra », réprésentation de la foudre.
Les « Mwin-li »( petits dieux), constituent des esprits divins qui ont également pour dessein d’inspirer et de protéger l’homme.
Par leur nature, ils diffèrent des kontonmè et des « Tibè » et font penser à des types humains particulièrement exigents et même intransigeants.
Le « Kwiin » principe suprême trône sur la terrasse près de l’issue du grenier. Il reçoit d’abondantes offrandes notamment en début de la période d’initiation du « baor ».
Les femmes les mettent au pied des jarres dans le kiara( grande salle), dans leur petit panier à main ( sorte de sac à main)), aux poignets, aux chevilles ou au cou.
Il existe également une multitude d’autres esprits domestiques dont les représentations sont des plus variées .
Nous ne pourrons les citer toutes car à chaque activité Dagara ,à chaque stade de la vie de l’individu , à chaque propriété individuelle ou collective, etc, correspond un esprit ,une divinité comme chez les romains,chargée de protéger, de garder et de veiller sur son bien-être , du moins s’il respecte leurs interdits et leur rend un culte régulier.
Aussi le Dagara soucieux de maîtriser ces esprits pour s’en protéger et s’en servir, en est arrivé à les matérialiser dans des objets modelés ou sculptés et à leur vouer des cultes comme s’il y avait un pacte d’observation stricte sous peine de sanctions sévères contre le protégé par son protecteur.
Ces représentations sous les formes les plus variées constituent ce que certains appellent les fétiches ou autels
L’implication quotidienne de tous ces esprits dans la vie prend un caractère contraignant face aux nombreuses pratiques cultuelles, individuelles ou collectives allant jusqu’aux tueries d’animaux dont le sang arrose périodiquement les autels. En effet le voisinage d’un autel est remarquable par le sang et les plumes de volaille sacrifiée .

4)-L’autel de la famille ou le Dagnyur ( ou bois- racine)

Le Dagnyur se présente comme la représentation du dieu protecteur de la famille, ie de tous les membres d’une même voire plusieurs concessions ayant le même ancêtre patrilinéaire.
Dans la société Dagara, l’autel de la famille ou Dagnyur ( bois- racine) se présente sous diverses formes :
Il est souvent installé face à la porte d’entrée de la maison. Il est composé de bois fourchu ou d’un ensemble de bois plantés au pied, une pierre et un canari qui contient des racines, le tout représentant le dieu de la fécondité des femmes de la concession, la santé des individus, la prospérité agricole. En outre cette divinité est chargée de la protection de la maison contre les sorciers et les mauvais génies, les jeteurs de sort, etc. C’est le cerbère, chien de garde de la maison, de la famille.Ce rôle de gardien tend à expliquer qu’elle soit installée face à l’entrée de la maison pour mieux détecter les éventuels agresseurs de la famille.
Le canari contient des racines d’arbres destinées à soigner certaines maladies : charbon, morsures de serpents, scorpions, araignées ou autres méfaits ou maladies de toutes sortes.
En parler Dagara,Dagnyur ou bois-racine est le symbole du dieu du fondement , du principe vital de la famille, telles des racines d’un arbre,il fixe, enracine solidement la famille dans la maison et la nourrit. Le Dagnyur est donc le pilier de la famille
Quelquefois l’autel de la famille peut être celui d’une autre divinité spécifique qui impose qu’elle lui rende un culte. Cet autel concernera, non tout le patriclan dans son ensemble, mais la famille plus restreinte, ie la famille nucléaire ( le père, ses épouses et ses enfants).
Bref,la divinité Dagnyur , protecteur de l’ensemble des habitants d’une famille surveille la maison, favorise la procréation et les cultures. Elle apporte sa bénédiction à la fécondation des hommes, des animaux et des plantes ; garde la maison contre tous les éléments perturbateurs ( mauvais génies, sorciers, jeteurs de sorts,etc).
Lorsqu’un fils a acquis son indépendance économique de son père qui lui a « donné la houe », ie la possibilité d’avoir ses propres champs pour devenir à son tour chef de famille, il acquiert le droit de construire sa propre maison s’il le désire. S’il le fait, il ne peut l’habiter une fois achevée qu’après installation effective du Dagnyur par son père ou par l’héritier de celui-ci,s’il est décédé.Le responsable de la la cérémonie d’installation du Dagnyur modèle de la terre en forme de butte, y fixe une branche de l’arbre de la famille et un morceau de bois prélevé sur son propre Dagnyur ; puis il sacrifie sur ce nouvel autel, un coq, une poule et une pintade,le tout offert par le propriétaire de la nouvelle maison.
Le chef de cérémonie, ensuite verse sur l’autel de la bouillie de farine de mil non cuite. Les victimes sacrificielles sont cuites et consommées. Mais avant le repas, on offre à la divinité trois morceaux de viande ainsi que trois canaris de daan( bière de mil) préparé à cet effet par la première épouse du père.
Le même rituel s’effectue lorsqu’un individu migre et s’installe ailleurs.

L’ancestralisation comme signe de vie et de mort et l’autel des ancêtres.
Les « Kpiimè » sont les esprits des ancêtres .
Les ancêtres sont des hommes qui ont mené une vie exemplaire sur terre et qui ont été reçus à « kpimè- Tèeng » ( séjour des ancêtres). Ils agissent en intermédiaires de l’être suprême pour punir les méfaits des hommes et récompenser leurs vertus. En ce sens, leurs volontés sont conformes à celle de Mwiin et leurs préoccupations concernent l’ordre du monde. Mais, intégrés dans le « yir » ( la famille) après les dernières funérailles, ils communient avec les vivants singulièrement lors des célébrations funéraires et des sacrifices qui leur sont offerts ; ils gardent le souci de la prospérité de leurs parents si du moins ces derniers observent leurs volontés contenues dans la tradition ou léguées au moment de leur mort.
La mort sur la terre est la condition sine qua non préalable à l’ancestralisation. Donc en principe un vivant ne peut être appelé ancêtre (saan-kom) quoique le grand- père soit appelé respectueusement saan-kom.

h.Comment devient-on un ancêtre, grand-père ?
Pourras-tu après ta mort devenir , toi aussi, un ancêtre comme tes ancêtres ?

Ce rite se déroule lors de la célébration des troisièmes funérailles (ko-dan-maar) du défunt.
Nous verrons en traitant plus tard des funérailles Dagara que trois grandes étapes se dégagent dans les funérailles :
•Le Kuor ou funérailles proprement dites. Elles durent aujourd’hui 3 jours , voire actuellement deux, autrefois 6 ie d’un marché à l’autre .
•Ensuite interviennent, un mois après, les deuxièmes funérailles appelées Ko-dan-tuo( funérailles amères) de trois jours. Nous les détaillerons plus tard.
•Puis se tiennent les troisièmes funérailles un an plus tard (ko-daan-maar). C’est au cours de ces dernières cérémonies que la représentation du père est faite.

En quoi consiste , les enfants,cette dernière cérémonie?

Après le décès, il appartient au plus âgé de la famille, le ni-kpèen ( grande personne, personne importante) ou le yir-sob ( le propriétaire de la maison), d’organiser cette cérémonie. Selon l’âge du défunt, celle-ci intervient dans un laps de temps plus ou moins rapide. Dans le cas d’un « vieux-jeune » ou ni-kpein – bibilé, c’est-à-dire d’un homme dont le rang social n’est pas élevé, la cérémonie a lieu dès que les cheveux rasés de la veuve lors des deuxièmes funérailles ont repoussé. Par contre pour un homme âgé, ayant plusieurs femmes et détenant en plus des secrets dans la famille,les troisièmes funérailles ne peuvent se célébrer à moins d’un an d’intervalle car se déroulent avant plusieurs cérémonies préalables.
Les troisièmes funérailles commencent par la préparation de la bière de mil ou daan , fait de bière de sorgho rouge (kaa-ziè). Les femmes avec des meules de pierre écrasent grossièrement les germes séchés de sorgho. La farine obtenue est divisée et cuite en deux portions non égales : La plus grande est cuite comme d’habitude à l’intérieur de la maison dans des jarres (duur) utilisées pour la préparation ordinaire du daan; et l’autre portion, la plus petite est cuite à l’extérieur dans une marmite en terre cuite appelée le ziduulé ( le petit duu) ordinairement pour préparer la sauce . Il peut éventuellement servir aussi pour la préparation du tô ou saab ie pâte de mil. Une fois cuite, chaque portion est conservée à part dans un récipient de même type que celui ayant servi pour la cuisson.
Le jus obtenu est recuit le deuxième jour séparément . La nuit tombée, le daan cuit à l’extérieur servira aux anciens défunts de la famille (kpiin-kuri) pour laver le nouveau défunt (kpiin-paala) alors en brousse sur un arbuste appelé ganzuur.où il attend la consécration lui permettant de rejoindre le pays des défunts, le (kpimè- tèeng) où résident déjà ses parents défunts.
Cette bière de l’extérieur sera jetée le troisième jour de la préparation, jour de la consommation du daan,car elle a été souillée par le bain du défunt et contient également des cheveux.

1)-Culte du mort ou représentation du défunt comme ancêtre.

Le premier jour de la préparation du daan cérémoniel, les fils vont en brousse où l’aîné coupe une branche fourchue d’une essence déterminée. Les arbres les plus souvent utilisés sont : Le gommier rouge ou Acacia nilotica ( gobina), le faro ou Daniellia oliveri ( liga), l’Entada africana ( saaltiè), le karité ou Vitellaria paradoxa ( taan-tiè ou encore taan-lé).
La branche coupée ne doit pas toucher le sol. Elle est interceptée au moment de sa chute par le fils du défunt.
Elle est sculptée par un parent à plaisanterie ou par toute personne désignée par le défunt par l’intermédiaire du devin. Le travail de sculpture se fait loin de la cour de la maison sous un grand arbre. La sculpture achevée, la statue est cachée en brousse et il appartient aux fils de la retrouver. S’ils éprouvent quelques difficultés, le sculpteur les aide moyennant une petite rémunération. La statue retrouvée est revêtue d’un grand boubou ( kparu) , d’un pantalon bouffant ( kuré) et d’un bonnet ( kpaa- wuo) comme s’il s’agissait du cadavre du défunt .
La conception Dagara considère la mort comme un long voyage de retour vers les origines de l’homme . On dira par exemple, pour une personne qui vient de mourir qu’ « elle est partie chez elle »( u kula), ou dans le cas d’un enfant mort en bas- âge qu’ « il est reparti »,« u lèba » .D’où le « voyage » doit être bien préparé .
La tête du cadavre ,toujours bien rasée , le mort, lavé, habillé, muni d’un arc et d’un carquois pour un homme et d’une marmite et /ou d’une calebasse pour une femme peut enfin s’exposer à la vue de tous .
Grand-père vous donnera plus de détails lorsqu’il décrira plus amplement les premières funérailles.
Enfin, abordons, les enfants , si vous le voulez bien, la deuxième étape du voyage vers kpiinmè-tèeng par la cérémonie d’ancestralisation proprement dite.
D’abord les gestes principaux accomplis sur le mort avant son inhumation sont repris sur la statue. Une fois habillée comme le mort , la statue est portée par le fils à la maison, on pleure en faisant trois fois le tour de la maison avant de déposer la statue adossée contre le mur à l’extérieur de la maison comme on le fait pour le mort aux premières funérailles .
Ensuite le rituel se poursuit ainsi :

2).Le rite du test de fidélité de la veuve du défunt.

Le rite accompli à ce stade de la cérémonie permet de vérifier si la veuve est restée fidèle à son mari défunt.
Il consiste à prendre un morceau de saab(pâte de mil) accompagné d’une sauce préparée par la ou chacune des femmes du défunt.
On le jette en direction de la statuette en posant la question suivante : « Puis-je le jeter le saab» ? « in lobi i ? » Si la femme répond non, le saab sera jeté de côté, non pas sur la statue comme c’est le cas si elle répond oui.
Le non de la femme signifie qu’elle n’a pas respecté la règle d’abstinence après la mort de son mari .
Il est indispensable alors de réparer cette « ’infidélité » avant de poursuivre la cérémonie.
Dans le cas d’une réponse affirmative sachant qu’elle a eu des rapports sexuels après la mort de son mari, elle court le risque d’être aveugle ou même de mourir par suite de l’outrance faite à son mari par son mensonge . Par ailleurs quel « crime » impardonnable que d’empêcher son mari de rejoindre le pays des morts dans de bonnes conditions . Seule la peine capitale peut laver un tel affront .
Pour réparer la « faute », l’homme responsable doit payer le paar-saan ou « dette du sexe de la femme » de 360 cauris, l’équivalent aujourd’hui d’à peu près un demi euro et 25 centimes, signe de la reconquête de la légitimité et de la consommation du mariage (dot consécratoire).
Cette somme paraît insignifiante comparée aux 3 bœufs et 15000 cauris de dot compensatoire sans compter les 5 ans de travaux champêtres que le gendre effectue avec une trentaine de ses camarades chez son beau père .
Mais ces 360 cauris sont essentiels pour que le mari soit le seul à avoir accès sexuellement à sa femme sinon tous « ses frères » pourraient y prétendre si même tout le reste de la dot était versé .
La preuve, le coupable de l’adultère avec la veuve, lorsqu’il a payé les 360 cauris réclamés ,peut désormais avoir des rapports sexuels avec la veuve sans être obligés de payer le reste de la dot s’il ne désire pas l’épouser.
A cette somme de 360 cauris sont adjointes 3 poules et une chèvre tuées et consommées.
Les enfants de la femme concernée n’y participent pas .
Cette réparation est d’autant plus importante que dans « l’adultère » post-mortuaire , la souillure est un obstacle pour le défunt de se rendre au pays des morts ( kpimè-tèeng) dans une pureté totale.

3)-Les offrandes honorifiques.

Après le test de fidélité , les amis du défunt, venus pour la cérémonie , apportent leurs offrandes. Celles-ci traduisent le rang social et le degré de sociabilité du défunt.
S’il avait beaucoup d’amis, il recevra beaucoup d’offrandes.
L’honneur et la joie du défunt seront proportionnels à l’importance quantitative et qualitative des offrandes : poules, moutons,chèvres, bœufs sacrifiés sur sa statue.
Le cadeau d’un animal à un ami défunt au moment de cette cérémonie est aussi une forme de confession : le donneur exprime ainsi son innocence quant à la mort de son ami .
Dans la conception Dagara,la mort naturelle est en effet presqu’inexistante : toute mort a toujours une cause extérieure à l’évolution naturelle du système biologique de l’individu et donc suspecte .

4).L’entrée de la statue dans la chambre-sanctuaire.

Au matin du quatrième jour de la cérémonie, la statue est lavée par un groupe de femmes. Elle est ensuite portée en cortège par le fils vers l’entrée de la maison,suivi des amis du père défunt et des personnes initiées aux troisièmes funérailles. Tous pleurent au son du petit balafon, le lo-guil dont nous aurons à reparler plus tard. Le cortège s’enfonce ensuite dans la maison où restera désormais l’ancêtre dont la présence réelle est personnifiée par la statue.

5).La consécration de la statue.
Dans la chambre-sanctuaire, le kpimè-dioun , encore appelée le tibè-dioun , la statue du père sera d’abord déposée sur l’autel du côté des statues non encore consacrées, les kpin- pèlè ( les ancêtres blancs ou nouveaux) .Auparavant, le fils sacrifiera un animal selon son pouvoir économique : une poule, un mouton , une chèvre, voire un bœuf dont le sang arrosera la statue qui devient alors sacrée.
Alors le défunt devient un ancêtre à invoquer.
Cette installation marque la fin de l’ancestralisation car le défunt a atteint enfin le pays des ancêtres sans encombres où il sera investi de pouvoirs divins et pourra donc intervenir sur terre pour protéger les siens qui le sollicitent .
Grand-père vient de vous décrire, les enfants, le processus d’ancestralisation des hommes adultes, mariés ayant généralement des enfants.

Il va s’intéresser maintenant au cas des femmes.
Elles sont également ancestralisées .mais de façon spécifique. La statue de la femme n’est pas sculptée de la même façon ; elle n’est pas fourchue par exemple, mais rectiligne, taillée en deux pièces dont l’une est déposée sur l’autel de la maison de son père et l’autre de son mari. La statue rectiligne peut, dans certains cas, être remplacée par un tabouret à quatre pieds , symbole du sexe féminin ; aucun homme ne peut s’y asseoir.
L’existence de deux statues pour la femme indique sa double appartenance : sa lignée paternelle et celle de son époux où elle habite et à laquelle appartient ses enfants

i.Les autels des génies de la brousse (les kontonmè ou encore les konton-bili.

Il est possible de consulter ces êtres mythiques censés vivre en brousse , chez un devin ou baghr- bourè. La séance peut durer environ 2 heures.
Grand-père vous raffraîchit la mémoire au sujet du kontonm ou kontonm-bilé : Vous vous rappelez que selon la conception Dagara, le konton-bilé est un être mi -humain, mi-divin, de petite taille ressemblant par certains côtés à un pygmée avec lequel il est souvent confondu dans les contes Dagara :

On raconte également que les konton-bili sont les anciens habitants du pays avant l’arrivée de la race négroïde, qui les ont presque tous massacrés.Le reste s’est réfugié dans les grottes des montagnes fuyant la présence humaine leur épouvantail .Cependant lorsqu’il arrive qu’un konton-bilé se laisse surprendre par un homme , pour sauver sa vie, il lui promet de révéler les secrets de la nature s’il l’épargne .
Certains grands guérisseurs prétendent détenir leurs dons de guérison de ces êtres mythiques qui ,en contact permanent avec la nature,en connaissent tous les secrets notamment toutes les plantes médicinales capables de guérir telles ou telles maladies .
C’est le récit que nous a conté Benoît, l’aveugle guérisseur de renommée interrégionale qui avait demandé asile et protection auprès du grand oncle Sinsour alors chef de terre vers les années 1950-1960 :
Voyant, il avait disparu du village voisin depuis un certain temps jusqu’à ce que des chasseurs de Béné le retrouvèrent aveugle errant dans la brousse.Ils le ramenèrent au grand oncle qui ,l’ayant reconnu le questionna longuement. Il raconta alors comment il avait surpris durant une de ses chasses nocturnes un petit homme qu’il avait voulu égorger. Mais celui-ci le supplia de lui épargner la vie contre des secrets qu’il lui révèlerait .Et c’est en lui laissant la vie sauve que le konton-bilé lui apprit comment guérir la plupart des maladies même les plus graves.
Mais un soir qu’il s’était endormi dans la grotte du konton-bilé, celui-ci le rendit aveugle avant de s’enfuir. Il erra donc longtemps jusqu’à ce que des chasseurs ne le découvrent et le ramenent au chef de terre de leur village.
Le grand oncle lui construisit une maison et fit venir sa femme et ses deux enfants (une fille et un garçon nommé Joachim).
Ils guérissait toutes sortes d’infirmités et de maladies notamment la stérilité masculine et féminine.
La légende rapporte même qu’il retrouvait la vue une fois par an, le vendredi saint . Grand-père a eu à lui demander de confirmer toute la légende qui courrait à son sujet.
Il lui a répondu par un simple sourire avant d’ajouter : « Jean-Philippe, qu’est-ce que tu veux que je te dise de plus que ce que tu as déjà entendu ? ».

j.Les kontomè

La mythologie Dagara associe leur existence avec une cosmologie des origines où la voûte céleste et la terre se touchaient. La substance de la voûte céleste était comestible telle quelle et les hommes s’en nourrissaient jusqu’au jour où une vieille femme voulut cuire un morceau du ciel qui alors s’éloigna pour toujours.
Dieu envoya pour secourir l’humanité un Kontonm, être aux vertus surnaturelles, vivant en brousse apparaissant parfois à certaines personnes qui ,si elles sont gentilles se verront révéler les secrets de la nature tels que l’art de la chasse, l’agriculture, les plantes médicinales, la divination, etc.
La manifestation du kontonm peut être directe de façon physique ou par l’intermédiaire d’une possession où l’individu perd alors ses facultés mentales.Il les retrouvera en construisant un autel aux « génies » de la brousse représentés par des figurines et en sacrifiant une chèvre , un chien, un mouton, 20 poulets , du dolo et sept gourdes remplies de médicaments.Les figurines de ces génies sont consacrées par couple homme et femme. Elles seront consultées par le baghr-bourè (devin) qui interrogera les génies par l’intermédiaire de ces statuettes afin de s’enquérir d’un malheur à venir.De même , un malade peut consulter le devin pour découvrir la cause de sa maladie : colère d’une divinité envers le malade ou contre sa famille ; demande d’un autel par une divinité au malade ; ou véritable maladie dont les médicaments seront indiqués par le kontonm.
Grâce à leur faculté prophétique, les génies de la brousse confèrent au devin un pouvoir divinatoire qui l’instaure médecin du village
C’est ainsi que la coutume exige chez les Dagara qu’à la mort d’un individu, avant tous pleurs et annonce du décès, une consultation préalable soit faite auprès du devin pour s’enquérir des motifs de sa mort. S’il y a eu transgression d’un interdit de la divinité –terre par exemple, il faudra d’abord réparer auprès de cette dernière avant d’organiser les funérailles. Si d’aventure, la famille ne faisait pas de consultation et organisait les funérailles quand même,ce serait une double transgression. Dans certains cas, la réparation ne suffira pas et il faudra renoncer à célébrer les funérailles. C’est le cas d’un individu mort par pendaison .
Donc sans la divination ,ie sans devin il est impossible de connaître la cause d’un décès et donc en principe pas de funérailles de peur de commettre une double transgression susceptible de provoquer des malheurs plus grands sur tout le village de la part de la divinité concernée qu’elle soit publique ou familiale.
Par ailleurs aucun projet important , dans la société Dagara ne peut être entrepris sans que les kontonmè ne soient consultés au préalable pour déterminer ses chances de réussite.

k.Le monde des êtres visibles.

Il comprend d’abord les hommes supérieurs comme les devins, les prêtres et les sorciers.
1).Le devin est un homme, ayant accompli pleinement son initiation ( baor), s’est muni de médicaments de devin « baor-sebla-tiin ».Il y a deux catégories de devins ( bagè) : Les devins d’intérieur donnent leurs consultations dans la chambre des « kontonmè ». Ils utilisent pour leur rituel une canne crochue ( dagol) et de petits objets divers qu’il conservent précieusement dans leur sac en peau de mouton tannée et retournée.
Avant la consultation, ils invoquent « Mwin » et les esprits de « Tigan ». Puis, ils renversent à terre les objets hétéroclites contenus dans leur sac, saisissent ensuite la canne par le haut et le client par le bas. La canne se promène alors d’elle-même au dessus des objets de manière hésitante puis finit par fondre et s’abattre vigoureusement sur certains objets rituels versés auparavant.
Le devin répète plusieurs fois le même rituel jusqu’à ce que la canne désigne toujours le même objet ou « bir ».Le devin, en fin expert, interpète alors l’objet désigné et révèle à son client le secret de l’affaire qui l’a amèné à consulter .
Le deuxième type de devin , « possédé » par les kontonmè ,a réussi à les maîtriser et à se sortir de leur possession au terme d’un rituel complexe où il a dû sacrifier une dizaine de poulets de couleur déterminée par voie divinatoire.
Mais avant d’exercer son art ( baor-bur) d’autres sacrifices importants et des médicaments de l’initiation noire s’avèreront indispensables( baor-buu-sebla-tii ) pour sa protection. Le caractère « noir » étant un signe dans la conception Dagara,de supériorité ou d’importance par rapport au caractère « blanc ».
Ce deuxième type de divination est supérieur au premier car lié à l’initiation par les kontonmè, génies de la brousse . Cette divination est susceptible de se pratiquer en tous lieux d’où son nom de divination extérieure par rapport à la première qui se pratique à l’intérieur de la chambre des kontonmè.
Pour se faire, le devin dispose d’un petit sac en peau de bête ( le baor-kiour) contenant de petits cauris .
Pour s’en servir, il prépare le sol, ie la peau du Tigan et après avoir invoqué les esprits, il projette les cauris à terre. Leur disposition, après interprétation, indique le secret de la situation
2).Le prêtre, exerce essentiellement des fonctions rituelles dans l’ordre de sa puissance tutélaire de l’offrande du sacrifice. En raison de sa liaison avec les puissances gemellaires « Saa » et « Tigan », les sacrifices offerts à l’un valent pour l’autre et l’impliquent.
Le « suor- sob » ou sacrficateur » officiel du Tigan local est chargé d’immoler les animaux des divers sacrifices expiatoires occasionnés par les maladies et les fautes contre le Tigan.
Les sacrifices aux ancêtres et autres esprits domestiques varient selon les circonstances sans oublier l’éxécution des voeux et les offrandes dictées par les devins au terme des consultations .Il revient à l’aîné de la famille d’immoler aux mânes des ancêtres. L’espèce animale et sa couleur sont déterminées par une nouvelle consultation auprès du devin .
L’invocation des ancêtres se fait en râclant les « kwin- daru » ( bois des ancêtres) avec la lame de couteau de sacrifice avant d’égorger la victime. Les ancêtres appelés sont alors à l’écoute de la demande ou des remerciements.
Un poulet sacrifié après la présentation aux ancêtres précise dans chaque cas la volonté de ceux-ci après s’être débattu et en mourant sur le dos .
La position ventrale est signe d’un refus de l’offrande. Le sang de l’animal immolé est répandu sur les bois ancestraux ( kwiin-daru).
Les fétiches individuels sont entretenus avec un soin particulier par leurs titulaires.
3).Le sorcier appartient au groupe social, mais supérieur aux communs des mortels,car il participe à la vie des êtres invisibles.
En effet il est un « voyant » capable de percevoir des formes invisibles de la personne comme le « siè »,ie son double .
Par le fait de cet empiètement sur le plan des forces supérieures, le sorcier détient le pouvoir de « posséder » les autres êtres, de les capter afin de se renforcer lui-même ;ie il les évide pour s’en nourrir . Il aspire en quelque sorte la substance essentielle, l’âme (siè) de sa victime par le sommet de la tête ,plus exactement par le trou de la fontanelle.
Pour faire sortir le « siè », il souffle sur la victime ou encore ,il guette ses sorties nocturnes durant le sommeil.
Le « siè » peut en effet quitter le corps au cours de son sommeil nocturne. Mais ce sont surtout les « siir » ( les âmes) des malfrats qui vagabondent pendant le sommeil. Les autres demeurent prudemment à proximité de leur corps , les maintenant à demi-éveillés . C’est donc une mauvaise indication de dormir d’un sommeil lourd car le « siè » peut être saisi et mangé par les sorciers sans autre forme de procès . Mais la « manducation » d’une âme nécessite au préalable une autorisation du Tigan, ie de la divinité-Terre. Car celle-ci ne saurait être saisie sans être,au préalable, délaissée , pour faute grave, par ses forces protectrices , les ancêtres, les kwiinmè et les mwiin-li ( petits dieux) .
Le « siè » peut se manger à petit feu .Le processus dure alors plusieurs mois voire plusieurs années .
D’autres bons « voyants » peuvent entendre les cris de détresse des victimes des sorciers et indiquer la voie de leur rachat, consistant en un rite de purification destiné à faire regagner le « siè » dans son fourreau protecteur qu’est son corps physique ; sinon la victime est consummée à petit feu et finit par succomber .
C’est ce qu’avait raconté le « voyant » Naayir à propos de pépé Simon qu’il avait entendu, disait-il, gémir de douleur au fond d’une mare d’eau . Une vieille sorcière l’y avait attaché et lui avait fait boire l’eau boueuse tant et si bien qu’il avait le ventre très gonflé .
En fait, il avait une ascite due probablement à une hépatite aigüe .
Le voyant , bien sûr n’avait pu détacher pépé Simon car la sorcière, connue de tout le village était une vieille redoutable et redoutée de tous .En la dénonçant publiquement pour ce méfait, il espérait la faire convoquer par le chef de terre qui l’obligerait à lâcher sa proie .
Mais rien n’y fit .Et pour cause .Elle n’y était pour rien ,la pauvre femme .
4).Les hommes du commun ne sont pas non plus tous égaux .
Ceux qui ont « mangé » des médicaments sont plus forts, plus protégés que les autres C’est ainsi que fossoyeurs, chasseurs, balafonistes, forgerons ,etc. sont obligés de se protéger car se sont des personnes qui entrent en contact avec la Mort, la Brousse, le Tigan et d’autres divinités et leurs fonctions ne sauraient être exercées impunément par le vulgaire sans risques .
Ceci dit, tout homme est en rapport constant avec ces forces cosmiques sources de vie qui ,créent, fécondent et nourrissent en permanence , en communion avec les autres êtres supérieurs ou inférieurs .
Nous allons maintenant examiner ces derniers, les enfants.

l.Les êtres inférieurs

1).Les animaux suivent de près l’homme dans cette hiérarchie cosmologique . En effet ,ils ont reçu le sang et le souffle vital, mais non l’intelligence ni l’humanité.On les appellent parfois à tort « bêtes » .
Ils comprennent les animaux domestiques, les animaux sauvages dangereux,etc.
2).Les végétaux et les roches :
-L’arbre a quelque chose d’animal . certains arbres possèdent même des vertus spécifiques et remplissent des fonctions sociales tels l’arbre du Tigan ( Gaa). Il est en effet utilisé par le chef de terre pour signifier ses interditions . Ainsi s’il met un rameau de cet arbre sur un cadavre,un tas de mil récolté ou encore dans un champ, elle est une convocation des personnes concernées auprès de lui.
Ils doivent s’acquitter d’une amende avant d’entrer en possession de leurs droits .
Beaucoup d’autres arbres sont réputés aussi comme dangereux dans des cas précis :
•pour l’efficacité du poisson des flèches
•pour la santé du nouveau-né,
pour une bonne évolution de la grossesse,
pour la fertilité des femmes ou des hommes stériles ;
pour toutes sortes de maladies empêchant la procréation .
•Pour différentes maladies .
Ces conceptions sont habituellement liées aux vertus médicamenteuses des plantes et varient selon les clans ou les lignages matrilinéaires
-Les rochers : Leur aspect physique : masse,poids entrent en ligne de compte :
Les collines :sont réputées comme des demeures des konton-bili si rédoutés que traditionnellement personne n’ose construire sa demeure sur une colline jusqu’à l’arrivée des missionnaires qui ont su les dompter, les purifier ou les chasser.
-Les termitières , servent de tombes aux bébés –revenants ou « bi-gbanmè » ; constituent leurs séjours mythiques .
-Les gros blocs de pierres granitiques( piir) sont le gite de sorciers et donc dangereux de nuit .
Du sommet à la base de la hiérarchie cosmologique, on retrouve en résumé :
L’Etre originel (l’Un), Principe suprême d’où tous les autres êtres procèdent :
En dessous des divinités jumelles « Saa » et « Tigan »
Ensuite les autres êtres forment un vaste champ vital, dynamique à travers duquel l’homme doit pouvoir cheminer sans se compromettre ontologiquement.
Cela l’oblige , eu égard à l’ordre hiérarchique,à une attitude de recueillement.

m.Qu’est-ce que tu entends, grand-père par croyances eschatologiques des Dagara. ?

Dans la société Dagara, comme il a été question à plusieurs reprises dans ce livre,il n’y a pas de discontinuité entre le monde présent et la vie post-mortem. Il existe une continuité voire une identité de principe entre ce qui constitue l’essence de la vie des êtres inférieurs , des hommes, des ancêtres et des dieux. Cela consacre une cosmogonie dans laquelle l’Etre Originel (l’Un) est la source unique des autres esprits constituant des êtres dérivés , agissant tantôt comme des intermédiaires favorables à l’homme tantôt défavorables .
En partant de l’Un, principe et source unique de tout ce qui a été créé, est issu le couple jumeau « Saa » et « Tigan » dont l’union a engendré tous les autres êtres ramifiés à l’infini dans des séries continues que vient briser la mort ontologique.
Dans cet univers , les ancêtres constituent une catégorie particulière.
Ils sont associés à la création du monde dont ils ont pleinement assumé les principes.
C’est pourquoi la mort naturelle, sur le plan terrestre, apparaît comme un voyage, une intégration du point de vue divin et un transfert sur l’échelle ontologique.
Les attitudes funéraires que nous étudieront bientôt sont éloquentes à cet égard. Elles convergent en effet vers une purification et une intégration ou au contraire indiquent malheureusement une élimination, une dispersion de l’être.
Ainsi lors de l’enterrement, le mort honoré est confié, à la Terre ( le Tigan) dans la tombe. Il entame alors un procès à rebours qui l’achemine vers la sacralisation, tandis que l’ignoble, l’infâme, est mal enterré ou ne l’est pas .C’est ainsi que l’esclave est enterré aux abords d’un cours d’eau de manière à être dispersé dans les eaux des crues.
Les sorciers, les voleurs le sont dans la brousse ou ne le sont pas du tout et leurs cadavres sont dévorés par les hyènes sauvages.
Le monde de l’au-delà est un monde de pureté et de satisfaction. Aussi le mort n’y va que lorsque leurs volontés sont remplies et qu’il a été intégré aux vivants par l’installation du « kwin-daa » dans le « zaw » de la maison familiale et aux ancêtres , par la gamme complète des sacrifices expiatoires.
Si dans la mentalité Dagara, la vie se déroule à « kpinmè –tèeng »
comme sur terre, elle n’y comporte cependant plus de contrainte ni de souffrances ne concernant qne la forme visible de l’être encore privé de l’au-delà.
Aussi les Dagara enterrant leurs morts habillés, ne laissent-ils aucun objet dans la tombe. Toutes les offrandes sont faites devant le hangar d’exposition et accompagnent le mort par leur essence spirituelle.Le visible n’est que du fofor ( enveloppes vides) .
Le monde de l’au-delà est un monde divin. Les ancêtres quelque peu des « saints », voire des esprits déifiés ou des divinités, médiateurs entre les hommes et l’Etre Originel, n’ont donc aucune complaisance pour les fautes humaines et interviennent dans le sens de l’accomplissement de l’ordre sacré auquel ils ont su conformer leurs volontés durant leur existence terrestre. C’est pouquoi les puissances cosmiques sont à leur disposition soit pour punir soit pour au contraire recompenser ceux des leurs se conformant à la tradition ou à leurs volontés .
De part sa nature , la vie post-mortem est une vie éternelle et la régénération , chez les Dagara concerne un être n’ayant pas encore atteint sa maturité et demeure donc virtuel, insatisfait comme le sont les « bigbanmè » , les « enfants revenants », qui vont et viennent entre leur monde « bi-gbanmè- tèeng » et le nôtre jusqu’à ce qu’on les fixe sur terre par des rites ou les démolisse à jamais en enterrant leurs cadavres dans une termitière.
Une légende Dagara rapporte que certaines personnes sorcières peuvent sortir de leur tombe pour s’en aller poursuivre leur vie dans des contrées lointaines .
Les croyances Dagara sont nombreuses sur la vie post-mortem commandant les nombreux rites de funérrailles dont nous parlerons bientôt, si vous le voulez bien,les enfants , dans la partie consacrée aux célébrations rituelles des funérailles.
Mais auparavant parlons de l’environnement dans lequel a baigné l’enfance de votre grand-père.

.28.Grand-père, tu peux, nous raconter le milieu de ton enfance ?

Les enfants, votre grand père a vu le jour un certain 25 juin 1942 dans un petit village Dagara appelé Béné ,qui signifie « Là-bas » , perdu en pleine brousse .(carte)
Béné se situe à l’extrême nord du pays Dagara-lobr à la frontière avec le pays Dagara-wiilé.
C’est donc le dernier village des Dagara-lobr situé le plus au nord.
Il fait partie aujourd’hui de la commune de Koper autrefois canton de Koper ,de la province de Ioba avec son chef lieu situé à une vingtaine de kms de Béné : Dano, autrefois canton, puis subdivision et enfin cercle avant de devenir chef lieu de province dénommé Ioba du nom de la montagne de Ioba ( de l’ordre de 900m de hauteur). Elle domine toute la région et se voit par temps clair à une dizaine de kilomètres à la ronde .
La province du Ioba est une des quatre provinces de la région du Sud-Ouest ayant pour chef lieu Gaoua. Il est une des 13 régions du Burkina Faso dont la capitale est Ouagadougou en abrégé Ouaga. (Voir carte administrative).
Burkina signifie « homme intègre » et Faso, la patrie, le pays . Donc Burkina Faso signifie : « la patrie ou le pays des hommes intègres » .
Grand-père vous rappelle que le Burkina s’appelait jusqu’en 1986 la Haute Volta du nom des 3 volta du pays, la plus importante , la Volta Noire terminant sa course dans le Volta Lake au Ghana. Le cours supérieur avait donc donné le nom du pays.
Mais à la suite du coup d’état du 4 août 1984, Thomas Sankara , dans un élan révolutionnaire a changé par la suite la Haute Volta en Burkina Faso. On appelle désormais les habitants du Burkina les burkinabè et non plus les voltaïques.
Le Burkina Faso compte aujourd’hui un peu plus de 16 millions d’habitants.
La deuxième grande ville du Burkina s’appelle Bobo-Dioula-so qui signifie le village(so) ou la ville des Bobo et des Dioula.
Grand–père a depuis 1980 date de l’acquisition de la nationalité française la double nationalité burkinabè et française. Grand ‘mère, Frédéric et tata Dominique ont également la double nationalité. Seule jusqu’à présent tata Dominique possède ses papiers burkinabè en bonne et due forme, les ayant demandés à l’administration burkinabè.
A la naissance de grand-père, c’est sa mère Julia qui lui a donné son prénom traditionnel : Nèbangfo.( le savoir des lèvres, les commérages).Grand-père l’a raccourci en Bangfo ( le savoir). C’est plus court et plus joli comme prénom . Vous ne trouvez pas , les enfants ?
C’est le seul nom propre le distinguant de ses frères et sœurs utérins car en plus de ce prénom, il partage d’autres noms avec eux et avec beaucoup d’autres tant dans le patriclan que dans le matriclan.
Ce prénom s’appelle le yuo-koura littéralement l’ancien nom, faisant allusion à l’autre nom chrétien que porte grand père après son baptême( 10 juillet 1942) et que vous connaissez : Jean-Philippe.
Ce yuo-koura à moins de figurer dans les papiers officiels n’est connu que de l’intéressé mais il est toutefois inscrit sur sa fiche de baptême . Yuo—koura est un terme catholique pour dire que le baptisé a reçu un nouveau nom à la suite de son baptême catholique et a abondonné son prénom d’avant le baptême devenu ancien, caduc, obsolète , donc voué à l’oubli !

Les deux noms de grand-père sont : Le nom du patriclan : Kusiélé qu’il partage avec tous les membres de son linéage paternel.
C’est ainsi que votre père, tata Dominique et vous , vous êtes des Kusiélé par filiation paternelle. C’est chez les Dagara le nom le plus important car il décline votre filiation, votre clan, votre maison, votre famille. Tous les Kusiélé viennent du même ancêtre paternel.
Le nom du matriclan : Somda que votre grand-père partage avec tout son linéage maternel.
Tous les Somda viennent en principe de la même mère ancestrale Dagara.

-Mais pourquoi, nous nous portons alors le nom Somda et pas le nom Dumousset de notre mère ? Et pourquoi papa ne porte pas le nom Ceaux de sa maman ?

Votre étonnement est pertinent . sauf que Dumousset et Ceaux sont des noms patrilinéaires et non matrilinéaires . La France a perdu les noms matrilinéaires si d’aventure elle en a eu au cours de son histoire .
En second lieu, comme grand-père vous a déjà expliqué,pour ne pas perdre le nom matrilinéaire, les Dagara ont trouvé la parade : Lorsqu’un homme Dagara épouse une femme non Dagara c’est son nom de matriclan Somda par exemple qui est transmis à ses enfants. Ainsi le matriclan Dagara n’est pas perdu, mais sauvegardé .La coutume Dagara a donc été respectée.

-Mais pourquoi , grand-père, pourquoi donc portes-tu officiellement ton seul nom matriclanique comme nom de famille alors que tu dis que c’est le nom du patriclan qui détermine l’appartenance à une famille ?

Vous avez raison de poser cette question. Elle préoccupe aujourd’hui tous les Dagara ,à cœur de conserver intacte leur culture car il s’agit là d’une erreur commise par le colon et perpétuée jusqu’à nos jours.

-Tu parles grand-père d’erreur, comment s’est-elle produite et pourquoi les Dagara ne l’ont-ils pas vite réparée ?

Lorsque le premier colon est entré dans un village Dagara constitué pour la majorité des gens du même patriclan , il a demandé au chef de terre comment il s’appelait. Au lieu de donner son nom de patriclan d’abord, il a décliné celui qui le distinguait des autres personnes du village portant tous le même nom patriclanique , ie son prénom et son nom matriclanique sans se douter, le pauvre, de l’erreur qu’il commettait vis-à-vis du colon qui transcrivit imperturbablement son nom matriclanique Hien au lieu de Kusiélé son nom patriclanique.
Le colon partout où il a passé dans les villages Dagara a reçu invariablement les mêmes réponses car les villages à l’époque précoloniale étaient constitués des ressortissants d’un même lignage patriclanique et dans un même village, on ne donnait pas pour se distinguer des autres le nom patriclanique, mais matriclanique . En effet dans un même village, un même clan, une même famille, ce sont les noms des mères qui font les distinctions en plus des prénoms évidemment.
Mais à l’extérieur de son clan, un Dagara donnera en priorité le nom de son patriclan, puis son matriclan et enfin son prénom .
Mais le colon abusé par sa méthode de recherche en a conclu que les Dagara portaient en priorité les noms matriclaniques ; et pendant toute la période coloniale, il était dit que la société Dagara était d’abord matrilinéaire avant d’être patrilinéaire puisque les Dagara portent le nom de leur mère .
En décrétant cela, il les rapprochait des Lobi qui, effectivement portent , eux , les noms matriclaniques : Kambou correspondant à Kambouélé/ kambiré des Dagara ou Kam des Dyan ;
Dah correspondant aux Da des Dagara ( Somda, Mèda, Kpogda, Dabiré) ;les Palé et les Hien ; les Palé et les Sib correspondant dans certaines régions au Somé des Dagara. A quelques dénominations près, Dagara et Lobi partagent donc les mêmes noms matriclaniques.
La confusion par le colon entre Lobi et Dagara s’accentue encore par le fait que les Lobi ne connaissent généralement pas leur patriclan tant qu’ils ne sont pas initiés et même lorsqu’ils le savent, il est tenu secret . Beaucoup de Lobi finissent par l’ignorer surtout lorsqu’ils ne sont pas initiés !
A généraliser cette coutume chez les Dagara qui partageaient effectivement beaucoup de coutumes avec lesLobi il n’y avait qu’un pas que le colon et l’administration post-coloniale ont franchi allègrement de bonne foi,on en doute pas, d’autant plus que pour eux, la région du Sud -Ouest ,c’est le pays Lobi où cohabitent un certain nombre d’ethnies très proches ayant à quelques détails près, les mêmes coutumes, la même culture.
On ne s’embarrasse donc pas de détails . La classification est faite .fermez les bans ! terminé !
Même l’administration voltaïque, puis burkinabè n’ont pas écouté les réclamations de l’intelligentia Dagara qui s’ingénue à dénoncer l’erreur commise de bonne foi, certes, par l’ une et l’ autre administration !
Pour le moment , en attendant que l’on retrouve nos deux noms patriclans et matriclans, certains Dagara notamment les intellectuels donnent comme prénom secondaire le patriclan pour qu’il ne soit jamais oublié et que le moment venu , il puisse passer administrativement de prénom au nom prioritaire. C’est ce qu’a fait votre grand-père dès la naissance de votre père !
Le clergé autochtone Dagara a amplifié ce mouvement en inscrivant systématiquement leur nom patriclanique en premier suivi de leur matriclanique , puis de leurs prénoms en dernier lieu y compris leur yuo-koura appelé désormais prénom traditionnel :
Exemples : Abbé Bèkuonè Somé Der Joseph Moukassa.
Mgr Kusiélé Dabiré Der Raphael

-Quels sont, grand-père, rappelle-nous encore les différents noms patriclaniques Dagara ?

Comme grand-père a dû vous l’expliquer déjà, les noms patriclaniques sont plus nombreux que les noms matriclaniques:
A tout seigneur,tout honneur, grand-père commencera par son nom de clan :
Les Kusiélé, notre nom de famille. Puis viennent indifféremment : les Kusèlbè, les Bèkuonè et leurs sous clans , les Mètuolè, les Gbaanè, les Gaanè, les Pur-ylé ,les Kpangnanlè, les Kpièlè etleurs nombreux sous-clans , les Nayiilé, les Waalè , les Zawlè,les Nakyièlè, et certainement bien d’autres que votre grand-père ignore notamment ceux des zones Wiilé.
Le chiffre de 40 clans et sous-clans de nos jours ne serait pas surfait ..

-Et les différents noms matrilinaires,
Ils sont, comme je vous l’ai déjà expliqué , moins nombreux (7) :
Les Da ou Dari ( Somda, Mèda, Kpogda, Dabiré) , puis les Somé, les Hienmè ( dits Hien ), les Kambiré / Kambouélé.
La déclinaison des noms de votre grand père est donc dans la norme Dagara : Kusiélé Somda Bangfo Jean-Philippe au lieu du nom réducteur de Jean -Philippe Somda.
Aujourd’hui donc beaucoup de lettrés Dagara, conscients de l’erreur, essaient de rectifier leurs noms en y enjoignant leur nom patrilinéaire même si l’administration ne les reconnaît pas encore.
Ils ajoutent surtout à leurs enfants sous forme de prénoms leur patronyme Dagara pour qu’il ne soit pas oublié et ils recommandent à chacun et chacune de leurs descendances de le porter même en tant que prénom secondaire .
Un Dagara saura toujours reconnaître les siens à la lecture de ce patronyme traditionnel Dagara .
C’est pourquoi votre grand-père a tenu à adjoindre officiellement le nom patriclanique Kusiélé comme prénom secondaire à chacun de ses deux enfants et que votre papa vous a transmis à tous quatre ce prénom et que vous, vous devrez tout faire pour le transmettre à vos enfants et ainsi de suite en expliquant son sens bien particulier à votre épouse ouà votre époux.Ainsi on pourra suivre à la trace la descendance Kusiélé en France pour qu’elle ne disparaisse pas totalement dilué dans d’autres noms et lorsque vous partirez partout en pays Dagara vous serez accueillis en fils ou filles Dagara et les Kusiélé vous considérerons comme des « frères » et des « sœurs » patriclaniques tandis que les Somda vous diront : « Nous sommes de même mère . » même si vous ne savez pas encore parler le Dagara !
Cela vaut tout de même la peine de garder la trace de ses origines ancestrales . N’est-ce pas les enfants ?

Merci grand-père pour toutes ces informations fort intéressantes que tu viens de nous fournir. Nous saurons transmettre ces noms Dagara de génération en génération , promis, grand-père .
Merci les enfants.

Poursuivons maintenant, si vous le voulez-bien,les enfants la suite de l’enfance de votre grand-père.
Grand-père fut baptisé le 10 juillet 1942 ie 15 jours après sa naissance et reçut le nom de Jean en l’honneur de Jean le Baptiste dont la fête est célébrée le 24 juin, veille de sa naissance.
Puis c’est certainement le Père Nadal, alors curé de Dano, ayant baptisé grand-père, et non son père, qui a rajouté Philippe, par admiration à l’époque pour le vainqueur de Verdun, Philippe Pétain, alors président de la République sous le régime de Vichy.
Pépé Simon, bien que catéchiste, donc sachant lire et écrire en Dagara, ne connaissait certainement pas les hauts faits du Maréchal, vainqueur de Verdun, mais aussi le traître de la drôle de guerre qui signa la capitulation honteuse, la redditon de la France devant l’Allemagne nazi .
Heureusement le Général de Gaulle et la Résistance étaient là pour reprendre le combat qui mena la France à la victoire et à l’honneur de s’asseoir à la table du côté des vainqueurs .
Les colonies françaises d’Afrique ont participé vaillamment aux côtés du Général au combat pour la libération de la France.

Pépé Simon, le père de votre grand-père serait né vers 1920 de Kusiélé Hien Bèvon et de Bèkuonè Dabiré Anna.
Il eut pour frères utérins Kusiélé Dabiré Gabriel, Kusiélé Dabiré Antoine et pour sœurs Kusiélé Dabiré Jeannette, Kusiélé Dabiré Marcellina et une autre sœur utérine dont grand-père n’a jamais bien connu le prénom, la mère de Kuunkiè Dabiré Jean françois de Mémer Tuupuo.
Il eut également des demi –frères dont Nicodème et Takimè et deux ou trois demi-sœurs dont les noms échappent aujourd’hui à la mémoire de grand-père .
Le père de pépé Simon s’appellait Bèvon. Il n’avait probablement que deux femmes qui lui ont donné des enfants.
Bèvon avait des frères utérins connus de votre grand-père : Les grands oncles Kusiélé Hien Sinsour et Kusiélé Hien Dignè dit Wata.
Ils ont tous deux été chefs de terre. Mais il y eut probablement des demi- frères autrefois également chefs de terre que votre a connus : Kusiélé Tigan-Sob, Kusiélé Bondiré , Kusiélé Daviel., mais aussi Dè-ziè le père de Christophe et de Basile.
Leur père s’appelait Bilé Somè.fils de Degnu, fils de Wuré qui fut probablement le premier chef de terre Dagara de Béné.Il a donné son nom au quartier centre de Béné ,Wuré-gan où se trouvait l’autel du Tigan, au pied du grand baobab de notre première maison dans l’ancien quartier (Débuon).
Koun –Wouré a migré de Pirkouon, village situé à une dizaine de kilomètres de Béné où sa famille , descendant de l’ancêtre mythique Bilwon, détenait déjà la chefferie de terre.
En effet c’était un très grand chasseur et lorsqu’il découvrit le coin déjà habité par les Yèri-Pougouli, il s’entendit d’abord avec eux,puis fit venir petit à petit ses frères et parentés de Pirkuon ! Ils devinrent majoritaires et il commença alors à naître des frictions entre Dagara et Pougouli qui se retirèrent du village et passèrent de l’autre côté du fleuve( Volta Noire) où ils vivent encore aujourd’hui..
Koun-wouré fit alors venir d’autres parentés de Pirkuon pour occuper les immenses espaces vides laissés par les Pougouli .Voilà brièvement résumé un des mythes fondateurs de Béné .D’autres récits mythiques nous ont été également racontés.!
Ils font de Wouré un fils de Bilwon et d’une fille du chef Pougouli Bang-ni bo qui marchait devant les Dagara. pour dégager la voie de concert avec les Dagara. . Ce serait donc Bang- ni –bo, l’oncle maternel de Wouré qui céda la cheffreie de Béné à son neveu avant de franchir la Volta Noire comme cela avait souvent lieu entre oncle et neveu utérin.
La chefferie de Pirkuon prétend actuellement que celle de Béné serait une délégation de celle de Pirkuon !
Il est plus vraisembable que Wouré ait hérité de la chefferie des Pougouli par le biais de Bang-ni-bo, son oncle maternel.Mais comme il était en même temps le demi- frère du chef de terre de Pirkuon, Mwônign, il a du se mettre sous sa protection.
Mais la réalité était certainement encore plus complexe. Nous n’insisterons donc pas sur ces détails et ce d’autant plus que les deux chefferies se sont toujours parfaitement entendueset lutter ensemble contre les assauts des Wiilé qu’ils ont toujours repoussés.
Pour en revenir à votre aieul Kusiélé Dabiré Simon, il devait avoir une dizaine d’années déjà lorsque les premiers missionnaires catholiques vinrent évangéliser le pays Dagara en commençant par le Nord Ghana : Navrongo en 1906 et Jirapa dans la foulée.
Nous aurons l’occasion de revenir sur l’évangélisation chrétienne et la conversion massive du Pays Dagara à cette religion importée par les « bons blancs », sic , ie les Pères Blancs tant au Nord Ghana qu’au Sud Ouest du Burkina Faso.
Le tout , c’est que Pépé Simon , à l’instar de beaucoup de jeunes adolescents Dagara de l’époque, en quête de nouveauté, se convertit au christianisme. Mais il avait déjà dépassé l’âge d’entrer à l’école des missionnaires lorsqu’ils installèrent les premières écoles primaires en pays Dagara. Par contre il pouvait être recruté comme futur catéchiste en suivant l’école de formation catéchétique.
C’est donc ce qu’il fit avec beaucoup d’enthousiasme devenant ainsi un des premiers catéchistes formés en terre Dagara avant la deuxième guerre mondiale et le premier lettré du village et de la famille . Et ce malgré son oncle Sinsour qui avait juré sur l’autel du Tigan, le dieu-Terre dont il était le prêtre qu’aucun enfant de la famille n’irait à l’école du Blanc ( bon ou mauvais) .
Pour éviter un éventuel malheur dans la famille lorsque pépé Simon devait partir à l’école catéchétique, on demanda à son oncle de revenir sur ses propos en « se gargarisant la gorge », « kpoupkou nuor » en Dagara, ie en revenant sur ses paroles malencontreuses de façon publique et solennelle devant l’autel du Tigan en signe de réparation au dieu-Terre et à nos ancêtres qu’il avait invoqués comme témoins.Ce n’est qu’après cette cérémonie que pépé Simon a pu démarrer sa formation sans aucune inquiétude ainsi que nous le verrons par la suite.
Le premier poste de pépé Simon comme catéchiste fut certainement Mèmer ,village voisin de Béné.Combien de temps y exerça-t-il son ministère ? Grand-père ne saurait le dire . Ce qu’il sait pas contre, c’est qu’à Mèmer, il se maria et perdit sa première femme en couches .
C’est alors qu’on a dû le muter à Dalgaan-Gouri, le village de mémé Julia tandis qu’un des frères aînés de mémé, Fidèle, était catéchiste à Béné où il fit venir sa jeune sœur comme bi-yaal pour s’occuper de ses jeunes enfants. C’est là que pépé Simon rencontra mémé Julia et qu’ils convolèrent en justes noces pendant que pépé Simon était encore en poste à Dalgaane.
De cette union naquit un premier garçon, l’aîné de la famille qui mourut bébé . Puis ce fut votre grand-père qui vint au monde ce 25 juin 1942 à Béné tandis que pépé Simon était encore catéchiste certainement à Dalgaane.
Mémé Julia était parmi les derniers enfants utérins de son Père Naayilé Somda Moïse et de sa mère Bèkuonè Somda Marie. En effet ils étaient une dizaine d’enfants issus du même père et de la même mère et mémé Julia devait être la sixième de la fratrie après tante Marie-Gabrielle, tonton Joseph-Marie , l’aîné des garçons, tonton Fidèle qui devint catéchiste comme Pépé Simon ; tonton Martin, tante Hélène, Mémé Julia, tonton Simon -Pierre et tonton Jacques. Ce sont ceux-là qui ont atteint l’âge adulte et que grand-père a connus.
Ceci dit le père de mémé Julia, Moïse avait au moins trois femmes dont il eut de nombreux garçons et filles .
Votre grand père eut au moins une quinzaine d’oncles et de tantes voire la vingtaine . C’était une famille plus grande côté maternel que paternel où pépé Simon devait être l’avant dernier de ses cinq frères et sœurs utérins
La mère de mémé Julia, Bèkuonè Somda Marie, devait être la première femme de son père , Moïse. En effet lorsqu’il se convertit lui et toute sa nombreuse famille au christianisme, il dû congédier ses deux ou trois autres femmes pour ne garder que sa première femme, la mère de mémé Julia selon les exigences des « bons » Pères blancs, avant de recevoir le baptême . « dura lex sed lex catolica »
Votre grand-père ne l’a connue qu’en bas âge, et est malheureusement incapable maintenant d’y mettre un visage . Par contre grand-père devait avoir 15 ans à la mort de son grand- père Moïse.
Par contre il n’a pas connu son grand-père paternel Bèvon. Mais il se souvient encore de sa grand –mère paternelle Anna qui mourut avant qu’il n’aille à l’école primaire lorsque son père était catéchiste à Dayèrè.
Les oncles maternels se sont beaucoup battus dans l’armée française, les deux aînés, Joseph-Marie et Olivier ( son demi-frère) ont participé à la fin de la seconde guerre mondiale, puis à la guerre d’Indochine ( aujourd’hui le Vietnam) ; tonton Simon-Pierre, le frère de lait de mémé Julia a fait la guerre d’Indochine et celle d’Algérie où il a été gravement blessé à l’épaule ,puis réformé . Il mourut d’une gangrène généralisée suite à sa blessure à l’ompoplate mal embrochée et certainement mal soignée. .
Jacques, le benjamin de la fratrie, s’engagea d’abord dans l’armée française puis reversé aux indépendances en 1960 dans l’armée voltaïque jusqu’à sa retraite.
Donc quatre oncles maternels de grand-père ont combattu pour la France libre pendant la période coloniale où la Haute -Volta était encore colonie française. Elle faisait alors partie intégrante de l’Afrique Occidentale Française en abrégé l’AOF jusqu’en 1960 où toutes les colonies françaises d’AOF et d’AEF ( Afrique Equatoriale Française) aujourd’hui l’Afrique Centrale francophone, accédèrent à l’indépendance.
Pour la petite histoire, l’oncle Benjamin du côté paternel, l’un des fils du grand oncle Sinsour , d’abord catéchiste, s’engagea ensuite dans l’armée ghanéenne où il acquit le grade de sergent -chef . Il compta dans le contingent des Casques bleus de l’Onu au Congo lors de la tentative de scission du Katanga .
Puis c’est son fils aîné, Michel qui emboîtera à son tour les pas de son père dans l’armée burkinabè où il est sorti major à la retraite.
Mais revenons-en à pépé Simon, les enfants, si vous voulez bien.
De Dalgaane, il fut affecté à Dayèrè, un village Wiilé limitrophe de Béné.
C’est là que grand-père vécut les quatre ou cinq premières années de son enfance .
C’est aussi à cette période que naquirent les deux petites sœurs de grand-père : Sidonie, en 1944 (photo), toujours en vie à Béné où elle s’est mariée dans une famille Mètuolè. Par contre son mari , malheureusement, vient de mourir en février 2011.
Coutumièrement elle aurait dû se marier dans la famille Naayiilé de mémé Julia à l’un des fils de ses frères comme grand-père aurait dû, selon la coutume Dagara en matière matrimoniale, épouser soit une fille des oncles maternels soit une fille de ses tantes paternelles . C’est ce que l’on appelle les mariages croisés dont mention a été déjà faite ci-dessus.
Ni grand-père ni ses sœurs Sidonie et Delphine ne se sont conformés au schéma coutumier au demeurant non contraignant, mais souhaité pour compenser et préserver l’héritage familial dans les deux patriclans Kusiélé et Naayiilé .
La deuxième sœur de grand-père, Léonie née en 1947 n’avait que deux ans à la mort de son père, pépé Simon et donc ne l’a pas vraiment connu .
Par ailleurs elle fut atteinte dès sa naissance par des douleurs articulaires (drépanocytose ?) et elle n’en fut jamais guérie jusqu’à sa mort prématurée en 1975 à l’âge de 29 ans à peu près au même âge que son père.
Nous verrons par la suite qu’après la mort de pépé Simon mémé Julia se remaria à son grand frère Gabriel ayant aussi perdu sa première femme Gabriella.De cette union , naquit Delphine, la dernière petite sœur de grand-père, née en 1953 , mariée dans une famille Kuselbè à Béné . Elle vit avec son mari en Côte d’Ivoire depuis près de 40 ans .Celui-ci vient de mourir en Cote d’Ivoire au mois de juillet dernier et son corps ramené au village pour la célébration des funérailles Dahgara ! Ils eurentensemble 7 e,nfants sans compter les deux enfants qu’eut Delphine ava nt son mariage et qui revinrent à son frère utérin, ie votre grand-père.

29.Grand-père , comment se fait l’éducation traditionnelle des enfants en pays Dagara ?
Grand-père ne peut prétendre avoir eu une éducation traditionnelle comme tout enfant Dagara pendant sa petite enfance de 0 à 6 ans. Et pour cause ? Son père, jeune chretien et encore mieux jeune catéchiste, est en partie sorti du milieu traditionnel classique..
Il ne put donc se comporter comme n’importe quel parent Dagara.
Votre grand-père a donc reçu une éducation hybride Dagara-chrétienne.
Une éducation Dagara un peu comme tout petit enfant Dagara sous la surveillance notamment de sa mère et d’une fille, la bi-yaal qu’elle avait sollicitée à la famille de son mari. Pour votre grand-père , il sera jusqu ‘à ce qu’il marche normalement sous la surveillance de Régina , la fille du frère de Pépé Simon , Antoine. C’est elle qui, à Dayèrè, sera prêtée, confiée selon la coutume, à mémé Julia pour garder votre grand-père, Sidonie et Léonie. C’est elle qui nous lavera, nous aidera à manger et nous occupera pendant que mémé Julia vaquera à d’autres occupations ménagères. C’est elle qui nous initiera surtout à la parole en langue Dagara. Elle restera avec nous jusqu’au rapatriement de pépé Simon au village à la suite de la maladie qui a interrompu son ministère.
Elle s’est mariée à son cousin germain ! Elle est aujourd’hui décédée comme tous ses frères et sœurs à l’exception de Raphaël qui reste malheureusement le seul enfant vivant de l’oncle Antoine et de la tante Denisa qui étaient eux-mêmes des cousins germains issus de cousins germains qui eux-mêmes étaient issus de cousins germains !Ici les mariages croisés ont fonctionné pleinement et n’ont malheureusement pas manqué de produire leurs néfastes effets génétiques !

a. Comment les enfants s’amusaient-t-ils pendant ton enfance, grand-père ?

Les activités de loisirs et surtout ludiques ( diènu) n’ont pas été beaucoup décrites par les études ethnographiques à l’exception de certaines d’entre elles comme les « nuru » (chants et danses des jeunes filles et des femmes), les marchés, les cabarets , la musique.
Les activités proprement et seulement ludiques n’ont fait à notre connaissance,l’objet d’aucune étude ! Est-ce par désintérêt pour ses jeux populaires qui ne représentaient que des plaisirs passagers à prendre ?
Certains jeux néanmoins peuvent être considérés comme des apprentissages des jeunes à leur futur rôle d’adulte .
Dans le cadre de ce que grand-père a entrepris pour vous faire mieux connaître le milieu culturel Dagara dans lequel il a vécu petit enfant, il était important qu’il vous en parle ne serait-ce que très succintement en distingant les loisirs d’enfants ( filles, garçons) de ceux des adultes ( femmes , hommes) .
Il vous entretiendra ensuite des apprentissages traditionnels des enfants à leur future vie d’adulte

b.Activités ludiques des jeunes garçons.

Nous commencerons, si vous voulez bien , les enfants, par vous préciser que le sport en tant que pure activité de loisir n’était pas pratiqué par les adultes Dagara . Et partant , si l’on excepte les jeux de natation dans les marigots, les enfants n’avaient que très peu de distractions sportives .
Une des seules vraies éducations sportives,était la lutte pratiquée pendant la garde des bœufs même pour les tous petits dès qu’ils ont l’âge de suivre une vache . C’était là, sous l’œil vigilant des « grands frères », les naa-kiin-kari que se faisait le vrai apprentissage de la lutte . Et ce n’était pas de l’amusement pour les néophytes susceptibles de recevoir des coups de fouet s’ils ne s’appliquaient pas à la tâche .
Ensuite , vous étiez humiliés devant vos jeunes camarades en cas d’échecs répétés .
On peut citer aussi les concours de jeux de fléchage qui constituent un apprentissage des jeunes à la chasse traditionnelle.

c.Les jeux et loisirs des petites filles ?

A peine marchent-elles à quatre pattes qu’elles sont initiées aux jeux de mamans : faire la cuisine avec de la terre tamisée sous la surveillance de leurs jeunes gardiennes .
On pourrait dire qu’il s’agit déjà là de jeux d’apprentissage à leur rôle de future mère .
Comme poupées , elles se contentent de bouts de bois et comme habits de feuilles ou de vieux bouts de chiffons .
Lorsqu’elles commencent à peine à marcher, à la suite de leurs gardiennes , elles essaieront quelques figures de danses en les imitant .
Les filles les plus grandes se plaieront déjà à aider leur mère dans la cuisine, à laver les ustensiles et à observer attentivement comment leur mère prépare la nourriture familiale ou le dolo . Elles apprendront aussi à l’occasion de manifestations de réjouissances ou de fêtes à danser et à chanter dans les jeux des nuru avec leurs sœurs aînées .
Entre 10 et 15 ans elles sauront déjà cuisiner, chanter et danser surtout dans les séances des nuru,mais aussi lors des funérailles.
Mais aussi elles sauront déjà danser le sèbru,danse par excellence de réjouissances .

d. Mais qu’est-ce que les nuru, grand- père ?

C’est un répertoire féminin regroupant de nombreux chants interprétés a cappella accompagnés de battements de mains d’où leur nom : nuru pluriel de nuu qui signifie main :
Les femmes forment un demi-cercle au milieu duquel chacune ,viendra à tour de rôle danser . Le chant est réparti entre une soliste et un chœur . La forme est de type responsorial .
Les thèmes abordés dans ses chansons sont des plus variés et renommés pour leur grande force de diffusion de la pensée Dagara;et en même temps elles ont pour fonction de détendre . Par ailleurs elles renseignent énormément sur les faits de la vie de la société . Elles peuvent traiter tour à tour de thèmes satiriques , moraux, philosophiques ou religieuses. Ce sont de de véritables méditations sous formes ludiques et chantées de la vie en société .
Toutes jeunes, les filles commencent à s’affirmer dans cet art de chanter, de danser et de battre des mains pour devenir plus tard des virtuoses en la matière .
Autrefois ce n’était que des activités de loisirs à laquelle n’importe qu’elle fille ou femme pouvait se joindre . Aujourd’hui, des troupes professionnelles se forment ,invitées à se produire pour les fêtes de rejouissances organisées .
N’oublions pas les jeux d’apprentissages aux loisirs artisanaux : poterie, vannerie, et divers commerces

e.Les jeux de loisirs des garçons déjà plus âgés .

Les garçons un peu plus âgés, bénéficient de jeux de loisirs plus nombreux :

La lutte ( mob) s’apprend très tôt avec les grands frères », chefs- bergers ( Na-kiin- kari) dans les herbages ou sur les aires de repos des animaux à leur heure de repos .
Grand-père en a fait l’apprentissage quand il était berger pendant les vacances scolaires du troupeau familial .
Les garçons de même classe d’âge se lancent des défis personnels qu’ils sont obligés de relever . Ils participent également à des concours de luttes intervillages voire régionaux organisés par les chefs-bergers et non par les adultes .
Pendant la saison sèche lorsque les mares d’eaux sont encore remplies et les marigots coulent encore,les garçons y jouent et par ce biais apprennent petit à petit à maîtriser leur corps dans l’eauet à nager.

-Jeux et apprentissages d’instruments musicaux comme les balafons, tam-tams et tambours, etc.
-Jeux de chasse,à commencer par les rabattages autour du village, jeux de fléchettes et de tir à l’arc ;
Jeux de trous à billes ;
-Jeux de dames indigènes.
-Jeux d’apprentissage aux chants des funérailles ,
-Jeux d’ apprentissages aux divers métiers artisanaux : forge, couture, vannerie d’hommes ; construction des maisons, des greniers, etc.

Les apprentissages par les jeux
Le petit d’homme qu’il soit Dagara ou d’autres ethnies apprend en faisant sous une forme ludique .
Apprentissage de la chasse par les jeux de tirs à l’arc sur cibles lancés ;
Apprentissage des danses notamment le sèbru profane, les danses des funérailles notamment le vaaru ou sauts dansants.
couture de vêtements Dagara ( Dagara kpari) :bala, kiin-kiin, kuri, gaan, etc. ;
scupture d’instruments utilitaires de cultures, vannerie d’homme, forge lorsqu’on est d’une famille de forgeron, etc.
Mais il se pratique aussi les jeux de société à seul but de simples divertissements :

•Les jeux de dames Dagara( bié) se jouent à deux , non avec un jeu fabriqué sur bois ou en tout autre matière mais à partir de trous
creusés à même le sol et pour pions de simples cailloux ou débris de poterie de couleur différente .
•Le jeu des trous à billes se joue aussi à deux : Les trous sont creusés à même le sol ; les billes sont de petits cailloux ronds répartis par vingtaine dans chaque trou . Le jeu consiste à ramasser le plus possible les billes de son adversaire là où tombe la dernière bille distribuée. Le jeu se termine là aussi par le retrait de pratiquement toutes les billes de l’adversaire pour l’emmener à l’abandon du jeu , faute de pions.
•Un autre jeu prisé par les garçons de tous âges est le jeu de fléchettes appelée en Dagara « furu » :
Comment se joue-t-il ?
On prépare d’abord un trou d’à peu près 20cm de profondeur ,30cm de longueur et large de 20cm.
On place au fond du trou une cible faite d’écorce de tronc de baobab ou de tissu rembourré de vieux chiffons d’à peu près 10 cm de diamètre et de 2 à 3 cm d’épaisseur. On le recouvre de terre finement tamisée qu’on a pris soin de mouiller légèrement pour éviter la poussière ; puis le trou est rempli à ras bord.
Le jeu peut se jouer à plusieurs, mais le plus souvent il se fait à deux :un gardien du trou assis à même le sol est muni de deux bâtons d’à peu près 40 cm de long, un dans chaque main pour garder le trou et pour arrêter les fléchettes que l’adversaire ,débout, essaie de lancer de toutes ses forces et de toute son habileté dans le trou pour atteindre la cible . Il dispose au départ d’un certain nombre de fléchettes (5 au moins et 10 au plus) sans crans d’arrêt comme pour les flèches normales. Lorsqu’une fléchette atteint sa cible, le flécheur est accréditée d’une fléchette supplémentaire et ainsi de suite.
Le flécheur joue de toute son habilité pour éviter que ses fléchettes ne se prennent aux bâtons de l’adversaire, mais au contraire atteignent la cible .
Le gardien le plus habile sera celui qui, par son attention, sa vigilance et son habilité pourra arrêter les fléchettes lancées à toute vitesse et de toutes ses forces par le flécheur et ainsi lui arracher le plus rapidement possible toutes ses fléchettes .
Ne vous en faites pas les enfants ce n’est pas un jeu dangereux .
il ne se produit jamais d’accident .
Le flécheur est suffisamment habile pour ne viser que le trou ; et le gardien , muni de ses deux bâtons, suffisamment éloigné du trou et suffisamment prudent pour ne pas se prendre une fléchette qui,de toutes façons , ne produirait pas de blessure grave .
Votre grand-père , tout petit garçon a joué souvent à ce jeu très populaire et n’a jamais vu ni attendu parler d’accident .
La partie peut durer jusqu’à ce que le gardien retire toutes les fléchettes de son adversaire .Il devient alors à son tour le flécheur et son adversaire le gardien et ainsi de suite .
Jeu d’habileté, et de vigilance . C’est vraiment le jeu de divertissement par excellence des garçons de 8 à 15 ans .
g.Les multiples apprentissages de l’enfant Dagara à sa vie future d’adulte ?

Nous avons déjà eu l’occasion de signaler la plupart des apprentissages de l’enfant à sa vie future d’adulte.Ils se déroulent sous forme de jeux au cours de ses différents loisirs : multiples activités artisanales Dagara : poterie, vannerie, sculpture, couture, forge, chasse, musique chantée ou instrumentale .
Il n’existe pas, pour ces métiers secondaires demandant une habilté naturelle et un savoir faire particulier , d’apprentissage organisé auprès d’ un maître, mais un apprentissage non contraint de l’enfant qui apprendra dans son lignage par imitation et en regardant faire les adultes .
Il apprendra ainsi à sculpter le bois en regardant et en imitant ses « aînés », « pères » ou « frères » ;
à forger le fer s’il appartient à une famille de forgerons .
Il apprendra à fabriquer des balafons ou autres instruments musicaux en imitant les balafonistes de son lignage et ainsi de suite.
Le petit Dagara, homme ou femme, apprend donc ces métiers secondaires par imitation de ce qui se fait autour de lui à proximité immédiate car que faire d’autre sans structures scolaires ou d’apprentissages organisés?
Le petit garçon s’initiera à vanner , non des paniers réservés aux femmes, mais des corbeilles pour aller chercher des termites pour les poussins, des cageots pour abriter les poussins, des chapeaux et des sacs en paille ; il apprendra à construire les greniers à mil , les gros ventrus et les petits à arachides, à noix d’amandes de karité, à niébé ou haricot africain ;il apprendra à coudre les tenues traditionnelles Dagara.
S’il est d’une famille de forgeron , il apprendra naturellement de la forge et petit à petit à se spécialiser dans l’art de fabriquer des dabas, des hâches, des couteaux voire des coupe-coupe , tous les outils agricoles sans oublier les flèches et fléchettes de chasse ou de jeux .
Si son patrilignage fabrique des balafons , il se tournera naturellement vers cet artisanat qui exige en plus une oreille musicale adéquate .
Il apprendra soit à jouer du balafon, soit d’autres instruments musicaux comme les tam-tams, tambours et autres petits instruments musicaux dont nous parlerons dans le chapitre consacré à la musique Dagara .
Bref, l’enfant fait son apprentissage surtout en imitant l’adulte le plus proche de lui .!
Il apprend en faisant par imitation .Et ça marche !
Il en sera de même de la chasse , autre distraction de la saison sèche très prisée des Dagara et ce d’autant plus qu’elle donne beaucoup de prestige à celui qui en acquiert la compétence et la dextérité.
Tuer par exemple un gros gibier surtout une panthère donne beaucoup de prestige au chasseur qui devient un héros hors catégorie . un kara-zaa
L’homme ou la femme accompli sera celui ou celle , qui, au cours de sa jeunesse saura réussir ces multiples apprentissages de la vie quotidienne qui feront de lui un adulte compétent ,dextre ,admiré , adulé , respecté pour ses multiples talents et dons constitués de beaucoup de savoirs- faire accumulés au cours d’une enfance studieuse . l’enfant paresseux ou non stimulé pendant son jeune âge, sera malheureux à l’âge adulte car il serra incompétent en tout et fera l’objet de moqueries , méprisé de tous sans compter qu’il ne pourra se faire un peu de pécule par ses métiers secondaires !
Concernant par contre les savoirs- faire fondamentaux comme le métier d’agriculteur ou d’éléveur,l’enfant Dagara en fera l’acquisation obligatoire car tout Dagara doit obligatoirement savoir cultiver et faire de l’élevage .
Les métiers secondaires sont de son libre choix.

h.Mais comment se faisait, grand-père, l’éducation des savoirs- êtres chez les enfants Dagara ?

Autrefois l’éducation sociale , culturelle, morale et religieuse se déroulaient au sein même de la famille, du clan , du village. Elles s’initiaient en premier lieu auprès des « mères » pour les enfants en bas âge, ensuite pour les garçons auprès des « pères » , « grands-pères » et « grands frères » du clan.
Mais cette éducation était surtout assurée par l’initiation de passage de l’adolescence à l’âge adulte , proposée à tous les clans Dagara, éffectuée ensemble ou séparément : c’était le fameux baor Dagara dont nous dirons quelques mots ici quitte à traiter le phénomène en détail un peu plus tard .
Le baor Dagara a beaucoup perdu de son aura et importance depuis l’avènement des religions importées notamment le christianisme qui avait interdit à ses membresde participer aux pratiques ancestrales qu’il jugeait à tort ou à raison de type animiste sous peine d’excommunication de fait .
Les zones fortement christianisés ont donc vu tomber en complète désuétude la pratique du baor . Désormais très peu d’anciens de 70 ans peuvent se flatter avoir vu ou assisté,encore moins participé à l’initiation au baor nyofu (initiation au baor) .
Heureusemnt en pays Wiilé ( Dano, Legmoin, Batié ) et notamment en pays Birifor ,le baor continue encore de nos jours à se pratiquer, mais en perdant malheureusement beaucoup de son audience, importance et faste d’autrefois auprès des jeunes.
Il n’a plus rien à voir avec le djoro Lobi .Au départ , Lobi, Dagara et Birifor s’assemblaient tous les 7 ans pour une même initiation , le djoro en Lobi , le baor en Dagara.
Seul subsiste aujourd’hui le Djoro associant encore dans une même initiation les Wiilé et les Birifor habitant dans les zones à forte majorité Lobi .
Celui-ci se déroule en principe en trois étapes de 1 mois chacun tous les sept ans La première formation est générale tandis que les deux dernières visent des formations spécialisées pour ceux et celles qui veulent acquérir une expertise dans la pratique du bao sèbla et de la divination .
En pays Dagara, seul se pratique couramment encore le baor –buuru ou divination.
Comme grand-père vous l’a déjà indiqué il comporte deux aspects :
Le Bao-buur pla ou divination blanche ,le plus pratiqué et le bao-buur sèbla plus complexe exigeant beaucoup plus d’expérience et de compétence .
Pour être devin chez les Dagara, il faut passer par l’initiation ou le baor-nyofu en groupe ou isolément .
Votre grand-père a pu observer pendant son enfance à Dayèrè où était son père comme catéchiste le baor nyofu où l’apprenti (ba-kian-kpélé) en cours d’initiation a des maîtres de stage ou d’initiation (ancien initié) contrairement aux autres apprentissages . Le ba-kian-kpélé ou le jeune en cours d’initiation s’enduisait complètement en blanc de kaolin (sorte d’argile blanche) ou de cendre des pieds à la tête et se promenait tout nu .
Enfant, grand-père avait une peur bleue de ce personnage semblable plutôt à un fantôme dans l’imaginaire enfantin qu’à un humain .
Les ba-kian-kpéli ne parlaient pas pendant toute leur période d’initiation . Ils portaient des calebasses pour mendier leur maigre pitance journalière car ils devaient se débrouiller pour trouver de quoi se nourrir chaque jour .
Et la rumeur courrait que, tiraillés par la faim,ils vivaient de rapines ,de vols dans les maisons. Lorsqu’on les apercevait donc s’approcher des habitations pour mendier , on les en chassait parfois avec des insultes grossières, persuadé qu’ils venaient voler des poules .Aussi, les pauvres, ne s’approchaient-ils des cases qu’ avec la peur au ventre et dès qu’ils y sentaient une présence hostile, ils s’en détournaient prestement.
Ils vivaient plutôt en brousse de jour comme de nuit pendant toute leur période d’initiation.
En tout état de cause, c’était de pauvres hères incapables de causer un quelconque méfait sinon ils se faisaient sanctionner très sévèrement par leur maître de stage qui en cas de besoin était autorisé à les nourrir.
Et si jamais ils mourraient au cours de leur initiation pour quelques mobiles fussent-ils, ils étaient considérés comme rejetés par la divinité du baor et ils subissaient le sort de mauvaise mort ,ie pas de toilette mortuaire, pas de funérailles, pas de pleurs . Enterrés à la va-vite dans une tombe peu profonde à dessein, ils étaient dévorés rapidemnt par les animaux sauvages( hyènes et vautours notamment ) .
La fin du baor- nyofu se célébrait dans une liesse collective aux sons des balafons, tambours et tam-tams On y dansait pendant des jours durant le baor- binè notamment le baor-sèbru.
Le néophyte initié, se débarrassait de sa crasse blanche d’un mois, se rasait la tête, arborait des vêtements neufs et paradait au milieu d’anciens intiés, fier de son passage au monde des adultes . Il n’est plus un enfant, mais un adulte initié à certains secrets du clan , ayant acquis des savoirs- vivre et droits nouveaux, notamment celui de siéger au milieu des assemblées d’adultes et de pouvoir se marier .
Il connaît désormais certains secrets de la nature notamment les médicaments pour se soigner lui et sa future famille .
en pays Dagara-lobr, notamment dans les régions fortement christianisées, le baor est devenue pour beaucoup une secte exotérique , rétrograde pour la jeune génération notamment scolarisée . Il souffre auprès d’elle d’une mauvaise image de secte religieuse , de société secrète obsolète. Certains cercles d’anciens au contraire , même chrétiens, préconisent le retour à un syncrétisme alliant religion traditionnelle et religion importée capables selon eux, de faire bon ménage .
Nombre d’intellectuels Dagara, conscients des risques de perte d’identité de la culture Dagara, réclament eux aussi un retour des pratiques du baor en contestant , même chrétiens, l’incompatibilité entre la foi chrétienne et le baor . Pour ces derniers le baor nyofu(l’initiation) est un passage de la vie d’enfant à une nouvelle vie d’adulte tout comme le baptême chrétien des adultes après un long stage de catéchuménat consacre le passage , la naissance à une vie nouvelle . En effet les éléments de simulitude ne manquent pas entre le baptême , la confirmation et l’initiation du baor Dagara que tout chrétien Dagara devrait connaître et méditer avant de le rejeter s’il le juge contraire à sa foi en Christ.
Mais aujourd’hui combien de jeunes chrétiens ont entendu parler du baor nyofu comme rite d’initiation de passage de l’enfance au stade adulte ?
Pour grand-père, le baor devrait, par analogie, se comparer à la pâque juive en tant que rite de commémoration du passage du Mouhoun vers des terres fertiles , vers la liberté car le peuple Dagara fuyait la meute d’esclavagistes de la Côte pour des terres nouvelles où ils retrouvèrent leur liberté . Par le passage du Mouhoun les ancêtres Dagara ont connu une véritable pâque, passage à une vie nouvelle de liberté et d’abondance en vivres !
Ainsi certains prêtres , pères Blancs ou autochtones se sont-ils volontairement initiés au baor Dagara ou au djoro Lobi.pour mieux appréhender ces initiations de l’intérieur.
.Grand-père peux-tu nous parler davantage du système des marchés Dagara ( daa, daaru) ?
Les marchés Dagara ont lieu traditionnellement tous les six jours.
Chaque Tigan villageois détient son marché . Mais les habitants d’une localité donnée sont très pragmatiques et ne retiennent que ceux qui les intéressent le plus, ie les plus proches où ils peuvent facilement se déplacer à pied pour la satisfaction de leurs besoins propres les plus importants. Pour l’acquisition de biens spécifiques, il faudra se rendre impérieusement dans des marchés plus importants comme ceux de Kpaï, de Hamélé , de Dano où on vient de loin en empruntant qui , un vélo, une moto , voire encore un transport en commun affrêté spécialement pour le marché de Hamélé quelque peu éloigné de Dano d’une cinquantaine de kilomètres.
Si les marchés traditionnels Dagara ont lieu tous les six jours et servent à dater les évènements, ceux de Dano, de Dissin, de Mariatang ,chefs lieu de paroisses catholiques , ont lieu les dimanches après les Messes domicales.
Leurs marchés traditionnels ont été supplantés par les grands rassemblements du culte dominical .Mais çà et là , les deux types de marchés coexistent encore .
L’autorité traditionnelle du marché villageois est le daa-sob sous l’autorité du du Tigan local. La création d’un marché , plus que celle de tout lieu public est consacré par des sacrifices propiatoires préalables à la divinité du marché ,symbolisée par l’installation d’un autel chargé de veiller à la sécurité des lieux :C’est le daa-kpaara , littéralement le « lieu de rassemblement du marché »
Dans le passé, les hommes se rendant aux marchés avec leurs armes (arc et carquois), devaient les déposer auprès du fétiche et ne les reprendre qu’à leur départ, le marché public étant un lieu de paix ,garanti pour les échanges commerciaux et les rencontres entre amis et parents.
En périodes conflictionnelles ou de tensions , les marchés voire les jours de marchés devenaient des jours déclarés de paix et pouvaient dans une région servir de régulateurs de paix civile .
Les marchés ne sont pas conçus que comme espaces d’échanges commerciaux ; ils servent également de lieux de rencontres entre parents éloignés, entre ami(e)s surtout .
Par contre, il ne s’y déroulent jamais de manifestations de réjouissances telles que les nuru de femmes ou les danses au son de balafons ou d’autres instruments musicaux .
En principe pas de jeux sportifs, pas de rassemblemnts politiques, religieux ou culturels.
Pour quelles raisons , grand-père?

Grand-père ne saurait vous le dire avec certitude . Mais , il pense que ces mesures ont été prises pour garantir la neutralité des lieux , éviter la confusion des genres : on vient au marché dans le seul but de faire des échanges commerciaux de produits dans un atmosphère pacifique, confiant et apaisé, favorable à de telles transactions et non de suspicion, de crainte ou de peur susceptibles de nuire aux transactions et aux rencontres amicales .
Aussi les marchés comptent parmi les lieux les plus sûrs du village
Il s’y produit très rarement des « cassures » suite à des bagarres engendrées par des vols notamment , rarement pour des motifs religieux, raciaux ou politiques.Néanmoins lorsque cela arrive, les marchés sont vite évacués , désertés car ce sont des lieux sacrés où aucun désordre ne devrait survenir .
Le Tigan-sob offrira ensuite des sacrifices expiatoires pour réparer les offenses faites au dieu du marché et au Tigan .Bien sûr les animaux des sacrifices et autres amendes viennent des sanctions imposées aux coupables de tels désordres .

31.Grand-père, quelle est la boisson favorite des Dagara et à quelles occasions privilégiées la boivent-ils ?
a.Les cabarets ( daan-yir, daan-diuru) (photo)

C’est comme la cuisine ,voire même un métier ,une occupation strictement féminine
Dans le passé, il n’y avait pas de lieux particuliers pour préparer et vendre la bière traditionnelle Dagara , appelée Dagara daan ou daan tout cour que tout le monde connaît sous l’appelation Dioula de dolo etr la femme qui prépare et vend le dolo est appelée dolotière ou daan-pow en Dagara.
Chaque femme ou jeune fille pouvait préparer et vendre la bière de mil chez elle dans le kiara, la grande salle commune de la maison et la cour intérieure ou davura .
La vente se faisait dans des canaris de 5 à 10 litres et non dans des gourdes ou dans des calebasses plus ou moins grandes comme cela se pratique aujourd’hui !
On passe également de la maison de lignage à des lieux spécifiques de préparartion et de vente consacrées uniquement à cette activité commerciale .Ce qui est mieux pour l’hygiène et pour la traquillité du domicile.
Ces cabarets d’un style nouveau, sont constitués d’une seule grande salle pouvant ressembler à un kiara avec une cour intérieure ( davura) recouverte pour moitié de paille de mil tressée où par beau temps on peut rester sans trop craindre le soleil ou une trop grande chaleur.
Le paysage villageois s’en est trouvé complètement transformé par ces nouvelles constructions , lieux publics loués le temps de préparation et de vente de 4 jours.Le daan se paie aujourd’hui, non plus avec des cauris comme autrefois mais en pièces sonnantes et trébuchantes de francs cfa .

Par contre les « dolotières » paient une patente annuelle au chef de village ou au tigan-sob ou aux deux à la fois et doivent verser une patente à chaque préparation
De toujours ,lieux de réjouissances publiques au son des balafons, tam-tams et des nuru suscitant aussitôt danses et sèbru fébriles des hommes et des femmes, les cabarets diffèrent par cet aspect festif des marchés plus stricts où il ne se déroulent jamais de manifestations festives de réjouissances populaires.
Le commerce de daan se fait tous les jours de la semaine sans discontinuité, mais davantage les dimanches, les jours de marché et de fêtes . De même la saison sèche se prête davantage à la fréquentation des cabarets ; hommes et femmes devenus plus disponibles tant pour la préparation que pour consommation de la précieuse boisson populaire .Vous ne pouvez passer une journée au pays Dagara sans qu’un ami ou un parent ne vous invite à la rituelle dégustation du daan au coin d’une rue .
Cela fait partie intégrante de l’hospitalité et du savoir être Dagara
b.Nous profiterons, si vous le souhaitez, les enfants, pour traiter également des différents usages du daan dans la société traditionnelle Dagara .
Nous y distinguerons le daan festif, en principe gratuit,préparé notamment lors des grandes fêtes : Bourgniè( Noel), fin du baor-gnofou(initiation)
le « daan »commercial , vendu tous les jours.
le daan des travaux agricoles, gratuit , destiné principalement aux invités de culture et à tout le monde.
,le daan funéraire,préparé lors des funérailles ,gratuit pour toute l’assistance.

le daan religieux du baor ou dolo initiatique .appelé en Dagara bao-buur daan,graduit !

En effet il ne peut se produire d’évènements importants, heureux ou malheureux sans que le daan ne s’invite à la partie . Nous y parlerons dans les différents évènements concernés : fêtes profanes et religieuses, funérailles( ko-daan), initiations au baor(bao-buu-daan, vie agricole ( kob daan), commerce, fêtes et réjouissances populaires.Comme vous le voyez le dolo s’invite partout et par tous les temps sauf en périodes d’épidémies où tous rassemblements sont interdits pour limiter ou éviter leur propagation.

32.Grand-père, existait-il un jour de repos dans la société traditionnelle Dagara ?

Oui , les enfants. Parlons-en, si le voulez bien .

a.Le jour de repos traditionnel Dagara : le ta-ko-daa

Ce jour revêt d’ailleurs beaucoup de noms soit génériques tels que Ta-ko-daa, ie « jour de marché de non culture », Tigan –daa, ie « jour de marché de Tigan »,Wer-daa ou war-daa ,ie « jour de marché de séchéresse », birifor- daa ie « jour de marché des Birifor », Na- mwaan –daa,ie jour de non culture,etc. .
Parfois ce jour de repos coïncide avec d’autres marchés locaux et peut être désigné par le nom de la localité , Zang- daa, kpaan-daa, pour ne citer que ces deux exemples, etc.
Dans les provinces de la Bougouriba et notamment du Ioba , ie dans la zone Wiilé seul le terme Kpaan-daa est usité sans que votre grand-père en sache la signification exacte !
« ta-ko-daa » étant davantage utilisé surtout dans la zone anglophone du Dagaraland.
Quelle est l’origine de ce jour de repos ?

Trois traditions orales rapportées par les uns et les autres :
-La première tradition de loin la plus souvent racontée se rapporte à une séchéresse très sévère survenue au pays Dagara.
Les anciens décidèrent alors d’aller trouver le Tigan-sob pour qu’il consulte et intercède auprès des deux divnités jumelles, Saa ( la divinité- ciel) qui fait venir la pluie et Tigan( la divinité –Terre) qui la reçoit et féconde la terre.
Le chef de terre obtint auprès des 2 divinités la pluie tant désirée et déclara ce jour sacré où les travaux des champs devinrent désormais proscrits , mais uniquement consacré au culte des deux divinités bienfaitrices d’où les noms de Ta-ko-daa et de Tigan-daa.
-Une seconde tradition rapporte qu’autrefois les Dagara travaillaient , et peinaient sous le poids de la fatigue 7 jours sur 7 ; 365 jours sur 365 sans jamais de repos compensateur jusqu’au jour où des orphelins, morts de fatigue et n’en pouvant plus, vinrent se plaindre au chef de terre de ce qu’ils n’avaient jamais de jour de repos .
Le chef de terre trouva recevable et même intéressante leur plainte .
Il fit vite convoquer au son du tam-tam le conseil des anciens sous l’arbre à palabres du village et à la fin de la réunion, il fut décidé un marché spécial comme jour de repos où personne n’irait aux champs .
On pourrait toutefois cultiver les bon-kèrè, littéralement « les choses crues », ie les choses de peu de valeur, de peu d’importance, les choses de rien ou bon- zalè ou encore bon –foli, cultures secondaires généralement pratiquées par les enfants pour leurs propres besoins ( arachides, patate douces tarots etc).
-Enfin le troisième récit de l’instauration du ta-ko- daa fait appel carrément à une intervention divine .
Chut ! Ecoutez plutôt :
L’histoire nous vient directement des Birifor :
Des hommes cultivaient leur champ de mil lorsqu’un mystérieux personnage leur apparut les sommant de ne plus jamais cultiver le jour de leur marché. Et il leur recommanda d’en informer tous les leurs de cet interdit formel ; puis le messager disparut .
Les émissaires informèrent leurs proches à la maison, puis moururent subitement . Ces évènements créèrent un grand émoi dans te village et aux alentours .
Frappés de stupeur,les autorités Birifor crurent alors que cette révélation leur venait directement de Tigan , la divinité Terre et décrétèrent le jour de leur marché , jour de repos . C’est l’origine divine du Birifor-daa .

c.Existe-il, grand-père, des interdictions en ce jour de repos et quelles sont –elles ? :
C’est un peu comme le sabbat juif : Tout travail, tout déplacement de quelque importance est srictement interdit.
C’est ainsi que les travaux des espèces produites pour l’alimentation dans les champs de brousse (cultures principales) sont formellement interdits le jour du ta-ko-daa
Il semble même interdit de préparer ce jour de la pâte de mil ( saab). On mange les réserves faites la veille.
Interdiction également d’aller en brousse chercher de quoi nourrir les poussins ( termites ou autres nourritures). Cela se fait la veille .
Interdiction formelle de sorties en brousse et donc de chasse sinon , on court le risque de faire de mauvaises rencontres avec les génies de la brousse chargés , plus spécialement ce jour de veiller au strict respect de la consigne .
S’ils vous surprennent , ils vous punissent très sévèrement pour avoir désobéi et au dieu Tigan et au dieu de la brousse .Et cela peut même vous coûter la vie .
Mais le plus dur des interdits reste celui de mourir ce jour .
S’il arrive par malheur à quelqu’un de mourir ce jour sacré, il sera privé de toilette mortuaire, de funérailles, d’enterrement avec les honneurs traditionnelles . C’est une mauvaise mort sanctionnée par la divinité Tigan pour avoir commis une faute contre elle .
Dans le passé, avant l’arrivée des religions importées, ( christianisme, islam) les lois de repos du ta-ko-daa étaient totalement respectées et ta-ko-daa était un jour de joie, un, un jour de loisirs, de fête animé par les marchés, les danses, les chants, les balafons, tam-tams, nuru, etc…

d.La signification de ta-ko-daa

Aujourd’hui , on insiste sur les origines divines du ta-ko-daa.où mention est faite d’un commandement plutôt divin que d’un précepte humain.
Ce jour est le jour de la divinité Tigan consacré à son culte . On raconte qu’autrefois, il pleuvait beaucoup le jour du ta-ko-daa et lorsqu’il arrivait qu’il ne pleuve pas, les devins, consultés, trouvaient toujours des fautes contre la divinité Tigan et il fallait vite les réparer avant que de nouveau le Tigan ne sollicite sa sœur jumelle, la divinité Saa pour rouvrir les vannes des cieux .

e.Grand-père, quelles sont les principales sanctions prévues contre la violation du ta-ko-daa ?

La divinité Tigan punit immédiatement quiconque cultive le jour du ta-ko-daa. Il sera gravement affecté de quelque maladie, de morsure de serpent, de mort subite, etc
Alors il sera privé de toilette mortuaire, de funérailles, et d’un enterrement digne car il a offensé le Tigan .
On raconte cette histoire édifiante de deux amis qui possédaient deux parcelles voisines . L’un des amis vint enlever de mauvaises herbes dans son champ de mil le jour du ta-ko-daa.
Des sauterelles s’abattirent subitement dans son champ , ravagèrent tout en épargnant miraculeusement le champ de son ami ,
Le fautif mourut peu de temps après dans la même saison .
On rapporte également qu’une personne non respectueuse du repos du ta-ko-daa et cultivant dans ses champs peut être agressée et gravement blessée par son propre instrument aratoire et la plaie ne guérira jamais Il lui faudra alors consulter un devin pour fixer l’amende expiatoire dont il s’acquittera auprès du Tigan-sob soit une forte somme de 3000 cauris, une chèvre et deux à 6 poules .Ces animaux ,sacrifiés sur l’autel de Tigan seront préparés et consommés sur place .
Le coupable ne pourra bien sûr pas en manger .
De nos jours, dans les régions tres christianisées de Dissin
et surtout de Koper chez les dagara-lobr, on ne connaît plus malheureusement le kpaan-daa tombé dans un total oubli .
Dans l’enfance de grand-père à Dayèrè, le kpaan-daa était encore en vogue en pays Dagara-Wiilé .
Aujourd’hui il est remplacé presque partout par le repos dominical, seul légal . Peut être se pratique-t-il encore dans quelques coins réculés des régions de Legmoin, Batié et Birifor toujours hostiles à la pénétration des religions importées .
A propos de repos, grand-père vous signale que la saison sèche constitue une période de repos relatif où le Dagara vaque à ses occupations favorites ou parfois obligées telles les funérailles, les travaux artisanaux, construction ou réparation des habitations, fréquentations des marchés, des cabarets, fêtes et réjouissances, mais aussi les voyages en dehors du pays comme ceux au Ghana ou en Côte d’Ivoire à la recherche d’aventure et +
de travail salarié .
Aujourd’hui l’orpaillage en pays Dagara a changé bien des habitudes. Nous en reparlerons plus tard !
Ce sont surtout les jeunes qui s’exilent pendant cette période et reviennent généralement à la fin de la saison sèche pour le nettoyage des champs et le démarrage des travaux de saison des pluies.
Mais il arrive que les jeunes prolongent ces quelques mois en séjours plus longs de quelques années notamment lorsqu’ils sont encore célibataires. C’est alors l’occasion de chercher quelques économies pour se procurer des habits ou des animaux ( chèvres, moutons ou bœufs) une fois revenus au village.
Mais s’ils sont de jeunes mariés non encore dédouanés totalement de la dot, ils peuvent se voir retirer leur femme par les beaux-parents pour non participation aux travaux des champs .
Durant ces longs séjours, les jeunes gens apprennent une ou plusieurs langues du pays d’accueil : Achanti, Haoussa au Ghana et surtout français en Côte d’Ivoire .
A leur retour au village, ils pourront discuter, en initiés,avec les anciens qui autrefois ont voyagé et appris ces langues étrangères.
Ils auront ainsi franchi par leur connaissance de l’ailleurs, une étape importante de leur vie . Ils se feront respecter par leurs aînés et envier par les plus jeunes rêvant déjà de ses pays lointains où ils s’évaderont plus tard pour revenir auprès des siens,grandis et respectés. C’est une sorte d’initiation accomplie soit par le retour aux sources, aux origines de l’ethnie Dagara soit par la connaissance de nouveaux pays, de nouvelles langues, de nouveaux savoirs !

33.Les travaux d’orpaillage aujourd’hui en pays Dagara considérés comme loisirs de saison sèche.(photo si possble)

L’orpaillage à toujours plus ou moins existé dans la région du Sud-Ouest , mais se situait notamment en pays Lobi. Il se pratique depuis des temps immémoriaux dans d’autres régions du Burkina ! Mais rarement en pays Dagara
Alors quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous avons appris et constaté la nouvelle fièvre de l’or dans le village de Béné et les villages environnants !
Petits et grands s’y adonnent dès la cessation des dernières pluies : Les enfants d’à peine 10 ans jusqu’aux adultes de 50 ans s’y adonnent dès la fin de la saison des pluies qui rendent impossible une telle activité, fort heureusement car certains jeunes délaisseraient les travaux des champs pour cette activité jugée plus rentable que celles des champs !
Durant la saison sèche,il n’est plus question de s’expatrier au Ghana ou en Côte d’Ivoire puisqu’une activité bien plus rémunératrice est à portée de main sans bouger de chez soi !
Alors plus d’activités artisanales , plus de chasse, de pêche ;tout le temps libre est consacré à la recherche de ce métal précieux dès les premières lueurs du jour jusqu’au coucher du soleil !
Il n’est même pas certain que les orpailleurs respectent encore le repos dominical !
La recherche de cet or est assez bien organisé :Elle se fait cependant sans contrainte ! « Chacun pour soi et Dieu pour tous » ;telle semble être la règle pour tous ! On n’oblige pas les enfants à travailler. Ils voient eux-mêmes leur intérêt dans ce type d’activité libre d’un nouveau genre !
Certes, ils ne sont pas aussi habiles que leurs grands frères, mais ils ne manquent pas d’entrain !
Les femmes délaissent les travaux ménagers pour s’adonner à cette activité nouvelle où il n’existe aucune discrimination entre hommes et femmes alors que le travail d’expatriation ne concernait que les hommes !
Chacun creuse, tamise la terre dans la fièvre de trouver le précieux métal qui fera de vous demain un homme ou une femme riche et respecté !
L’espoir fait travailler avec beaucoup de hargne et de détermination jusqu’à ce que la chance vous sourit !
Et elle arrive plus souvent qu’il n’y paraît !
Quel jeune du village n’a pas construit au moins un « deux pièces » ?
quel jeune homme ne s’est pas acheté une moto ?
Dans le village la bière coule à flots et les alcools forts foisonnent !
Certains jeunes peuvent même se permettre à leur âge de prendre déjà plusieurs femmes !
Tout le monde a désormais de quoi se soigner , se vêtir proprement et payer la scolarité de ses enfants !
Mais ce côté lumière cache beaucoup de zones d’ombre, de misère humaine :
L’argent facile ne profite jamais pleinement,à leurs bénéficiaires.
Illustrons plutôt ce dicton par quelques exemples :
Augmentation de l’alcoolisme chez les jeunes qui délaissent pour leur immense majorité le Dagara daan pour la bière et surtout pour les alcools forts malheureusement frelatés dans leur immense majorité !
Dissolution de mœurs avec l’apparition de toutes sortes de drogues, de la prostitution, du manque de respect des anciens voire de leur abandon !Apparition du Sida fauchant beaucoup de jeunes.
Bref , on voit se reproduire les mêmes schémas de la ruée vers l’or dans l’Ouest des Etats-Unis ou en Amérique du Sud !
Et ceci sans prendre en compte les changements écologiques qui s’en suivent : terrains devenus impropres à l’agriculture, instables ,préposés à l’érosion et aux éboulements !
Nappes phréatiques et rivières polluées par les produits chimiques destinées à la purification de l’or tels que les sels de mercure ou de plomb.
Au total le bilan de cette ruée vers l’or reste pour le moment très mitigé,contrasté et nuancé !
Mènera-t-elle à long terme à un mieux être des populations ou à une dissolution irrémédiable de cette société déjà bien fragilisée par la soif et la fièvre de l’or !
Pour le moment nous sommes à la croisée des deux chemins et nous osons espérer que la présence de l’or en pays Dagara, si elle s’avère importante, permettra le plein emploi, le développement et l’enrichissementdu pays Dagara!
Malheureusement les expériences d’autres régions aurifères du Burkina Faso nous poussent au doute sinon à un certain pessimisme

34.Grand-père peux-tu maintenant nous parler de la musique, des chants et danses Dagara ?

Nous traiterons tour à tour des instruments de musique, de la danse et chants profanes de la musique , danses et chants religieux d’initiation .
La musique, chants et danses funéraires, seront abordés dans le chapitre consacré aux funérailles Dagara.

a La musique traditionnelle Dagara

Elle accompagne les moments importants de la vie , depuis la naissance du bébé qu’on berce jusqu’aux funérailles, en passant par les fêtes champêtres, pastorales ou initiatiques .
D’emblée , il convient d’affirmer que la société Dagara ne forme pas de musiciens professionnels de type griots comme dans d’autres ethnies africaines .
Les musiciens ne constituent pas de castes à part.
N’importe quel Dagara doué et expérimenté dans le domaine peut s’y essayer.
L’apprentissage musical, ouvert à tous se fait par imprégnation mimétique ; il n’y a ni maître ni école .
Par contre les femmes ne jouent pas la plupart des instruments musicaux en public sans qu’il s’agisse pour autant d’une interdiction formelle.

b.Les aérophones : vulé, wiè, wélé, iil

Les trois premiers sont en bois avec leur embouchure en coche, façonnée en bec de lièvre. Le vulo et le wiè ont trois trous de jeu, deux latéraux sous l’embouchure et un trou frontal
Le vulo est rectiligne, le wiè,renflé au niveau des trous de jeu dans sa partie supérieure.
Le wélé ,littéralement, le petit wiè est également renflé dans sa partie supérieure et possède un trou de jeu inférieur latéral et non frontal comme le vulo ou le wiè . Du point de vue taille, le vulo est le plus grand, le wélé le plus petit, le wiè ,intermédiaire.
Le iil, littéralement la corne est une sorte de trompe faite de corne de waal-pélé ( antilope) ou de vache( naab). Elle est percée d’un trou latéral servant d’embouchure.
Elle peut être ouvragée .
Le iil est aussi utilisé par les chasseurs pour sonner au rassemblement, chercher une personne disparue ou signaler tout danger de chasse .
c.Les cordophones kankaar, dè gugunè-gunè :

Ce sont des arcs musicaux ;
-Le kankaar est un cordophone à arc musical et à résonateur buccal avec une baguette de frappe en paille de pii-muur, littéralement « paille des flèches ». La baguette sert à mettre la corde en vibration ; Par ailleurs un petit bois ( da-lé) sert à appuyer la corde pour en modifier les hauteurs de son.
-Le dè-gugunè-gunè est un arc musical sans résonateur, le bois de l’arc remplacé par un « mwaan-pewr ie un morceau de calebasse aux extrémités desquels est fixée une corde en fibre végétale .
On peut aussi utiliser comme résonateur une boîte métallique au lieu du mwaan-pewr. La musique est très berçante et imite le pas lent d’un vieillard ou de l’impotent ,voûté, recourbé sur lui-même d’où le nom un peu ironique de l’instrument : deb= homme ; gongonè marcher courbé, à pas lent, difficilement .
-Le korijo ou harpe fourchue.
Formé d’un arc portant 5 cordes en fil de coton et une calebasse utilisée comme caisse de résonance.
-Le pènè : est un cordophone pincée de la famille des cithares-radeau.
L’herbe « pii-muur » est le seul matériau utilisé dans la construction de cet idiocorde à une vingtaine de tiges rassemblées et deux autres tiges insérées perpendiculairement entre les cordes et leur support. Ces deux tiges servent aussi de chevalet .
Ces différents cordophones sont réservés au petits divertissements sans grande portée sociale .
d.Les membraphones

On peut distinguer dans les membraphones, d’abord , le dalara, utilisé à des loisirs quotidiens de peu d’ampleur ;
et le lolow qui tend à disparaître de la panoplie des instruments musicaux typiquement Dagara ; puis les autres ,utilisés non seulement pour les fêtes et réjouissances profanes, mais aussi dans les funérailles , le baor ou dans des cérémomonies religieuses.
-Le dalara : est confectioné à l’aide d’un col de canari en poterie servant de cadre sur lequel une peau de chèvre, de varan ( wuo ou uu) est collée avec de la sève . Les dalari peuvent avoir des tailles différentes tout en restant de petits instruments qu’on joue en les tenant entre les jambes au-dessus des genoux et frappés avec les mains.
Joués généralement par les enfants à différentes occasions : les soirs de détente au clair de lune notamment.
-Le lolow : C’est un tambour d’aisselle dont les deux peaux sont lacés à tension variable. En effet il se joue tenu sous l’aisselle et frappé avec une baguette. C’est un tambour parleur en ce sens qu’en augmentant ou en diminuant la pression de son aisselle sur les lanières, le musicien modifie la tension de la peau et module ainsi les hauteurs des notes de sorte qu’elles reproduisent les tons de la langue . Il est surtout joué par des griots pour chanter les louanges d’un « grand » dans les fêtes populaires .
Le lolow, utilisé par les Dagara, n’est cependant pas un instrument musical typiquement Dagara .

e.Les idiophones :

Le nu- pura est fait de deux bagues métalliques portées l’une sur le pouce, l’autre à l’index qui s’entrechoquent pour réaliser une pulsation ou une partie rythmique.
Il se joue dans le baor, les séances divinatoires et le baor-binè.
Le kpankpol ou balafon nu : est un xylophone sur fosse qui n’a pas comme les xylophones ordinaires ni cadre ni résonateur . Les lames sont déposées par ordre de hauteurs successives à même le sol au-dessus d’une fausse creusée à cet effet et tenant lieu de caisse de résonance. Il peut posséder jusqu’à 17 lames accordées sur un dègaar ou sur 14 lames accordées sur un logyil. Dans ce dernier cas il se joue par paire. On les trouve aujourd’hui vers Legmoin- Batié ou en pays Birifor.Il est surtout joué par les apprentis –balafonistes,le plus souvent par des enfants.

Le kur-lérété ou cloche double. est un idiophone à percussion, de fabrication artisanale par les forgerons. Il est constitué de deux cloches métalliques de taille inégale soudées sur un support permettant de la tenir en main et de la frapper à l’aide d’une baguette métallique. Les deux clochettes donnent des hauteurs de son différentes.
Il se joue dans le cérémonies religieuses

Le gbélnyè ou clochette. C’est un idiophone par secouement. fabriquée par les forgerons, de forme rectangulaire, aplatie avec une ouverture étroite. Il est surtout utilisée par le bao-burè(devin) dans les consultations et exorcismes

Le sèsèwr ou hochet est un idiophone à secouement traditionnellement fabriqué à partir d’une petite calebasse dont le pédoncule allongé sert de manche . Fendue en deux, chaque moitié sert à faire de petites louches pour boire la bouillie . Ici, on pratique dans le fruit un petite ouverture pour vider le contenu originel remplacé par de petits cailloux qui, secoués, font résonner l’instrument . Aujourd’hui, il existe d’autres versions faites de paille tressée munie à une extrémité d’une calebasse cassée et à l’autre d’un manche.
Le sèsèwr se joue pour le baor,le baor –binè et le baor-sèbru
Le kuor, le gangaar, le dèguaar, le logyil, sont des membraphones qui seront décrits dans la partie consacrée aux funérailles.
Mais on ne les utilise pas que pour les funérailles. Ils entrent également dans les fêtes initiatiques du baor –binè et de baor-sèbru, dans les fêtes profanes et religieuses .

f.Grand-père, paraît-il qu’il existe de la musique Dagara pour bercer les bébés?
Bien sûr , les enfants .
On trouve en Dagara des berceuses pour endormir les bébés dans leur berceau ou kuoun
Elles sont chantées le plus souvent par les petites gardiennes de bébés ou biyaal-bè quoique les garçonnets peuvent également garder les bébés .
La plus connue des berceuses est , voyons que grand-père retrouve bien les paroles :
Voilà, ça y est !

Guon, guon, bibilé mi gur (bis)
Bibilé mi gur a a ma duw dib ko’o
Ko yob yob bi saab
Ti mwaan no-bir, no-bir kpaan-kpulo”

Il existe d’autres versions non éloignées de celle-ci, légèrement plus longues:

Guon , guon bibilé mi guré (bis)
Bibilé mi guré na’a ma wa wa
O ma wa wa yé wa duw dib ko’o
Wa duw dib ko’o yé o yob yob bi saab
O yob yob bi saab yé na mwaan no-bir

Gnyo a ma ouob, gnyo a saan ouob
E ber a maan-kum yuon, ko duw dib koo
Koo yob yob ‘i saab
Ti mwaan nobir , nobir kpan kpulo

Puis on reprend de plus en plus lentement et doucement jusqu’à l’enfant s’endorme , apaisé.
La traduction libredonne à peu près ceci :
Sommeil, sommeil, l’enfant sommeille:
L’enfant sommeille jusqu’au retour de maman ;
Maman revient lui préparer du bon petit saab
Lui préparer un bon petit saab, un bon petit saab
Du bon petit saab qu’il mangera d’un bon appetit
D’un bon appetit jusqu’à se couper le doigt , le tout petit doigt .

Ça vous berce ,les enfants ?
En français,pas vraiment .

En tout cas la version Dagara semble plutôt vous amuser beaucoup, n’èst-ce pas ?
Je vous le rechante ou plutôt chantez après moi :

Guon, guon , bilé mi gur(bis), etc
-Merci grand-père, c’est très beau et très rythmé
Peux-tu nous parler maintenant d’autres musiques Dagara , grand-père ?

g.La musique pastorale Dagara : le nii-suonfu .

Les bergers possèdent également leur propre répertoire de chants pour encourager leurs bœufs soit aux concours de combats soit à courrir ;Ce sont les nii- suonfu.
Ils encouragent les bœufs à courrir vite pour rentrer à l’étable ou pour aller vite s’abreuver au marigot .
Les bergers excellent aussi dans l’art de jouer du wélé ( la petite flûte) qu’ils fabriquent eux-mêmes .

h.Sais-tu jouer ou chanter la musique de chasse Dagara ?

Malheureusement non, hélas !. En plus,grand-père n’a jamais participé à une chasse Dagara.
Mais il sait que durant la chasse , les chasseurs portent avec eux wiir, iilè et wéli qu’ils jouent pour attirer le gibier.
Le retour d’une chasse fructueuse est annoncé et accompagné par des jeux de vulo ,des chants exaltant la gloire de leur patriclan et leur propre dextérité .

i. Et la musique des devins et guérisseurs, grand-père ?

Non plus , hélas ! les enfants
Les baor-buurè utilisent des clochettes destinées à attirer l’attention des esprits lors des séances de divination ou d’exorcismes .

j.La musique de l’initiation.

Le début des rites est marqué par une litanie parlée, chantée de mythes de la création et de la vie, rythmée par un bâton frappé sur un petit mangeoire de chien ou ba-lew en Dagara
La fin de l’initiation est l’occasion d’une grande fête de réjouissances marquées par des danses ou baor-binè ou baor-sèbru au son des balafons , des tambours, des dalari, des wéli, sèsèwr et autres, sans oublier les chants de baor ( baor-yiélu ) appris au cours de l’initiation .

k.La musique d’intronisation des mânes des ancêtres.

La flûte vulo accompagnée de chants se joue lors de la cérémonie du ko-daan-maar ( la bière de mil apaisée de funérailles) marquant l’entrée du défunt au pays des ancêtres( kpiinmè-tèeng).Il devient un ancêtre et est représenté dans la chambre des ancêtres par un kpiin-daa.Il a alors droit à un culte avec les rites propiatoires pour lui demander des faveurs et expiatoires pour réparer les fautes commises par le lignage à son égard .

l.La musique, danses et chants des funéraires seront étudiés dans la partie consacrée aux funérailles.

m.Quant aux nuuru des femmes, grand-père les mentionne pour mémoire car nous en avons déjà parlé.

n.Les danses religieuses Dagara

Depuis l’arrivée du christianisme en pays Dagara, notamment le catholicisme, les missionnaires, les prêtres autochtones par la suite ont adapté beaucoup de chants Dagara dans leur repères religieux .
Ce sont généralement à partir de chants de réjouissances ; mais beaucoup ont été pris aussi dans le répertoire des chants initiatiques.
Le clergé autochtone a ensuite introduit les balafons et les danses traditionnelles dans les rites des célébrations eucharistiques notamment aux très grandes fêtes .
Ils ont amélioré la scénique de telle sorte à obtenir des mouvements d’ensembles très rythmés et coordonnés au lieu de ces scènes improvisées dans un désordre indescriptible comme on en observe parfois à certains festivals de danses Dagara

35. Peux-tu, grand-père nous parler de la maladie, du mal, de la médecine traditionnelle, des tradipraticens, des guérisseurs-sorciers , de la sorcellerie et des sorciers ?

Un long programme qui mériterait un long développement ! Mais grand-père va tacher d’abréger quelque peu !
D’abord :
a.La maladie :
La maladie est considérée en milieu Dagara comme un désordre désigné par plusieurs termes :
Baalu : affaiblissement épuisement, maladie : « o i baal » : « Il est malade »
Bè-laar, bèlaaru : « o bè laar è » ,littéralement : « il ne rit pas », ie « il n’est pas bien, il ne se sent pas bien » , « il est malade ».
Iag-tulu : littéralement : « le rechauffement du corps », la fièvre.
Les maladies sont classées par catégories selon leurs origines supposées :
.Les « maladies de Dieu ».
.Les maladies du destin .
.Les maladies provoquées par les génies
.Les maladies provoquées par les ancêtres.
.Les maladies provoquées par les jumeaux
.Les maladies provoquées par la sorcellerie (suôlu » .

1).Les « maladies de Dieu »
Ce sont toutes les maladies dont ni le devin ,ni la médecine traditionnelle ni même la médecine moderne ne trouvent remède
ni explication.De guerre lasse, on se résout à les classer dans « les maladies de Dieu » pour lesquelles non seulement on ne trouve ni causes,ni relais, ni explication . Il ne sert donc à rien de faire des sacrifices pour apaiser Dieu :il n’y est pas sensible , en plus il ne peut être contacté directement par l’humain en tant que tel .
On appelle aussi ces maladies des « maladies naturelles » contre lesquelles l’homme ne peut grand’chose.

2).Les maladies du destin

Ce sont des maladies qu’on attrape par le hasard des choses sans que personne ne puisse y donner une explication ou trouver une cause, mais qu’on peut par contre guérir .
Ce sont les maladies de jets de sorts sur lesquels on marche sans savoir ; toutes les maladies qui ne vous sont pas destinées , mais que vous attrapez par malchance ou fortuitement

Les maladies provoquées par les génies ( konton-bili ou kontonmè).

Les mauvais génies de la brousse, invisibles par l’homme sont capables de donner des maladies par méchanceté lorsqu’ils vous rencontrent .

4).Les maladies provoquées par les ancêtres en colère.

Pour de multiples raisons, les ancêtres peuvent ne pas être contents de votre comportement et vous communiquer une maladie.
Quelques exemples : Vous avez offensé un ancêtre pour n’avoir pas tenu une promesse de l’honorer ou de sacrifier pour une faveur qu’il vous a accordée.
Vous avez été contre quelque chose de défendu volontairement ou non ,de prohibé ( kiru) dans le lignage ou le clan . Bref votre comportement va à l’encontre des règles édictées par le clan, le Tigan et autres divinités .
La maladie se présente donc comme une sanction, un avertissement du désordre que vous avez causé dans votre clan ou dans votre lignage .

Maladies provoquées par la sorcellerie(suôlu)

La jalousie peut être un motif de maladie . Vous êtes riches, vous avez des choses que quelqu’un vous envie : il vous jalouse et vous envoie ou vous jette alors un sort qui vous rend malade. Le suôba ou sèin (sorcier) peut aussi attraper votre « siè » pour le « croquer » et obtenir ainsi ,en vous vidant de votre « énergie » , ce qu’il envie en vous .
Le sorcier agit alors par une sorte de magie contre la personne qu’il envie ou dont il en veut .

6).Les causes premières des maladies

Génies, ancêtres, jumeaux, etc ne sont que des relais par lesquels les sanctions passent .
Plusieurs causes : infidélité , promesses non tenues, comportements déviants ; femmes qui, enceintes ne respectent pas certaines conventions ou règles édictées par la société, etc.
Il ne faut manger un certain type d’aliments .
Il ne faut pas enfreindre certains interdits familiaux. : incestes, adultères, aliments défendus, non respects des totems familiaux ou claniques( ne pas manger tel ou tel animal symbole de votre clan ou votre ancêtre fondateur) , etc, etc…
La maladie viendra vous rappeler vos manquements à l’encontre de la société et de vos ancêtres par des sanctions .
Mais il peut arriver que vous ne soyez pas le responsable direct de la faute, mais votre famille, votre clan .
Responsable, mais pas coupable .
En résumé la maladie peut provenir d’une faute sanctionnée .
La reconnaissance de la faute et sa réparation attire le pardon et l’éléquilibre retrouvée dans votre corps ou dans votre esprit.
La santé peut être ainsi retrouvée .
La maladie comme désordre peut se comprendre à deux niveaux : Au niveau de l’organisme et aux niveau du réseau des relations de la personne humaine.
En résumé , au niveau du corps, la maladie n’est rien d’autre qu’une sorte de signal d’alarme déclenché par les esprits pour avertir qu’un désordre est intervenu quelque part dans le réseau des relations du malade ou de sa famille .
La maladie comme désordre est aussi forcément une manifestation d’un mécontentement de la part des esprits et des ancêtres .Car s’ils assurent aux hommes la santé , la sécurité et la prospérité,ils en attendent en retour une reconnaissance par un culte fait de sacrifices sanglants notamment ou par des offrandes en nature .
Cette gratitude est considérée comme une dette dont l’homme doit s’acquitter .
Cette conception de la maladie va influencer beaucoup celle de la guérison et les moyens et méthodes de rétablissement de l’ordre troublé ou brisé .

b. En quoi vont consister les soins pour obtenir la guérison du mal, du désordre , grand-père ?

-La médecine traditionnelle
Il existe plusieurs catégories de personnes reconnues compétentes pour soigner les maladies dans la société Dagara :
.les devins ou bao-buurè ,
.le devin –voyant- charlatan,
.le phytothérapeute( Tiin-Irè) ;
.les traitements contre les morsures de serpents , le plus souvent un phytothérapeute ;
.le rebouteux ,un orthopédiste traditionnel ( tao-yaonè) ;
.les traitements contre les guimè , sortes de convulsions infantiles .
et certainement bien d’autres encore .

c.Comment opèrent-ils ces différents acteurs traditionnels de la santé en pays Dagara ?

-1).Au niveau du bao-buurè.

Dans le milieu tradtionnel, lorsque quelqu’un tombe gravement malade , le premier reflexe, c’est de savoir la cause de la maladie .
La personne la mieux placée traditionnellement pour rechercher les causes de la maladie, c’est, à n’en point douter, le bao-buurè (devin), le plus qualifié pour interroger les différentes puissances et interpréter les causes du mal.
Le diagnostic du bao-buurè se fera par sondage avec des moyens dont il dispose et que nous décrirons un peu plus tard dans un chapitre consacré au bao-buu- daan au cours des différentes étapes des funérailles. Il parviendra par ses techniques propres à déterminer l’esprit tapi derrière la maladie. Il vous prescrira ensuite les sacrifices à faire à partir des causes et des exigences révélées .
L’amende à payer sera proportionnée à la gravité de la maladie et des responsbilités engagées dans ces causes .
Par ailleurs vous pouvez vous-mêmes contrôler la véracité de son diagnostic par le comportement du poulet immolé : S’il meurt sur le dos, la face tournée vers le ciel, le bao-buurè a trouvé la cause .
S’il meurt par contre sur le ventre, il devra poursuivre ses investigations .
Les causes, comme nous l’avons vu sont diverses, mais toujours en relation avec un non respect volontaire ou non d’un interdit, d’une promesse faite, etc.
En principe, le travail du bao-buurè s’arrête au verdict .
Mais généralement celui-ci est en même temps un guérisseur grâce à des produits thérapeutiques dont il dispose .
Il s’agira alors d’un devin –voyant-charlatan.

2).Le devin-voyant-charlatan.( tii-tuolè)
Il pose d’abord un diagnostic en détectant les causes de la maladie ,
puis il vous prodigue des soins en vous proposant des médicaments.
Il interprète les réalités du monde invisible en tant que devin –voyant.
Il est ensuite phytothérapeute .
Mais il entoure ses soins d’un certain mysticisme .
Il vous prescrira également des sacrifices sanglants à faire et diverses interdictions ou conduites particulières à tenir pendant le traitement .
Son côté charlatan le fait craindre et respecter .
Le tii-tuolè ne pratique pas de baor –buuru mais en tant que voyant , il voit les causes du désordre, pose le diagnostic et prescrit des sacrifices tout comme le bao-buurè .

3).Le tiin –irè : celui qui fait les médicaments ou phytothérapeute que nous appelerons aussi tradipraticien.
Il n’est ni un devin , ni un voyant . Il détient des commaissances et des remèdes tirés de son expérience personnelle des plantes ou d’autres produits tenus secrets. Chaque phytothérapeute n’est spécialiste que d’un nombre assez restreint de maladies : otite, stérilité féminine,douleurs abdominales, panaris, furoncles, vieilles plaies , épilepsie, morsures de serpents, ,piqûre de scorpion,etc.etc
Ces thérapies n’ont pas besoin de consultations auprès d’un bao-buurè, ni de sacrifices pour opérer la guérison .
D’une façon générale vous payez le traitement soit en nature selon la lourdeur et la durée du traitement soit en argent soit les deux à la fois selon les tradipraticiens.
Certains phytothérapeutes très renommés réclament des émoluments très élevés aux patients fonctionnaires ou venus de très loin : Ghana, Côte d’Ivoire .
Grand-père vous a déjà raconté l’histoire étonnante de Benoît , l’aveugle aux manières de voyant, non prescripteur de sacrifices sanglants , mais entourant son expertise de mystère dont celui d’avoir vaincu un kontonbilé qui l’a rendu aveugle . Il prétend pourtant recouvrer la vue une fois l’an ,le vendredi Saint ! excusez du peu !
Poutant c’est un phytothérapeute à la renommée internationnale surtout pour se qui concerne la stérilité masculine ou féminine !
Pourquoi s’entoure-t-il de tant de mystère ? Certainement pour brouiller les cartes et déjouer ainsi ceux qui seraient tenter de le copier !
4).Les rebouteurs orthopédistes ou tao-yawnè.
Ce sont des spécialistes réparateurs des fractures et des entorses. Ils sont très peu nombreux en pays Dagara et l’on vient de très loin se faire soigner chez les véritables professionnels comme autrefois Jean Baptiste de Mébar (situé à 4 kms de Dano) .Il fut remplacé après sa mort par son fils, son assistant. Ce sont comme les phythothérapeutes de véritables tradipraticiens connaissant bien leur métier acquis au cours d’un long apprentissage auprès d’un maître , généralement un parent très proche qui lui lèguera l’exercice une fois devenu trop vieux .

5).Le ou la spécialiste des guimè(convulsions infantiles)

C’est très souvent une femme spécialiste des traitements infantiles notamment des guimè qui sont des convulsions dues à de fortes fièvres.

6).L’automédication .

Pour les maladies mineures ,fréquentes ou passagères ,paludismes, mots de tête, de ventre, voire diarrhées, chaque paysan connaît des plantes pour les traiter et point n’est besoin de consulter un tradipraticien sauf en cas de graves complications .

d.Les maladies des Blancs ou de la médecine moderne.

Quoique le réflexe prioritaire soit d’aller consulter d’abord le devin-guérisseur ou le tradipraticien phytothérapeute, le paysan sait la différence entre les maladies de l’hôpital , maladies naturelles non dues à l’intervention des esprits d’avec les maladies indigènes dont les causes sont liées aux rapports avec les ancêtres, les fétiches, les sorciers .
La plupart des gens empruntent aujourd’hui simultanément les deux itinéraires thérapeutiques . avec cependant une forte propension à s’adresser en priorité aux médecines localeset à la médecine moderne des hôpitaux en dernier recours souvent quand il est malheureusement trop tard et en désespoir de cause .
Par ailleurs la médecine moderne elle-même, au travers de ses infirmiers, est prête à reconnaître son impuissance à traiter certaines maladies dites ancestrales . Ils acceptent alors volontiers la collaboration des phythothérapeutes et autres tradipraticiens de renom . En plus ils manquent cruellement de médicaments qui , de toutes façons, coûteraient plus chers que ceux des tradipraticiens .
Ces attitudes se justifient d’autant plus que le code de santé publique du 19 mai 1994 reconnaît au Burkina faso la légalité de la médecine traditionnelle. Cette reconnaissance légale encourage et conforte les tradipraticiens dans leurs pratiques quotidiennes .
Ainsi les gens disposent de deux armes : dispensaire- hôpital et médicaments traditionnels plus ou moins acceptés des différents acteurs de santé.
Chaque maladie trouve ainsi son lieu d’explication, de recommandation et de guérison .C’est pourquoi lorsque la médecine moderne butte contre une maladie, la médecine traditionnelle est appelée à la recousse et vice –versa .
Mais si les familles acceptent aujourd’hui de recourir à la médecine moderne pour certaines maladies, ne pensez surtout pas qu’ ils renoncent pour autant à connaître la cause de la maladie de telle personne, membre de telle famille et pourquoi à ce moment précis( notamment en saison pluvieuse pendant les travaux agricoles) .
Le devin devient ainsi un acteur central dans tout le processus de la maladie :il explique, conseille, traite la maladie ,opère la guérison .
Alors lorsque la famille se rend compte que celui-ci ne peut plus rien et que la maladie ne fait qu’empirer, désespérée ,elle vient alors solliciter la médecine moderne. Malheureusement c’est souvent trop tard
La famille est alors tentée de l’attribuer à la médecine moderne puisque la mort est survenue chez elle à l’hôpital ou au dispensaire !
Aussi arive-t-il que celui-ci se déclare incapable de traiter le malade et le renvoie mourir chez lui .

36.Grand-père , peux-tu nous parler de la mort et des célébrations funéraires chez toi en pays Dagara ?

Vaste sujet que la mort en pays Dagara ! Sujet très complexe où il faudra souvent que vous vous accrochiez très fort car il fera appel parfois à des notions très théoriques voire philosophiques de la conception Dagara de la vie ,de la mort , de la vie dans l’au-delà, etc
S’il vous arrive cependant de décrocher à certains endroits ce n’est pas grave. Ne paniquez surtout pas, c’est tout à fait normal, passez ; sautez même si de besoin certains paragraphes qui vous paraîtront trop denses voire totalement obcures.
Vous aurez tout le loisir d‘y revenir plus tard si le cœur vous en dit
Néanmoins, « cent fois sur l’ouvrage venez et revenez sans cesse »,si nécessaire ! Et comme le dit si bien La Fontaine dans la fable « le laboureur et ses enfants » :
« un peu de courage vous le fera trouver :
:vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès que l’on aura fait l’oût : creusez,fouillez, bêchez ; ne laissez nulle place
où la main ne passe et repasse »
Vous voilà avertis . et si vous êtes prêts à suivre grand-père dans tous les dédales de la mort et du voyage du défunt vers une autre vie au pays bienheureux des ancêtres , « venez et voyez » : Vous en aurez pour vos yeux et votre esprit
Ëtes vous prêts ? On y va ?
-Oui !
-Allons donc !

L’avènement de la mort est perçu par le Dagara comme un départ pour un long voyage suscitant préparations, craintes et espoirs quant aux avantages de retour.
Dans le devenir de la vie, la mort apparaît un évènement irrémédiableet inéluctable, sans précédent et chaque fois à aucun autre pareil !
Mais d’un autre côté par sa signification sociale, elle n’est pas un fait unique, inclassable et désespérant , mais plutôt comme le dernier des passages au cours d’une vie, marquant chaque promotion de l’individu :sa naissance, son initiation, son mariage, ses paternités/maternités, ses maladies , etc

Grand-père va d’abord vous entretenir du grand respect dû au mourant au moment de son agonie.
Lisez tous ces passages dans un grand recueillement sans crainte ni frayeur aucune. Prenez si besoin tout votre temps pour revenir en arrière s’il le fallait !Grand-père fera ici surtout appel à ses propres souvenirs marquants et douloureux qu’il a pus conserver de l’agonie de son père, pépé Simon.
De toutes façons, il n’a jamais plus eu l’occasion d’assister à d’autres fins de vie !
Lorsqu’une maladie prend des allures graves , parents et visiteurs pressent le malade de questions sur son état, lui disent de consulter des devins, de prendre tels ou tels médicaments ou lui indiquent tel ou tel guérisseur infaillible.
Certains proches parents s’informent à mi-voix de ses dernières sorties surtout nocturnes, des membres de sa compagnie, des cabarets qu’ils fréquentaient, ses rencontres éventuelles pour détecter une action éventuelle de sorcellerie sous-jacente à la maladie.
Dès que la maladie s’aggrave davantage et menace sérieusement la vie du malade, les comportements de son entourage prennent des orientations précises, nuancées tantôt par un attachement d’une intimité inhabituelle tantôt par une certaine distanciation .
Les proches se murmurent d’une oreille à l’autre :« Il n’est plus un véritable humain » : « o bè kian irè nir è . »
ie , « il n’est de ce monde », « il est mourant ».
Les « ni-bèrè », ie les anciens du clan, chacun la main appuyée sur la tempe, se concertent discrètement à voix basse sur la fin inéluctable du malade car certains signes avant-courreurs ne laissent aucun doute sur l’issue fatale .
On commence très discrètement les premiers préparatifs des premières funérailles :acquisition du costume mortuaire si le mourant n’en disposait pas ou si la réserve familiale est épuisée. On voit si l’on a suffisamment de réserves de cauris pour payer les honoraires funéraires, si l’on dispose suffisamment de pagnes pour recouvrir le hangar d’exposition ( paala), etc….
Les visiteurs défilent de plus en plus pour « venir voir » le malade , puis repartent dans un silence de plomb traduisant la gravité de la situation .
Les femmes laissent échapper quelques larmes discrètes qu’elles nettoient vite de la main .
Le défilé devient permanent au chevet du malade : Les parents vont et viennent dans un silence impressionnant . Cependant on peut remarquer que certains , assis dans la grande salle ou le kiara ou dehors à l’ombre de gros baobabs ou de fromagers géants causent à voix basse les têtes baisséescomme s’ils cherchaient quelque chose à terre .
L’heure est gravissime .
L’étranger de passage, devinant, à la tête des gens qu’un drame se noue dans la famille, salue discrètement et continue vite son chemin sans se faire trop remarquer .
Un silence de plomb gagne désormais tout l’entourage familial qui craint et se prépare au pire .
Le malade s’il a le statut de « ni kpèen », ie d’ancien et qu’il jouit encore de ses facultés, fait venir ses frères, ses enfants, ses neveux matrilinéaires , tout parent dont il veut se faire entendre.
Aux uns et aux autres, il dicte ses dernières volontés.
Les recommandations peuvent être individuelles, sélectives ( les frères,puis les fils, les neveux etc.), plus rarement collectives et sans discriminations.
A ses frères, en particulier à son remplaçant , il rappellera la parole des ancêtres guides du lignage, en y ajoutant la sienne propre sur les situations nouvelles ou conjoncturelles ; il déclarera ses dettes et créances, indiquera éventuellement les cachettes de son trésor en cauris à ses héritiers, attribuera les parts de ses biens propres à ses fils,cousins matrilinéaires et neveux méritants.
Pépé Simon sentant sa mort proche,fit venir son grand frère Gabriel et lui parla à peu près en ces termes devant ses trois enfants: grand-père et ses deux sœurs Sidonie et Léonie :
« Je m’en vais , occupe-toi bien des trois petits maheureusement encore en bas-âge . confie-les à leurs oncles maternels si d’aventure , tu n’en pouvais plus , eux ils ont les moyens financiers de les entretenir ».
Et Gabriel de jurer , les larmes aux yeux .
Grand-père revoit la scène près de 67 ans après alors qu’il avait à peine sept ans !
Lorsque c’est l’aîné de la famille qui « s’en va », on le presse de questions sur les possessions collectives de la famille ,sur les alliances et sur des problèmes importants de la vie du groupe.
-Vous suivez ,les enfants ?

b.L’assistance au moment de l’agonie.
Quel que soit le mode sur lequel s’achève une vie humaine, le mourant bénéficie d’un devoir d’assistance de ses parents les plus proches. En effet, lorsque l’on juge que le malade « n’appartient plus à ce monde », il doit avoir à ses côtés les parents les plus proches : sœurs, filles et fils, « frères », « grands parents », formant autour de lui le cercle des intimes.
Ce serait une faute grave que de laisser mourir quelqu’un sous sur sa couchette à même le sol :
Votre grand-père revoit Pépé Simon, son père, rendre l’âme dans les bras de son grand frère Gabriel. Jusqu’aux derniers soubresauts de vie, Pépé Simon était maintenu assis ,entre les jambes de son grand frère et après s’être assuré que tout était accompli ,il lui a fermé les yeux et la bouche et l’a déposé avec douceur sur la natte mortuaire .
La lune glissait lentement à l’horizon à travers un voile de nuages dans un silence particulièrement lourd de ce mois de novembre 1949 avant que n’éclatent les premiers cris d’annonce officielle de sa mort.
Laisser mourir quelqu’un à terre même sur sa couchette serait une insulte à « Tigan », puissance de prospérité et de vie.Ce serait une faute de lui retourner directement un être humain avant qu’il n’ait rendu son dernier souffle
.Il en est de même d’ailleurs de l’enfant qui vient au monde : il est reçu dans les mains avant d’entrer en contact avec le sol sous peine d’offenser « Tigan », puissance de la terre.
Si l’agonie d’un malade se prolonge anormalement , on cherche par des voies appropriées à l’abréger :
On le portera à des endroits de la maison qu’il aimait fréquenter.
S’il s’agit d’un balofoniste, on lui jouera ses séquences préférées pendant de longues périodes.
S’il s’agit d’un forgeron, on lui allumera la forge et on fabriquera un de ses outils préférés.
Pour pépé, on a récité plutôt le chapelet,entonné des chants religieux pendant son agonie. Et de temps en temps , il semblait reouvrir doucement les paupières pour manifester qu’il appréciait particulièrement certaines mélodies qu’il aimait chanter et faire » chanter notamment pendant la Messe dominicale
Pour une personne à l’agonie particulièrement longue et difficile, on peut passer à un interrogatoire musclé pour l’amener à livrer certains secrets qu’il a pus cacher et qui l’empêchent de s’en aller sans les dévoiler .
C’est ainsi que les sorciers notamment les vieilles sorcières ont une agonie particulièrement longue et pénible qui les oblige à avouer tous leurs forfaits et méfaits avant de rendre l’âme . Tout l’entourage regroupé fait le silence autour de lui et notamment s’il s’agit d’une vieille sorcière renommée pour ses crimes en sorcellerie .Et tous de l’écouter l’index à la bouche, égrener tous ceux et celles qu’elle a « mangés » et en donner les raisons .
C’est ce qui arriva, a-t-on rapporté, à une vieille grande tante, seconde femme de l’oncle de pépé Simon, au cours de son agonie particulièrement longue et agitée . Pressée de questions de toutes parts notamment par le tigan-sob, elle dû avouer parmi bien d’autres crimes atroces que c’était bien elle la responsable de la mort de pépé Simon : Elle l’avait ligoté dans un marigot et avait déposé une lourde pierre sur lui pour lui faire boire à petites gorgées continuesl’eau boueuse de la mare. Ce qui explique qu’il eut le ventre ballonné.
Elle explique son geste funeste par une vengeance personnelle contre pépé Simon qui ne l’avait jamais invité dans un cabaret pour boire ne serait-ce qu’une calebasse de dolo,le « daan » local ou bière de mil : « moi, je lui offert au moins à boire . qu’il boive maintenant tout seul l’eau noirâtre du « gbantèr », ça lui apprendra à refuser de m’inviter », disait-elle .
Le « gbantèr » est une sorte de petite mare d’eau de faible profondeur ou en principe on ne peut se noyer .
Elle égrena, disait-on, une bonne centaine de noms, avant de rendre son dernier souffle au grand soulagement de tous . on sait au moins qui a tué un tel de ses parents et on en connaît les raisons !
On pourrait juger de telles méthodes barbares et atroces destinées à vite achever le mourant .
Mais dans la conception Dagara , elles visent à détacher le mourant de ce monde en lui procurant ce à quoi il peut rester encore attaché et qui l’empêche de partir en paix . Il faut le satisfaire une dernière fois ou le débarrasser d’un lourd fardeau avant qu’il n’entreprenne son long voyage vers la terre de ses ancêtres .
C’est donc plutôt de l’accompagnement thérépeutique que de l’euthanasie .
Au sorcier c’est une confession arrachée dans les affres de la mort.Mais dans la pure tradition Dagara ,c’est l’heure attendue par tout l’entourage de la confirmation des nombreux soupçons de « manducations » qui pesaient déjà sur lui . On profite donc de son état de faiblesse et de ses angoisses devant de longues souffrances pour lui extorquer des aveux en règle de tous les crimes dont il était soupçonné !
C’est un véritable procès en sorcellerie à l’article de la mort .
C’est affreux, c’est horrible comme procédé d’extorquer des aveux à un pauvre mourant qui n’a plus guère la force nécessaire de résister aux questions pressantes qui lui sont posées.
Mais un dicton Dagara ne dit-il pas d’ailleurs à propos de ces grands sorciers et surtout sorcières ,à l’article de la mort : « Wo kè kpii, bii wo kè baa » « avoue avant de mourir ou avoue et tu vivras » !

Après l’expiration, le visage du mort est massé pour faire disparaître l’étirement des muscles et lui faire prendre un air apaisé .Ensuite on lui ferme les yeux et la bouche .
Certains mourants comme notre sorcière de tout à l’heure,n’aura pas droit aux égards dus à un agonisant ; et même après sa mort, il n’aura pas droit aux honneurs funéraires Dagara dues normalement à un mort : ni toilette mortuaire ni même funérailles officielles ,elle n’aura pas droit ni à une agonie tranquille , ni à rien d’autre une fois morte comme nous le verrons par la suite : ni toilette mortuaire, ,ni funérailles, ni enterrement , rien . C’est le salaire de sa « mauvaise mort » après une mauvaise vie jalonnée « de’ manducations » des siens.

c.Le droit aux funérailles

Les cérémonies funéraires peuvent être différées en périodes d’épidémies ou d’hostilités, puis exécutées, au besoin groupées selon les cas et par famille en temps opportun.
Exception doit être faite pour un petit enfant mort avant l’âge de trois mois, ie avant son baptême et sa reconnaissance sociale par la famille. En effet, manquant d’identité sociale, celui-ci ne peut bénéficier de funérailles .
Tous ceux qui n’ont pas droit ni à l’assistance ni à la toilette mortuaire ne peuvent prétendre non plus à des funérailles officielles et quand bien même ils en ont, celles-ci doivent être les plus brèves possibles .
C’es le cas des morts par la foudre, des décès de sorciers notoires sans parents proches dont on redoute l’approche ou du voleur abattu sur les faits dont le corps est cependant restitué à la famille .
Les funérailles ne se célèbrent pas chaque fois que le Tigan-sob ( chef de terre) en annonce l’interdiction soit qu’une dette est à payer, soit que le défunt avait de son vivant une conduite particulièrement répréhensible .
Les égards prescrits par la coutume à l’endroit des morts constituent la matière même de leur exposition en vue de l’honneur suprême, de leur intégration auprès des ancêtres dans le règne post-mortem à laquelle préparent justement les célébrations des funérailles et son corollaire, leur intégration au groupe des vivants de la famille.
L’exclusion des honneurs y compris ceux des funérailles correspond au rejet ou à la non intégration par le groupe. Elle tient essentiellement à deux données :
Au statut social du mort et à la cause de sa mort.

d.Le statut social du mort

Suivant ce premier aspect, elle concerne l’esclave non affranchi, l’étranger non assimilé, le voleur abattu hors de son clan et dont le corps n’est pas rendu à sa famille, le sorcier pris en flagrant déli soit par aveu direct avant sa mort soit par exemple par l’épreuve de « sèon- tuofu » ou « port de la natte » consistant à rechercher le coupable en cas de mort bizarre . Pour ce faire, on emballe des effets du mort dans une natte magique et on charge deux porteurs qui parcourent par monts et par vaux, transportés par l’esprit du mort, à la recherche et découverte du « mangeur d’âme » .

e.La cause de la mort

Suivez bien les enfants .
S’agissant de la cause de la mort, il conviendrait peut être de partir du sens que les Dagara donnent à ce dernier phénomène :
En effet à l’exception de la mort de quelques vieillards mourant chargés d’ans lorsque leur temps est arrivé, la tradition Dagara attribue à la maladie et à la mort une cause morale sans nier pour autant la cause physique ,cause seconde, conséquence de la cause première , elle, toujours morale .
C’est ainsi par exemple que par suite d’une mauvaise conduite , le corps peut s’échauffer et qu’il s’en suive de la fièvre dont l’aggravation peut conduire à une issue fatale . Cette mort s’explique par le fait que le « siè », « l’âme », ayant commis une faute, perd les avantages de la protection des puissances qui veillent habituellement sur lui . Le « siè » devient un être errant , exposé à la maladie et à la mort, aux causes efficientes maléfiques dont la manducation par des sorciers rôdant la nuit à la recherche de proies à dévorer .

Pépé Simon est mort probablement d’une ascite aiguê ,ie d’une maladie du foie avec appel de beaucoup de liquide dans le péritoine .Cette maladie physique , scientifiquement prouvée de l’ascite n’est pas remise en cause .Mais dans la conception Dagara, ce n’est que la cause seconde en quelque sorte secondaire de la maladie à laquelle la sagesse Dagara n’accorde pas la priorité .
Elle s’intéresse d’abord à la cause première , cause principale, ie l’intervention de la sorcière ,décrite ici sous une forme imagée de ligature dans une mare d’eau . Il convient toutefois de comprendre un tel langage au second degré qui relève du monde de l’invisible et donc hors du champ scientifique auquel il ne saurait être opposé .
La science couvre le domaine matériel ; la conception Dagara du monde de l’invisible ,s’intéresse à l’immatériel , à l’invisible non soumis aux lois de la science puisque en dehors de son champ
Il s’apparenterait plutôt à la philosophie en tant que sagesse ou à la théologie en tant que vision cosmologique du monde et des dieux, donc rentrerait plutôt dans le domaine religieux .
Cette réprésentation Dagara sur la cause de la mort éclaire la notion de « mauvaise mort »appelé en Dagara « kuu faa » ou « Tigan kuun » « mort par la puissance de Tigan ».
La « mauvaise mort » s’explique par une intervention spéciale et brutale de la Puissance- Terre( Tigan) et des puissances ascendantes associées ,à commencer par « Saa », la « Puissance -Ciel » , puis les Ancêtres ( Kpiimè ) .
Ce mode de sanction est proportionné à la gravité de la faute commise par la victime ou par l’un des membres de la famille avec lequel il est en union mystique .
En effet la mauvaise mort implique une atteinte grave aux principes de l’ordre du monde et de l’organisation sociale . De part sa nature, ce type de décès exclut souvent les égards dus au mort .
L’assistance s’avère même impossible dans les cas de mort par foudroiement, noyade, chute d’un arbre, etc.
Mais quand bien même les circonstances la permettraient, la cause de la mort n’autoriserait pas toujours ni assistance, ni funérailles . Ainsi en est-il de la mort par le « Dagnyur », le fétiche représentant l’interdiction formelle de toucher au bien d’autrui . Donc la mort par ce fétiche ne donne lieu à aucune assistance, aucune toilette, aucun rituel de funérailles .
De même le fait de mourir le jour de « Kpan-daa ou ta-ko-daa », jour de repos absolu des Dagara . Donc « mauvaise mort » puisqu’il est absolument interdit de faire quoi que ce soit ce jour-là, même de mourir, d’organiser quoique ce soit puisque tout travail est interdit ce jour-là .
De même mourir au cours de l’initiation en situation de « bao-lé », ie « candidat à l’initiation » . C’est le signe d’un rejet du candidat par la divinité du Baor . Ce qui constitue un cas de « mauvaise mort » .
Cependant dans certains cas, les sanctions de « mauvaise mort » peuvent être lévées moyennant le paiement d’une forte amende, le ( Tigan –saan ) ie la dette du Tigan réparée , payée auprès des « tigan dèm », ( les gens de la chefferie de terre )
Il s’agit des cas suivants dont la liste n’est pas exhaustive :
.mort par foudre
.noyade
.mort par chute d’un arbre
.suicide
.morsure de serpent
.diarrhée
.enflement des organes abdominaux de source obscure( popal).
Dans cette catégorie, Tigan est la cause matérielle ou agissante quelle que soit sa forme de manifestation visible telle que la mort en couche, celle d’un homme ayant commis un meurtre, d’un esclave revenu en famille sans réparation auprès de la chefferie de terre.
Dans ces conditions, il n’existe pas de lien apparent entre la cause efficiente de la mort et la sanction de « mauvaise mort ».
C’est l’état du défunt qui rend sa mort significative en « mauvaise mort » et entraîne la sanction.
• Par exemple la paturiente n’est pas acceptée comme donneuse de vie .
• Le meurtrier est un asocial, un anticommunautaire ;
• L’esclave a perdu son identité et n’a plus droit aux égards.
• Les décès par l’une des nombreuses fautes contre « Tigan » telles la pratique de la sorcellerie, les relations sexuelles en brousse, le vol ou le recel des biens de « Tigan » ( recoltes des champs, objets métalliques égarés, bétail en divagation), le non paiement d’amende au « Tigan » consistant en cauris et bétail.
La dette ou l’amende envers Tigan comporte au moins 10000 cauris et un bœuf noir ( na sebla) .
Elle varie en fonction bien sûr de la gravité de la faute, du village où elle intervient et du décret du tigan- sob.
• Enfin le travail aux champs ou la chasse en brousse le jour du Kpaan-daa( jour férié de repos absolu Dagara)est formellement interdit .
Le rachat de toutes ces causes de mortalité par le Tigan est en fait possible par ce que nous appelons du terme générique « la restitution du mort à lui-même » que nous allons aborder dès à présent.

f.La restitution du défunt à lui-même

Elle est une forme de respect redonné à un mort qui, par sa vie, ne le méritait pas .Il le retrouve grâce à différents processus et rituels fort complexes qu’il serait long d’exposer ici
Le tout , c’est de tout essayer pour que le mort puisse retrouver toute son honorabilité : sa toilette mortuaire, ses funérailles et son enterrement, tous rituels qui lui permettent d’entrer en paix au pays des ancêtres.
Prenons quelques exemples :
.Les homicides de guerre ou d’un combat , par le sang versé sur la terre à ces occasions, ont souillé le tigan et doivent être réparés par des rituels complexes : Sacrifices de poulets et offrande de 60 cauris .
.Aussi es militaires libérés doivent-ils réparer auprès du tigan- sob pour le versement de sang au cours de leur carrière notamment pendant d’éventuelles guerres. S’ils meurent sans le faire, ils mourront d’une mauvaise mort !
.Or les « mauvaises morts » exigent des réparations auprès des tigan-dèm pour mériter les honneurs funéraires :toilettes funéraires, funérailles et enterrement digne.
Mais ce type de défunt peut encore être racheté de ses fautes auprès du Tigan par sa parenté !
Par ailleurs toute mort de source obscure laisse soupçonner une sanction des puissances cosmiques Saa ou Tigan.
C’est surtout le cas de l’homme foudroyé ,frappé par Dieu dans sa puissance mâle la plus fulgurante .
Deux types de rites sont alors pratiqués pour conjurer ce type de mort :
.Le premier le plus simple est effectué par un parent à plaisanterie ( lonluorè).
C’est le « siuru », littéralement l’apaisement . Ici comme ailleurs, le lonluorè a pour rôle de calmer le jeu en utilisant de la cendre et en parlant au mort .
Mais l’enterrement a quand même lieu aussitôt sans toilette mortuaire après que la tombe ne soit vite creusée . Ce n’est ensuite que les funérailles sont organisées sans faste , les plus simples possibles .
.Le deuxième type de rites est plus complexe . C’est l’affaire des « prêtres » du Saa , dieu du ciel, les « sa duw dèm », ie « détenteurs du fétiche de Saa ». Ils pratiquent le « miru » ie l’aspersion du mort avec un extrait de la macération contenue dans la marmite- fétiche , le sa-duw, auquel on aura ajouté de la cendre ou de la suie balayée au foyer de la maison du défunt.
L’officiant se paiera par un petit prélèvement symbolique sur les biens de la famille concernée. Une amende sera fixée néanmoins par le chef de terre après consultation des fétiches auprès du « bao-buurè » , le devin.
Il n’en demeure pas moins que les funérailles resteront difficiles à organiser car dès que le « miru »,ie l’aspersion a eu lieu, les membres de la famille en deuil sont écartés des funérailles.
Aussi l’omission des funérailles pour décès par foudre est-elle parfois apparue à tort comme une prescription coutumière normale.
A travers les deux formes du rite de la foudre apparaît un même souci, celui d’apaiser « l’échauffement » , « l’inflammation » dont la victime est frappée, par pénétration de « Saa ». Aucun humain ne peut supporter les effets destructeursde cette divinité. Les rites servent donc à réduire le feu céleste dans la victime. Les hommes pourront ensuite approcher son corps .
L’accès à la vie transcendante ne saurait donc se passer d’une médiation lente et progressive.La confrontation brutale de l’homme et des puissances supérieures peuvent engendrer fascination et mort . Donc attention à toute mort brutale ! Elle cache souvent des sanctions de divinités en colère contre la victime ou contre sa famille.
Il importe donc de vite les interroger en allant consulter le devin ( bao-burè) de peur que d’autres malheurs plus grandes ne s’abattent sur le lignage !

.Un autre cas concret : La mort en couche .

En août 1981, une infirmière décède à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Le corps est mis en bière et ramené au village. Or l’infirmière était morte en voulant accoucher .Dans la nuit de l’arrivée du corps, l’enfant est extrait du ventre de sa mère et enterrré séparement . Il ne saurait prendre part aux funérailles de sa mère et encore moins partager la même tombe avec elle :
On pense effet que l’enfant a tué sa mère. Il s’agit donc d’un cas d’homicide ou du moins traité comme tel traditionnellement .
Il eut fallu consulter les ancêtres et payer la dette à Tigan en guise de réparation .
En effet un enterrement dans la même tombe serait une insulte de plus contre Tigan et aussi source de confusion, car la mère et l’enfant ne sont pas du même clan .
Par ailleurs lors d’une mort par morsure de serpent, il importe de retrouver et de tuer le serpent , de l’éventrer et de l’exposer à côté du cadavre.
C’est visiblement une dissociation des deux êtres, une « dépossession» de la victime par extirpation du venin . Sinon celui –ci continuerait d’agir, faisant enfler le mort et menaçant à travers lui les autres membres de la famille .
A la toilette mortuaire, il est fait usage de farine de mil germé écrasé ou de poudre de cauris dans le souci de purifier le mort .
S’il s’agit d’un homme, on s’abstient d’exposer comme de coutume des flèches empoisonnées afin d’éviter la contagion des poisons.

-Mort d’un détenteur de « kontonmè » ou d’un « baor sèbla-sob» ( devin réputé)

La restitution du défunt à lui-même a lieu en général dès le début des funérailles avant même l’exposition de son corps car il importe de ne pas présenter au public le défunt tel qu’il n’est pas .
Cependant la reconstitution essentielle se poursuivra durant toute la période des premières funérailles et au-delà : On peut même considérer que,d’une certaine manière, c’est la raison d’être des célébrations funéraires où de tels rites ont lieu tant pendant la période préparatoire à l’exposition qu’à celle précédant l’enterrement.
Ainsi avant de porter un prêtre confirmé des « kontonmè », un « bao-buu-sebla –sob » en terre, il est procédé à une consultation de ses fétiches qui indiquent au groupe des officiants le médicament adéquat à utiliser pour le rite.
Le médicament alors enfermé dans le creux de la main, le leader du groupe ressort de l’autel des « kontonmè » suivi de ses accolytes au son des castagnettes et des clochettes. Tous empruntent un sentier, louvoient, se faufilent, feignent par trois fois de se jeter de côté hors du sentier, passent sur un deuxième , puis un troisième sentier en faisant de même pour finir par des cris de deuil comme au début du décès ; et s’en retournant aux balafons, près du mort ; ils entonnent alors par trois ou quatre fois des chants selon que c’est un homme ou une femme .
Le détenteur de « kontonmè » est forcément un personnage de haut rang social ; mais son génie demeure secret pour le commun des mortels . En effet sans son rôle social, il serait écarté de la société comme un « un possédé » , ie un fou éconduit par l’esprit maléfique dont il est possédé par suite de la violation de quelque interdit selon la pensée Dagara .
Cette célébration fait donc penser d’abord à la nécessité de « faire sortir le mort de ses fétiches » avant son enterrement. Le médicament s’identifie à son détenteur décédé, à sa puissance et la marche du groupe sur le sentier mime l’avance de l’esprit du défunt qui s’éloigne .
Par ailleurs le médicament du devin protège les vivants chargés de l’enterrer contre ses attaques mystiques. Pour être à la hauteur d’un tel mort, il convient d’endosser sa force qui, par ailleurs, sera conservée et utilisée par le nouveau devin désigné pour le remplacer .
Ainsi les rites de restitution semblent intervenir chaque fois qu’il est question de reconnaître au mort une qualité ou au contraire de dédoubler une présence étrangère gênante perçue comme cause de sa perte ou en tout cas ayant une relation avec celle-ci.

g.La toilette mortuaire.

La notion de toilette est liée chez les Dagara à celle de la « saleté » ou « dewr » déjà abordée dans ce livre .
Se débarraser de sa saleté physique voire spirituelle ou morale est une obligation pour tout Dagara qui se respecte. Ce ne sont que les fous qui ne se lavent jamais, dit-on souvent pour signifier que tout homme doué de raison ne se promène avec une épaisseur de salété de plusieurs jours !
• Ainsi dès qu’un homme est marié, il est inconcevable qu’il rejoigne le lit conjugal le soir sans se laver. Autrement par le biais des relations quotidiennes et de leurs saletés, il occasionnerait la souillure de la couche conjugale .
•Il en est également de même à l’occasion du « siè-piru » , ie du nettoyage-purification pour la réintégration de l’âme après l’abandon de son corps sali à la suite de quelque faute commise !
• Pareil également pour le « bigbaan- piru », ie la purification du « bébé-revenant », destinée à le maintenir dans la famille ;sinon ce « bébé instable » s’amuserait à des va et vient continus,causant le désespoir de sa famille qui finit par se résoudre à ce rite de nettoyage-purification !
•La toilette, pratiquée trois mois après la naissance lors de son baptême traditionnel et ritualisée par le rasage de la tête lors de sa première toilette, relève également du même souci et rituel de purification.
On lui coupera également les cheveux de naissance, une manière de se débarrasser de la « saleté » de sa mère, avant son contact avec le monde extérieur ou son intégration sociale.
•Il en est ainsi du bain rituel des veuves dont nous parlerons en détail plus loin.
•Ainsi en va-t-il aussi du du bain des initiés( Baguè-sob) à la fin de leur cycle d’initiation.
• Pareil pour le bain du malade pour qu’il recouvre la santé et son bon teint .

.C’est donc dans ce contexte symbolique que se situe la toilette mortuaire avec le but immédiat de nettoyer le corps et le protéger le plus longtemps possible contre la putréfaction .
Mais elle vise surtout à rendre le défunt à lui-même en le désaliénant de toute « saleté ».
Ainsi lorsque quelqu’un meurt d’une morsure de serpent, il est lavé avec un bain contenant du mil germé écrasé ou des cauris pilés.
Derrière l’affirmation de protéger le corps contre une décomposition particulièrement rapide,sous l’effet du venin, apparaît le souci de purifier le mort, pénétré de poison noirâtre par la blancheur des substances employées( farine de mil , poudre de cauris).
La toilette du mort consistait autrefois à le frotter avec de la pâte d’arachide ou de mil pétri ou de résidu de beurre de karité( kan-bur).
De nos jours, le mort est baigné dans la cour intérieure ou « davura » près de l’égoût. Ce service est généralement confié à des « frères » ou à des « sœurs » du clan selon qu’il s’agit d’une femme ou d’un homme soit indifféremment à des femmes âgées.
La deuxième étape de la toilette du mort concerne sa tenue.

Après le bain, suit la coupe des cheveux.
Il est façonné aux jeunes gens un toupet et aux jeunes filles , on taille les cheveux et on rase au net le pourtour avec une lame de rasoir .
Aux vieux et aux vieilles, on lisse complètement la tête.
Pépé simon après le rasage de sa tête était coiffé de son chapeau préféré.
Quant aux habits , on lui met un cache-sexe, sorte de bande d’étoffe blanche découpée sur un rouleau commun à tout le lignage. Puis vient le pantalon bouffant puis le Kin-kin –kparu ou grand boubou ample plus ou moins richement brodé et travaillé selon la fortune du mort ou son statut social.
Aucun de ses éléments ne doit contenir du fil rouge ni de poches dans lesquelles le mort pourrait emporter ses parents .
La parure du mort est souvent également l’occasion unique de révéler soit la richesse acquise et accumulée au cours de sa vie, sa véritable identité ou personnalité au-delà des apparences : colliers de perles et foulards, doublement des boubous d’un pardessus ample appelé Guiwa en tissu indigène , très travaillé d’une très grande valeur ; lunettes apportées de la ville, coiffures indigènes, casquettes militaires ou chéchias d’anciens gardes-cercle, etcIl n’est d’ailleurs pas rare d’entendre des personnes surtout vieilles se réserver tel ou tel article pour leur toilette de mort .
C’est le cas du cousin Joachim dont nous avons déjà fait mention plus haut qui avait fait développer sa photo en grand portrait par grand’ mère pour que l’on l’expose devant le paala( hangar mortuaire) à sa mort .Il avait mis pour la photo un costume Dagara d’apparat tissé et brodé à la main qu’il porterait également à sa mort !

h.Les rituels et rites de présentation du mort.
Après le constat de décès établi par les membres de la famille du défunt et la toilette achevée , le mort est présenté au public en deux phases:
i.L’exposition privée devant la maison et celle publique su la place publique dans une sorte de hangar appelé en Dagara « paala ».
Nous disons « sorte de hangar» pour le distinguer
Du hangar ordinaire Dagara appelé « zan- gala » ou encore « zaw » .
Pour un Dagara , c’est une obligation de participer aux funérailles. Dépasser des funérailles sur son chemin sans s’arrêter , c’est en appeler chez soi .
Mais cette participation suit des règles très précises :
Avant d’entreprendre les célébrations funéraires pour un mort, il convient d’abord de s’assurer sa non cupabilité vis a vis des interdits en sacrifiant un poulet aux mânes des Ancêtres( Kpiimè ) .
De même tout chef de délégation à des funérailles lointaines, le mort étant peu ou pas connu de lui, accomplit le même rite avant son départ . Car participer aux funérailles est un acte social d’adhésion conscentie, de solidarité avec le mort et avec la famille en deuil.
C’est pourquoi traiter de la présentation du mort n’est pas chose aisée .
Les faits, plus que jamais divers et riches en couleurs, réfèrent spontanément à des réalités concrètes : gestes désordonnés suscités par la douleur dans lesquels tout semble sacrifié : biens, hygiène, santé,dignité, cris de désepoir des veuves au visage hagard, pleurs des orphelins désemparés devant la perte de leur père ou de leur mère, cris des frères résignés .

j.Mais voyons, les enfants,si vous le voulez bien, la suite du déroulement des funérailles dont d’abord l’exposition.

L’exposition, l’apothéose terrestre du mort appelé à présider ses propres funérailles, peut apparaître comme une présentation du défunt à des cercles de plus en élargis de parents, d’alliés et d’amis,et in fine de tout le monde environnant.
:
D’abord le mourant est entouré de ses parents les plus proches, les plus intimes, il expire dans les bras d’un frère , d’une sœur ,ou de tout autre parent très proche.Il est ensuite baigné par des « sœurs ou par des « frères ».
Une fois la toilette fin prête, le mort est sorti et installé à côté de la porte donnant sur l’extérieur ou contre le mur du « davura » , ie la cour intérieure, voire sous un arbre voisin de la maison..
C’est ainsi que pépé Simon avait été d’abord exposé sur un siège, le dos appuyé au mur de la cour intérieure à quatre ou cinq mètres à gauche en sortant de la porte de la cour où il a été baigné et habillé la nuit de sa mort.
Vers midi il a été transporté dans le « laï » » ou place publique et hissé dans son paala, l’entrée tournée vers l’est, ie le soleil levant et où il trônait sur un siège tenant un chapelet aux mains .
Mémé Julia , quant à elle, a été exposée non loin de la maison familiale , l’entrée de son son paala tournée , comme celui de toute femme, vers le soleil couchant . Mémé Julia en 1999 était dans un cercueil ouvert tandis que pépé Simon en 1949 ne bénéficiait pas encore de ce privilège .Le cercueil n’était pas encore connu en 1949 en pays Dagara alors que 50 ans plus tard c’était la norme pour la plupart des personnes d’un certain âge ou statut social.

k.Le mort au milieu des parents intimes

Au niveau des deux premiers groupes de parents caractérisés par leur intimité plus ou moins étroite avec le mort, deux attitudes apparemment contradictoires dominent :
La tendresse envers l’être physique du mort et l’évitement de l’esprit d’anihilation de la mort transparaissant en lui.
Veuves,filles, petits enfants , sœurs, tantes du mort le caressent tandis les vieilles de la famille éloignent les mouches du cadavre et le nettoient. Tous sont marqués de cendre protectrice ou portent des colliers de cauris blancs ; certains parents à plaisanterie opèrent des travestissements de tenue. Les femmes chargées du nettoyage ou du bain du mort , après l’avoir fait , lui envoient par trois ou quatre fois de la cendre pour se démarquer de lui ou pour détourner son courroux !
Ils se gardent d’entrer en contact tête à tête avec le cadavre sous peine de devoir subir une médication spéciale ou à défaut risquer la mort .
Au moment de sortir le mort de la maison, une issue fraîche est pratiquée dans le mur de la cour intérieure ( le davura) et rebouchée par la suite. On ne sort jamais le mort par la porte du davura afin d’empêcher celui-ci, ou plutôt son gnyankwiin,de retrouver la porte d’entrée de la cour lors d’un retour éventuel pour hanter les parents vivants.
Ce rituel , autant que se souvienne grand-père, n’a pas été effectué pour la petite exposition de pépé Simon.

l.La petite exposition ou exposition devant la maison.
-Avant l’exposition, l’alerte est donnée par les cris du chef de famille suivis par d’autres hommes : « San-wé », ie « oh , mon père . » si le défunt est un homme.
Et « maa- wé » « oh , ma mère . » si c’est une défunte.Ce sont des appels au secours des ancêtres
-C’est l’annonce officielle de la mort à travers le village avec un effet de désemparément et d’angoisse
Ces premiers cris d’annonce sont suivis de lamentations des femmes sous forme de « oué, oué, oué » .
C’est ensuite le tour des balafons (les loguyilé) de pénétrer dans cette ambiance lugubre de fin de monde .
Les loguyilé sont accompagnés de tambour ( kuor), une grosse calebasse ouverte, évidée et recouverte d’une peau de varan tannée.
Le gangaar peut se jouer également dans le but de prévenir les villages proches qu’un décès a eu lieu, car il résonne à plusieurs kilomètres à la ronde .
Le gangaar , instrument de musique cylindrique en bois taillé et évidé mesure 40cm de diamètre et peut atteindre un mètre de long. Les deux extrémités sont recouvertes de peau de vache immolée à des funérailles antérieures.
Chez les Dagara-Wiilé, au lieu du loguyil (xylophone Dagara), on joue à cette phase initiale et pendant toute la durée de l’exposition du xylophone plus grand appelé « dègaar » ou le guyil- kpèen ( grand balafon).Il semble que le petit balafon soit tellement émouvant qu’il ait occasionné par le passé des excès de conduite au niveau de ce sous-groupe Dagara..
Les deux types de xylophones Dagara sont remarquables par leur taille et leur robustesse, Aussi sont-ils joués posés et joués à même le sol alors que d’autres types de balafons non Dagara peuvent se jouer débout, portés aux épaules .
Le loguyl est conçu pour donner une forte résonnance et avoir une forte portée surtout de nuit.
Les cris, les pleurs, la musique des balafons, du tambour ou du gangaar suffisent à annoncer le décès dans les villages avoisinants .
Par ailleurs les musiques jouées permettent de savoir si le mort est un enfant ou un adulte, homme ou femme avant même l’arrivée du ko-yéré, le messager chargé d’annoncer les funérailles dans tous les villages environnants et partout où le mort a de la famille ou des amis voire des connaissances.
Le gangaar est joué aux funérailles d’un adulte ayant un certain poids social.
Aux funérailles des tous petits enfants, il n’est pas fait usage de xylophones . Bien plus l’enfant de moins de 3 mois,soit avant « la coupe des cheveux » et le baptême, ie avant sa première intégration sociale n’est pleuré que par les femmes .
A la mort d’un enfant de plus de trois mois, les hommes prennent part aux pleurs, mais les balafons n’entrent pas encore en jeu.Lorsqu’il marche , ie à trois ans ,l’exposition du corps durera en fonction de son âge social.
Aussi lorsque l’on entend des pleurs, souvent sans avoir été informé d’un cas de maladie grave, on prête attentivement l’oreille pour savoir s’il s’y mêle des voix d’hommes, s’il est fait usage de xylophones ensuite , auquel cas les célébrations dureront au moins le temps d’une journée.
Les morceaux de musique initiaux des loguyilé contribuent également à l’annonce du décès.Ils sont spécifiques et diffèrent selon qu’il s’agit d’un homme ou d’une femme.
Peu de temps après le décès, les habitants des environs arrivent en masse ,en premier les proches parents (sœurs, filles mariées) et les familles alliées, tous en pleurs. C’est donc aux parents proches que se fait la première présentation du mort, dans cette zone intermédiaire entre le dedans et le dehors que constitue la devanture immédiate de la maison ( le di-dori).

m.Le face à face avec le mort :-Rite de présentation du mort aux vivants
et des vivants au mort

1).Le rite de présentation du mort aux vivants :
Après la toilette et l’habillement , le corps est sorti et assis dans un fauteuil de bois et de toile juste à côté de la porte. Du toit, on descend des gerbes de mil sorties du grenier pour les placer à côté du mort en même temps que ses mallettes ou celles de ses frères, ramenées des voyages effectués en Côte d’Ivoire ou au Ghana à la quête d’un emploi salarié.
-Un arc lui est passé entre les mains et les jambes croisées ; un carquois bourré de tiges de paille suspendu à l’épaule représente les flèches.
C’est l’attirail habituel d’un homme d’âge mûr s’apprêtant pour un long voyage .
Pépé Simon avait en plus une croix et un chapelet suspendus au-dessus de lui et bien sûr la croix qu’il a toujours portée autour du cou .
Lorsque quelqu’un meurt à l’extérieur, soit son corps est ramené au village dans un cercueil soit il est enterré sur place et les funérailles ramenées au village.
Le cercueil ramené au village,introduit dans la maison, est solennellement ouvert devant les membres du clan. Ceux qui n’en font pas partie s’éclipsent discrètement .
Une fois habillé et paré dans tous ses atours , le corps est transporté dehors et installé à l’entrée de la maison.
Lorsque l’enterrement a lieu loin du village, un cortège funèbre est délégué au village pour la célébration des funérailles traditionnelles qui débutent aussitôt.
En effet tout Dagara où qu’il meurt a droit en principe à des funérailles célébrées dans son lignage patrininéaire On monte le hangar d’exposition sans le corps. On y installe si possible certains de ses effets personnels ou « dewr »( saleté) et généralement une grande photo du défunt . C’est une obligation coutumière dont aucune famille ne peut se déroger sous peine de sanction par le tigan !
Ainsi nos funérailles à tous seront célébrées obligatoirement au village !
S’agit-il d’un homme, l’arc et le carquois, des valises lui appartenant soit en propre ou à ses frères seront déposés à côté du « paala ».
, des marmites en argile cuite, un tas de paniers tressés, etc.ie tous les attributs féminins !
Pour une région fortement christianisée comme Béné, on dépose auprès du paala un panier contenant une croix ,destiné à recueillir les honoraires de Messe pour le repos de l’âme du défunt.
La présentation du mort se fait donc , à sa sortie de la maison durant une première exposition au milieu de ses biens et de ceux de ses frères , entouré de ses parents proches.
Traditionnellement, un homme est assis sur une sorte de siège , les jambes pliées, les bras maintenant un arc tandis qu’une femme l’est dans une petite natte appelée « sèon – bilé », les jambes allongées et les mains enfouies dans une calebasse neuve déposée sur elle.
On a déjà vu comment pépé Simon était présenté . Quant à mémé Julia, du fait qu’elle était mise en bière dans un cercueil, la tradition n’a pu être totalement respectée .
Traditionnellement homme ou femme, chacun est présenté dans les symboles de son sexe et de son rang social :
L’homme comme gardien et défenseur de la famille .
La femme comme nourricière alimente et refait les forces .
Bientôt, les balafons et les tambours, installés quelques mètres du corps vont résonner accompagnant de leur mélodie lugubre les pleurs et lamentations de l’assistance.

Passons, si vous voulez bien ,les enfants , maintenant au rite de la présentation des vivants au mort :
Rite de présentation des vivants au mort(salut au mort)
C’est plutôt une confrontation qu’une présentation .
Dans le passé, les participants aux funérailles arrivaient à pas de course à partir d’une bonne centaine de mètres du hangar d’exposition pour s’arrêter à mi-distance, s’en retournaient ensuite pour recommencer ce même type d’approche au mort trois fois pour un homme, quatre fois pour une défunte.
De nos jours, l’arrivée aux funérailles se fait toujours de façon rituelle mais plus au pas de course .
Les femmes se tiennent debout , les bras pendants ou croisés sur la tête , à distances de plus en plus rapprochées du mort.
Le groupe des hommes, à vue du paala exécute d’un pas alerte et mesuré un rituel de trois marches croisées devant le paala où est exposé le corps .
Les arrivants font donc trois avancées suivis de trois reculs vis-à-vis du corps exposé .
Il s’agit bien d’une confrontation face à face avec le mort faisant penser à un examen réciproque des deux partis .
Le vivant pour réaliser que le mort est bien mort ;
et le mort que le vivant n’est en rien impliqué dans sa mort .
Seuls les très proches parents notamment les vieilles personnes peuvent oser, en arrivant, venir toucher directement le mort et se lamenter sur lui sans aucune crainte .
A l’arrivée d’un groupe d’hommes, le dernier récul correspond à leur retrait après ce que l’on pourrait considérer dans sa forme globale et rituelle comme un salut rituel au mort .
Mais avant ce dernier récul, une offrande pécunière est jetée aux pieds du paala.
En milieu christianisé , on participe également aux honoraires de Messe en jetant des pièces dans le panier placé à cet effet auprès du hangar mortuaire.
Pendant ce temps, les aînés de la famille en deuil, assis en groupe, non loin de là, observent attentivement les arrivants et devisent .
Il s’agit en effet de savoir quelles sont les familles venues participer au deuil pour pouvoir leur retourner la dette contractée .
Après le salut rituel au mort les nouveaux arrivés partent s’asseoir en groupes, par clans sous des arbres proches du « laï», place publique destinée aux expositions des morts .
Tout manque d’assurance est aussitôt interprété par les anciens de la famille observant la scène comme signe de culpabilité, ou tout au moins comme une indication mystique de participation aux causes du décès .
Mais ,c’est dit-on, aussi l’occasion des sorciers , des empoisonneurs à distance et autres jeteurs de sort de rivaliser d’expertise maléfique
Il convient donc,de s’en protéger aux mieux par une tenue d’occasion et un comportement collectif adapté !.

Venons-en maintenant au rite de la grande exposition où le mort préside maintenant ses propres funérailles, assis sur son trône, au fond de son paala, épiant tout un chacun , scrutant et analysant tout geste suspect .
n.La grande exposition sur la place publique du village ou laï ou présentation du mort aux vivants

Le mort, à cette étape, sort du cercle de la famille pour entrer dans un cercle plus plus large, plus culturel, plus universel.
Le montage du hangar du mort est confié aux bons soins du groupe de services réciproques des funérailles. Il installe le mort , la construction du hangar terminée .
Il se charge également du forage de la tombe et de l’enterrement.

Comment est fait le hangar d’exposition du mort ou paala comme tu l’appelles en Dagara ?
Le « paala » est constitué de fourches de pieux hautes de plus de 2 mètres, formant une sorte de cage dont l’un des côtés, ouvert et libre d’accès,s’oriente vers le soleil levant pour les hommes , vers le soleil couchant pour les femmes(photos).
L’interprétation de ces types d’orientation de l’ouverture de la cage du hangar est qu’un homme guette le lever du soleil pour entamer ses travaux diurnes des champs très tôt dès le petit matin. La femme au contraire surveille le coucher du soleil à l’ouest pour ses tâches nocturnes de cuisine, d’alimentation des enfants et de son mari .
A l’intérieur de la cage, face au côté libre , des fourches moins hautes supportent des traverses ou éventuellement un panneau en bois s’il s’agit du paala d’un homme. Elles sont tapissées de tissus et constituent le siège du mort. Jadis ,pour signifier qu’une femme stérile n’a pas accompli sa nature ,on l’installait , à son exposition sur une marmite à eau appelée en Dagara « kuon- so- zidoulé » destinée à chauffer l’eau de bain de la parturiente, après l’avoir bourrée de terre et en avoir percé le fond.
Le toit du hangar mortuaire est confectionné avec des traverses plus légères et une natte neuve. L’ensemble est habillé de couvertures ou de pagnes bigarrés en rapport avec la nature uniforme et inconnue de la mort .
L’attirail de l’exposition devant la maison est transporté là ;mais pour une femme vient s’ajouter sous le siège une marmite neuve ,le kuon-so- zidoulé dans laquelle plongent ses pieds .
De plus ,les manifestations des rôles et du statut social du mort sont ici amplifiées :
L’agriculteur, l’éleveur, le chasseur , la marchande, la potière, le sculpteur, la confectionneuse de paniers ,le beau-père ou la belle-mère ,le guerrier homicide, etc,chaque qualification occasionne son détail particulier dans le décorum de l’exposition .
Sur le paala de pépé Simon trônaient ses livres et cahiers de catéchisme, une grande croix, un chapelet tandis que,drappé dans son boubou blanc de catéchiste, on eut cru qu’il s’apprêtât pour une séance de catéchisme ou pour présider la cérémonie religieuse dominicale .

Nous allons assister maintenant ,les enfants, aux offrandes apportées au mort, présidant sa propre cérémonie funéraire :

o.Les offrandes rituelles liées à la présentation du mort
L’offrande rituelle,ici, a toujours une relation avec l’être du mort.
Prenant racine dans l’existence sociale et terrestre du mort, elle a une valeur de représentation et une signification aussi bien pour le devenir du défunt que celui des vivants,les auteurs des offrandes , lesquelles sont déposées à côté du panier des honoraires de Messe.
Elles sont constituées aussi de cauris ou de pièces d’argent jetés à côté du hangar funéraire .
Elles apparaissent comme une vénération mais aussi , dans le contexte de ce grand départ au royaume des kpimè- tèeng ( pays des ancêtres), comme une contribution en vue de la traversée ou de la commensalité avec le membre s’en allant et délaissant ses biens. Il faut donc bien les partager avec lui . Sinon gare au courroux de son gnyankwiin offensé !
C’est la raison pour laquelle dès l’exposition devant la maison ,des gerbes de mil et des produits des champs,appartenant au mort et résultant de sa sueur ,sont déposées auprès du défunt .
Viennent s’ajouter auprès du paala d’autres offrandes incarnant le mort en tant qu’agent économique et social, membre de la communauté , telles celles relatives à la parenté patrilinéaire ou matrilinéaire et à l’amitié.
Une distinction est à opérer entre les offrandes obligatoires à quelque titre et celles facultatives.Mais l’obligation cesse dès que les moyens ne suivent plus ou font défaut .

Quelles sont ,grand-père,les offrandes obligatoires ?

-1).Le « gouolou kasoo »

Parmi les offrandes obligatoires, la pratique de l’élevage par le défunt , de son vivant , donne lieu à un « gouolou- Kasoo » ou « corbeille d’élevage » contenant une poule et une pintade apportées par les membres de la famille du défunt et suspendue sur le hangar mortuaire .
L’omission de cette offrande est susceptible d’entraîner une baisse dans la production de la basse-cour au détriment de la descendance du défunt .
La poule, plus précisement le coq, symbolise l’homme .C’est ce qu’on apporte en visite à des amis ou c’est ce qu’on reçoit d’eux en partant .
La pintade quant à elle caractérise plutôt la femme ;elle est souvent offerte à l’occasion de la fête annuelle de fin des recoltes,le bourgnièn, confondue de nos jours avec les fêtes de Noël et de fin d’année .
L’offrande de ce couple de volaille représente une plénitude, signe de réussite de l’éleveur décédé .
Ces offrandes sont destinées à la fois à apaiser le mort emportant ainsi sa part de volaille, mais aussi à obtenir du défunt , futur ancêtre ayant pratiquement un pouvoir de divinité , la perpétuation de ses dons d’éleveur au profit de sa descendance .

2). Qu’est-ce, grand-père, le « Dakoura- naab » ou la « vache de la canne » ?

Le « dakoura –naab » est un « doun –sebla », « ou une vache noire » ie une «vache par excellence », la couleur noire marquant chez les Dagara, comme vous le savez déjà, l’excellence et la couleur blanche la légèreté, la médiocrité .
Cet animal est offert au défunt si, durant son adolescence , il s’est fait remarquer comme berger qualifié, ie Naa-kiin- kara en Dagara . Il est indiqué devant le paala par une canne attachée au cou de la vache . La canne, le gourdin (dakoura) est l’arme emblématique de défense du berger chargé de garder le troupeau familial contre les bêtes sauvages .
Souvent l’animal provient de l’oncle maternel qui lui a remis au départ une poule à élever , puis crescendo, une chèvre, un mouton et enfin une vache s’il a montré beaucoup de compétence et de sérieux dans ces différentes tâches.Donc pour l’honorer , un bœuf sera présenté devant son paala en témoignage des immenses qualités d’éleveur et de berger .
Ce bœuf sera tué à l’issue des funérailles. La tête et les boyaux reviendront aux bergers de la maison en deuil. ; la moitié de la viande aux parents et le reste à l’oncle donateur ou à la famille maternelle du défunt .

Qu’est-ce ,le « taan-miur-naab » ou « vache de la corde de l’arc » ?
Le chasseur habile que fut le défunt de son vivant exige l’offrande du « Taan-miur- naab » ou « vache de la corde de l’arc » indiqué devant le paala par des cornes de gibier ou des trophées de chasse .
Plutôt que des offrandes proprement dites au mort, les holocaustes constituent ses incarnations par substitution.
Ils viennent bien sûr en priorité ,considérés comme des dédoublements du mort .
4).Qu’est-ce le « koukour-naab » ou « vache de la manche de daba,ou de houe » :
Destinée à célébrer la valeur du disparu en tant qu’agriculteur et nourricier du clan ,la vache est attachée devant le paala au deuxième jour de l’exposition
Agréée par les ancêtres , cette offrande apportera le succès en agriculture au patrilignage et au clan en général .
Le koukour-naab doit provenir de la progéniture d’une vache acquise grâce aux produits des champs ou par la dotation des filles mariées.En effet , une génisse ainsi acquise est un véritable substitut du mort par la médiation des récoltes et ou de la dot par la double médiation des vivres et de la fille.
La symbolique se présente donc ainsi : les enfants élevés grâce à la force de travail du père , s’identifient à ce dernier
La génisse et le taurillon de la dot finale représentent les enfants et donc encore le père .
En conséquence , manger du « koukour- naab » pour les membres du clan serait un odieux auto-cannibalisme de groupe , forme voisine de la sorcellerie fortement prohibée .Il serait une sollicitation de la mort et une cause mystique de destruction du clan .
La consommation du « koukour-naab » revient donc intégralement au groupe allié des services funéraires réciproques, les « Kiè –ku-taa-dem »
Ce terme renvoie au forage de la tombe dont se charge le groupe de services réciproques après l’indication par le chef de terre de son lieu de creusage après la coupure (kiè) de la terre, ici personnalisée ,avant le travail de forage par le groupe , jamais de même appartenance clanique que la famille en deuil .
Le terme kiè- ku- taa- dem renvoie aussi à l’immobilisation du koukour-naab dont on brise ( kiè) les jarrets pou le groupe allié de services réciproques devant le paala. Il n’est dépecé pour leur compte qu’après l’enterrement .
Toutefois la tête et les boyaux de l’animal servent à préparer le repas des orphelins laissés par le défunt .

5).Qu’est-ce le ko-wel-naab » ou « vache de la dispersion des premières funérailles
Cet animal peut être consommé immédiatement après l’enterrement voire longtemps après, selon la fortune familiale.
Le rituel réunit le groupe matrilinéaire de même bèlu (bel-taa-bè) du mort auxquels s’associent les autres bèlu matrilinéaires du clan en deuil, ie les neveux ( fils de la sœur) et frères utérins parallèles ( fils de la sœur de la mère) ainsi que les sœurs réelles ou très proches de même bèlu à titre exceptionnel car les femmes ne participent généralement pas au ko-wel-naab.
Sont utilisées comme ko-wèl-niin, ie « vaches de dispersion des funérailles », les vaches ou moutons en provenance d’une acquisition personnelle.
De préférence ,elles sont prélevées dans la réserve des animaux reçus de l’oncle maternel appartenant donc en propre au défunt ou à ses frères.
Le ko-wèl-naab ne saurait surtout venir des vaches fournies en dotation des femmes du clan :
De plus il ne peut être fourni par un parent du lignage de matriclan différent de celui du défunt .
Ni le « ko-wèl-naab » de pépé Simon ni celui de mémé Julia n’ont encore été tués . Et pour cause, Il faut offrir d’abord les « kowel-niin » des parents morts avant eux ou pour le moins leurs aînés . Et tant que l’on n’a pas les moyens ou qu’on ne veuille pas supporter seul les frais, on reporte toujours dans une fuite en avant dans l’espoir qu’un parent fortuné pourra remettre les pendules à l’heure en payant les lourdes dettes pesant sur les épaules des générations futures .
Peut être serez-vous de ceux-là, mes enfants et petits enfants sinon cette dette continuera à grossir .et surtout vous ne pourriez pas daller la tombe de votre père ou grand-père sans avoir fait les autres tombes des familles patrilinéaires et matrilinéaires en directe ligne ; tout au moins si grand-père ou papa étaient enterrés au village. Ce qui ne risque pas de se produire !
Ce sera selon le dicton : « Autre pays , autres mœurs » et vous ne serez tenus à rien !Surtout n’enterrez pas votre grand-père au village, sinon vous serez obligés de suivre toutes les coutumes funéraires Dagara et donc de daller les tombes de tous les parents morts avant lui si vous tenez à daller sa tombe !
Lorsque le kowèl-naab est tué hors des cérémonies des funérailles et que les parents éloignés sont absents, la viande est fumée pour leur être envoyée .
Personnellement votre père ou grand-père n’a jamais eu un collis de telles viandes fumées par la poste .
Si jamais vous en recevez après que grand –père s’en soit allé au pays des ancêtres, ne vous en étonnez pas !Vous en êtes déjà avertis ! Mais ça ne risque pas !
Ne consomment le « ko-wel-naab » que les membres du clan ayant réellement perdu un parent correspondant . Le rituel de la consommation du ko-wèl-naab s’apparente à celui du koukour-naab et à celui du « vaa- da-naab » dont nous détaillerons le rituel un peu plus tard.
Mais d’ores et déjà sachez que « le vaa-da-naab » signifie « la vache de vider et vendre » les grains du grenier à l’approche de la nouvelle recolte.
On ne peut s’empêcher de penser à une trilogie de ces trois groupes d’offrandes funéraires au défunt .
•Les parents alliés par relations matrimoniales intéressés en premier lieu par le vaa-daa-naab
•Les parents du clan du lignage du défunt avec le ko-wel-naab,
•Les voisins alliés des services funéraires réciproques à qui revient,seuls, le koukour-naab .
La consommation de ces bêtes apparaît comme une manière de reconnaître la mort du parent décédé ou mieux d’assumer collectivement le défunt en acceptant de supporter ses responsabilités sociales.
C’est donc en même temps un enterrement, une prise en charge et un engagement symboliques .
La répartition matrilinéaire du ko-wèl-naab au sein du lignage montre bien la primauté de l’appartenance patrilinéaire par rapport à celle matrilinéaire dans la tradition Dagara tout en valorisant la liaison privilégiée de la mère et de l’enfant , rappel de la communauté de leur « saleté » originelle, en Dagara « dewr ».Se trouvent mis en évidence les liens particuliers unissant les membres de chaque matriclan au sein du patrilignage.
Passons maintenant , les enfants , aux offrandes facult atives:

6).Quelles sont ces offrandes moins rituelles plus ou moins obligatoires ?

•Le coq du beau-père( diem) ou
•du beau-frère( dakiè)
en Dagara « diem- noura » et « dakiè- nura » , nura étant le coq.
Ces coqs sont donnés à l’occasion du décès d’un « beau-père,diem » ou d’un « beau- frère, dakiè ».
•Le coq du mari de la première fille est suspendu au paala et destiné aux fossoyeurs.
•Les autres coqs des autres gendres sont remis au lignage en deuil et constituent des dettes de funérailles qui doivent être retournées .
•La pintade de la belle-mère.
Elle est aussi produite à des occasions autres que les funérailles, notamment à la fête annuelle des recoltes ( bourgnien) et lors des visites à celle-ci compte tenu de l’attention particulière qu’est habituellement portée aux relations entre gendre et belle-mère.
•Le coq (noura) ou poule ( nouon) de l’ami ( ba) :

Le « ba-noura » ou le « ba-nouon » sont offerts à l’occasion de la visite ou des funérailles d’un ami.
Remis à la famille en deuil, ils constituent des dettes de funérailles à retourner dans des conditions réciproques .
Lorsqu’ils sont suspendus au paala, ils reviennent aux fossyeurs et ne donnent pas lieu à la désignation d’un substitut de l’ami décédé .
•Quant à l’amie , elle pourra offrir divers cadeaux, le plus souvent un canari de bière de mil ( daan) qui sera remis ou brisé devant le paala .

7)Qu’est-ce le « na- maar », ie « vache froide, vache sans risque » ou le « gan-yir-naab », ie « vache de sortie, de passage , de transition » :

C’est une vache offerte par les héritiers du défunt pour obtenir que la fortune du disparu prospère toujours à leur profit.
Elle témoigne de la richesse du mort.
C’est une offrande propiatoire sans contrainte.
Dans tous ces cas, le caractère obligatoire des offrandes tient surtout à la nécessité de détourner la malédiction du défunt en reconnaissant ses droits dans le seul souci de liquider une dette pour préserver les membres de la famille toujours vivants du courroux du mort et sauvegarder ainsi le bon déroulement de la vie.
C’est pourquoi les animaux immolés à l’occasion des décès de femmes relèvent d’une catégorie d’offrandes moins contraignantes , sans doute parce qu’elles ont ici , comme dans beaucoup de sociétés africaines , moins d’emprise mystique que les hommes.
Une fois de plus, le caractère patrilinéaire de la société Dagara s’affirme, malgré l’importance des liens traditionnels de la parenté matrilinéaire .
Passons maintenant au vaa-da-naab que nous avons mentionné plus haut, si vous le voulez bien ,les enfants chéris.
.
8).Qu’est-ce le « vaa- da- naab » ?

Il évoque le fait de vider « vaa » le fond des greniers à l’approche de nouvelles récoltes, période de disette et d’activités commerciales fructueuses pour le vendre (da) . Cette tâche revient essentiellement à la femme avisée qui a su éviter le gaspillage.Elle consiste en un bovin ou à défaut un ovin, donné aux parents de la défunte , en récompense de la contribution positive de celle-ci à la fortune de son mari, mais aussi des bonnes relations d’alliance qu’elle a générées entre les deux clans.
Il s’accompagne d’une offrande de mil. « pow- ya-ki » ou « mil des « pow- ya – taabè », ie « filles de même lignage » que la morte et mariées dans le même clan .
La signification symbolique de « vaa-da-naab » se réfère à l’alliance matrimoniale des deux groupes :le clan du mari et celui de la défunte se partagent la bête abattue.
Ainsi le clan du mari réaffirme son soutien aux « sœurs » de la morte par le don du mil et de façon générale réaffirme son alliance ; « rendant » ainsi la morte à ses parents.
Cette offrande n’a pas été faite à l’occasion des funérailles de mémé Julia, la mère de votre grand- père parce que non faite auparavant pour ses sœurs ou les défuntes de la famille en deuil !

9).Qu’est-ce le « daan- soulou- naab» ie, « la vache de la louche de bière de mil » ?
Il évoque d’une façon générale les qualités de « nourricière » de la défunte . Tandis que l’offrande précédente orientait vers l’extérieure ( le commerce ) ; celle-ci nous ramène dans la famille où les enfants sont évidemment les plus nécessiteux en matière d’alimentation .Le daan Dagara est davantage considéré comme un aliment qu’une boisson alcoolisée . Il représente la plus haute perfection de nourriture cuisinée par les femmes. C’est la boisson-aliment des adultes et des enfants. Les enfants en boivent les premiers jours sous forme de mil germé bouilli ( bir-mwan-mara) ;le deuxième jour ,sous forme de résidu de mil germé ( bir – mii-mè) issu du « daan- simna » ; le troisième jour sous forme de Daan-kuor( résidu de fond du daan non fermenté) ou de « daan-koloro » (bière de mil non fermentée).
Alors que le « vaa-da-naab » est remis au clan de la défunte , le « daan- soulou-naab » est partagé dans le clan du mari entre les enfants de la défunte et le reste de la famille.
Cette offrande n’a pas été faite pour mémé Julia parce qu’elle n’avait pas encore été faite pour ses sœurs décédées avant elle .

Qu’est-ce que le « zè-vaar-naab » ?

Par contre le «zè-vaar-naab » ie « la vache de la sauce de légumes » exalte les qualités proprement féminines de la défunte ayant été capable,même en période de disette de sauver la famille en l’alimentant de feuilles comestibles(légumes) soigneusement choisies et cuisinées. Elle concerne chaque mère prise dans son individualité.
Grand-père et ses sœurs étaient donc autorisés à abattre , après moultes discussions avec le lignage matrilinéaire, le « zè-vaar-naab » en l’honneur ,hommage et témoignage à la mémoire de mémé Julia.
Votre grand –père s’était fait la joie d’acheter une génisse de 80.000frs cfa qui a été attachée auprès du paala . Elle a été abattue après l’enterrement.La viande a été distribuée entre le patriclan de grand-père, celui de mémé Julia et des clans de ses soeurs.Mais seuls les orphelins de père ou de mère des différents clans ont le droit de consommer cette viande .
Une cousine croisée , fille d’une tante patrilinéaire mariée à Joachim, également son cousin, non orpheline, ni n’appartenant au clan de mémé Julia , a décidé de manger par défi de cette viande . Elle ne croyait pas aux effets mystiques qu’elle prenait pour de la légende .
Que pensez-vous qu’il lui arriva, les enfants ?
Elle mourut une semaine après l’enterrement de mémé Julia .
On raconte encore dans les toutes chaumières que l’esprit (gnyankwiin) de mémé Julia, courroucé par son défi l’a emportée dans l’au-delà .
Voilà comment la société Dagara fait régner la pensée unique en éliminant ceux qui osent publiquement penser autrement .

Mais passons maintenant , les enfants, au rite d’enterrement de celui qui a tué des gens (homicide) au cours de sa vie :

11).Qu’est-ce cette offrande de chien abattu avant l’enterrement d’un homicide ?

Un chien est abattu à l’occasion du décès d’un homme ayant tué plusieurs hommes dans des circonstances socialement approuvées et ayant reçu la médication du « zoun-tiin » ie, « le médicament contre les maux de tête ». Cette offrande n’apparaît pas seulement comme un sacrifice purificatoire , mais par un autre côté comme une offrande rituelle , magnifiant les qualités du mort, à l’instar des autres offrandes rituelles ci-dessus citées.En effet, le chien, par sa proximité avec l’homme dans la vie domestique, lui sert de substitut. Il est non seulement sacrifié pour réparer le sang versé , faute absolument inadmissible , mais aussi par le caractère public et ostentatoire de la cérémonie, il semble être choisi comme l’offrande digne du guerrier défunt . Mieux que le chasseur ou la femme commerçante auxquels sont offerts le « tan-miur-naab » et le vaa-da-naab, il mérite bien cette offrande de chien abattu et mangé par le groupe des homicides ,organisateur de la cérémonie.

p. Passons, les enfants, maintenant aux pleurs, à la musique et aux danses pendant les funérailles.

Comment sont-ils ritualisés dans la tradition Dagara ?

Rituels des pleurs, musique et danses
Pleurs, musique et danses constituent les principaux rituels des premières funérailles.
Ils duraient jadis six jours pour un adulte de rang social notoire(ni-kpèen). Aujourd’hui ils occupent à peine trois jours., voire deux jours et parfois même un jour comme çà été le cas des funérailles de Joachim dont le corps se dégradaientà une vitesse vertigineuse !
Les pleurs,justifiés dans le cadre normal d’un décès ne restent pas moins ici rituels tout comme la danse accompagnée de musique.

Une légende Dagara rapporte que la musique et la danse furent enseignées à l’homme par le konton-bilé( génie de la brousse) en passant par l’intermédiaire d’nu chasseur sorcier .
A l’origine elles visaient à lutter contre la douleur des sanglots rythmant les tressaillements,du corps. Mais au cours de leur évolution elles se sont, socialisées,diversifiées et ritualisées.

Comment se déroule le rituel des pleurs, grand-père ?
« Pleurer » ( koné) est le terme consacré par lequel les Dagara désignent la manifestation vocalisée de douleur et plus précisement de participation aux funérailles. Si les manifestations naturelles des pleurs peuvent se limiter aux larmes ou aux reniflements, il n’est pas de coutume de pleurer en silence aux funérailles Dagara. Par contre , dans très peu de cas, les cris aux funérailles correspondent à de vraies pleurs. Il en découle que très peu de personnes , surtout parmi les hommes , versent des larmes dans ces circonstances.
Pleurer devient le comportement social de participation attendu de toute personne se présentant aux funérailles , au moment de l’exposition.
Il consiste au niveau de l’ethnie Dagara à pousser des cris convenus en adoptant certaines attitudes. De ce fait, le côté rituel des pleurs l’emporte de beaucoup sur celle de la manifestation naturelle de douleur.
Les hommes crient « saan-wé i ou maan-wei » sans verser de larmes . et les femmes : hiin aï . ,aï . aï . ; hiin ., hiin . hiin .,hiin ., oué . oué .,oué . en versant ,elles,de chaudes larmes.
A l’arrivée , les hommes « pleurent » en faisant une marche croisée .
Les femmes plutôt à l’arrêt devant le corps, souvent les bras tombants ou les mains sur la tête pleurent sérieusement .
Les hommes du clan assurent le « guyil gub » ou « la garde du balafon » .
Dans ce cadre , ils chantent , « pleurent » debout autour de l’orchestre funèbre
Ils chantent plutôt qu’ils ne pleurent le « lawni ou ko-lawni ». Mais le Dagara dans sa langue parle de « koné », ie « pleurer »
Le lawni est un chant funèbre à deux mouvements , ascendant et descendant. Il est conduit par un « cantateur », un chanteur et répondu par l’assistance rassemblée,débout autour des balafons.
C’est l’élément dynamique de la cérémonie funèbre et aussi le lieu de distinction de tous les arrivants .
Ils recevront à tour de rôle leur service de balafon (guyil- gub).
C’est aussi le lieu de révélation des vérités entre clans.
Les femmes ne chantent pas le « lawni ». Une fois effectuées les pleurs à l’arrivée , elles se contentent des danses jusqu’à la levée du corps pour l’enterrement .Il faut avouer que les pleurs des femmes aux funérailles sont de nature à provoquer une émotion plus grande que les cris des hommes.
Un autre caractère rituel des pleurs est mis en lumière par leur réglémentation .

2).Pleurs du début des funérailles :ie des cris annonciateurs de la mort à la proclamation des funérailles( kuo-wouofou ».
Jusque-là, les proches parents pleurent et se lamentent à épuisement, tournoyant autour du mort.
Les autres , après avoir accompli leur présentation devant le mort et leur salut rituel en un temps plus ou moins long, se mettent à l’écart en attendant la deuxième phase officielle.
Celle-ci commence avec la proclamation du décès appelé en Dagara ( le wuofou ou wuorou).
Celle-ci est effectuée par l’assemblée du clan et des alliés.
A ce moment , le défunt, présidant ses propres funérailles, trône déjà sur son paala .
La famille ,alors réunie proclame officiellement et solennellement les funérailles au grand public par un grand cri chanté : « A bara yé . yé . » , ie « Oui , c’est fini . » . C’est un des moments les plus poignants de la célébration funéraire que ce « wuofou » chanté par un un cantateur du clan dans un silence impressionnant .
A partir de ce moment , les membres du clan devront se relayer sans arrêt auprès des instruments de musique pour recevoir et entendre les groupes des arrivants tout en veillant à leur ordre d’arrivée et donc à leur préséance d’intervention dans le «guyil-gub » ie leur tour de prendre la parole auprès du balafon , devant le paala.
Au niveau du sous-groupe Lobr dont le village de votre grand-père fait partie, on délaisse alors les plus petits xylophones à 16 claviers ( les loguyilé) joués depuis la petite exposition devant la maison pour passer aux balafons à 18 planches , les dègaar.
Les pleurs initiaux de cette deuxième phase, accompagnés par la musique funèbre ,éxécutée par le son du dègaar, sont chantés trois fois successivement pour un défunt et quatre fois pour une défunte. Ce n’est qu’ensuite que chaque clan présent revendiquera son tour de « garde de balafon » pour déclarer publiquement sa présence et se faire entendre notamment du clan en deuil dont des représentants sont présents auprès des balafons.
Tout nouvel arrivant est rejoint par ses parents déjà présents sur place pour prendre part au « guyil-gub ».
La nuit, les membres du patrilignage en deuil dorment d’un oeil, à proximité du paala, attentifs aux moindres pleurs de nouveaux arrivants.Ils se réveillent alors pour se joindre à eux au moment de leur « guyil –gub ». ie « « garde de balafon », sorte de prise de parole devant le mort et devant ses parents endeuillés soit pour chanter les louanges du défunt et et ou lignage, soit pour leur lancer quelques piques amères .
Si le clan en deuil a les moyens , la musique des balafons peut être jouée sans interruption toute la nuit jusqu’au petit matin bien que les « lawni » ne soient chantés que périodiquement à l’arrivée de nouveaux arrivants.
Cette veillée funèbre rythmée par les chants des « lawni » et des balafons se poursuivra ainsi jusqu’à la levée du corps pour l’enterrement.

Voyons maintenant, les enfants, comment se termine la grande exposition ?

Elle est annoncée par trois ou quatre « lawni » avec le « dègaar » après consultations du clan en deuil,et de celui des alliés matrimoniaux ou au groupe matrilinéaire du défunt ou de la défunte et enfin de l’assistance assimilée aux voisins de la famille en deuil.
Pour une femme dont la dot est payée, le clan en deuil est d’abord celui du mari et en second lieu celui de la défunte, ce qui justifie le quatrième lawni supplémentaire.
Généralement le clan en deuil s’attribue les deux premiers chants, puis laisse le troisième et éventuellement le quatrième aux alliés matrimoniaux.
A l’approche de l’enterrement,on peut considérer comme une troisième phase la reprise des pleurs et le jeu des xylophones à 16 claviers ( les loguyilé) comme au début de l’exposition.devant la maison et ce, jusqu’à l’enlèvement du corps du paala et le départ du cortège pour la tombe
Cependant les airs de musique choisis sont spécifiques de la fin de l’exposition et différents de ceux du début. Certte séquence , quand elle est exécutée, est de courte durée car pendant que les fossoyeurs emportent précipitamment le corps vers sa dernière demeure accompagnés de quelques parents du groupe allié des services funèbres réciproques et des aînés du clan en deuil, les chants de « lawni » marquant la fin reprennent derrière eux au son du dègaar.
Chaque fois que résonnent les loguyilé de la première exposition au cours de la deuxième exposition, c’est pour relancer le rythme émotionnel des funérailles lorsque la réduction de l’assistance ne permet plus de maintenir de façon continue la « garde de balafon » ie le guyil-gub.et qu’il se produit de fait un certain refroidissement, une baisse de l’émotion des funérailles . C’est souvent le cas la nuit .
La réglémentation des pleurs se fait en fonction de l’âge et du statut social du défunt ainsi que le climat social qui prévaut. C’est ainsi que les funérailles et les « pleurs » peuvent être prohibées en temps d’épidémies, de conflits armés ou dans d’autres cas déjà mentionnés tels que ceux des bébés , des « mauvaises morts », etc.

Parle-nous maintenant, grand-père, de la musique pendant les funérailles.
Le rituel de la musique au cours des funérailles Dagara.
La musique instrumentale Dagara conduit les « pleurs », les accompagne et varie avec eux.
Comme toujours, et mieux que jamais en pays Dagara, la musique par son sublime dynamique est un moyen de faire vibrer l’homme en diapason d’une réalité autre, eschatologique en l’occurrence ; c’est une manière d’animation du contexte glacial de la mort et l’appel à l’évasion dans l’au-delà de l’après-mort.
La musique revêt une telle importance dans les funérailles que nombreux sont les rites et rituels entourant dans ces circonstances le maniement des balafons considérés comme objets sacrés.
Celui qui fabrique un balafon, objet sacré , est censé lui conférer sa voix .
D’après la conception Dagara, le xylophone est investi de sa sonorité par le fabriquant tout comme celui-ci (ou le joueur) en vient à être possédé par lui .
Considéré pratiquement comme objet sacré, le balafon est vénéré comme une personne, mieux comme un ancêtre.
C’est ainsi que l’on ne s’asseoit pas dessus ni ne l’enjambe ; on lui immole même des victimes comme à un être supérieur .
D’après une légende Dagara , il a fait l’objet d’une révélation par le génie de la brousse ie le konton-bilé.
Au moment de transporter les balafons aux funérailles, le propriétaire les joue. En d’autres termes on dira qu’il les essaie. Mais dans le contexte Dagara , on estime que le propriétaire « donne sa voix » au balafon.
De même , chaque fois que les porteurs passent par un accident remarquable de relief,symboliquement un esprit de la Puissance –terre Tigan, colline, rivière,etc, ils devront s’arrêter pour s’assurer que celui-ci n’a pas retiré la voix des balafons. Pour cela , ils les déposent à terre et les font résonner.
Après usage, les xylophones, tout comme le tambour, sont purifiés par nettoyage rituel( piru) avec des feuilles de Diopyros mespiliformis ( gaa) ou néflier africain, avant de quitter le lieu des funérailles. Vous vous reppelez que le gaa est l’arbre de Tigan. Il est donc censé avoir des vertus mystiques .La remise à leur propriétaire s’accompagne d’une poule le « guyil-nuon» , ie « poule du balafon » servant à la purification de celui-ci . Le propriétaire, en effet saisit le volatile pour un second nettoyage du clavier avant de l’assommer contre les planchettes et de laisser le sang couler sur elles en signe de purification .Ainsi le balafon peut retrouver sa pureté et ses qualités originelles .
Grand-père se propose de vous préciser maintenant le rôle et l’exécution des ensembles musicaux au cours des funérailles.
q.La musique durant les funérailles :
1).Quelle place occupent les ensembles de xylophones ?

-Le loguyil (photo):

Le rôle premier de l’ensemble des loguyilé associés au gangaar , semble bien l’annonce du décès tout juste après la toilette mortuaire et pendant la petite exposition devant la maison en deuil.
En principe,pour une oreille avertie Dagara, à son audition , elle sait qu’un adulte est décédé et quel est son sexe par un certain jeu rythmé du « powlu » indiquant qu’il s’agit d’une femme (pow) ou par le «deblu » pour un homme( deb).
Mais comme cet ensemble est joué pendant toute la première phase des funérailles ie durant la petite exposition, on pourrait supposer qu’il suscite surtout l’émotion et partant les pleurs des premiers moments après le décès chez les proches parents du défunt .
Le loguyil est joué également de nuit lorsqu’il n’ya pas de lawni ou que le corps est descendu du paala pour la nuit et ramené devant la maison .
On peut donc dire également que le loguyil est utilisé dans les phases d’attente de reprise de la deuxième phase des funérailles marquée par l’exposition sur la place publque ou laï et l’entrée en scène d’un autre type de balafon , le dègaar de taille plus plus grande.
Ses qualités musicologiques sont différentes de celui-ci.
On retrouvera dans Jalons pour une ethnomusicologie Dagara de l’abbé Bèkuonè Somé Der Joseph Mukassa une comparaison assez parlante :d’une part , « la musique du loguyil est une musique à tons mineurs. C’est une musique triste et mélancolique », d’autre part « le balafon dègaar évolue dans une gamme majeur, il est plus solennel, sacré et majestueux ».
Par ailleurs l’abbé Gbaanè Dabiré Constantin ajoute pour sa part que les « lawn-koné » dits encore cantateurs qui sont « experts dans l’art d’exciter les sentiments ,se chargent d’attendrir les cœurs les plus indifférents» et que le but du « guyil-gub », où se font entendre le dègaar et les cantateurs accompagnés de pleurs et de danses ,est de manifester la douleur et le désarroi de la communauté face au départ de l’un des membres. Aussi le fait de repasser chaque fois à l’ensemble de loguyilé lorsque de besoin, est-il une façon d’extérioriser la douleur et le désarroi , ce que seul le dègaar ne peut exprimer !

-Le dègaar(photo) :

Comme nous l’avons déjà défini, c’est le nom commun du xylophone à 18 planches,plus grand que le loguyil.
Le dègaar évoque quelque chose de mâle, réservé aux hommes . En effet le terme dè-gaar vient de dèb ie « homme » et « gaar », « devenir insoumis, élever le ton et voudrait dire « homme débout .» ; on l’appelle également le « guyil kpèen », « le grand balafon ou balafon principal ». Il est censé correspondre au ton « da-gara » dit « homme rebelle ».Il est même le seul type de balafon chez le sous-groupe des Dagara-Wiilé qui ne fabriquent pas ou plus de loguyil.
On peut même dire que c’est le balafon par excellence du Dagara. Le loguyil n’appartenant actuellement qu’aux seuls Dagara- lobr d’où le lo-guyil.
Mais d’aucuns disent qu’il serait plutôt d’origine Lobi.
Plusieurs groupes entourent l’orchestre funèbre, encadrant les représentants du clan en deuil, tout en laissant une issue du côté du hangar d’exposition vers lequel l’assistance est tournée .
En règle général chaque groupe prend soin de s’entourer de plusieurs cantateurs avant de se rendre aux funérailles. Le clan en deuil se charge de régler les tours de passage des différents groupes arrivant face au paala.
Le chant du dègaar peut être considéré comme un cri de douleur simulé sous forme de lamentation ou d’interpellation du clan en deuil, d’un de ses membres vivant ou des ancêtres, voire même du mort.
Il est modulé au rythme de la musique du balafon qui l’accompagne et répondu sur un ton ascendant par l’assistance. Les répons consistent en des sons modulés sans paroles articulées, mais harmonisés avec ceux du dègaar.
Le cantateur d’un groupe, ie lawn-koné ou encore ko-koné( celui qui « pleure les funérailles), lorsqu’il arrive de nuit, se signale en clamant fortement qu’il est venu avec ses compagnons sans trouver d’acceuil, faisant allusion au départ du défunt, mais certainement aussi à l’absence des veilleurs endormis ou à leur nombre réduit pour accueillir sa délégation .
En deuxième lieu, il pourra inviter les gens de la maison, au besoin en nommant l’un ou l’autre à sortir pour l’écouter .
Mais en l’absence des interpelés et si les relations sociales entre clans le permettent, il peut même se moquer d’eux .
La réplique viendra, si nécessaire, du ko-koné du goupe en deuil au cours du « lawni ». Mais en général ,il n’est pas donné de suite .
C’est au cours du dègaar que les cantateurs s’affrontent ou se complètent en suivant le rituel du balafon. Ils se repèrent , se provoquent autant que les musiciens ajustent leur instrument et cherchent leurs notes d’attaque sur les claviers, pour l’étape suivante.
Le jeu du dègaar, en ce sens sert de prologue, d’ouverture aux chants des « lawni ».

Abordons maintenant le rituel des lawni.pour vous donner quelques précisions sur son déroulement.
Nous aborderons très peu ici les thèmes, la poésie des lawni ,assez complexes pour un premier exposé d’initiation.

2).Les « lawni »

A la suite des appels du dègaar, les ko-konbè( les cantateurs) entament une série d’incantations conduites selon une métrique rigoureuse et au rythme des balafons, du tambour et du kpa- kparè battant le rythme à l’aide de deux bâtons frappant sur la dernière planchette de bois ou clavier du balafon .
On l’oublie souvent, mais le kpa-kparè( batteur du rythme) joue son rôle dans l’orchestre funèbre à côté des balafonistes et du batteur de tambour .
Les lawni sont le lieu de la littérature orale,de la poésie, mais aussi de la sagesse Dagara, exprimées sous forme de propos échangés au sujet de la réputation de la famille en deuil et du défunt, de leur passé et de leurs ancêtres, du sort du genre humain, de la vie et de la mort,du malheur et de la souffrance,de Dieu, de la masculinité , de la disparition de la famille ,etc.Certains de ces thèmes peuvent tourner aux diatribes amères, au scepticisme ou au contraire en fidéisme confortable, ou en flatterie.
Les répons, en interjonctions, acquiescent, approuvent ou au contraire désapprouvent de façon conventionnelle les idées finales exprimées par les cantateurs telle cette fameuse séquence chantée à l’occasion de la mort de pépé Simon à l’adresse de mémé Julia :
« On dit que le clan dans lequel tu t’es mariée est riche, combien as-tu déjà consommé de viande pour traîner cette corde de chèvre ? »Le cantateur faisait là un jeu de mot entre la longue corde appelée ganè que portait mémé en signe de deuil autour de sa taille et que tenait une amie la suivant partout et la chèvre attachée au pieu par une corde l’empêchant d’aller gambader à la recherche d’une herbe tendre.
Souvent les réflexions sont empreintes de sagesse telle que cette cantation :
« Si le bonheur existait sur terre, c’est vous de ce clan qui seriez heureux . »
ou « un tel est mort, où en êtes-vous aujourd’hui avec votre fierté, votre richesse ou votre bravoure ? »
voire encore « un tel s’en est allé à Dieu, c’est Dieu qui l’a voulu ainsi . »
ou enfin, « Avec le départ d’un tel, votre famille est finie, ruinée . « a yir bara a yé,yé ! ».
On comprend alors que de temps en temps, un membre de la famille en deuil, piqué au vif, touché par de telles invectives, s’élance soudain vers le défunt à pas amples et cadencés, aussitôt suivi de son compagnon de funérailles ou à pas de danse trépignante, emboîtés immédiatement par une partie de l’assistance campée autour des balafons . C’est là bien le rôle des cantateurs que d’inciter l’émotion des gens en deuil et de les amener à mieux pleurer .
En cas d’échanges de vérités amères entre cantateurs( lawn- konbè), un médiateur peut intervenir pour essayer de concilier les antagonistes en tirant une leçon morale à laquelle seulement l’assistance approuvera par son repons.

Voyons maintenant, les enfants, ce que c’est que le rite du bèlawnè et sa différence d’avec les lawni.

3).Le « bèlawnè »

Le « lawni » se chante sur un ton ascendant du dègaar et s’ achève par un bèlawnè ». Celui-ci peut être considéré comme l’épilogue du service du balafon accordé à un groupe
Après avoir marqué un bref temps d’arrêt à la fin du bèlawnè, les musiciens reprennent suivant une gamme descendante et le répertoire d’accompagnement change en conséquence.
Les chants des cantateurs et leurs répons obéissent à la même variation
Vous demandiez à grand-père de vous décrire l’ensemble orchestral qui accompagne la musique funèbre. Il vous fait le plaisir de s’éxécuter maintenant
L’orrchestre funèbre : Le service funèbre de balafon et les honoraires.
L’ensemble instrumental funèbre comprend :
Le tambour ou kuor .
Le kuor est un membraphone hémisphérique en calebasse. Le fruit ,une fois décalottée et vidée, séchée, une peau de varan est alors clouée sur l’orifice.
La taille du tambour varie , mais la surface de frappe est toujours de la même dimension autour de 15cm de diamètre. Le kor- mwièrè ( ou batteur de tambour), assis sur un petit tabouret tient le kuor entre ses jambes.
Les frappes sont de deux natures : frappes au centre de la peau de la main gauche et frappes du doigt ,souvent l’index sur le pourtour de la surface . Les types de frappes peuvent être alternées ou simultanées .

-Le gangaar(phto)

Le gangaar est une sorte de tambour cylindrique creusé en tube dans du bois ouvert aux deux extrémités et recouvert de peaux. Le fût est généralement taillé dans du bois très dur de caïlcédrat. Les peaux proviennent généralement d’un « Ko-wèl-naab » , « vache de dispersion des funérailles » tuée après des funérailles antérieures.
La taille du gangaar varie entre 40 et 50 cm de long pour un diamètre d’une 30cm. En position de jeu, le gangaar est posée au sol. Le musicien s’assoie sur un petit tabouret de bois. Il est frappé avec une paire de baguettes.

-Les idiophones. :

–Les xylophones.

En Dagara, guyil au singulier, gyilé au pluriel , est le terme générique utilisé pour désigner les xylophones .
Ils sont comme nous l’avons déjà signalé sans les décrire, de deux types :chez les Dagara –lobr : le loguyil et le dègaar, xylophones à résonateurs multiples en calebasses et à clavier linéaire fait de planchettes reliées entre elles par des lanières de peau en général dont l’ordre des hauteurs est successif (photos).
Quoiqu’il soit intéressant de vous décrire comment est construit un xylophone Dagara, grand-père vous l’épargnera dans le cadre des funérailles le réservant pour le patrimoine musical Dagara si d’aventure le sujet vous intéressait.
Les xylophones sont joués avec des guyil bié( photos), deux bâtonnets dont les manches sont en bois et la tête en caoutchouc .
Tout nouveau xylophone fait l’objet de rituels avant son utilisation.
Comme déjà signalé, il y a deux types de xylophones Dagara-lobr :
-Le lo-guyil
Il tient son nom de son origine Dagara- lobr. Il comprend un clavier à 14 à 16 lames ou planchettes. En effet les Dagara-Wiilé n’en possèdent pas ou plus ils n’utilisent aujourd’hui que le dègaar.
Les lo-gyuilé sont joués par paire, un guyil- daa(photo), ou xylophone mâle légèrement plus grand et un guyil- pow(photo) ou xylophone femelle.
-Le dègaar :
est un xylophone comme nous l’avons déjà dit plus grand, plus imposant composé de 17 à 18 lames de bois. Contrairement au lo-guyil, , les lames de bois du dègaar n’ont pas toutes de résonateur en calebasse. En effet , la lame la plus grave de ce xylophone n’en comporte pas(photo) car réservée au jeu des baguettes en bois frappée par le guyil- kpawrè dont la fonction est rythmique et non mélodique.
-Le guyil-kpawru.
En tant qu’objet, le xylophone dègaar est le support d’un accompagnement rythmique joué par un gyil- kpawrè. Il ne s’agit donc pas d’un instrument à proprement parler , mais d’un accompagnement en se servant d’une à trois des lames les plus graves du dègaar, frappées à l’aide de deux baguettes de bois de guyil-bié tenues à l’envers. Le balafoniste ou guyil- mwièrè et le gyil –kpawrè, l’accompagnateur qui bat le rythme , utilisent tous deux le même instrument , ie le même balafon . Ils peuvent être d’ailleurs tous deux des balafonistes .
Le guyil –kpawrè est un batteur comme celui du tambour .
L’ensemble instrumental funèbre est d’une telle importance qu’il fait l’objet lui aussi d’une vénération spéciale. Tous les solliciteurs du « service de balafon », le guyil-gub, après la salutation d’usage au mort, opèrent un jet d’argent en cauris ou en francs cfa séparément au tambour et aux balafons.Cet argent ,réuni , revient aux musiciens.Cela suggère une véritable mystique de l’art musical surtout funèbre et apparaît comme une sollicitation aux instruments afin qu’ils donnent de la voix.
Cette offrande aux instruments de musique , vénération au tambour et aux balafons , du point de vue pratique, contribue aux honoraires des musiciens, entre dans une séquence qu’on pourrait appeler « le rituel du balafon », en Dagara le guyil-gub, ie « garde du balafon ».
La « garde du balafon » commence avec la proclamation des funérailles par le clan en deuil( kuo- wuofu ou kuo-wuoru). Elle débute avec le jeu du dègaar.
Le rituel du balafon est servi à chaque délégation , groupe ou individu après leur salutation rituelle au mort.
Les bénéficiaires, selon la coutume, assument l’offrande destinée aux instruments de musique et assistent les endeuillés présents auprès des balafons en leur remettant une contribution en argent ou en cauris.
Le guyil-gub comprend essentiellement trois épisodes de chants de dègaar , de lawni et de bèlawnè.
Le lawn-kone littéralement le pleureur ou chanteur de lawni s’apparente à un griot par se déclarations incantatoires, parfois laudatives, parfois provocatrices ou reprobatives immédiatement suivies de rémunération offerte par les participants ou par les représentants du clan en deuil se relayant incessamment au rituel du balafon, au premier rang de l’assistance.
Chaque endeuillé principal est suivi d’un compagnon de clan différent , porteur de sa bourse et procèdant soit à l’encaissement des sommes qui lui sont remises par des parents ou des amis , soit sur sa demande , aux décaissements dont les bénéficiaires sont , des lawn-konbè, les joueurs de balafons et de tambour.
Traditionnellement , le lawn-koné joue le rôle de conducteur dans la veillée funèbre. Il est , en plus de sa qualité de cantateur exigeant un minimum d’informations sur le clan en deuil, un diseur doué d’un esprit vivace et d’un merveilleux don d’improvisation et de répliques, un musicien respectueux de la métrique et de la gamme des xylophones .
Il est aussi un poète, un moraliste qui châtie sans pitié les travers des membres du clan en deuil.
L’argent qui lui est remis en honoraires, revêt comme celui des autres musiciens une double signification pratique et mystique.
C’est le lieu de rappeler du reste que tout don de soi ou de biens implique obligation de retour.
Les « ko-konbè » opèrent en général en association , entourant le chant de dègaar qui se poursuit par un lawni et s’achève par un bèlawnè chaque phase ayant des répons appropriés de la part de l’assistance.

Voyons maintenant, les enfants, comment s’exécutent le rite des danses funèbres.

r.Les danses ( yawfu)
Il est difficile de dissocier rites de pleurs,de musique et de danses.
La légende dit en effet que la danse a été révélée par un « konton-bilé’ » i e un génie de la brousse à l’homme pour lui permettre de se relaxer des soubresauts de la douleur au rythme de la musique.
La danse des endeuillés apparaît,elle, comme une agitation naturelle sous l’effet de la douleur et une réaction désordonnée à l’emprise engourdissante de la mort ; ceux-ci se laissent rythmer par la musique.La danse vient donc compléter les pleurs et la musique par son rôle cathartique .
Elle joue aussi une fonction d’humanisation et de socialisation justifiant son utilisation rituelle pendant les funérailles.
Cette fonction est particulièrement manifestée par les danses des « loguyilé » au début des funérailles, généralement réservées aux proches parentes du mort, les plus émues par le deuil. De même avant la levée du corps pour l’enterrement , le jeu des loguyilé aux notes envoûtantes et tristes offre une dernière occasion de soulagement et, par là pourrait-on dire , de réduire le choc émotionnel de l’inhumation .
La danse aux dègaar est exécutée par les hommes et les femmes séparément à une cadence plus ample, plus détendue et occasionne le plus souvent ,à partir du deuxième jour, une participation plus généralisée , d’autant plus active que le mort est avancé en âge . « On le danse » joyeusement car les divinités et les ancêtres lui ont accordé une longue existence . Autre façon de les remercier.
En plus de son rôle cathartique,elle fait alors penser à un autre rôle, celui d’animer le contexte létal,engourdi sous l’effet de la présence de la mort.
A la limite, il se produit une véritable création d’univers nouveau, vivant , une frénésie à laquelle participe la famille atteinte par le passage de la mort et, semble-t-il aussi le cadavre.
En effet il se réalise aussi une symbolique de la vie selon un microcosme représenté par le mort, les musiciens et le groupe de parents qui les entourent et trépignent ; puis selon un macrocosme matérialisé par la cour publique d’exposition, en Dagara, laï qui se veut universel, s’élargit à l’infini comme les notes de la musique et la clameur des chants porte aussi loin que la provenance de cette assistance que nul ne peut compter . A ce niveau, le phénomène se fait dynamique et audacieux, imposant au point d’entraîner en quelque sorte le mort dans un tourbillon de vie et augure un au-delà de la triste réalité mortelle .
En effet chaque groupe démarre en dansant vers le paala et si le morceau de balafon dure, il arrive un moment où tous les danseurs se rencontrent au centre dans une animation générale .
Jadis,tout le monde ou presque dansait.
Un autre aspect ajoute au caractère rituel de la danse (yawfu) des funérailles ;en effet , pour les hommes comme pour les femmes , la danse ludique des réjouissances(sebru) est identique pour les deux sexes. Par contre, aux funérailles, pour les hommes le yawfu s’exécute en deux figures séparées : la première est une sorte de danse préparatoire plus calme, se terminant par une danse en sauts en hauteur ( bin –vaara ou vaafu) et mérite véritablement son nom de yaw, ie ,sauter, s’envoler.
Pour les femmes, tout en changeant de rythme selon la nature et la cadence des balafons , loguyilé ou dègaar, la danse garde la même figure d’ensemble . Mais il arrive que l’on danse du sèbru aux funérailles au moment du rappel de la vie du défunt appelé en Dagara « zanu ». C’est ainsi que les compagnons d’initiation ( baor) peuvent se livrer à la danse appelée « baor-binè » ie « danse d’initiation » qui relève du sèbru.
Pleurer, jouer de la musique, danser, présentent le spectacle d’une vie ménacée, bouleversée, ambivalente, commandée par une réalité omniprésente , poignante et transcendante, celle de mort et , au-delà de la mort.
Le mort est partout ; c’est lui qui autorise le bon déroulement des cérémonies ou l’empêche par le mauvais temps, le manque de résonance et la fragilité des xylophones ou par toutes sortes de perturbations.
Le mort et sa qualité intrinsèque, la létalité sont en tout .C’est pourquoi l’entreprise gigantesque des funérailles aura non seulement pour fin de « pleurer » le défunt, mais encore de l’aider à partir au pays des ancêtres.

Vous allez maintenant examiner avec grand-père, les enfants,si vous voulez bien ,les rites des adieux ,ie le zanu et le muolu.

s.Quelle est la signifiation des termes « zanu » et « muolu » ?
Rites et rituels de rappel de la vie du mort :le « zanu » et le « muolu ».Selon la croyance commune des Dagara , le défunt reste attaché à ses biens , à tout ce qui ,durant son existence,est entré en contact intime avec lui :objets, animaux, personnes.
Aussi en partant au séjour des ancêtres, au kpimè-tèeng veut-il les emporter . D’où les pratiques comme celles consistant à sortir le défunt par une issue fraîchement ouverte dans le mur de la cour interieure( davura) aux fins de brouiller les pistes ; ou les travestissements des tenues observés durant les funérailles,voire l’imposition du deuil aux aninaux familiers et toutes les mesures de protection et d’éloignement des proches parents du mort du domicile mortuaire .
L’une des marques de cet attachement du défunt à une personne, c’est son apparition dans le rêve de celle-ci ou zanu en Dagara.
Voir en rêve une personne intime décédée constitue chez les Dagara un présage funeste surtout lorsqu’il s’agit de son père .Cela nécessite un rite de réparation et aussi de protection .
Les rituels du « zanu » sont donc destinés à parer au retour éventuel du mort durant le sommeil, en songe et à éliminer donc une cause de mort, selon la tradition Dagara .Ils permettent de « rendre au mort » le vécu qu’il a eu avec les vivants.
Les présentations et déclarations du « muolu » ont un sens voisin mais distinct. Elles visent en effet à rappeler les relations intimes liant quelqu’un au défunt et qui, au plan social, sont généralement connues
De part et d’autre, se traduit le sentiment d’une dette de reconnaissance.
Le muolu est un ensemble de rites découlant de ces rapports de complémentarité des maisons, des clans.
Les rites de muolo visent donc à témoigner publiquement des relations intimes qui unissaient le mort et un membre toujours vivant de la société. Son but ne consiste donc pas à divulguer un quelconque secret ignoré du clan.Mais il s’agit de manifestations sociales diverses connues de tout le monde :
Echanges de cultures entre deux amis , de cadeaux ,d’invitations au cabaret entre un homme et une femme, etc…
Le muolu apparaît plutôt comme la liquidation d’une dette de reconnaissance contractée au vu de la société , vis-à-vis du mort.
Le sens de cette pratique semble résider dans la dissolution des anciens liens d’avec le mort et dans le maintien d’un certain équilibre social et économique à travers la continuation d’un type de rapport amical liant deux individus .
Il se trouve donc dans le zanu le besoin d’une reconnaissance ultime du mort et une libération de soi par dissolution de la relation passée.
Dans le muolu se retrouve surtout le besoin de transfert de la relation du défunt à une autre personne du même clan.
« Zanu » et muolu se déroulent habituellement la vieille de l’enterrement ou peu avant l’inhumation surtout lorsque l’exposition dure trois jours.
De part leur signification supposant un minimum d’intégration du disparu aux activités sociales, ces manifestations se pratiquent au décès de personnes ayant atteint au moins l’âge nubile.

1).La pratique du zanu :
Il s’agit essentiellement de jouer des séquences de la vie du compagnon décédé. De ce fait , les acteurs sont généralement des promotionnaires ou d’anciens camarades d’école , d’armée, d’association culturelle, de chasse , des jeux au clair de lune , de pratiques divinatoires, d’exode vers le Ghana ou la Côte d’Ivoire, en quête de travail salarié, etc…
Un groupe formé donne une représentation dans le « laï » ou aux abords immédiats de l’exposition .
Au zanu, on peut rattacher la chasse rituelle ( kpè- muo) pratiquée lors de l’exposition. : Un même groupe de jeunes gens vont à la chasse pour illustrer les qualités de chasseur du défunt. Les animaux abattus en cette circonstance par les membres du clan en deuil sont présentés devant le paala à côté des trophées de chasse.
Les parents à plaisanterie du mort saisissent l’occasion pour exiger auprès des aînés du clan en deuil des primes pour leurs prises.
Pour une femme d’un âge avancé , une saynette spéciale est exécutée par les petrites-filles de la défunte :
D’un tas de nattes que toute femme responsable s’honore de posséder pour l’acceuil des hôtes et comme preuve de sa dignité, ses petites filles en extraient une particulièrement rougie par la fumée et le temps , la portent à l’exposition, l’étendent et, la tenant chacune par un bout, la tiraillent en dansant jusqu’à la mettre en pièces et en fouler les débris aux pieds .
Ce rituel indique que la défunte a accompli pleinement sa nature par une bonne réalisation de ses qualités féminines, singulièrement dans le sens de la procréation .
Aux funérailles d’un homme, la même danse est exécutée , dans les mêmes conditions non avec une natte, mais avec une gerbe de sorgho .
Dans les deux cas, les danseuses sont primées par l’assistance , notamment par les enfants du mort et ses frères et sœurs
Cette saynette avait été exécutée par les petites filles de mémé Julia.
Pépé Simon n’avait pas eu droit à ses honneurs car à sa mort, il avait à peine les trente ans et ne pouvait avoir encore de petits enfants .
Par contre,ses collègues catéchistes ont fait un « zanu » en sa mémoire consistant à mimer une séance de catéchisme et de prières dominicales à la chapelle du village .

2).La pratique du « muolu »

Les parents du mort sont invités à entendre près du paala tous ceux qui veulent faire le muolu, ie témoigner leur amitié passée ave le mort et remettre leurs offrandes.
Beaucoup d’interventions plus éloquentes les unes que les autres, les unes moins attendues que les autres, s’achèvent de la même manière. Et bien souvent , parmi les représentants du clan en deuil ,accourus nombreux pour suivre les déclarations d’amitié, il s’en trouve des gens prêts à assumer telle ou telle offre au nom du groupe. Ceux-ci sont aussitôt répérés des uns et des autres , notamment du donateur. Les offrandes des amis qui ne veulent pas de remplaçants peuvent être déposées auprès du paala où elles sont considérées comme offertes au mort. De ce fait, elles reviendront aux fossoyeurs membres du groupe des services réciproques des funérailles.
Les offrandes sont constituées en grande partie de coqs et de poulets pour un défunt ; pou rune défunte,principalement de pintades, de calebasses, d’objets de poterie et de vannerie.Les receveurs de ces dons s’engagent à assurer vis-à-vis des donateurs les rôles précédemment dévolus au disparu et notamment à faire retour du don dans des circonstances analogues.
Les pratiques du zanu et du muolu constituent un moment de détente au cours du déroulement des funérailles par leur allure théatrale et ludique, mais aussi par leur fonction
cathartique(,émotive, psychologique et purificatoire).
En effet les raisons de la peine se nomment, s’extériorisent et sont partagées.
La douleur perd de son angoisse , mais cela ne veut pas dire qu’elle devient moins réelle. ;ces manifestations sont au contraire avivées par les causes psychologiques relatives aux témoignages d’estime des camarades et des amis , aux pertes socio-économiques réelles , à la prise de conscience aiguë du sort commun des créatures vouées à la finitude. Mais elles deviennent plus culturelles et aussi plus organisées.
Avec le muolu ,on assiste à un début de la reconnaissance sociale , après le désordre de la mort, à commencer par la redistribution des rôles au plan des rapports de complémentarité les plus périphériques , ceux de l’amitié , tandis que les statuts de père des enfants , d’époux de la veuve déshéritée des biens ;mais les rôles familiaux du mort, ne seront transférés que progressivement et cela jusqu’aux dernières funérailles , ie celles du ko-daan-maar dont nous parlerons plus tard.
Mais pour le moment, les enfants, nous assisterons ensemble aux rites de la tombe et de l’enterrement du défunt .

t.Les rites de la tombe et de la fin des premières funérailles.

Dans la tradition Dagara,en principe, chaque mort a droit à une nouvelle tombe creusée expressément pour lui. Mais il peut arriver qu’en cas d’hostilités autrefois, et aujourd’hui surtout d’épidémies, on doive recourir à une vieille tombe ( bow- sebla).Dans ce cas , un « bow-sèbla-sob » ( fossoyeur détenteur de médicament de la tombe) en ouvre une, laisse échapper les gaz, y descend, range les vieux ossements et y dépose le nouveau cadavre.
Par vœu personnel, on peut obtenir d’être enterré dans la tombe d’un défunt parent intime , mort longtemps auparavant. Mais de telles demandes sont plutôt rares .
Pour un clan en deuil, les fossoyeurs se récrutent dans le groupe des services réciproques de funérailles, ie les kiè- ku-taa-dem. Ce terme désigne , comme nous avons eu à le dire déjà , deux clans alliés pour les services funéraires. Ils sont généralement issus d’une même souche, à moins qu’ils ne soient simplement voisins et amis dans le village.
Les « kiè-ku-taa-dem » se chargent du mort dès la petite exposition dont nous avons déjà parlé .Ils montent le paala pour la grande exposition, procèdent au creusage de la tombe , descendent le corps du paala, le transportent jusqu’à la tombe,puis descendent le corps dans la fosse pour l’enterrement.
Etant donné le pouvoir mystique de la tombe lié à celui du mort, le rôle du fossoyeur nécessite une préparation spéciale. Sans cette précaution , le fossoyeur s’expose comme tous les non initiés fréquentant les voisinages des tombes , à être « attrapé , saisi (nyo) par le ( bow)(tombe)sous forme de maladie de bow-nyofu appelée le bow-baalu( maladie de la tombe) se manifestant par des enflements et des plaies purulentes sur tout le corps .
Pour l’initiation des nouveaux fossoyeurs, jadis, pour les creuseurs de tombes , on laissait de la viande dans les mains d’un mort durant toute l’exposition , puis celle-ci était récupérée et préparée pour le candidat. Comme plat d’accompagnement , on y ajoutait du saab = pâte de mil préparée avec une décoction de feuilles rémuée à l’aide d’un os humain. De même , après l’enterrement, les nouveaux fossoyeurs devaient prendre un bain fait de décoction de feuilles et de racines d’une plante donnée.
Les malades atteints de bow-baalu prenaient une médication semblable à celle des jeunes fossoyeurs .
De nos jours, on se contente couramment de leur appliquer des cendres provenant des éclats d’un vieux manche de pic ayant servi au forage des tombes et pétries dans du beurre de karité ,puis ils se baignent à la manière des nouveaux fossoyeurs après l’inhumation du cadavre. Cette initiation des candidats est conduit par un bow-sebla-sob ou détenteur du médicament (tii) de la tombe qui,faut-il le rappeler, est doté d’un esprit et d’un pouvoir de possession : il agit contre les profanes qui s’ approchent des tombes sans précaution.

Les rites de détermination de l’emplacement de la tombe
Le lieu habituel de l’enterrement, c’est le cimetière dans le voisinage du laï ie, la cour publique des funérailles du patrilignage quoique,de nos jours, les cimetières aient perdu leur caractère de domaine du patrilignage au profit d’une fonctionalité élargie parfois à toute une partie des maisons proches du laï.
Traditionnellement un enfant décédé avant le sévrage ne pouvait être enterré au cimetière, mais à un carrefour de sentiers , sur le chemin menant au village du groupe patrilinéaire de sa mère. Le lien intime de l’enfant à sa mère fait de lui un être ambivalent se situant au carrefour des lignages paternel et maternel.
Son inhumation au carrefour l’invite à s’en aller , puisqu’il n’a pas voulu demeurer parmi ses parents.
Quant à l’esclave mort , il était jadis, enterré dans le lit ou aux abords d’un cours d’eau de manière à être dispersé dans les eaux de pluies.
En cas de sécheresse, ses os étaient exhumés en guise de réparation à Tigan et emportés par les premières pluies qui purifiaient ainsi la terre et lui permettaient d’être féconde .
Pour ce qui concerne le cadavre de malfaiteur, il était enterré en brousse dans une fosse peu profonde, à dessein, pour être facilement déterré et vite dévoré par les bêtes sauvages telles les hyènes.
Les décès survenus par suite de maladies contagieuses comme le charbon ou la lèpre,les plaies purulentes , et autres maladies épidémiques donnaient lieu à une inhumation dans un buisson et les tombes étaient bourrées d’herbes et de plantes sauvages.
Tout grand -parent ,rassasié d’ans, devenu un ancien , ayant une nombreuse descendance, de nombreux petits-enfants,est le plus souvent enterré, même de nos jours,dans sa cour intérieure ( davura) ou à la devanture ( dii –dori) de la maison familiale.Et il est loisible aux gens de la maison de s’asseoir ou de se coucher sur sa tombe .
Sont exclus de cet honneur tous décédés de mal mort ou ayant à titre ou à un autre traîné toute leur vie un handicap physique , psychologique ou moral.Ils n’ont donc pas pu ou su accomplir d’une façon satisfaisante leur vie d’homme ou de femme .Ce sont notamment toutes ces personnes frappées d’incapacité sociale,le plus souvent n’ayant ni femmes ni enfants , faisant l’objet d’un mépris total dans le milieu car ils n’ont été d’aucune utilité dans la société .
Les pauvres handicapés, méritent-ils un tel traitement , les enfants ?
Bien sûr que non . C’est plutôt triste .

Maintenant, nous allons suivre , les enfants, les rites de détermination du lieu de l’orifice de la tombe.

2).Rites de détermination de l’orifice de la tombe.
La famille en deuil remet aux fossoyeurs les instruments nécessaires au creusage de la tombe :pics, dabas, pioches ,pelle,etc… Elle leur donne également un poulet, un couteau, de la cendre et une calebasse neuve dont le fond n’a pas été encore gratté et nettoyé ( mwaan-tuo), ie la calebasse amère.Le chef des fossoyeurs (bow-tuu-kara) prend la calebasse , la renverse à l’emplacement précis de la tombe et en marque le pourtour à la cendre, puis prenant le couteau, cogne sur le dos de la calebasse en invoquant Tigan , la puissance de la terre :« Je te frappe au nom de Tigan . Ce n’est pas du mal que je veux, c’est un homme qui est mort et dont je veux cacher la pourriture. Que Tigan accepte ce poulet et accorde , que, lorsque l’on creusera la fosse, on ne tombe pas sur de la pierre afin de réussir à cacher le cadavre . »
Il tue ensuite le poulet, en arrose le sang la calebasse et le pourtour ,ôte ensuite la calebasse .Alors tous les fossoyeurs attrapent ensemble la pioche, la balancent par trois fois, la plantent au sol. , enfin la remettent à l’un des leurs pour le creusage .
L’ouverture d’un nouveau cimetière nécessite l’intervention du tigan-sob ( chef de terre).Une dette ou plutôt une amende est alors fixée aux intéressés autour de 1000 cauris et un poulet. L’amende payée ,le tigan-sob se présente au lieu indiqué, procède au rite de détermination de la tombe,donne ensuite les trois premiers coups de pioche ,et autorise les fossoyeurs à poursuivre le forage

Grand-père , comment se présente une tombe traditionnelle chez toi en pays Dagara ?

3).Topographie de la tombe Dagara.

L’emplacement et la forme de la tombe reflète le statut social du mort. :
Trois cas :
•L’enfant non encore sevré, ie non encore âgé de trois ans ;
-•Une personne aliénée,un esclave, un malade contagieux,un malfaiteur, bref tout individu exclu de la communauté par sanction sociale,morale ou mystique ;
-•Une personne ayant eu une existence conforme à la norme des valeurs admises et respectées par la société Dagara..

-Pour l’enfant non sevré :
Une tombe de forme normale, mais peu profonde. L’enterrement pourra se faire par toute personne, sans descente dans la fosse, mais agenouillé au bord .Elle se situe habituellement à côté d’une grande personne ( parent ou aïeul).

-Pour les malades contagieux
On creuse une tombe rectangulaire profonde d’environ 1 mètre ; elle sera bourrée à l’enterrement de feuilles , de plantes sauvages ,par dessus de la terre bien tassée pour éviter que les microbes ne se propagent à l’ extérieur hors de la tombe.

-Pour les malfaiteurs et les esclaves
Ce sera , au contraire une tombe très superficielle pour permettre une exhumation très facile soit par les bêtes sauvages ( malfaiteurs enterrés en brousse) soit dispersés par les premières pluies pour les cadavres des esclaves.
S’agissant des aliénés ,des malfaiteurs, des esclaves, la conception Dagara les estime indignes. Ils ne méritent donc pas l’accueil du dieu Tigan en son sein dans les entrailles profondes de la terre.

-La tombe des personnes « normales »
Ils ont vécu selon la norme.Leur tombe est en moyenne de 1,5 mètre de profondeur. La terre éjectée durant le creusage est entassée sous forme de tumulus par dessus la pierre tombale ou le canari, pour les femmes, bouchant l’ouverture de la tombe.
L’intérieur de la tombe présente une surrélévation latérale où se tient le fossoyeur chargé de recevoir le corps dans la tombe et une excavation où celui-ci sera délicatement couché .
De nos jours , avec l’habitude de plus en plus répandue d’enterrer en cercueil, la forme de la tombe devient rectangulaire avec une excavation plus profonde pour y loger le cercueil.

-Pour les personnes exceptionnellement honorables :
La tombe est identique sauf que l’excavation se perd sur le côté donnant lieu à une fausse tombe dans le prolongement vertical du creusage.
Dans un premier cas, le cercueil est protégé par une dalle ou une charpente de bois avant le remblaiement final.Dans le deuxième cas, il l’est généralement par des briques posées verticalement et scellées par un mortier obstruant la fosse tombale.
La tombe est protégée contre tout « siè »( toute âme) malveillant.
Aussi lorsque le creusage est entamé, le chef des fossoyeurs plante-t-il une paille blanche à proximité et s’asseoit en face à l’orifice pour la surveiller. Toute tête s’en approchant est vivement écartée , car son âme, enfermée dans la tombe ne pourrait en sortir et causerait un autre décès.
Quand le creusage de la tombe est achevé ,son ouverture est souvent barrée par une tige d’herbe blanche. En ville on trouve à la place de la paille la barre à mine ou la corde apportée pour la descente du cercueil au tombeau.C’est sans doute dans le même souci de protection de la fosse.
Dans certaines régions Dagara, les vêtements du mort sont déchirés sur les côtés ( c’est l’endroit des poches) au moment de la descente du corps dans la fosse .
Mais d’une façon générale la tenue du mort ne comporte aucune poche .De la sorte on est assuré que le mort n’emportera personne avec lui dans l’au-delà !
Autrefois, l’exposition du corps durait six jours , ie l’espace de temps d’un marché à l’autre.Le cadavre se trouvait souvent dans un état de décomposition avancée.
Aussi était-on obligé de situer le cimetière le plus proche possible du laï , lieu public d’exposition du défunt.
Aujourd’hui la durée d exposition est souvent réduite à deux jours !
La tombe apprêtée,le groupe des services réciproques conviait les parents du mort pour constater sa conformité .
Dans le passé, au bout des six jours réglémentaires d’exposition ,le chef des fossoyeurs,responsable de l’enterrement, exorcisait la tombe afin que les mauvais esprits ne gênent pas l’opération .Il invoquait ensuite le Tigan comme nous l’avons déjà signalé. A cet effet ,il prenait le bois d’un arc et une tige d’herbe , symboles masculins, remplacés par une calebasse dans le cas d’une femme , et fendant l’air par dessus l’ouverture de la tombe, il disait une première fois :« zown -bow .» , « fosse d’aveugle . », puis une deuxième fois « kown –bow .»( fosse de lépreux .) ; et une troisième fois « on veut seulement cacher et rien d’autre » . enfin à l’aide du couteau remis au paravant par la famille du défunt , il fend les vêtements du mort :culotte et boubou avant la présentation du corps à l’ouverture de la tombe .
Le chef –fossoyeur ou un néophyte à initier s’assied sur le bord de la fosse, puis se laisse glisser dans la tombe en levant les bras en l’air et une fois à l’intérieur, se blottit contre la paroi latérale en se tenant sur l’élevation ( par rapport à l’excavation). Suit le cadavre , présenté par les jambes.Dès que sa taille peut être saisie, le receveur l’empoigne, assied le corps et le couche dans l’excavation de la fosse , la tête reposant sur la main droite et la face tournée vers le soleil levant ( est) pour un homme ; pour une femme , la tête est appuyée sur la main gauche et la face tournée vers l’ouest , vers le soleil couchant ie la même disposition que dans le hangar d’exposition .L’explication de ces dispositions a été déjà donnée lors de la description et de l’orientation, de la fenêtre du hangar !
Une fois la besogne funéraire achevée , le fossoyeur chargé de l’enterrement ( bow-ouné) réapparaît et s’assied sur le rebord de la tombe.
Le maître –fossoyeur ( bow-sèbla-sob) prend alors les cendres ( provenant de l’incinération de la natte où a été déposé le corps avant sa descente dans la tombe) , les mélange par trois fois de terre rouge extraite du creusage de la tombe , en fait de la boue et en frotte le corps du fossoyeur.
Ce n’est ensuite qu’il est alors autorisé à quitter la tombe .Ce rite , comme on peut s’en douter est destiné à préserver le fossoyeur sorti de la fosse de l’esprit du mort et de celui de la tombe .
Par la suite, les fossoyeurs , par trois fois, feignent de rouler la pierre tombale sur l’orifice de la fosse avant d’accomplir le geste .
Ce sera le tour du colmatage des ouvertures restantes :
Prenant alors des deux mains du mortier fabriqué avec le déblai de la tombe, les fossoyeurs se le passent de mains en mains , simulent par trois fois de le jeter sur la pierre ou sur le canari pour une femme , puis enfin le laissent tomber dessus, scellent hermétiquement la fermeture et la recouvrent de terre provenant du creusage de la tombe.Une fois le tumulus réalisé, le fossoyeur ayant exécuté l’enterrement ( bow-ouné) monte dessus, se fait verser trois fois de l’eau sur la tête, puis va prendre un bain à grande eau au marigot voisin.
Les femmes du lignage en deuil et les proches parentes du défunt feront le lendemain ou le surlendemain le damage du tombeau avec du gravillon arrosé de matière gluante.C’est le rite du yaa-pam ( damage de la tombe ).
Le tumulus est ensuite enduit de bouse de vache de manière à présenter plus de résistance.Par la forme du tombeau, on constate que la tradition Dagara préserve le mort du contact direct avec la terre à moins qu’il ne mérite pas les honneurs et un enterrement normal.
Toutefois , le tombeau est amené bien vite à s’écrouler , à devenir un yaa-kpol( tombe effrondrée) si personne ne l’entretient régulièrement .
Alors s’effectue concrètement la fusion du mort avec Tigan , la divinité-Terre.
De nos jours , on bâtit ou on cimente les tombes même celles déjà éboulées et bouchées , pour peu qu’on puisse en retrouver les emplacements .C’est une œuvre de prestige , mais aussi de préservation pour la postérité.Seulement l’opération coûte une fortune et ce d’autant plus que la coutume Dagara exige que la tombe d’un parent ne puisse être aménagée sans que celles des aînées ne l’aient été au préalable. Autrement ces derniers deviendraient jaloux et la dévotion envers l’ancêtre, au lieu de produire des effets bénéfiques , entraînerait l’effet inverse !
Ainsi grand-père n’est pas autorisé à renover la tombe de son père, Pépé Simon mort depuis 1949 !
Personne d’ailleurs, après plus de 66 ans après son enterement ne se souvient aujourd’hui de l’endroit exact de sa tombe dans le cimétière familial !
Il ne lui est pas permis non plus de refaire la tombe de sa mère mémé Julia morte en 1999 quelques cinquante ans plus tard
Les tombes de ceux et celles qui sont morts avant elle ne sont pas toutes encore faites .
Et gare à vous si vous transgressez cette coutume !
Il vous en coûtera très cher, peut être même votre vie comme le montre le sort réservé à Roger et Félix du moins selon l’intrprétention que l’on en fait au village !
Kusiélé Somé Flazié Félix et Kusiélé Roger le maçon de Béné ont eu à payer le prix le plus fort, ie leur vie , l’un pour avoir ordonné le dallage de la tombe de sa maman et l’autre pour avoir exécuté l’ordre et ce malgré les avertissements réitérés des anciens du village.
Que pensez-vous qu’il leur soit arrivé, les enfants ?
Ils sont tous deux morts dans l’intervalle de deux à trois jours :
Félix est mort le premier par accident de circulation à Ouaga !
Quant à Roger,il l’a suivi deux à trois jours plus tard de mort subite chez lui à Béné .
Félix rentrait dans la tombe lorsque des messagers sont venus aux funérailles annoncer le décès subite de Roger qui, pourtant n’était pas malade !
Ces « morts mystérieuses » sont destinées à dissuader les récalcitrants et les inciter au strict respect de la loi et voix des anciens .qui se débrouillent d’une façon ou d’une autre pour punir les têtes fortes qui leur désobéissent et dissuader d’autres d’emboîter leur pas !
C’est ainsi, les enfants,que se perpétuent les coutumes Dagara : Par la peur et la terreur , je vous le dis !
Ce n’est donc pas la peine de s’opposer à eux !
Aussi votre grand-père s’est bien gardé d’outrepasser la loi des anciens. Et les tombes des deux lignages côté paternel et maternel n’ont été faites .Les parents attendront tout le temps qu’il faudra à grand-père pour rassembler l’argent nécessaire au dallage de toutes les tombes .
Vous , les petits-fils et arrière petits-fils, vous le ferez, peut-être ,vous , un jour si votre grand-père n’a pu le faire avant de s’en aller rejoindre les ancêtres !
Descendront alors sur vous les bénédictions de tous vos aïeux et vos affaires prospéront sur terre comme au ciel . C’est en tout cas ce que laisse entendre la coutume des anciens!
A bon entendeur salut, donc !
Dans l’attente de ce jour où accomplirez ce geste sacré chargé des bénédictions et des bienfaits de vos ancêtres, voyons ensemble, les enfants, si vous voulez bien, les principaux rites et rituels à accomplir après les premières funérailles.
u. Rites et rituels de dispersion des premières funérailles :

•les enterrements symboliques
•la protection du conjoint et des enfants.

Après l’inhumation du défunt , on aurait pu penser que l’intensité des rituels funéraires diminuerait .
C’est tout le contraire auquel nous allons assister, les enfants :
La tradition Dagara n’abandonne jamais ses défunts, une fois enterrés. Elle les accompagne juqu’au pays des ancêtres et lorsqu’ils y sont, elle ne les lâche plus . Au contraire elle leur bâtit des sanctuaires et des autels pour les vénérer génération après génération !
C’est la clé de la réussite et du bonheur sur terre et dans l’au-delà nous affirme la tradition Dagara !
insi que ceux qui vivent encore sur terre obtiennent par la médiation de ceux qui sont morts et deviennent des ancêtres vénérés les bienfaits accordés de par les dieux aux vivants ! En effet le simple mortel ne peut, sur cette terre des vivants, s’adresser directement à Dieu qui ne s’intéresse pas à eux tant qu’ils n’ont pas atteint le séjour bienheureux des ancêtres.
C’est ce processus d’ancestralisation que nous allons suivre à présent pas à pas , les enfants, depuis les cérémonies du ko-wèl ou dispersion des funérailles jusqu’à celles du ko- daan-maar consacrant l’entrée du défunt aux portes du pays des ancêtres où , enfin purifié, sanctifié, il pénétrera dans la gloire du pays des ancêtres pour jouir d’un repos éternel , devenir à son tour un ancêtre vénéré et comblant de ses bienfaits les siens restés sur terre pourvu que ceux-ci l’honorent, le vénèrent et le prient par des sacrifices sanglants fréquents !
Donc après l’enterrement, le foisonnement des rites devient encore plus intense.
• car Il s’agit plus que jamais de protéger les parents contre l’esprit du mort en brisant les anciens liens d’intimité.
•Ensuite il faut les réintégrer progressivement à la communauté des vivants en procédant à la rédistribution des rôles et des fonctions sociales suite au départ du défunt, notamment de procéder à la prise en charge des veuves et des orphelins .
•Il faut faciliter ,enfin , l’accès du mort au séjour des ancêtres ( kpimè-tèeng) et au statut d’ancêtre vénéré.

Votre grand-père ne pourra malheureusement pas suivre avec vous tous les chemins tortueux dans les détails des rites et rituels complexes d’autrefois de l’après enterrement .
Beaucoup sont aujourd’hui d’ailleurs tombés sous les coups de boutoir de la christianisation , de l’islam, de la scolarisation et de l’évolution du pays Dagara.
Désuets,ils ont perdu de leur solennité par suite du récul de la pensée animiste et des progrès des idées nouvelles sous les effets conjugués de l’école, des religions importées et de l’acculturation.
Leur observation à l’état pur aujourd’hui s’avère plus difficile que par le passé .
Passons quant même rapidement en revue les principaux rites et rituels du parcours qui mène jusqu’au bienheureux séjour de nos valeureux et vénérables ancêtres Kusiélé et autres :
1). Le rite de purification des objets de l’exposition du défunt.
.
Grand-père vous a déjà décrit la purification des balafons.
Vous savez donc que ce nettoyage symbolique n’est pas assimilé seulement à une remise au propre des balafons après une semaine de cérémonies ouvertes aux vents et aux poussières des danses .Mais il faut avant tout y voir une opération de « dépossession » , donc de séparation ou encore de désengagement d’avec le mort, qui libère les parents de l’emprise mystique du défunt .
De la sorte , les propriétaires des balafons pourront entrer de nouveau en possession de leurs biens pendant que les trophées et autres meubles du defunt ou de la famille rejoindront leur gîte familial.

Les objets donnés proprement au défunt, sont détruits : canaris, calebasses, poteries,etc.Il en sera de même du carquois bourré de tiges de paille avec cependant deux flèches et aussi l’arc, les deux signes de masculinité suspendus d’abord dehors au mur de la maison pendant la petite exposition du défunt, puis ensuite au paala au cours de la grande exposition sur la place publique ou laï.Ils seront tous détruits après l’installation du bois ancestral le kpiin-daa marquant la fin de toutes les cérémonies funéraires avec l’entrée solennelle du mort au kpimè-tèeng, ie au pays des ancêtres.

Annalysons maintenant les symboles d’enterrement du mort après l’inhumation.
Ces symboliques signifient en somme la reconnaissance et l’assomption par les groupes concernés de la mort de leur parent.
Elles s’expriment notamment par la consommation d’un bœuf : le ko-wèl-naab.

1).Qu’est-ce que le ko-wel-naab ?

Le ko-wèl-naab ou « vache de dispersion des funérailles » :
Trois groupes y participent :
.Le groupe patrilinéaire : l’enterrement symbolique opéré par ce groupe est concrétisé par la consommation du « ko-wèl-naab ».Il regroupe dans le clan en deuil les parents matrilinéaires les « bèl—taa-bè » du mort, ie « ceux portant le même nom matrilinéaire que le mort » auquels s’associent les autres matriclans (bèlu) en tant que groupes des « pères », des « fils » ou des parents à plaisanterie.
Mais à l’origine tout bèlu , ie tout parent de matriclan au bèlu du mort quel que soit son clan pouvait participer au partage du ko-wèl-naab.
Aujourd’hui cette participation est uniquement réservée aux bèl- taa-bè du clan patrilinéaire.
Cela vous montre une fois de plus, les enfants,l’importance du patrilinéat dans le groupe Dagara .
Tant que les symboles masculins , l’arc et le carquois sont encore suspendus au mur lorsqu’il s’agit d’un défunt homme, ceux qui n’ont pu participer aux premières-funérailles effectuent en arrivant à la maison en deuil le salut funéraire au mort avec les « pleurs rituels » et jet d’argent avec en plus le versément du « ko-lizer », ie les « vingt cauris des funérailles » représentant la participation à la contribution aux frais des funérailles.

2).Le groupe patrilinéaire de la femme défunte.

Dans ce cas, le rite se joue autour du « vaa-da-naab » ou « vache de la vente », de la vidange du grenier à mil à la fin des recoltes .qui , grand-père vous l’a déjà expliqué, est l’animal offert à l’occasion des funérailles aux parents de la femme par le clan du mari , clan en deuil. Ce rite concrétise l’apport de la défunte à la fortune du groupe de son mari ainsi que les bonnes relations d’alliance entre les deux clans alliés.
On pourrait ici faire le rapprochement entre le vaa-da-naab et le dakiè- naab ( vache du gendre) ou le dakura-naab ( vache de gardiennage du troupeau offert par le frère de la mère au neveu décédé en récompense de ses bons et loyaux services envers l’oncle donateur).Dans les deux cas , l’animal offert est partagé entre les deux clans alliés.
Le dakiè-naab donne aussi l’occasion de matérialiser la double appartenance de l’épouse au clan de son mari et à celui de ses parents.
Le groupe des alliés en services funéraires reçoit le kukur-naab ou « vache du manche de daba ».
Sous cette symbolique , le fait de la mort est reconnu et assimilé par les voisins et amis, ie les « kiè-ku-taa-dem » comme votre grand-pèe vous l’a expliqué.
Sans être des parents, ce groupe collabore, comme vous l’avez appris, avec le clan en deuil , et avec lui , représente le cercle idéal des hommes formant une gigantesque communauté dont les membres sont tous solidaires et appelés à s’entraider.

3).Le rite du « toong »
toong) en Dagara signifie =allonger, prolonger, continuer, perpétuer)

C’est la perpétuation, la prolongation, la continuation du droit d’alimentation.
Après l’enterrement d’un père, tous les fils du clan censés nourris par le mort de son vivant, sont soumis à un repas dénommé en Dagara « toong »,habituellement préparé avec les boyaux du ko-wèl-naab ou à défaut de tout animal abattu à l’occasion des funérailles. A la sauce cuisinée sans assaisonnement , on adjoint le plat traditionnel
Dagara qu’est le saab fait surtout de pâte de mil, de sorgho ou de maïs. Ce repas est servi à chaque convive dans les deux mains et porté directement à la bouche .
Au décès d’une femme, la sauce du toong est préparée toujours sans assaisonnement mais avec des feuilles- légumes et non de la viande pour marquer le rôle spécifique de la mère nourricière en légumes plutôt qu’en viande, rôle revenant plutôt à l’homme.
Le rite du toong revêt plusieurs significations principales .
•D’abord il s’agit d’assurer aux personnes dépendantes la sauvegarde de l’avenir de leur pitance quotidienne . C’est donc une confirmation à leur endroit du droit d’alimentation .
•Mais par un autre côté , ce rite réitère comme le feront bien d’autres , l’épreuve du face à face avec le mort.
•Par cette épreuve en effet les enfants et les veuves absorbent leur père ou mari défunt, matérialisé par la viande, témoignant par cette union qu’ils ne sont pas coupables de la mort de ce dernier .Mais de ce fait ,ce repas communiel a une valeur cathartique, par la liquidation qu’il occasionne du sentiment de culpabilité sous-jacent.Il conforte les parents intimes du mort qu’ils ne sont pou rien dans la mort de leur parent, puisque l’ayant consommé,ils ne sont pas morts.
Enfin , le toong est une consécration de la commensalité perpétuelle avec le père.
Sur le plan horizontal ou social , la tutelle de père sera assumée par le « père » désigné ultérieurement au cours des célébrations funéraires.
Sur le plan vertical, les rapports père-fils seront maintenus à travers la vénération du kpiin-daa du défunt devenu ancêtre bienfaiteur.
Mais pour en venir à une commensalité heureuse , il faudra que mort et vivants aient chacun fait ses preuves. Cela va nécessiter des sacrifices jusqu’aux dernières funérailles du ko-daan- maar.
Mais voyons d’abord , les enfants, la symbolique du« badigeonnage à l’argile »désigné sous le terme Dagara de « yaw-guoru » dans le cadre des rites funéraires.
5).Qu’est-ce le rite du « yaw-guoru » ou du « badigeonnage à l’argile. » ?

Comment se déroule-t-il ?

Au matin du jour consécutif à la troisième nuit après l’enterrement , a lieu le rite du badigeonnage à l’argile , le yaw-guoru ( yawra= l’argile et guoru =le badigeonnage de guor , le badigeon ).
En attendant l’évènement,les concernés passent les trois nuits devant la porte d’entrée de la maison ou dans la cour intérieure, le davura : les veuves ou le veuf , les enfants , enfin les amis très intimes du mort. Les amis et parentes des veuves , y comprises celles ( ko—turé ) qui ont tenu leur laisse ,ie la corde de deuil durant toute l’exposition.
Au petit jour, les pleurs éclatent comme à l’avènement du décès mettant fin à cette séquence.
On exécute ensuite les tatouages sur les conjoints après les avoir baignés et leur avoir rasé la tête.
Pour un homme, la cérémonie est conduite par de vieilles « saan-maa-minè » ou « mères paternelles » les « puré -minè »(tantes paternelles) ayant passé la ménopause et étant de ce fait devenues des titulaires à part entière du « yir », pour avoir accompli la distance les séparant de l’homme.
Pour une femme, elle est menée par ses « sœurs »( pow-yaa-bè) et des tantes paternelles (saan -ma-minè).
Le bain et la toilette de la veuve ont lieu derrière la maison , sous une gouttière, lieu d’écoulement des eaux sales de l’homme où s’effectue l’évacuation des urines et des eaux de toilette nocturnes. Dans les deux cas , on retrouve donc le symbolisme d’une purification de soi de la « saleté » (dewr » contaminée .
Ensuite la femme se contentera de porter des fibres (biguè) aux hanches au lieu et place de ses ceinturettes en cuir tanné et rougi aux écorces de plantes ou noirci dans la vase de marigot.Au cas échéant , elle conservera, par dessus, le vieux pagne ayant servi durant la phase de l’exposition aux premières funérailles.
Quant à l’homme , il arbore à l’issue des cérémonies de yaw-guoru un cache –sexe, une peau d’ovin ou de caprin ,tannée,en bandoulière et use d’un bâton ( daa-bol) lui servant appui pour marcher .
Le conjoint et les enfants ont le cou cerclé d’une ficelle .
Le bâton sert de présentification perpétuelle du disparu.
La ficelle au cou maintient l’âme ou « siè » du vivant tenté de suivre le mort.
Votre grand-père n’a subi aucun de ces rituels ni à la mort de son père, pépé Simon ni à celle de de mémé Julia .
Est-ce l’influence de la religion chrétienne ?
En zones christianisées, subsistent pourtant encore le rite du « yaw-guoru », le rasage de la tête ( zun-foru) et quelques fois le port de la ficelle .
Il semble ,d’après les nouvelles que votre grand-père a reçues à la suite du décès de son beau-frère Ananie, que sa sœur Sidonie a bel et bien effectué le rite du « yaw-guoru » après la mort de son mari .
Les femmes reçoivent davantage de badigeonnage que les hommes .Il est efectué par devant, à la face, sur les pectoraux et pour les femmes sur les cuisses et par derrière , sous les épaules , le long de la colonne vertébrale et aux mollets.
Par ses significations , le rite du badigeonnage à l’argile paraît très complexe
•Il inaugure la série des grands rites post-mortem de la séparation du mort de ses parents toujours vivants :
•l’interaction de ces derniers et la société sous le statut de personnes impuissantes, anéanties ;
•mais aussi la renaissance ,
•la matérialisation ,
•la présence du mort à travers ses biens et ses parents intimes, conjoints,enfants ami(e)s
•En effet l’argile (yawra), extraite du Tigan, (divinité-Terre) a de par sa couleur blanchâtre et son origine divine , des vertus particulières . Elle possède la qualité dissolvante, purificatrice et protectrice de la cendre.
•L’impuissance des personnes ayant subi le badigeannage transparaît dans le fait qu’elles redeviennent des enfants ramenées à la quasi-nudité .
•D’autre part, tous les endroits de leur force sur leur corps sont en quelque sorte neutralisés par le blanchissage du cou, du thorax, de l’échine, des mollets et des cuisses .
•La présence du mort se traduit,elle précisement , par tout ce qui est fait en vue de son éloignement , donc de façon négative :
•Il y a donc lieu de parler d’une ambivalence du rite de badigeonnage car, en même temps qu’il tente de séparer du mort ses parents vivants et d’intégrer ceux-ci à la communauté en tant que personnes impuissantes, virtuelles,
il ya association de ces mêmes parents au mort en les mettant à part de la société par le blanchissage , en les désignant comme « gens de mort », unis au mort jusqu’à la purification et au renouveau des dernières funérailles.
•Enfin, par un autre côté, le blanchissage comme la participation aux funérailles et le rite du « toong » et bien d’autres, constituent une épreuve–test car s’unir au mort alors qu’on est responsable de sa mort, c’est à coup sûr s’attirer sa vengeance .

En conclusion , après l’enterrement physique , il y a comme une intégration du défunt et une acceptation de sa mort par les parents en deuil devant toute la communauté.
Mais déjà s’annonce la grande séparation conduisant le mort au séjour des ancêtres et les vivants à retrouver leur place dans la société des vivants.
Cela supposera que des rapports nouveaux soient créés entre les parents en deuil et la société d’une part et le mort de l’autre.De ce fait , ces derniers par lesquels la mort est entrée dans la société, constituent en quelque sorte le maillon d’une logique nouvelle à générer par la vie aux dépens de la mort .
Cela va nécessiter de nouveaux rites , ie une médiation de l’en-deçà et de l’au-delà dans un enjeu de valeurs et d’actions
Ce sont ces nouveaux rites, les enfants, que nous allons ensemble passez en revue maintenant :

v.Les grands rites conduisant à la vie nouvelle ou renouvelée :

•le « bao- buur-daan »,
•le « ko-daan-tuo »
•le « ko-daan- maar. »

1).Qu’est-ce le bao-buur-daan ?

La recherche rituelle des causes de la mort.

Il sera question ici :
•de recherche des causes de la mort pour le traitement du corps après le décès,
•de l’organisation ou de la prohibition des funérailles voire même de la participation aux cérémonies .
•L’interdiction ou au contraire l’accomplissement des grands rites consécutifs à l’enterrement et aux funérailles postérieures dépendent aussi des causes de la mort.
C’est pourquoi dans un premier temps, avant d’inaugurer les premières funérailles ou avant de s’y rendre,par exemple, on se contente d’avoir l’approbation des ancêtres par l’ immolation d’un poulet qui doit expirer sur le dos .
Mais dans une deuxième phase, il s’agira de découvrir les causes de la mort , par référence bien entendue aux plans socio-moraux et aux relations mystiques .
En fait , la recherche des causes de la mort ne commence pas seulement au bao-buur-daan. mais dès les premières funérailles,par exemple, d’un bao-buurè ( devin), où ses compagnons en guise de « zanu », ie en commémoration , exécutent une séquence de divination au pied du paala ( hangar mortuaire) à la recherche de la cause réelle de sa mort .
Par ailleurs le rituel du « sèon-tuofu » ie « port de natte », vous en souvenez-vous, les enfants à l’encontre des sorciers ?, s’inscrit comme une occasion privilégiée de dépister le cas de mort par sortilège d’un ennemi personnel .
A cette épreuve, se joint le test de boisson additionnée de terre où le Tigan même se charge dans ce cas de faire la lumière sur la part d’innoncence ou de culpabilité et tous les cas de comportements anormaux à l’occasion des funérailles.
De même au décès d’un fils, après l’enterrement , la mère et le père sont conduits, chacun de côté par des amis, du moins si cela ne représente aucune gêne ou désordre au foyer abandonné Ils seront ensuite accompagnés à leur domicile après deux nuits .Mais au paravant leurs hôtes les auront conduits chez un devin . Ils sauront à l’issu de la consultation la cause du décès de leur enfant avant leur retour au foyer conjugal.
Une fois chez lui, le parent en deuil s’emploiera à vérifier la première divination en consultant un deuxième , voire un troisième devin surtout en cas de contradictions dans les diagnostics .
Tous les cas de mauvaises morts,vous vous en souvenez,les enfants, obligent également au recours du rituel solennel du « bao-buur », ie de la consultation divinatoire rassemblant les parents paternels et maternels du mort ainsi que les alliés en services réciproques funéraires comme aux premiers moments du décès .

-Le rite du bao-buuru se déroule en deux temps :

Dans un premier temps , il s’agit d’une véritable enquête sur les causes de la mort. Il est à rappeler qu’au décès d’un conjoint , son partenaire attend au domicile le badigeonnag à l’argile .
Mais s’il s’agit de la mort d’un enfant en bas âge, seule la mère est emmenée après l’enterrement chez ses parents .
Par ailleurs comme représentants aux consultations divinatoires, on choisit en général des personnes extérieures au lignage afin d’éviter , de la part des devins, des sentences complaisantes .

-Le bao-buur- daa-gol ou divination à la canne( daa-gol= canne à crochet)

Ce premier type de divination, comme nous l’avons déjà vu, les enfants,est pratiqué par le détenteur de kontonmè ou fétiche de Tigan modelés avec de la terre provenant d’une termitière appelée konton- tan- bir,ie « termétière du kontom ». Il n’exige essentiellement que 5 à 10 cauris selon l’origine des kontonmè destinés à apaiser ces derniers et à obtenir leur inspiration .
Un poulet est à immoler avant la consultation pour s’attirer protection et grâce auprès des divinités ; une clochette ou castagnette pour invoquer les esprits et dompter l’environnement ; un sac en peau tannée appelé en Dagara wuo contenant les éléments de divination . Après l’immolation du poulet , le devin invoque au son de la clochette, Mwin ( le dieu de la divination et Tigan auxquels, il associe les ancêtres et sollicite leur aide pour le succès de l’opération( baor kabru).
Cette séance dure environ 15 à 20 minutes.
Le devin invite ensuite le client à saisir le crochet de la canne pendant que lui-même en tient la queue. A chacune de ses interrogations , la canne mue par un esprit, se soulève , se promène au-dessus des objets épars de la divination, résiste ou au contraire s’abat plus ou moins vigoureusement sur l’un des objets répandus au sol .
C’est merveilleux ,non ? les enfants ? Allez essayer .
L’indication de plusieurs éléments successivement crée des associations signifiantes que le devin se charge de traduire à son client .
La vigueur de la frappe témoigne du degré de véracité ou du caractère impératif de l’indication .
C’est génial . non ? les enfants ?
Le devin pourra ainsi interroger les saan-kpiimè ( esprits des ancêtres paternels) , ceux des maa-kpiimè ( esprits des grands-mères), le wiè ou brousse,etc.
Il y a aussi le « bao- kiur » ou « trousse de divination » dont nous avons déjà parler, vous en souvenez-vous ?

Une fois la cause de la mort découverte, il reste à remercier les esprits et les on fait ensuite ripaille :On boit et on mange tant et plus :La séance de divination a été bonne .Elle a révélé les vraies causes de la mort du défunt et a disculpé les parents .Ouf . ça se fête par le bao-buu-daan qui va couler maintenant à flots .
Une première fois , la bière de mil, apportée dans un petit canari est répandue à terre . C’est la manière de donner à boire à la divinité-Terre et aux autres esprits dont le mort lui-même intégré par l’enterrement dans les entrailles de Tigan.
Mais il peut arriver que la cause de la mort dénonce un cas de kuun-faa , ie mauvaise mort non révélée jusqu’ alors .Dans un tel cas , il est procédé à une réparation de la faute ayant entraînée la mort et menaçant toujours les membres du groupe familial,avant de poursuivre, s’il y a lieu, la célébration des rites funéraires postérieures à l’enterrement .
La bière de mil ( daan) de rémission préparée une semaine après l’enterrement , réunit encore le clan en deuil et les alliés pour le sacrifice de réparation à Saa ,à Tigan, aux kpiimè, aux kontonmè et autres esprits selon la révélation de la divination car dans la mentalité Dagara,comme d’ailleurs dans celle de beaucoup de peuples africains, la mort implique une faute devant être réparée matériellement pour la survie du mort dans l’au-delà et pour le bonheur de ses parents vivant toujours sur terre.
Bien sûr , la cause de la mort n’est jamais , vou vous en doutez, les enfants, d’ordre scientifique .
Elle renvoie toujours à un sorcier, un malfaiteur public, notamment par ses attaques nocturnes des siru »(âmes) des humains.
Mais elle pourrait être tout aussi bien due à la violation d’un interdit social de grande portée cosmologique : inceste, crime de sang, vol, etc… voire des manquements aux volontés des ancêtres ou aux exigences de l’un des nombreuses volontés cosmiques ou des esprits qui peuplent les eaux, les hauteurs, les arbres, la brousse, le ciel et les profondeurs de la terre .
La mort relève toujours, retenez–le bien ,les enfants, d’une causalité mystique à effet magique en dernière analyse, même si , par ailleurs,elle admet des causes matérielles immédiates dites causes secondaires .
La recherche des causes de la mort rvêtent un aspect si important des funérailles Dagara qu’elle se prépare longtemps avant le rite du bao-buur- daan même si c’est à cette dernière occasion qu’elle réalise la mobilisation sociale la plus intense. Seules ses conclusions autorisent ou pas les étapes ultérieures des célébrations funéraires.
C’est aussi l’occasion d’exhiber des faits historiques allant dans le sens d’un jugement du défunt dans l’accomplissement de ses devoirs sociaux et religieux et, à travers lui, tout le clan dans ses relations avec ses voisins , la société.
C’est donc l’occasion d’un retour du lignage en deuil à lui-même, pour faire un examen de conscience sur ses défaillances et sert en même temps de test .
La bière de mil ne saurait être consommée en association avec le mort, les ancêtres, les puissances cosmiques et la divinité, par un membre coupable et impénitent sans produire d’effets à ses dépens .
On a donc intérêt à avouer, confesser (wo) ses fautes spontanément avant que toute cette myriade des forces cosmiques ne s’abattent sur vous . Bing ! bang !
Ce serait un véritable bing-bang .
Aussi dans la pure tradition Dagara, il faut : « Wo kè kpii . bi wo kè baa .» . « confesser et mourir . ou confesser et vivre . ».
L’homme sur terre n’a pas d’autre choix .
Telle peut paraître la conclusion de cette recherche de la cause mystique de la mort d’un être humain dont on sait par expérience qu’il n’est pas immortel !

Interrogeons-nous maintenant, les enfants, si vous voulez bien, sur le rite du ko-daan-tuo pour en démasquer la signification et le symbolisme :
2).Qu’est-ce le rite du « ko-daan- tuo » ?

Le ko- daan-tuo signifie littéralement en Dagara la « bière de mil amère des funérailles ».
En effet dès l’avènement d’une mort dans une famille, un atmosphère spécial y règne :l’atmosphère amère de la mort s’abattant sur le mort, ses proches et leur environnement . Au nom des nombreuses relations liant le défunt à son milieu, de la solidarité l’unissant à ses proches parents, il y a comme un entraînement de tout le « groupe du mort » dans la nouvelle communauté ainsi créée par la mort .
Tout comme le clan entier se trouve contaminé par une faute grave commise par l’un de ses membres ,et de ce fait globalement exposé aux sanctions mystiques, la mort atteint tout le groupe comme une sanction due à une faute commise de toute la collectivité clanique .Aussi la mort d’un parent n’est-elle pas seulement vécue comme une perte d’un individu, mais comme une menace et une annhilation du groupe lignager et même du clan du mort, par expansion,:d’où pleurs ,lamentations et recherche des voies de renaissance au travers des rites .

2).Vous pourriez poser à grand-père cette question :pourquoi tout Dagara arrivé à des funérailles , sans connaître le défunt, se met à « pleurer » ?

D’abord vous savez déjà que ces pleurs ne sont que rituels.Ensuite ,après un moment de surprise, chacun pleure aussi son cas .
Le moment du ko-daan-tuo va marquer un progrès dans le devenir des « gens de la mort ». « Tuo » signifie « amer » au sens propre comme au figuré, mais aussi « pénible », « grave », « obligeant », « nécessaire » .

On pourrait traduire ko-daan- tuo par « bière funéraire à risque »ou « à problème ».
En effet quelles sont, les enfants, les implications morales, sociales et temporelles du ko-daan-tuo » ?
A propos des rites précédents du bao-buur-daan dont nous venons de parler, il a été dit qu’en cas de fautes irréparables telles le meurtre ou l’attaque meurtrière par un sorcier du groupe paternel, ces crimes entraînaient habituellement une interruption du cycle funéraire et des rites ultérieurs et donc du ko-daan-tuo.
Nous avons vu également qu’il en était de même pour d’autres situations infâmantes telles mourir d’un fétiche ou durant le jour de repos Dagara , le kpaan-daa .
Bref toutes les fautes de mal mort démasquées conduisent à des funérailles brèves ou nulles et interrompent la poursuite des célébrations funéraires conduisant le défunt au pays des ancêtres .
Les rites du ko-daan-tuo représentent une étape plus avancée de purification ou de renaissance que les précédents.
La mythologie Dagara ne dit-elle pas qu’au décès d’une personne,son esprit ou son kpiin s’installe sur un arbuste épineux jusqu’au ko-daan-tuo où il en descend se reposer sous son ombre ? Il y attendra jusqu’après les célébrations du ko-daan- maar .
Mais, doucement, les enfants, pas si vite , pas de précipitation, nous n’y sommes pas encore .Restons encore aux rites du ko-daan-tuo .
Cette métaphore topographique permet aisément de comprendre l’établissement progressif que les rites post-mortem confèrent à l’âme ,singulièrement au ko-daan-tuo, son caractère pénible , mais indispennsable .
Aussi ne suffit-il pas seulement de préparer le ko-daan-tuo, mais encore faut-il qu’effectivement les conditions d’un tel apaisement soient réunies : connaissance de la cause de la mort, entente dans la famille,dans le lignage ,le clan et la possession de ressources matérielles nécessaires pour les célébrations .
De ce fait, il est difficile de fixer un délai précis entre le décès et la date du ko-daan-tuo.
En principe, la célébration peut intervenir dans les 4 à 6 mois après le décès .
Mais le facteur important dépend de la fortune du groupe en deuil et de leurs alliés car il faut être capable de pourvoir en céréales, en volaille et en bétail pour les divers rites .
En cas de taxes à payer au Tigan il faut disposer en outre de cauris en grand nombre .
Mais aujourd’hui ,on réduit la durée par une simplification des constituants indispensables aux rites pour en venir à deux mois après le décès .
Ni pour pépé Simon ni pour mémé Julia de telles cérémonies n’ont pu encore se faire . Il faudrait pour cela, les avoir déjà faites pour les autres membres de la famille décédés avant eux .
Les rites du ko-daan-tuo n’existe pas pour des jeunes célibataires décédés avant leur mariage. Dans de tels cas, la coutume les associe aux célébrations d’un autre parent y ayant pleinement droit .
Lorsque le jeune homme est marié, mais sans enfant , les cérémonies purificatoires de la veuve sont très sommaires et le deuil moins exhibé et écourté.
Les rites purificatoires de l’homme ,déjà sommaires surtout lorsqu’il s’agit d’un polygame, sont inexistants lorsque la défunte est une jeune épouse. Celle-ci n’a pas droit à un ko-daan-tuo dans le lignage de son mari d’autant plus la dot n’a pas été entièrement versée. Le corps de la défunte appartient à ses parents . Mais grâce à des négociations, les premières funérailles peuvent se dérouler chez son mari .
C’est ainsi qu’en 1981, pour non paiement de la dot, le corps d’une femme de plus de la trentaine , a été reclamé et obtenu par ses parents et les funérailles effectivement célébrées dans sa famille paternelle .
La jeune dame était morte en France. Ressortissants de sa région, nous avions dû effectuer toutes les démarches administratives avec l’aide de l’ambassade de Haute-volta pour rapatrier , accompagner le corps et participer aux funérailles.
Nous avions dû négocier durement avec les parents de la défunte pour obtenir que les enfants repartent avec leur père et qu’il les leur remette lorsqu’ils seront plus grands car ils ne s’étaient pas mariés , mais vivaient en concubinage avec la défunte. .
« Dura lex, sed lex » Dagara . C’est très dur , n’est-ce pas, les enfants ?
Les rites du ko-daan –tuo : se déroulent ainsi:
A l’approche de la date fixée, l’annonce en est faite par le conjoint du défunt aux parents concernés pour qu’ils puissent apporter leur contribution aux préparatifs .
Au début des cérémonies, au jour commémoratif du décès , pleurs et lamentations , jeu de balafons, rétentissent de nouveau comme au premier jour des premières funérailles .
Les proches parents du défunt reçoivent encore de la cendre et portent éventuellement des tenues travesties, colliers de cauris pour les enfants et les hommes ; vêtements masculins pour les femmes et les filles du défunt
De nos jours, sans doute la raréfaction des cauri explique le port de bandoulières en fibres .
La toilette rituelle et purificatrice du conjoint, tout comme au rite du yaw-guoru, badigeonnage à l’argile des veuves, est assurée par leurs « sœurs » ou leurs « tantes paternelles » souvent celles mariées dans le même clan.
Les veufs le sont par les « saan- maa_minè », les mères paternelles » ayant atteint déjà l’âge de la ménopause et étant de ce fait assimilées, comme vous l’avez déjà appris, à des hommes du clan .
Nous choisissons l’exemple de la toilette purificatrice de tantie Sidonie, la sœur de grand-père, veuve après la mort de son mari Ananie en mars 2011.
Elle fut conduite sous une gouttière dans un coin derrière la maison ; la tête rasée, assise sur une vieille natte.Des proches parents la déshabillèrent , lui enlevèrent les fibres ou « biguè » qu’elle portait depuis les premières funérailles puis la baignèrent .L’eau de toilette ne doit pas être absorbée, car la « saleté » conjugale qu’elle est censée avoir encore véhiculée pourrait provoquer sa mort.
Une fois le bain achevé ,elle sortit à réculons de la natte. Pour la première fois depuis le début du deuil, elle fut ointe de beurre de karité et porta des ficelles de corde lui rappellant sa période d’adolescence où elle portait des ceinturettes de jonc( guyr).
Un homme quant à lui portera en bandoulière une peau ovine ou caprine tannée ( gan-yera) et un caleçon depuis les premières funérailles jusqu’aux dernières.Il se servira également , en marchant , d’une canne représentant sa conjointe disparue

Après le bain , la veuve est invitée à alimenter le kpiin ,esprit de son mari. Par quatre fois, elle reçoit de la nourriture d’une officiante et la jette à terre avant de la manger . Elle procède de même avec la bière de mil avant de la boire.
Il va sans dire que cette commensalité avec le kpiin du conjoint est une épreuve-test encore plus redoutable que ceux du toong, ie confirmation du droit d’alimentation et du yaw-guoru, badigeonnage à l’argile impliquant, comme vous le savez maintenant, une prise en charge de la mort du conjoint.Au ko-daan-tuo tout comme à celle du yaw-guoru et plus tard au ko-daan- maar , il est procédé à une requête sur les dettes et les créances du défunt sous la supervision de son kpiin, ie de son esprit, ce qui implique une menace de mort mystique pour tout tricheur .
De nos jours, cette requête a lieu habituellement , en milieu christianisé, au cours de la grande expostion avant la dispersion de l’assistance, à la faveur du rituel dit de la « garde de balafon » ,en Dagara guyil- gub, comme vous le savez maintenant .

Vers des relations de type nouveau entre les vivants et le défunt.
Pour résumer, grand-père vous a raconté comment la première période consécutive à la mort se caractérisait par une sorte de chaos généralisé au niveau de l’entourage immédiat du mort et par des travestissements des tenues, des saupoudrages à la cendre protectrice et dissolvante des groupes. Vous en souvenez-vous ?
Tous ces groupes , alliés des services funéraires réciproques, alliés matrinoniaux, clan en deuil, habituellement séparés par la coutume, sont maintenant tous mêlés, unis grâce aux arrêts des activités à l’occasion des funérailles ,anéantis par la douleur de la disparition d’un être cher et par la conscience de la fragilité d’une vie terrestre .
Le yaw-guoru , pratiqué le troisième jour après l’enterrement , a consacré cet anéantissement collectif qui a suivi l’irruption de la mort au sein de la famille.
En même temps qu’il a mis les proches parents du défunt à l’abri des atteintes mortifères , il s’ est opèré en effet une rupture de la chaîne des relations naturelles unissant le défunt aux siens comme le témoignent les rasages, les bain rituels, les changements de tenues , toutes opérations visant à éliminer la « saleté » ( dewr) du mort comme de son extension la plus subtile, la plus tenace , la plus dangereuse , rejetée au ko-daan- tuo et au ko-daan-maar.
Mais, comme vous le savez déjà , le yaw-guoru marque déjà la renaissance de la vie, comme aux premiers temps de l’enfance ,bain imposé à la veuve et port de fibres des jeunes filles .
Avec le ko-daan- tuo, le groupe défunt-parents vivants , ie celui des « gens de la mort » tout en demeurant dans le « règne de la mort » connaît une transition vers un second étage de la vie. , ceci transparaît à travers l’onction de la veuve , pour la première fois depuis le décès et le port de ficelles élaborées à partir de fibres rappellant sa tenue de jeune fille.
Vous vous souvenez, la jeune fille Dagara, portait autrefois les traditionnelles ceinturettes de cauris ou de perles, voire des cordes de jonc tressé tandis que la femme arborait ,elle, des ceinturettes de cuir tanné et noirci ou rougi à l’écorce d’arbre auxquelles , elle accrochait , en l’absence de pagne, des feuilles savamment sélectionnées et entrelacées lui servant de cache-sexe !
Sur le plan de la relation au mort ,comme vous le savez, la séparation est toujours recherchée d’avec lui plus que jamais car l’âme ou l’esprit du défunt ( kpiin ou mieux gnyankpiin), éjecté de ce monde et non encore reçu au séjour des ancêtres, rôde , contrarié, jaloux , autour de la maison familiale dont l’entrée lui est interdite. Mais il cherche à emporter toute personne entrant en contact, d’une manière ou d’une autre, avec lui .Cet esprit errant c’est le gnyankpiin dont tous les enfants ont peur de rencontrer dans le noir .
Vous aussi ,certainement !

Le ko-daan-tuo, de ce point de vue, regroupe les rites dangereux où celui qui les entreprend n’échappe pas au mort qu’il s’agisse de son conjoint , de ses parents, de ses enfants,de ses futurs héritiers ou de ses débiteurs .
Le gnyankpiin ne plaisante pas . Il est prêt à frapper et à emporter dans l’au-delà toute personne qui le contrarie , l’empêche ou le retarde dans sa longue marche vers le pays des ancêtres .
C’est donc une relation engagée avec un être dépossédé de vie et sans repos et donc courroucé par son état de gnyankiin, « être entre deux monde » .
Comparé au kpiin, esprit ou âme spirituelle , forme de substantialité pure de l’être, abstraction faite de son corps (yawn-gan) et de la force vitale ou « siè », comme nous l’avons déjà vu, rappelez-vous–en, le gnyankpiin est l’être entre deux mondes participant à la fois de la vie des êtres corporels et terrestres ainsi que de la force des êtres spirituels .
Si la possibilité d’une telle relation est effectivement acquise, les vivants pourront sans péril, sans risque, sceller leur union avec le défunt .
Pour cela , il faudra que l’innoncence des partenaires ( conjoint,enfants,héritiers, amis, etc.) soit fermement confirmée.C’est pourquoi cette convivialité est ici célébrée et constitue plutôt une épreuve qu’un acquis .
Seuls les rites du ko-daan-maar que nous allons aborder maintenant ensemble,les enfants, pourront apporter l’apaisement recherché , la naissance à une vie nouvelle, à une vie renouvelée au kpiimè –tèeng, pays des ancêtres.
Dépêchons-nous de vite examiner maintenant le déroulement et le symbolisme du ko-daan- maar :

Le ko-daan- maar ou vers l’apaisement et la renaissance à la vie nouvelle ou renouvelée.
Le ko-daan-maar, vous vous en souvenez, constitue la quatrième étape
après les premières funérailles ( kuor) avec l’exposition du corps du défunt ;
-le bao-buur-daan : la bière de la recherche par le devin des causes de la mort du défunt ;
-Le yaw-guoru : consacre la séparation du défunt de sa famille.
-Le ko-daan-tuo : marquant une étape supplémentaire vers la séparation entre les parents et le défunt pour lui permettre de cheminer vers la terre promise du pays des ancêtres ;
-Le ko-daa-maar : évoque l’apaisement après la période cruciale et chaude des funérailles dans le groupe social sur lequel le passage de la mort fait planer sa menace d’annhilation.
Le ko-daan-maar est significatif à plusieurs niveaux :
Dans Ko-daan-maar : le terme « maar » signifie froid, doux, apaisé, sans risque, sans danger .Le contraire de maar est « tulu ,ie chaud.
Au sens propre et au figuré, on parlera , de ko-dan-maar pour le défunt enfin complètement détaché de la vie terrestre pour pénétrer au séjour de repos éternel au pays des ancêtres, ie kpiimè-tèeng en Dagara.
Au niveau du groupe, aucune attention particulière n’est accoordée au conjoint réintègrant la communauté, dans son nouveau statut de veuf ou de veuve.
Pour celle-ci notamment , surtout lorsqu’elle est jeune, une nouvelle vie commence à l’issue du ko-daan-maar avec son retour au domicile paternel , puis son remariage, en union léviratique comme cela a été le cas de mémé Julia à la mort de pépé Simon .Elle avait à peine 25 ans vous vous imaginez, les enfants ? Elle a préféré le lévirat en se remariant avec l’oncle paternel de grand-père que d’aller ailleurs, dans un autre clan et abandonner ainsi ses trois enfants dont Sidonie (5ans) , la regrettée tante Léonie (3 ans) et l’aîné, votre grand-père (7 ans) à la mort de pépé Simon en novembre 1949 . Mémé Julia ne se remariera qu’en 1951 et Delphine naîtra en 1952 .
Comme dans notre cas, les enfants du défunt reçoivent , dans le clan, un père social de même bèlu que leur père réel décédé.Grand-père et ses sœurs ont été attribués naturellement au frère le plus âgé de leur père, Kusiélé Dabiré Gabriel .
Les enfants en tant que membres du clan, pourront conserver , à la différence de leur mère , la relation de commensalité avec leur père. Mais il convient de souligner que, pour les orphelins en âge, la tutelle du nouveau père n’est pas un frein à leur émancipation.
Les rites en tiennent compte car tout Dagara a un « père » ayant envers lui des charges et des droits spécifiques tels :
•présider aux règlements des affaires coutumières du fils,
•l’instruire sur le clan,
•l’émanciper au moment voulu en le dotant d’une femme et en lui octroyant sa propre parcelle de champ, etc…
C’est en partie ce qui est arrivé à grand-père à la mort de son père : Il a été confié à son oncle Gabriel qui devenait son véritable père et tout devait se dérouler après comme décrit plus haut s’il était resté au village.
Le ko-daan-maar débute le jour commémoratif de l’enterrement par des jeux de balafons et des pleurs analogues à ceux du jour du décès.
La période de déroulement de ces cérémonies dépend là encore des moyens financiers de la famille susceptibles ou non de supporter les diverses dépenses avant les récoltes .
Ainsi pour un décès survenu en début de saison sèche comme cela a été le cas de pépé Simon, le ko-daan-maar pouvait avoir lieu après les premières pluies.
Mais généralement , on le fait après les recoltes pour donner plus d’éclat aux cérémonies .
Mais pour pépé Simon, comme vous le savez, ces cérémonies n’ont pas été faites .Elles attendent toujours .
Est-ce à dire que pépé Simon, mémé Julia et les myriades de personnes pour lesquelles ces cérémonies n’ont pu se faire attendent à la porte du pays des ancêtres la tenue de ces cérémonies pour les y introduire?
La religion traditionnelle Dagara le croit certainement . Pour preuve le harcèlement syncrétiste des parents pour outrepasser l’interdiction catholique .
Mais catéchiste ,fidèle à sa foi , Simon n’aurait souhaité la tenue de ces cérémonies traditionnelles prohibées par l’Eglise comme idolâtres.
Il en a été de même pour mémé Julia . Les implications morales et socio-économiques du ko-daan- maar, rappellent celles du ko-daan-tuo dans leur ensemble :
•Entente des parents du mort pour la collecte des ressources indispensables ;
•Bonnes dispositions obtenues au cas échéant par la voie de sacrifices tant du côté du mort que des auteurs des rites en particulier l’implication de ces derniers vis à vis de la cause de la mort du défunt : frères du mort, notamment de ses futurs héritiers,
•Fidélité conjugale parfaite pour la femme pendant la période de deuil.
Il convient , une fois de plus, de rappeler que les rites constituent des épreuves-tests pour les parents vivants.
Il faut insister également sur la présence imminente de la dernière purification avant l’entrée au pays des ancêtres à tous les niveaux des rites du ko-daan-maar,avec aussi le dernier passage du mort en tant que gnyiankpiin(revenant) errant dans son domicile terrestre, avant son départ définitif à kpiimè-tèeng .
Aussi la bière de mil (daan) est-elle préparée au dehors, devant la maison, dans l’authencité de la tradition : le défunt est censé venir s’y baigner et s’y purifier. Cette pensée renforce cette autre identifiant le mort à la bière de mil dans les rites funéraires et accentue le caractère épreuve-test que constitue l’absorption de la bière rituelle à ces occasions.
Il serait fastidieux d’énumérer dans les détails tout le rituel du ko-daan- maar.
Contentons-nous , les enfants, de n’évoquer ici que les rites principaux relatifs au statut du mort , à la libération de sa propriété , de son emprise, de l’émancipation des orphelins.
Suivons attentivement maintenant, les enfants, si vous voulez bien, les derniers rites avant l’entrée triomphale du défunt au pays des ancêtres :

6).Le kpiin-daa ou bois ancestral depuis sa coupe jusqu’à son installation dans le zaw.
C’est l’aîné des fils vivants qui procède à la coupe du bois, aidé des autres fils et après l’installation, qui officie et entretient le culte ancestral.
Une femme,chez les Lobr, n’a pas de kpiin-daa ( bois de l’esprit de l’ancêtre) tout comme les hommes non mariés ou sans enfant.En tout état de cause , le kpiin-daa de la femme âgée , c’est son bâton des vieux jours ou à défaut un bois de bambou coupé et déposé sans cérémonie dans le zaw. Avec les autres kpiin-daaru ( bois ancestraux).
Chez les Wiilé , l’attribution du kpiin-daa aux femmes est courante. Conçu sous forme de bâton (daa- buol ou daa-muol) ou de petit siège appelé en Dagara kow.
Pour un homme marié sans enfant, une tige de bambou ( tander) est coupée, taillée et associée à un autre bois à l’occasion des funérailles postérieures et les deux bois ensemble traités sont installés dans la demeure des kpiin-daaru (bois ancestraux) ,traditionnellement sans
zaw( salle d’entrée entre le dehors et la cour intérieure ou davura ).

La coupe et la taille du kpiin-daa masculin
Le fils aîné, accompagné d’un second fils va dans la brousse à la recherche de la branche d’un arbre qui servira de bois ancestral. Cette branche doit être bien sûr fourchue, ne pas tomber à terre, mais reçue dans les bras du fils aîné du mort en dessous de la branche prêt à la recevoir sur ses épaules comme s’il s’agissait d’une personne.Portée chez le sculpteur, elle sera démunie de son écorce ,taillée et réduite de 1 mètre à 50 centimètres de long.Le bois sera ensuite affiné en une statue de forme humaine ressemblant autant que possible à la personne décédée. Celle-ci est ensuite habillée et portée à proximité de la maison . Ce sera le tour de la fille aînée d’aller chercher le kpiin –daa de son père avec ses compagnes. Toutes reviennent en pleurant et avec l’aide des autres femmes présentes, la porteuse le dépose comme s’il s’agissait du corps de son père,le place ensuite contre le mur du « zaw » et la séquence de lamentations entamées par les arrivants, se poursuit rappelant l’avènement de la mort.

-Du bois blanc ( kpiin-daa-pla ou da-pla ie bois ancestral blanc, provisoire au kpiin-daa ancestral définitif.
Le bois sculpté appelé kpiin-da-pla ou da-pla est accolé au fétiche gardien de la maison appelé bèsè et placé à l’entrée du zaw. C’est encore un bois non encore accompli. Déposé dans le zaw, il est sacrifié un coq et trois poulets pour un homme , trois pintades pour une femme. Le sang des victimes arrose le bèsè et le « bois blanc » déposé à côté.
La durée de séjour du kpiin-daa nu alors varie selon la fortune de la famille car il faut pouvoir assurer les frais des cérémonies : volaille, farine de mil, autres produits agricoles,et cauri. Elle peut aller de trois à six mois.Le bois pendant ce temps est traité comme le corps du défunt et reçoit encore des sacrifices.
Puis vient le lavage du bois ancestral. Celui-ci est effectué avec des feuilles et du résidu en pâte de sorgho germé) et concassé, extrait au deuxième jour de la préparation de la bière de mil. C’est le bir. Il s’accompagne de lamentations de femmes analogues à celles du premier jour du décès et d’incantations exaltant les vertus du défunt.
Le kpiin-daa est ensuite arrosé de bière de mil, reçoit une offrande de pâte cuite de mil (saab) et de sauce (zièr), notamment de la part des filles du défunt. Le conjoint également donne à manger au kpiin-daa en jetant de la nourriture à terre, comme vous l’avez déjà vu à la célébration du ko-daan-tuo. Elle et les autres femme qui l’accompagnent mangent ensuite.
Après le dernier repas conjugal et la remise désormais des soins du défunt aux membres de son clan, ses enfants introduisent dans le zaw le kpii-daa définitif. Symbole du père fondateur, gardien et protecteur de la maison, il recevra en immolation selon qu’il est masculin ou féminin soit un coq ou un poulet soit une pintade , volaille offerte par les fils et dont le sang arrosera le kpiin-daa . Il cesse alors d’être l’esprit vagabond , le gnyankiin vindicatif et dangereux qu’il était depuis le décès, comme vous le savez déjà.

Passons maintenant, les enfants , si vous voulez bien, aux rites du lavage purificatif et du yaaru(dispersion , séparation) des veuves, deuxième phase des quatrièmes funérailles.
Vous êtes prêts ?
–oui !
Abordons donc les rites du lavage et du yaaru

7).Lavage définitif du conjoint ou des veuves.

Les quatrièmes funérailles du ko-daan- maar comportent en deuxième lieu, après les cérémonies de kpiin-daa, le lavage purificatoire définitif du conjoint , homme ou femme semblable en tous points à celui pratiqué au ko-daan-tuo, vous souvenez-vous ? par les tantes paternelles et « les sœurs » pour la veuve et par les vieilles tantes paternelles ayant atteint l’âge de la ménopause pour le veuf.
Déshabillement et habillement
Le bain s’effectue sous la gouttière, lieu symbolique ,comme vous le savez déjà, d’évacuation des « saletés » par les eaux de pluie.
Sur une vieille pièce de la natte conjugale,après le rasage,il est procédé au déshabillement et à l’habillement spécifique du conjoint. Il s’agit d’abandonner les tenues de deuil pour en adopter de nouvelles.
L’homme délaisse son caleçon et sa peau portative de deuil au profit des baigneuses qui les vendent si l’endeuillé ne les rachète pas au prix symbolique de 20 cauri .
Il reçoit alors des mains de ses tantes patrilinéaires une tenue masculine : un boubou et une culotte bouffante ou un caleçon de cotonnade , un arc et un carquois. Il est aussi oint de beurre de karité et paré à la manière d’une femme.
La femme, elle, quitte ses cordelettes du jour de ko-daan-tuo et ses vieux pagnes des premières funérailles et, après onction au beurre de karité, enfile des ceinturettes noires et rouges en peau tannée, qui, pour la circonstance, gagnent à être neuves.Exceptionnellement à cette occasion, elle se pare d’une tenue masculine également neuve, apportée par un neveu du défunt :boubou, bonnet , sifflet,… C’est dans cet accoutrement qu’elle se présente devant le kpiin-daa nouveau pour le dernier repas avec son mari défunt,déguisée ,travestie en une autre personne autant que son époux devenu autre , membre à l’instant de l’autre monde bienheureux, à part entière et à titre définitif .
L’homme comme la femme, après avoir appartenu au « règne de la mort »,ressuscite en quelque sorte en tant qu’autre, par une autre mort symbolique, celle du deuil.
Le départ du mort est symbolisé, vous vous rappelez, par le badigeonnage à la cendre et à l’argile .

Voyons maintenant ensemble comment se déroule le rite du yaaru , ie de la dispersion ou de la séparation :

8).Qu’est-ce le rite du yaaru, sa signification et son déroulement ?

-Le yaaru ou rites d’émancipation de la veuve.
Après l’alimentation du kpiin-daa par la veuve, celle-ci prend du mil et un petit canari de bière apportés en même temps que les vêtements masculins par les parents ou un neveu du mort.Celui-ci, par sa position médiatrice et ambivalente, est le mari de la veuve et portant le nom matrilinéaire, ie le bèlu du défunt , le frère de sa mère, dont il peut hériter des biens propres. Mais étant « fils » et d’une génération descendante , il ne peut prétendre à la femme de son oncle .
Portant sa charge, la veuve se rend avec ses parentes ayant procédé à son bain et à son habillement à un carrefour de sentiers menant à son domicile paternel.
On y offre des sacrifices et divers objets au Tigan. C’était là que le kpiin-daa , vous vous souvenez, avait été déposé après être sculpté par le fils aîné et qu’est jetée la « saleté » de la maison après le koru-piiru ( balayage thérapeutique opéré dans un domicile dont tous les membres souffrent de toux , koru en Dagara) .
Arrivé au carrefour, ce groupe de femmes portant également une tige blanche de mil en fait trois fois le tour ; la paille est ensuite jetée par terre et la veuve se met à danser, à danser fréniquement dessus jusqu’à la réduire en mille morceaux . Alors,les porteuses s’écartent brusquement et laissent tomber sur la paille brisée le canari de daan (bière de mil) .
La tige de mil matérialise la relation conjugale avec le mari défunt et la bière de mil, ce dernier lui-même . Le fait qu’elle ait pu mettre en mille morceaux cette tige, prouve l’accord de sa conduite avec la coutume, ie sa droiture .
Autrement , celle-ci serait astreinte à une confession publique relative à sa fidélité envers son mari , à son innoncence dans la mort de celui-ci car selon les coutumes Dagara, l’infidélité de la femme est fatale au mari .
Or être infidèle à son conjoint défunt durant la période de deuil, c’est lier partie avec la cause de sa mort .Aussi comprend-on la joie et le soulagement du groupe familial lorsque la paille se brise ;le clan allié peut être alors fier de sa fille et celle-ci s’estime désormais digne de son époux pour toujours au terme de toutes les épreuves , par-de-là la mort et le temps .
Cette fierté explose lorsque la veuve interpelle le clan du mari et lance un défi à qui voudrait se présenter en remplaçant de ce dernier.Mais aussi , c’est sa liberté retrouvée , sa disponibilité de « pow-kuor » , ie « femme sans mari » ou veuve. « Mon mari ne me maltraitait pas, il me nourrissait bien et si quelqu’un n’en est pas capable, qu’il ne se hasarde pas à le remplacer . », dit-elle fièrement en substance.
Le groupe ( veuve et ses baigneuses) se dirige ensuite du carrefour vers la maison du mari défunt en chantant.
Au début , les chansons évoquent la vie conjugale avec ses aléats négatifs .
Mais à l’approche de la maison, les paroles changent : « Nous sommes venues et il n’y a personne pour nous décharger . »
Cette dernière chanson rappelle celle déjà entendue les premiers jours de noces :La nouvelle mariée, chargée de son panier de noces et accompagnée des filles de son clan portant ses effets, s’arrête
devant la maison maritale et chante cette chanson jusqu’à ce qu’une « sœur aînée » du mari vienne décharger son épouse .Mais au paravant , parents du mari, frères et sœurs,etc, défilent devant les chanteuses pour leur offrir des cadeaux , afin de mériter l’entrée de la nouvelle mariée chez eux .
Les chants sont donc de nature à provoquer la belle-famille .Comme au jour de mariage également, les chanteuses menacent de retourner chez elles, s’il n’ y a personne capable de les accueillir .
Mais on les arrête , on les asseoit sur une natte neuve et on leur offre à boire, ce qui est la manière Dagara de les accueillir .Puis la veuve est débarrassée de son accoutrement masculin tandis que le mil est ramené au carrefour et donné aux dessinatrices des tatouages rituels à l’argile au moment du yaw-guoru et du ko-daan-tuo.

Passons maintenant si vous le : permettez , les enfants,au dénouement final rite du yaaru et analysons son symbolisme et sa portée.
-Le dénouement final et la portée du yaaru
La famille paternelle de la veuve, invitée, arrive dans l’après-midi en délégation fort nombreuse et en tenues d’apparat. Est présente aussi une parenté à plaisanterie entre l’épouse et les sœurs du mari. On leur sert à boire et à manger en guise d’accueil.Puis se levant, la parenté à plaisanterie simule une razzia de poules , de chèvres et d’autres animaux domestiques et réclame leur fille .La famille du défunt résiste et il s’en suit un simulacre de bagarre. Pour finir ,les animaux saisis sont rachetés de façon symbolique à 20 cauri par la famille du défunt.
Après le retour de la veuve , si l’époux léviratique n’est pas un frère du mort, il devra verser de 250 à 360 cauri aux parents de celle-ci
Dans le cas où la veuve est déjà âgée et a ,chez son mari beaucoup d’enfants, comme c’est le cas de tantie Sidonie,la sœur de grand-père, une délégation est envoyée, une saison à un an après le décès, pour la prier de venir prendre soin de ces derniers .
C’était effectivement la démarche officielle qu’ont faite les parents d’Ananie à l’égard de tante Sidonie,après la mort de son mari.
A son retour , elle et ses enfants appartiendront au groupe de travail du frère du défunt désigné comme tuteur sans toutefois qu’il soit question de remariage.
Mémé Julia n’était seulement âgée à l’époque de la mort de pépé Simon que de 25 ans tout au plus et l’oncle Gabriel venait également de perdre entre temps sa femme, Gabriella.
La meilleure solution fut le remariage léviratique.
Mais en aucun cas , la veuve n’est obligée de revenir dans le clan de son premier mari . Si elle se remarie hors du clan , le lignage du second mari remboursera aux parents du conjoint défunt la première dot en bétail, poules, pintades et cauri(10000 à 15000 cauris) tandis que l’argent du veuvage reviendra aux parents de la veuve.
Nous avons connu ce cas après le décès d’un cousin germain de grand-père mort avant l’âge de 25 ans et sans enfant (Théodore) .Sa jeune veuve, s’est remariée à l’extérieur de notre clan et nous avions effectivement recupéré la partie de la dot payée à ses parents.
Par contre son petit frère, Bernard, mort aussi très jeune, laissait, lui ,deux enfants en bas âge .
La jeune veuve a été sollicitée de rester dans la famille pour s’occuper de ses enfants tout comme c’était le cas de mémé Julia .Elle est devenue la femme léviratique de Raphaël, son grand-frère utérin.
Dans le cas des lévirats , les enfants survenus après demeurent néanmoins ceux du frère décédé au même titre que les enfants engendrés par lui de son vivant . En effet le lévirat n’est qu’un substitut du défunt, vis àvis de la veuve .
Dans le cas de mémé Julia et de l’oncle Gabriel, chacun ayant perdu son conjoint, il y a eu un vrai remariage chrétien célébré à l’église.
Analysons enfin ensemble,les enfants,si vous voulez bien, les différentes significations des rites du yaaru.

-Signification des rites du yaaru.
Les rites du yaaru peuvent être dissociés de ceux du kpiin-daa quant aux périodes de leurs célébrations.
Pour la veuve, définitivement débarrassée de la « saleté », « dewr », de son mari défunt par le dernier bain rituel de purification , éprouvée au test communiel du dernier repas conjugal, il s’opère une naissance à une nouvelle vie mais impliquant irrémédiablement son statut acquis de femme mariée.
En effet , la cérémonie au carrefour du sentier menant au domicile de ses parents,vous vous en souvenez, les enfants ? plus qu’un test d’autojustification, confirme le mariage avec le défunt en tant que kpiin (ancêtre) ; toute union postérieure, au plan terrestre, supposera celui-ci même si aucun conflit ne peut s’ensuivre de ces unions multiples, que ce soit sur terre ou dans l’au-delà au pays des ancêtres où il n’y a que du repos éternel .
Les détails des rites soutiennent bien cette double compréhension : la libation de la bière de mil apportée par les parents de la veuve et offerte en holocauste à Tigan et au mari défunt désormais associé en tant qu’être supérieur , présidant à la vie sur terre, témoigne de cette pérennité de l’union de l’homme et de la femme dans le mariage .
Le fait que la célébration ait lieu au carrefour du sentier menant au domicile de la veuve montre non seulement que cette union est appelée à se maintenir même après le retour de la veuve au domicile paternel , la destination du sentier, mais aussi bien partout où celle-ci se trouvera.C’est bien le sens du carrefour .
Le mil apporté par les parents de la veuve ne peut être répandu .
Dans un pays d’agriculteurs, le mil est un substitut du cultivateur et de la vie .Ce serait une injure au Tigan que de lui retourner intégralement ce qu’il a donné pour vivre ; ceci n’est pas le cas de la bière de mil, transformée et spiritualisée .
Cependant la veuve se désaliène de son domicile conjugal quant à ces moyens de subsistance et se rattache désormais à ses parents de lignage.
Le bain purificatoire réitéré , le travestissement de tenue grâce à des vêtements apportés par les parents ou un neveu du mari,( un mari autre), tous ces symboles en plus d’autres , montrent la séparation définitive de la veuve d’avec son mari du moins sur la terre des vivants .
Les cérémonies du yaaru se terminent sur une note de défi à la nature terrestre : « Si quelqu’un n’est pas capable , qu’il s’abstienne . » dit la veuve à ses éventuels prétendants du patrilignage de son mari défunt .

Mais passons à la suite et voyons ce que signifient et comportent les rites du rafraîchissement ou d’ exorcisation de la propriété du défunt.

9).Qu’est-ce le rite de rafraîchissement , sa signification ,son déroulement ?
-Raffraîchissement ou exorcisation de la propriété du défunt.
Comme grand-père vous l’a déjà dit, les célébrations du ko-daan – maar sont faites pour apaiser, désaliéner .
Le défunt est censé venir se baigner dans la bière de mil préparée à cette occasion dans ce dernier tour au domicile terrestre de la famille éprouvée qui retrouve une nouvelle vie après le passage dans « le règne de la mort » et après les souffrances de la période de deuil .la société entière, désorganisée par ce malheur collectif retrouve vie .
Plus précisement , durant tout le temps des funérailles, le défunt , absent physiquement est par contre intensement présent , du point de vue mystique , dans son domicile et dans ses biens . Pour exorciser ces derniers de cette présence dangereuse , des rites spéciaux sont prévus lors du ko-daan-maar après ceux du bain du veuf ou de la veuve .
Le premier de ces rites a lieu dans le kpiin-diio ( chambre de l’esprit du mort), en fait dans le kiara( grand vestibule) du « lowr ( côté) où habitait le défunt :
On apporte le carquois du défunt symbole de ce dernier et l’assistance se met tout autour.Prenant la parole, l’aîné du lignage du défunt déclare en substance :
« Dans ses relations avec les uns et les autres , le défunt peut avoir contacter des dettes ou détenir des biens de tiers.Si parmi vous quelqu’un est informé de telle situations qu’il le proclame. Si au contraire des gens lui doivent que cela soit également porté à la connaissance de tous. »
Les dettes annoncées seront liquidées par les « frères » du défunt , notamment par celui ou ceux appelés à hériter de lui .Les créances aussi donnent lieu à des réclamations auprès des débiteurs. Mais toute fausse déclaration « à la face du mort » serait funeste à son auteur . Le membre de la famille présidant la cérémonie prend soin de préciser que cette occasion est la dernière pour les réclamations .Aucun révendication ultérieure ne sera entendue .
En effet , une cérémonie analogue, vous vous souvenez, les enfants , s’était déroulée au moment du ko-daan-tuo et d’autres avait pu se faire au moment du yaw-guoru ou au bao- buur- daan lors de la recherche des causes de la mort.
Comme grand-père vous l’a déjà dit , cette cérémonie se déroule de nos jours lors de l’exposition devant le paala .
Cette nouveauté est due à la christianisation des funérailles où désormais sont exclus certains rites postérieurs après l’enterrement tels que le yaw-guoru,le bao-buur-daan, le ko-daan-tuo et le ko-daa-maar jugés comme relevant de croyances incompatibles avec la foi chrétienne sur l’au-delà .
-Est-ce peut-être une des raisons que les cérémonies commémoratives de pépé Simon et de mémé Julia n’ont pas pu se faire ?
Pourtant les parents de grand-père ,tous des chrétiens « pratiquants » ont mis la pression sur lui pour qu’il honore la mémoire de ses aîeux défunts .
La vérité est que la plupart des Dagara tiennent au culte des ancêtres comme de façon analogue, les catholiques au culte des saints .Sans vouloir créer de vaines polémiques avec quiconque, grand-père trouve ces pratiques post-mortem plus qu’honorables et peuvent même permettre à des chrétiens Dagara de mieux approfondir et comprendre la foi en l’eschatologie chrétienne.

Un deuxième rite , encore basé dans la chambre du défunt , regroupe des représentants des alliés matrimoniaux ( lignage de la mère du défunt) et des alliés en services funéraires réciproques. Il consiste essentiellement à répandre par terre un prélèvement de la bière de mil préparée pour le ko-daan-maar et contenue dans un petit canari (duwlé) .Le reste de cette bière est ensuite bue par les membres des familles alliées présentes .
Les membres du clan en deuil versent la bière de mil par terre.Cette offrande va particulièrement au défunt devenu ancêtre. Ainsi le kpiin-daa reçoit en libation la bière des funérailles en priorité . Mais ils ne consomment pas la bière de mil contenue dans le petit canari qui, vous vous en souvenez, symbolise le mort .Il la verse sur le kpiin-daa, sur le sol de la chambre du défunt ,symbole de la présence de celui-ci par sa « saleté » ainsi lavée .
La bière de mil dans laquelle le défunt est venu se baigner , comme vous le savez, symbolise encore le parent décédé .Donc en consommer constitue une épreuve-test de plus pour les participants et en premier lieu le groupe des alliés qui exécute la cérémonie dans l’intimité de la chambre, en même temps qu’une forme d’enterrement symbolique ultime par les groupes alliés .
Mais c’est surtout le symbole de « raffraîchissement ou d’exorcisation du domaine de la propriété du mort puisque la bière de mil est répandue par terre dans «la chambre du défunt ».En effet « ce qui est frais » ou « maaru » en Dagara ( voir ko-daan-maar), c’est « ce qui est mouillé » et au fuguré « ce qui est apaisé » , « ce qui est sans risque et sans danger » .
A partir de là, tous les biens du défunt : veuves , enfants, biens immeubles et surtout meubles , deviennent accessibles .
Les veuves pourront donc se remarier et la prise de la tutelle des enfants pourra se faire ainsi que le partage des biens du défunt .

Mais abordons, si vous voulez bien, les enfants, les derniers rites clôturant le ko-daan-maar, ceux de l’émancipation des orphelins, intervenant après celles des conjoints et la dépossesson des propriétés du défunt .

L’émancipation des orphelins.
L’ensemble des rites consacrant l’émancipation des orphelins du défunt clôture les célébrations du ko-daan-maar.
Leur déroulement se situe après les cérémonies d’émancipation des conjoints et celles de libération ou de dépossession des propriétés du défunt.
On s’occupera spécialement ici de l’émancipation des fils du défunt car pour les filles , c’est un simple transfert de compétences ménagères .
Les célébrations constituent une épreuve -test définitive pour les orphelins et un enterrement symbolique du défunt .
Les fils sont emmenés à consommer de la viande considérée comme « leur père » avec le risque d’encourir la sanction mystique fatale en cas d’implication dans les causes de la mort de leur père .
Elles constituent également une émancipation des orphelins qui, au lendemain de l’enterrement, avaient reçu par le rite du « toong », ie la « continuation du droit d’alimentation »,la garantie d’une perpétuation du droit à l’alimentation et maintenant vont devoir en outre se soumettre à l’autorité de tutelle d’un père social au sein du clan .
Le déroulement de ces cérémonies comporte trois séquences principales de trois jours :

11).Grand-père que signifie cette désignation d’un nouveau « père » ?

-La reconnaissance de l’ancêtre

-Le rite de la désignation du « père » ou de l’émancipation sociale.
Lors des cérémonies , les orphelins sont assis dehors devant la maison sur un poutre ( siège de fortune), ayant chacun à côté de lui un « père social », ie un homme de la même génération que le père défunt et de même bèlu, ie de même nom matrilinéaire.
L’officiant prend alors une bouc ou un coq appartenant au défunt , le promène tout autour du groupe en s’arrêtant par moments pour lui donner un coup de gourdin ou de piolet .Après avoir accompli trois tours, il tue l’animal ,le fait cuire au dehors où il est consommé sur place, accompagné du saab, ie de la pâte de mil traditionnelle .
Si l’officiant est très vieux , il peut rester assis et délègue une autre personne plus jeune pour promener l’animal autour du groupe.
Pendant que le groupe est assis , on lui sert de la bière de mil( daan) et chaque orphelin en absorbe par trois fois en même temps que son « père social » dans la même calebasse en tenant celle-ci de la main gauche .
Cette manière de boire ensemble dans la même calebasse se fait entre un homme et sa petite amie dans les cabarêts .Cela s’appelle le gbabru . Nous verrons tout à l’heure la signification de ce geste « d’amitié » entre le père social et l’orphelin .
A l’occasion, l’officiant désigne aux orphelins les personnes présentes comme leurs « pères » et notamment le remplaçant du père défunt , ie l’héritier principal . Les absents à la cérémonie, orphelins ou « pères » sont néanmoins cités pour mémoire.
Dans cette cérémonie ,le coq ou le bouc symbolise le père défunt tout comme la bière de mil .
La consommation par le groupe est donc encore une forme de manducation et d’inhumation , ie de reconnaissance et d’assimilation du parent défunt comme il a été dit à propos de l’enterrement symbolique sous la forme de manducation de la viande rituelle du kukur-naab ou du ko-wèl-naab, etc… Vous vous en souvenez, les enfants?
-Oh , grand-père , pourquoi bat-on l’animal avant de le tuer, c’est de la maltraitance,non ?

L’habitude d’infliger des souffrances même atroces aux animaux de sacrifices avant de les immoler est très répandue dans toute l’Afrique Noire.
On peut penser que ces mauvais traitements ont pour but de faire échapper « l’âme » de ces animaux , donc de dégager leur principe spirituel en quelque sorte afin qu’elle rejoigne le mort dans le règne des esprits .

C’est en même temps une offrande rituelle au défunt.
Dans la mentalité Dagara en particulier, on évite la manière directe de s’adresser au défunt ou à tout être imprévisible comme le revenant ou l’apparition de gibier non identifié . On procède dans ces cas par approches simulées et par évitements ou par feintes ,comme grand-père vous l’a déjà raconté à propos des premières funérailles, vous en souvenez-vous ?
-Quant au fait de boire ensemble dans la même calebasse , cela symbolise dans la coutume Dagara,vous vous en souvenez , l’intimité profonde entre deux êtres notamment , nous l’avons déjà signalé, l’amitié entre un homme et une femme buvant ensemble au cabaret dans une même calebasse .
Entre deux hommes,c’est plutôt un aspect anormal qui, en l’occurrence , traduit sa signification rituelle.
Par cette cérémonie , les orphelins communient avec leurs « pères sociaux » assumant les fonctions sociales du défunt.Cette tutelle n’enfreint aucunement l’émancipation des « fils » , au contraire, elle l’intègre définitivement au « phyllum » social, car , dans la tradition Dagara, tout un chacun est père ou mère, frère ou sœur, fils ou fille, etc dans son clan et selon sa génération dans le lignage .

Voyons enfin comment se déroule le der des ders des rites funéraires,
l’émancipaton économique.

12.Le rite des flèches ou de l’émancipation économique.
Il se situe au lendemain de l’émancipation sociale.
Un carquois du défunt est apporté dans le groupe des orphelins et chacun d’eux est invité à en tirer une flèche de la main gauche. Il est ensuite demandé à chacun le nombre de ses flèches tirées .Tous répondent bien sûr « une » hormis le dernier qui feint de répondre « 20 » . Les flèches sont ensuite remises dans le carquois.
Dans la coutume Dagara, l’aîné, par principe est le premier servi dans la distribution.
Mais ici le carquois est rendu à l’un des fils réels .
L’officiant recommence trois fois le même manège de distribution des flèches en prétextant de la triche de la part des enfants , les réintroduit dans le carquois , remet le carquois cette fois à l’aîné des orphelins .
La remise du carquois ainsi que d’autres instruments de travail, variables selon les milieux et les situations socio-économiques du défunt, marque le transfert des moyens , des compétences de production économique aux orphelins .

Passons maintenant , si vous voulez bien , les enfants, après l’analyse les rites du ko-daan-maar, à ceux liés au cérémonial même du culte ancestral.
w.Grand-père, qu’est-ce le culte ancestral et comment se déroule-t-il ?

Le culte ancestral
Le jour suivant la fête du ko-dan-maar , on prend du résidu de bière de mil de troisième jour, appelé en Dagara, « daan-kuor » et on en met dans sept pots différents.
La préparatrice du daan remue le contenu de chaque pot de la main gauche. L’officiant, un membre âgé du lignage, verse ensuite la bière des sept pots dans un canari remis aux orphelins pour être apporté au « daa-per », séjour transitoire des morts .
S’approchant du zaw( entrée de la maison où sont déposés généralement les kpiin-daaru ,ie bois ancestraux) , les orphelins donnent dos à la porte et par derrière, ils verse le liquide à l’intérieur du zaw. A leur retour, l’officiant feint l’étonnement :
« Mais où se trouve donc le « daa-per » pour que vous soyez déjà de retour ? »
Et les messagers de répondre :
« Daa-per « n’est pas loin, c’est là où se trouve le kpiin-daa, dans le zaw à l’entrée de la maison. ».
En effet avant d’aller au kpimè-tèeng, les défunts séjournent d’abord au daa-pèr en Lobr ou « daa-par » en Wiilé , ie littéralement « auprès du bois » ancestral.
C’est cette dernière appelation qui prévaut aujourd’hui parce que les Wiilé pratiquent encore ces rites.
Ainsi le père ne s’est pas retiré dans un monde lointain ; il n’est pas devenu un esprit absent, il est là dans la maison familiale et il faudra en tenir compte, le vénérer , lui offrir des sacrifices, le consulter .
Le père en tant qu’esprit ( kpiin) accédant au repos éternel à kpiin-mè- tèeng, ne s’est pas pourtant éloigné des siens .De même le père fondateur, l’ancêtre du clan est toujours présent auprès de ses fils et donc peut être consulté au « daa- par ».
Il résulte de cette ambivalence de la notion du daa-par, lieu de séjour des kpiinmè et présence du père, un mysticisme qui conduit à la construction d’autels et à la formation de prêtres du daa-par , les « daa-pèrè » rendant des oracles .
Donc avant d’être un lieu de séjour transitoire des morts, lointain et inconnu, le « daa-par » est un coin du zaw, une partie intégrée de la maison .
Comme vous l’aurez remarqué, les enfants, ce retour sans cesse au concret,constitue un fond de la pensée Dagara .

-Vous pourriez demander encore à grand-père : pourquoi offrir à l’ancêtre du« daan-kuor » et non du daan puisque le premier est un résidu impur réservé habituellement aux enfants ?

Grand-père vous répondra qu’en effet , il revient désormais aux fils d’entretenir le culte de leur père.
Il s’agit , peut-on légitiment penser ,qu’ils offrent ce qui leur appartient en propre ?

Et les sept pots, grand-père,quelle est leur signification ?

Il ne serait pas abusif de penser que dans leur multiplicité, ils puissent représenter l’univers des orphelins associés à leur père qui, dans l’au-delà, devenu ancêtre, est prêt à veiller sur sa descendance.

Tirons maintenant , les enfants , les conclusions que nous pouvons relever de la revue générale des quatrièmes et derniers rites funéraires suite à la mort d’un membre de la famille.

x.Conclusion
Au moment où s’achèvent les quatrièmes funérailles et précisement les rituels du yaaru ( dispersion) , l’ordre et la vie règnent à nouveau sur tous les plans mieux que par le passé.

1).Au niveau du mort :

Vous vous souvenez, les enfants : le défunt est passé, d’après la légende Dagara,de son siège inconfortable sur les branches épineuses du ganzur ( Gardenia) à l’ombre de cet arbuste où il s’installe après le ko -daan-tuo.Delà il entre au séjour transitoire du daa-par après le ko-daan-maar .De là , il atteint le kpiinmè-tèeng où il ne peut pénétrer définitivement qu’après les derniers rites d’apaisement et purification parfaite .
Nous avons vu ensemble que la notion de daa-par ou séjour transitoire des morts et celle de kpiimè-tèeng étaient à distinguer.
Vous avez appris également que daa-par désigne plutôt le lieu où séjournent ,après le séjour sur la branche de ganzur, les morts non encore purifiés car aucun mort ne peut accéder à kpiinmè-tèeng sans être entièrement apaisé par les offrandes et par les sacrifices .Aussi en cas de perturbations persistantes après le ko-daan-maar, convient-il , nous l’avons dit, d’invoquer l’ancêtre ,auprès d’un prêtre du daa-par ou pour être informé directement par lui-même des offrandes restant à effectuer pour son parfait apaisement ou sa purification parfaite

Au niveau des parents du défunt démeurés en vie.

-Du point de vue socilogique,
Les origines géographiques,historiques, les relations généalogiques , matrimoniales du défunt , de ses ascendants et descendants, les rapports sociaux d’amitié, de camaraderie ou classe d’âge, de voisinage, tous en fonction de normes, du contexte social particulièrement,sont mis en exergue tout le long des célébrations des funérailles .
-Du point de vue économique :
La fortune de la maison du défunt qui se traduit par les biens et les trophées de famille sont exhibés : céréales, bétail, outils ,armes médicaments, fétiches,etc.
Sa fortune personnelle : cauris, volaille, ustensiles, vêtements, parures,etc le sont également.
-Du point de vue politique
Bien que la société Dagara n’ait pas d’instances centrales ni d’administration traditionnelle à proprement parler, l’existence de ces pouvoirs est perçue à travers les droits et prérogatives du chef de terre et des anciens du lignage.
-Du point de vue religieux :
La dimension religieuse s’expérimente essentiellement par le sens de l’être appréhendé comme don de la divinité sous l’inspiration ou l’intersession des ancêtres qui donnent la vie et par leur bonne action permanente , la maintienent et l’alimentent ;d’où la nécessité de demeurer constamment en bons termes avec eux en accomplissant leurs volontés contenues dans la coutume ou dictées à leur dernière heure ou encore livrées par le devins et en cas de menaces graves, par le recours aux rites.
-Du point de vue métaphysique et morale :
Nous avons vu que l’étude des rites funéraires mettait en lumière certains principes métaphysiques et moraux qui sont en fait liés entre eux :
D’abord, le recouvrement du monde visible et invisible ;
la continuité du monde terrestre , ici-bas et l’au-delà post-mortem comme nous l’avons constaté à propos des rites funéraires :
Le même processus de perfectionnement ontologique commencé ici et maintenant, conduit l’homme devenu kpiin-daa à kpiinmè-tèeng où la vie se déroule comme sur la terre, mais une vie de repos éternel dans un bonheur sans fin .

37.La cosmologie et la cosmogonie Dagara

C’est ce qui caractérise, nous l’avons vu, le règne du Mwiin ou Naa-Mwiin(Dieu), des puissances « Saa » et « Tigan », ainsi que des « kpiinmè » qui leurs sont associés.
C’est aussi l’ordre cosmologique ou l’ordre de la vie des essences , de la plénitude de l’être et de la vérité . Il n’est absolument pas étranger au monde présent lorsqu’il est manifesté par les puissances cosmiques et on retrouve par delà la mort qui est l’expérience la plus convaincante de la variété de ce monde du changement . Pour un Dagara , il n’y a pas de contradiction entre le monde visible et matériel et celui des essences . Il est une immanence l’une dans l’autre,une rencontre des deux dans l’être.En cela la notion de daa-par est significative ;elle illustre la jonction de l’au-delà et du présent ( les morts peuvent être entendus au « daa- par .
Mais la sagesse Dagara se heurte à ce niveau à une aporie . Elle rencontre le problème de l’échec qui nous renvoie à son tour aux principes de base ; à la continuité de l’ici-bas et de l’au-delà,à la correspondance entre la causalité matérielle de type scientifique ,à la coïncidence entre l’imaginaire et le réel
Tout ce que nous avons vu,analysé, étudié, notamment la mort, l’au-delà et donc la vie,la conception du monde visible et invisible,de Dieu ,des divinités, des esprits,peut nous amener à nous poser la question sur la conception générale de la vie,les croyances, bref sur la sagesse développée par cette ethnie ,tirée tant de l’observation du monde visible que du fruit de sa réflexion millénaire .
Voyons maintenant sur quelles bases cette sagesse a été construite et résumons–en l’essentiel.

Allons-y les enfants , : ce ne sera pas de la tarte . Il faudra s’accrocher, bien s’accrocher .

a.La conception de la vie ou sagesse Dagara
Le concept de sagesse renvoie à tout ce que les Dagara considère comme telle, que ce soit sur le plan de la vie terrestre ou de l’ordre du surnaturel, sans qu’il soit besoin de référence à quelques normes étrangères considérées comme objectives ou comme universelles.
Il traduit simplement le sens de l’efficacité aussi bien théorique que pratique, empirique que morale .
Tout système de pensée humaine et partant toute sagesse humaine a ses limites . Ce qui importe, c’est son opérationnalité ou sa fonctionnalité
L’une des voies pour y accéder ce sont les célébrations rituelles de la mort où le Dagara exprime le sens qu’il donne à la vie, à la mort, et à une vie future dans l’au-delà..
Mais la pensée Dagara parle également à travers ses mythes, ses rituels, ses proverbes ( zukpaï), ses chansons (yiélu) comme les nuru des femmes, ces contes ( suolu) , toute sa cosmogonie et cosmologie,etc, bref tout le support de sa tradition que nous aurons l’occasion d’analyser à la suite du présent chapitre.
Ce qui est certain , c’est qu’il ne faut pas appréhender la conception Dagara de la vie dans une quelconque science spéculative comme la philosophie occidentale.
La sagesse Dagara se veut en effet un savoir faire et un savoir être, pratiques et pragmatiques avant tout, tout en restant totale car l’homme est en communion avec tout le monde ( la société des hommes, la nature,les êtres supérieurs invisibles( divinités, puissances cosmiques, ancêtres, esprits et génies, etc). L’homme est capable en en effet d’entrer en rapport direct avec l’être fondamental ( le logos) par de là les simples manifestations ou phénomènes des choses .
Il réalise ainsi , des unités micro et macrocosmiques dont la moindre perturbation se répercutera à tous les niveaux.
La sagesse Dagara est collective. Elle trouve sa source dans la tradition sociale.
Faut-il comparer la pensée africaine et la pensée Dagara en particulier à celle du monde occidental que vous connaissez ?
•Le recours aux faits, fondements de la science positive , est-ce de la sensiblerie ou une incapacité à dépasser le moment présent ?
•La quête du bonheur, fruit de la recherche de la perfection ontologique ou illusions ?
• La Communication au corps originaire de l’être , vaines prétentions ou sentimentalisme ?

b.Références mythologiques sur l’origine et l’organisation du monde.
Dans la coneption Dagara , toute la création avec ce qu’elle comporte d’êtres, remonte à une unique source qu’il nomme Mwin. C’est l’Etre –origine qui a créé les Puissances Ciel (Saa) et Terre (Tigan) et d’autres puissances ou divinités ( mwinmè) .
Saa, la Puissance mâle et Tigan la puissance femelle en s’accouplant ont donné tous les autres êtres visibles et invisibles qui peuplent le monde .
Peut-on affimer,en se basant sur l’existence de Mwin comme Etre –Origne , que la société Dagara croit au Dieu unique et donc qu’il est monothéiste ?
Peut-on dire, puisqu’elle croit à des Puissances ou divinités supérieures , aux esprits qui peuplent le monde invisible, qu’elle est polythéiste ?
Grand-père dirait qu’elle est plutôt mono-originariste, ie qu’elle croit en l’existence d’un Etre Suprême créateur d’autres êtres supérieures auxquelles elle attribue des rôles de médiation qui les rend plus abordables que l’Etre Suprême tellement transcendant que l’homme ne peut l’atteindre et donc s’adresser à lui . Ce serait même une faute qu’il commettrait en voulant s’adresser directement à Lui .. Il lui faut donc passer par l’intermédiaire des êtres supérieurs à même de s’adresser directement à l’Etre Suprême .
Les meilleurs médiateurs que le Dagara a trouvé, c’est encore ses ancêtres. Il les a hissés au rang des esprits supérieurs. Ainsi peut-il s’adresser directement à eux par un culte pour qu’à leur tour ceux-ci puissent lui obtenir des dieux et de l’Ëtre Suprême toutes grâces et tous dons .
La société Dagara très pragmatique , ne pouvant pas atteindre directement l’Etre suprême, s’est donc bâti un système de divinités, de puissances, d’esprits supérieurs pour l’atteindre ,lui de qui vient tous biens et toutes grâces .
Un Dagara n’est donc ni monithéiste, ni polythéiste .
Il ne rend aucun culte à l’Etre Suprême dont la transcendance le dépasse, mais aux autres créatures supérieures prises comme médiateurs susceptibles, eux ,de se faire entendre de Lui .
Il hiérarchise les divinités , les puissances et les esprits :
C’est ainsi que les Mwinmè ou divinités sont coiffés par l’Etre suprême Mwin ou Naamwin(le roi Mwiin).
Les divinités n’ont pas toutes la même importance pratique :
Il en existe de grandes possédant chacune ,son territoire :
C’est ainsi qu’il y a des mwinmè de la brousse, de la rivière, de la forêt,de la chasse, etc. à qui il faudra rendre un culte particulier si l’on a besoin de leur aide .
-Au dessous de Naamwiin, il y a les puissances telles que Saa (Ciel) et Tigan considérées comme des divinités par l’importance de leur médiation dans la vie quotidienne du Dagara qui, en tant qu’agriculteur, dépend directement de la divinité Ciel, maître de la pluie fécondant,de la divinité Terre, productrice des fruits de la terre dont il a besoin pour se nourrir lui et sa famille .
De façon très pragmatique il importera pour lui de ne jamais négligr ces deux grandes puissances ou divinités à qui il devra vouer un culte régulier pour bénéficier continuellement de leurs bienfaits.
-Il y a les mwinli, ou petites divinités individuelles ou collectives pour tous les aspects de la vie quotidienne, ne se signalant qu’ à certaines occasions comme les maladies et exigeant alors des cultes particuliers pour intervenir en faveur de leurs acdeptes .
-Viennent après les kontonmè qui ont appris à l’homme tout ce qu’il sait, l’agriculture, l’élévage, les arts, bref beaucoup de savoirs pragmatiques . Il doit se les concilier pour mieux se réaliser .
On peut aussi citer les Tibè qui sont des divinités domestiques ou kontonmè.
Viennent ensuite, les ancêtres, les kpiinmè hissés pour le besoin de la cause au rang des esprits supérieurs parfois divinisés dont il faut absolument rendre un culte si l’on veut réaliser une vie heureuse ici-bas et dans l’au-delà.
Ils sont les médiateurs incontournables dans l’au-delà entre l’Être Suprême et l’humain sans lesquels il ne peut réaliser une vie digne de ce nom .
Sans culte des ancêtres l’humain est abandonné à lui-même à ses instincts animaux et donc ne peut se réaliser et atteindre plus tard lui aussi le pays peuplé déjà de ses bienheureux ancêtres .
Il a absolument besoin de leur soutien inconditionnel en tant qu’humain aspirant à une vie spirituelle ici bas et dans l’au-delà .
Cela passe par des sacrfices propiatoires de reconnaissance et de louanges ;puis des sacrifices expiatoires de reconnaissance des fautes commises , de réparation , de pardon et de réconciliation.
Pour ce faire,il leur dédie des autels ou fétiches sur lesquels il offre des sacrifices tantôt propiatoires pour se les concilier d’avance ; d’autres fois expiatoires pour leur demander pardon pour les fautes intentionnelles ou non qu’il a pu commettre contre eux ou contre d’autres divinités .
De fait les ancêtres jouent la principale médiation entre l’homme et les différentes divinités et esprits dont dépend la vie humaine .
Aussi appelle-t-on parfois à tort ce culte d’ancestral ou de religion des ancêtres .

Par pragmatisme il offre aussi un culte à tout esprit supérieur qui se signale à lui pour quérir ses faveurs et surtout pour ne pas provoquer son courroux en quoi que ce soit .
Aussi consultera-t-il les devins jusqu’à trouver quel esprit ou quelle divinité lui en veut et quelles sont les exigences à satisfaire pour se faire pardonner et se concilier à l’avenir ses faveurs.
Au niveau des êtres visibles , l’Humain occupe la première place à commencer par l’homme ( l’humain mâle) qui du point de vue générationnel, vient avant la femme.
Ensuite dans l’ordre , animaux, plantes, nature inanimée . Chaque être est doté d’une vie individuelle propre .
Au départ c’était pour l’humain ( homo/ nisaal) le paradis terrestre, l’homme et tous les êtres créés vivaient en paix dans une parfaite harmonie et le mal n’existait pas encore .Le Ciel et la Terre se touchaient et vivaient en bonne intelligence et tout être vivant se nourrissait des nuages du ciel jusqu’au jour où une femme commette l’irréparable en désobéissant aux consignes données par les dieux pour perpétuer l’harmonie des origines . Ce fut l’origine du mal .
Qu’a-telle fait très précisement, la femme ?
Les versions divergent :
La premier mythe rapporte qu’ elle aurait ouvert par curiosité la marmite où mijotait les nuages cueillis et ceux-ci se seraient alors échappés, envolés entraînant le ciel loin de la terre .
Ce serait là un péché de curiosité bien féminine !

Le deuxième mythe raconte qu’une fille pilait la nourriture cueillie des nuages en gênait continuellement son bienfaiteur , la divinété ciel qu’elle blessait continuellement de son pilon.
Le ciel pour éviter les coups répétés de la fille insconsciente, s’éloignait de plus en plus de la terre jusqu’à devenir injoignable .
Péché d’ingratitude envers son bienfaiteur et d’inconscience envers le bienfait rendu . Péché mignon encore de la femme à la « tête légère », dit-on !
D’autres versions existent par-ci par-là et toutes accusent la femme d’avoir introduit le mal et tout son cortège de malheurs dans un monde divisé en deux parties :
La partie céleste : Saa-zu . « le dessus », « Là-haut », « l’Au-delà
La partie terrestre : Teng- zu- ka : l’« ici bas »
Toutes deux constituant un ensemble macrocospique unissant tous les êtres de toutes les formes et de tous les degrés ou paliers d’existence , visibles et invisibles, naturels , supranaturels, spirituels et transcendants ;

Par cette unité mystique , tout est en relation avec tout de façon immédiate . Il n’y a donc pas de frontière , pas même entre la vie et la mort .Tout microcosme plus ou moins réduit se retrouve impliqué dans un vaste macrocosme qui s’élargit jusqu à l’ Etre-Orignine, Créateur , Mwin ou Naamwin ,le chef, le roi Mwin.

Le monde, dans la pensée Dagara se présente sous forme d’ensembles ou de microcosmes plus ou moins étendus, l’ensemble le plus étendu de l’univers cosmologique Dagara allant du Mwin aux êtres de toutes catégories, comprenant aussi bien l’univers céleste ou Saa que terrestre,celui de Tigan, la divinité Terre.
Mais ici l’ensemble , au lieu de regrouper des individus ayant les mêmes caractères fondamentaux , réunit des êtres relevant de séries de générations différentes mais en relation dans et pour la vie .
Les rapports entre êtres, les modalités d’implication de leurs univers sont fonction de leurs séries de génération ainsi que du degré de leur présence ontologique et donc de leur distance à l’Etre –Origine .
Par exemple , la femme ne peut être l’homme ni le jour la nuit pas plus que la poule ne peut remplacer la pintade .
Mais le carquois, l’arc, une apparence de mouton, etc, peuvent avoir l’essence d’un être humain .
Les relations entre êtres sont régies par le principe de la causalité symbolique propre à la cosmologie négro-africaine et à celle du Dagara en particulier et par les règles spécifiques qui évitent la confusion ou sauvegardent la spécificité de la série et l’individualité ontologique de chacun.
En ce sens , le seul ennemi véritable, absolu , c’est le sorcier et quiconque emprunte son mode d’agir ; car il est anti-associatif en absorbant ceux avec qui il entre en relation .Le seul sort dont il est digne est l’expulsion du monde social et cosmique , l’annihilation par la « dispersion » de son être.
L’être en dispersion a existé et a mérité une sanction mystique maximale qui le rejette en dehors dans les limites de l’univers ontologique .C’est le Mal absolu avec qui pactisent tous tous les ennemis de Tigan et de Saa qui paient à leur mort leurs forfaits par leur annhilation ! Ils ne rejoindront jamais le pays des ancêtres !
Cette vision du monde qui l’entoure participe de la sagesse Dagara même si l’on ne doit pas encore qualifier cette conception du monde de philosophique mais plutôt d’ethnophilosophique.
Car si l’exigence rationnelle est repectée dans la réflexion sur les mythes, rites contes, proverbes, symboles, manières de penser traditionnelles, le probème d’interprétation se pose avec acuité :
En effet quel sens attribuer à ces données ?
Quelle garantie d’adéquation à son objet porte le discours ethnophilosophique ?
Trop souvent celui-ci n’échappe pas à deux écueils : soit l’attitude purement ethnologique d’enregistrement des positions traditionnelles ou ce qu’on croit tel, soit de la logomachie dithyrambique !
M. Maurier pose d’ailleurs , dans sa philosophie de l’Afrique Noire, des questions que peu d’ethnophilosophes prennent généralement en considération :!
Quelle est la valeur de la connaissance traditionnelle ?
Sur quoi fonde-t-elle ses affirmations ?
Pourquoi s’exprime –t-elle symboliquement ?
Comment son discours est-il réglé par sa propre dialectique autant et plus que par l’expérience ?
Quel jeu subtil pratique-t-elle entre compréhension et croyance ?
Pour Paulin Hountondji, il n’y a pas dans l’ethnophilosophie de croyances ni de philosophies individuelles, mais des systèmes de croyances collectifs ; une philosophie entre guillemets, ie une vision collective et hypothétique du monde vue par un peuple donné ;
l’ethnophilosophie dont la recherche repose , en tout ou en partie, sur l’hypothèse d’une telle « philosophie »collective ne saurait être une véritable philosophie selon lui !
En effet l’ethnophilosophie apparaît sous son vrai jour : d’abord rendre compte d’une unanimité imaginaire, s’employer à interpréter un texte qui n’existe nulle part et qu’elle doit sans cesse réinventer .
Elle apparaît donc comme une science sans objet, un langage en folie, abandonné à lui-même, un discours d’autant plus libre qu’il est sans référent qu’on ne peut d’aucune manière en démontrer la fausseté .
Pour Hountondji donc , l’ethnophilosophie prétend la description d’une vision du monde implicite et inexprimée, laquelle n’existait en réalité nulle part ailleurs que dans l’imagination de l’anthropologue .
L’ethnophilosophie, philosophie considérée négativement comme de la philosophie au rabais doit-elle être rangée dans les cartons de la préphilosophie ie une philosophie qui, plutôt que de fournir ses propres justifications rationnelles, se réfugie derrière l’autorité d’une tradition et projette dans cette tradition ses propres thèses, ses propres croyances ?
Comme on le constate ,deux camps se dressent face à face :
Les adversaires de l’ethnophilosophie tel que P. Hountondji et ceux
qui tel que Tempels qui a créé le terme de l’ethnophilosophie, Biyogo, Laleyè, etc, luttent pour son habilitation au titre d’une vraie philosophie comparable à la philosophie dite occidentale !
Une troisième voie prône le dépassement deces deux positions en plaidant le terme de philosophie tant pour la philosophie occidentale qu’africaine tel que M. Hegba et notamment Tshiamaluga Tumba qui dit qu’il ne saurait y avoir de réponse satisfaisante s’agissant de définir ce qu’est la philosophie .
Nous arrêterons là, si vous le permettez, les enfants, nos investigations sur la sagesse Dagara dans sa vision du monde visible et invisible, laissant le soin aux spécialistes Dagara et autres africains ou africanistes, le soin de poursuivre dans les détails les domaines non encore exploités
Quant à nous ,intéressons-nous maintenant à d’autres expressions de la sagesse Dagara tels que les contes et légendes , les sentences et devinettes, les proverbes,les récitations du baor, etc, pour en extraire les multiples visages de cette sagesse tissée au fil des générations par ce peuple que les colonisateurs occidentaux ont coupé en deux parties : les anglophones et les francophones vivant aujourd’hui dans trois pays indépendants : Le Ghana, le Burkina Faso surtout et la Côte d’Ivoire dans une certaine mesure .
38 Contes et légendes Dagara.(Suolo)

A la suite des conceptions légendaires de l’origine de l’homme et de la création selon la pensée Dagara, grand-père se propose de vous ouvrir d’autres horizons sur la pensée Dagara par le contes, les récits mythologiques et les proverbes., autres façons de se représenter le monde qui l’entoure.
C’est ainsi qu’il fait parler les animaux au moment où ils n’étaient pas jugés bêtes, mais aussi intelligents sinon plus intelligents, en tout cas parfois plus malins que les humains au point que la pensée Dagara leur rend hommage en les humanisant ou en les plaçant même au desus des hommes comme êtres suprérieurs
Mais de tout temps , l’homme s’est rendu compte que ces animaux que l’on appelle aujourd’hui des bêtes,n’étaient pas plus bêtes que l’homme.
Ainsi Esope et d’autres savants, depuis l’Antiquité la plus réculée, leur donnèrent sans hésiter le don de la parole.
La Fontaine , après tant d’autres conteurs reprit le flambeau avec ses fables que vous connaissez bien !
Les fables sont des contes , des récits qui font parler (phasco, pheimi en grec, for,fari en latin) les animaux !
Vous n’aurez pas manquer de constater que les végétaux et les objets inanimés ne parlent pas ni dans les contes ni dans les fables ! Ils n’ont pas d’intelligence propre même si l’on leur prête parfois une âme alors qu’ils sont censés pour le commun des mortels ne pas en posséder parce qu’ils n’ont pas la faculté de se mouvoir donc inanimés au sens propre du mot inanimé( pas d’âme) ! tout ce qui ne ne se meut pas, n’a pas d’âme :in,négation, animus (qui est capable de s’animer , de se mouvoir.
Le Dagara a donc aussi expérimenté que les animaux n’étaient pas aussi bêtes qu’ils paraissent ! Donc il leur prête également le don de la parole pour dire en fait des choses pleines de bon sens,et de sagesse !
Derrière des histoires qui nous semblent drôles, amusantes, souvent pleines de naïveté , se cachent une morale et une sagesse que le Dagara a expérimentées et méditées avant de les raconter oralement sous forme souvent humoristique !
Cette pédagogie de l’humour est censée porter ses fruits même aujourd’hui , dans nos sociétés modernes où l’humoriste n’est pas seulement là pour distraire, amuser, mais aussi enseigner au second degré la morale , la sagesse tout comme dans les contes et fables.
Donc si vous lisez les contes Dagara ou de n’importe quelle région du monde, prenez-y du plaisir , mais aussi retenez ou chercher à travers les leçons qu’ils en tirent la morale et la sagesse qui y sont diffusées au second degré.
Prenons un ou plusieurs exemples de contes Dagara et voyons à travers les histoires drôles qui arrivent souvent à Dè-pè-lèrè (Der ou deb ,l’homme au derrière plat), appelé couramment Der , les leçons de sagesse qui y sont traitées :
Der n’est pas une araignée( muder) comme il est présenté le plus souvent ; mais un insecte, leTénébrion ( Endostomus senegalensis ).
Der est, de tous les héros, le plus populaire des contes Dagara ccomme vous le verrez en les lisant.
C’est un personnage rusé , malin, cynique , sans foi ni loi et malgré tout sympathique et attirant comme vous le constaterez !
Sa femme se nomme Kyugvarè ou Mwanpirè. !
Son meilleur ami, Nanbag- lè ( le chasseur) est également ,on s’endoute un insecte suçeur de sève, une sorte de punaise des bois.
Ce nom lui vient comme celui de Dè-pè-lèrè de l’esprit observateur des Dagara : En effet il a toujours le dos encombré de petits paquets fermés entourant une brindille obliquement dressée. Le Dagara interprète la brindille pointant en l’air comme le canon d’un fusil et les sachets fermés comme autant de gibecières remplies de viande de gibiers tués à la chasse par notre Nanbag-lè en Dagara, le chasseur
Compagnon presqu’inséparable de Der,Nanbag-lè en est le parfait anti-type sur le plan moral : loyal, bon ,patient et humble quoique intelligent et perspicace !
Les héros secondaires s’appellent : Dièla, l’engoulevent, Song, le lièvre, Mwanm le singe , kour , la tortue, Buralé ,le bouc, Wè-naa, le roi de la brousse(le lion ),,guybbura , la hyène. Ce dernier personnifie dans tous les contes Dagara la sottise, la gourmandise, la maladresse, l’impatience. Il est souvent la victime , pas toujours innoncente de Der, le rusé, plein de mille et une tour de malices !.
76 contes Dagara ont été sélectionnés, traduits en français parmi les centaines déjà répertoriés par l’abbé Mètuolè Somda Jean-baptiste que votre grand-père a connu d’abord à l’école primaire, au petit séminaire de Nasso , puis au grand séminaire de Koumi. Professeur d’exégèse biblique des grands séminaires du Burkina Faso , il vient de nous quitté en 2012 ! Que les Ancêtres l’accueille en leur demeure éternelle de Kpinmè-Tèeng !
-Il traite dans une première partie de Der le maître-trompeur,trompeur trompant par ses ruses et ses malices !
-Mais dans une deuxième partie, il aborde le thème du mâitre- trompeur à son tour trompé par plus rusé ,plus malin que lui.
-Puis abandonnant Der, notre maître- trompeur à ses tromperies légendaires, il montre, dans une troisième partie , en traitant de sujets divers se raportant à la vie quotidienne des Dagara, que « Trompera qui trompera le dernier » pour bien montrer que ce n’est pas seuleument Der qui se plaît à tromper son monde mais toute la société des animaux ,y compris celle des hommes qu’il implique directement dans les contes en montrant que l’objectif premier des contes c’est d’enseigner les voies de la sagesse aux hommes. Les animaux ne servent que de prétexte pour donner aux humains des leçons de morale.
D’autres contes burkinabè reueillis par Mme Rosalie Bancé ont été publiés par le Minstère de la culture , des Arts et du Tourisme. Les uns et les autres séduisent par leurs enseignements et leurs leçons d’éthique dans un monde d’aujourd’hui où les répères solides sont de plus en plus rares !
Heureusement que dans les sociétés africaines comme d’ailleurs , cette littérature orale a toujours été un véhicule de savoir et de savoirs-être !
Puissent les différents recueils de cette littérature orale contée et racontée , remplir le rôle éducatif et moral pour lesquels ilsont été créés, non seulement pour les peuples concernés , mais aussi pour tous les peuples de tous les temps.
Grand-père dispose déjà dans la bibliothèque d’un nombre déjà important de contes en provenance de toutes les parties du monde Si vous êtes intéressés, il se fera le plaisir de poursuivre l’acquisition des livres de la collection pour que vous puissiez bénéficier d’une sagesse universelle faite de l’apport contributif de tous les peuples de notre planète ,la divinité Terre.

39.Les devinettes ou sentences Dagara ou zukpaï

Les devinettes( sentences) ou zukpaï sont des jeux récréatifs , pédagogiques où on apprend à la fois par cœur tant les questions(Zukpaï) que les réponses( zukpa-bié))comme nous le verrons bientôt.
Lob zukpaï :veut dire littéralement lancer des devinettes ou des sentences !
Grand-père préfère le terme sentence à devinette
Donc quelqu’un d’expérimenté dans les sentences lance(lob) une série de zukpaï( pluriel de zukpaar :sentence)et les autres, généralement des enfants doivent, mais pas uniquementeux seuls, trouver les bonnes réponses (ir a zukpa-bié).
Cette séquence précède en général les suolu (contes), le soir, sur la terrasse étoilée,où les vieilles grand’mères, tantes ou mamans commencent la séance par une séquence de zukpaî.
Celle qui doit diriger la narration des suolu ouvre donc la séquence des zukpaï en lançant le rituel :
zukpaï , zukpäï ie : « devinettes, devinettes » ou « sentences ,sentences ».
Et les enfants regroupés autour d’elle de répondre par : « Bè ir, bè,ir », « que l’on devine , que l’on devine » ,littétralement : que «que l’on choisisse, » sous -entendu la bonne réponse, le zukpar-bir
ou « gni lobr ,gni lob » : ie littéralement : « lancez, lancez » ,sous entendu zukpaï. Ce qui signifie : posez, posez (les devinettes)!
Commence alors une série de devinettes où celle qui dirige la séquence , pose un certain nombre de devinettes très courtes et ryhmées telles avec les réponses en face que les enenfants devront trouver !
1)-Sokuo bè yi…………………………….Zè kaan bè ta i : traduction :
« Se laver mais non propre »…………. « Se frotter au beurre non entièrement »

2)Baa-kpal ni gnyé…………………….Baa zulu ni zumè
« .un champ en bordure d’un marigot sec produit de l’igname. »
réponse : « Un marigot profond produit des poissons »

3) Bur-mwaan gbè-gaong………………..Kpankpole ni nuur
La cigogne à la patte cassée…. Le poussin sans plume avec les poules
Ou autre réponse : Bibiir ni gure ………..Les enfants avec leurs gardiens
4) Ka-gbeen ni Kyi………………………………Gaa-bili ni tug
Un seul grain de mil produira du mil………De jeunes plants de néflier formeront tout un buisson.
On notera que chaque phrase(question ou réponse) est constituée de deux parties
qui forment un contraste. : Exemple : So kuon / bè yi : En principe ,on se lave à l’eau pour être propre ! Et zè kaan bè ta i. Et si l’on se frotte de beurre, normalement on le fait sur tout le corps !
Par ailleurs on remarquera que ces petites sentences ,très courtes sont bien rythmées et métrées pour faciliter leur mémorisation par les enfants : même nombre de mots, de pieds dans les questions comme dans les réponses(ici 4) :
Bonne métrique, courte et rythmée ,facile à retenir !
Généralement une fois les devinettes terminées , celle qui doit raconter les contes procède à une une formule stéréotypée de ce type :
1). N ku n naab : « Je tue ma vache »
-Réponse par un membre de l’auditoire : « N de a nyan » : « je prends la poitrine »
2) Et le dialogue se poursuit de la sorte entre celle qui doit raconter le conte et les membres de ceux qui participent à la séance :
« N lè ku a n naab » : « je retue à nouveau ma vache »
Un second membre du groupe répond :
« N ir a gber » : « j’enlève le pied »
Et la séance préliminaire se poursuit ainsi jusqu’à terminer tous les morceaux de la vache.
La dernière personne qui prend la carcasse de la vache doit raconter un conte .
Les gens se défient à qui racontera le meilleur
.
Mais revenons à nos devinettes :
Tout un chacun peut lancer sa sentence. N’importe qui peut essayer d’ y répondre . Si personne ne parvient à donner la bonne réponse, de guerre lasse un membre se décide de jeter l’éponge en disant : « de fu naan » ie « prends ton bien »
Et celui qui a émis la sentence donne la réponse.
Et il est admis à poser d’autres devinettes.Mais il n’est pas raisonnable qu’une même personne monopolise la parole même si personne ne trouve de réponses à ses sentences.
La courtoisie veut que chaque membre du groupe puisse en émettre et que chacun puisse y répondre ,ie il ne faudrait pas poser des sentences trop difficiles à résourdre pour le niveau du groupe.
Comme en Dagara , le terme Zukpaar signifie également proverbe, voyons maintenant ce qui distingue une sentence d’un proverbe :

40. Les proverbes.

D’abord le zukpaar( proverbe) ne s’énnonce pas dans un contexte de divertissement recréatif comme les zukpaï, mais est plutôt un propos de sagesse destiné à édifier , à inculquer une notion de morale et de sagesse populaires.
Le zukpaar peut s’éditer tout seul comme dans les Proverbes de la Bible ou joint comme conclusion à un conte, à une histoire, une légende édifiante comme le fait La Fontaine dans ses fables !
Par ailleurs les proverbes ne s’adressent pas qu’aux enfants , mais à tout le monde qui, à un moment ou à un autre peut les méditer et en tirer profit !
En ce sens les proverbes concernent toute la vie que les devinettes qui sont des divrtissements aux enfants ,des joutes oratoires avec moins d’ambition de donner des leçons de morale ou de sagesse!
Souvent ils manient l’ironie et ou l’humour pour mieux atteindre leur but !
Illustrons notre propos par deux exemples :
1) « Bè yèrè na a pow-gnaw suolo yélé » : « On parle de la sorcellerie à la vieille femme, », « Ku zo do garu yel kè saa koréna »
« Et elle court monter sur la terrasse dire que la pluie se prépare »
Le commentaire de proverbe est que « Si un sujet de conversation est embrrassante pour quelqu’un, la personne concernée cherche à détourner la conversation »
2) « Paw-gnaw gan-biir béen wa mwaan, u mè yéla kè a u gan-bié za mwaan a ;
è a za wa mwaan, u bè lè poré a yuoré ».
« Si une seule cordelette en peau de la vieille femme vient à casser, elle se lamente en disant que toutes sont cassées ; mais si elles viennent toutes à casser, elle n’en parle plus ! »
Commentaire : « On fait beaucoup de bruit pour peu de chose, mais on fait le silence des vrais problèmes »
3) Un autre proverbe populaire par contre très court qui a toujours posé un problème d’interprétation à grand-père c’est le fameux : « Bè gnè bè kuurè i » littéralement : « Le non voir , le non savoir, ne tue pas », ie « l’ignorance ne tue pas »ou mieux « l’innoncence ne tue pas ». Commentaire :Lorsque vous avez mal fait quelque chose, mal agi,voire consommé quelque chose de mauvais, en toute innoncence , pas de souci ; vous n’avez rien à craindre, car il ne vous arrivera rien !
Et si vous saisissez un cobra sans vous en apercevoir, pas de souci même s’il vous mord, vous ne risquez rien ?
Exemple courant : Un jeune bébé est en train de manger de la terre ; sa maman s’en aperçoit ; gronde la petite gardienne. Un adulte passe et dit : « Ne la gronde pas « bè gnè bè kuurè i », ie « le bébé ne risque rien , c’est un innoncent» !
N’est-ce pas un peu naïf ?
Grand –père est en phase de penser qu’un certain nombre de proverbes, de sentences Dagara respirent encore ce doux air de naïveté d’une société d’un autre genre, non encore sortie des limbes de la société moderne !
Les proverbes s’intéressent à tous les domaines de l’activité du Dagara en particulier et de l’homme en général ,à la vie , à la mort,au l’au-delà comme nous l’avons vu dans les funérailles où les cantateurs en usent et en abusent !

4) Autre proverbe sous forme très courte : Naamwiin niung yelmèna : « Dieu a le visage large »
Commentaire : Dieu aux multipls visages voit tout, sait tout ,entend tout ; est au courant de tout,rien ne lui est caché !Mais il laisse à l’homme sa liberté au point de ne plus s’occuper de lui !

41.Le baghr( bagr,baor) Dagara

Le baghr Dagara résume à lui seul en quelque sorte tout le savoir , toute la connaissance, toute la sagesse Dagara. On y trouve à la fois des contes,des mythes, des sentences-devinettes, des proverbes, bref toute la sagesse du Dagara dans ces récitations pouvant contenir jusqu’à 12000 versets récités par une seule personne !
Le baghr, vient de bang, bangfu, savoir(verbe), le savoir. C’est dire si le baghr-kaara-zaa ie plus fort parmi tous les baghr saan-mè( pères du baghr)e »st le plus expert parmi ses paires en la matière , tous formés au cours d’une longue expérience au contact de la nature et par une longue méditation sur la nature humaine.
Ils subissent en effet une longue formation de la religion traditionnelle,et sont de fins observateurs de leur environnement( humain,animal, végétal, et monde inaimé) et finissent par accumuler tout le savoir humain de leur société !
Ce sont donc des savants, des docteurs de leur communautéet partantles sages de la communauté autant que savoir et sagesse font bon ménage !
Mais quel rôle jouent-ils ces « pères du baghr » dans la sociétéDagara ?
Ils ne sont ni prêtres ; ce rôle est dévolu au tigan-Sob .
Ils ne sont pas forcément ni des devins ni des guérisseurs quoiqu’ils puissent exercer en plus ces fonctions.
Ce sont des chefs de sectes, ,des gourous plus ou moins religieux qui forment des adeptes à différents niveaux au métier des différents niveaux du Baghr.
Quant au baghr lui-même il existe différents niveaux de baghr :
Le baghr- pla ( baghr blanc) ou baghr dèwr( baghr sale) :Les jeunes apprentis,les néophytes qui font l’apprentissage devant aboutir à l’obtention du premier degré du baghr seront des Baguè, des initiés au premier degré.
Pendant toute la durée de leur apprentissage, ils s’enduisent de cendre ou de poudre d’argile blanc appelé kaolin.. Aussi parle-ton de Baghr blanc ou baghr .sale. Ils ne se débasseront de leur saleté qu’à la fin de cette première initiation qui peut durer deux à trois mois selon les régions !
Ce premier apprentissage ou initiation se termine par une grande fête où les jeunes initiés sont mis en valeur ! Ils entrent dans la société secrète des gens qui possèdent les secrets de la nature et de l’homme , secerets révélés par le maître au cours de leur apprentissage.
Ses savoirs peuvent n’être que pratiques et concerner les plantes ou tout ce qu’il faut savoir pour bien se soigner en cas de maladie !
Mais ils peuvent concerner de savoirs sur les vrais origines des clans dont particulièrement le sien,la religion traditionnelle : les ancêtres, la cosmologie et cosmogonie Dagara, les mythes, contes ,sentences-devinettes et proverbes Dagara avec leur interprétation ,etc.
Tous ces savoirs ne doivent en aucun cas être divulgués à des non initiés ! Ils sont scellés sous le sceau du secret ! C’est pourquoi le baghr est souvent considéré comme une secte voire une société secrète..
-Ce premier degré de baghr est ouvert à tous les membres de la société Dagara, hommes ou femmes,enfants ou adultes.chacun est libre d’aller se faire initier ! Il n’y a aucune contrainte ni religieuse ni sociale ! Seulement les initiés bénéficiant de beaucoup de connaissances secrètes sur leur société sont auréolés d’un certain prestige que les non initiés leur envient !
Ils sont en plus armés dans la vie et pour la vie dans leur société dont ils ont une meilleure connaissance.

Comment se déroule l’initiation au baghr ?
Nous l’avons déjà vu,l es adeptes sont enduits de kaolin blanc ou de cendre. Ils vivent , mangent et dorment en brousse comme ils peuvent.Néanmoins les formateurs veillent à leur santé et interviennent chaque fois que de besion ! Pour compléter leur maigre pitance de brousse,ils sont parfois amenés à mendier.
Le Baghr est le seul apprentissage Dagara qui se fait officiellement avec un maître. Les autres se font par imitation en regardant faire soit les aînés soit les spécialistes ou experts de l’artisanat qu’ils veulent pratiquer par exemple! C’est dire son importance !

-Le second degré du baghr ou baghr sèbla( le baghr noir) encore appelé baghr kaan( baghr à l’huile ie beurre de karité).
Les candidats sont moins nombreux non seulement par ce que la formation est longue et dure, mais aussi parce qu’elle revient très chère.
Ceux qui franchiront ce cap pourront s’installer comme bao-burè-devins-guérisseurs , professions très lucratives en pays Dagara
Ils apprennent le baghr sèbla qui n’a rien à voir avec le baghr pla tant les « études » sont longues et dures car il faut arriver à maîtriser des savoirs-faire nombreux et variés sans oublier les savoirs-être !
Pour devenir un bon devin consulté,aimé et respecté surtout s’il se destine à une carrière de devin -thérapeute , il doit non seulement capable de poser lesbons diagnostics des maladies les plus diverses, trouver leurs causes souvent multiples mais surtout exceller dans l’art de soigner avec les plantes et autres produits de la médecine traditionnelle !
-Le troisième et dernier degré :c’est devenir un baor-buur –kara-zaa qui constitue le sommet de l’art divinatoire et du savoir de son milieu ! Il saura non seulement réciter jusqu’à 12000 versets du baghr narratif, mais sera capable également d’enseigner au niveau le plus élevé l’art et le savoir acquis non seulement par une très longue expérience, mais aussi par une réflexion profonde sur l’humain du point psychologique surtout mais aussi par une observation minitieuse de la nature environnante (animaux,végétaux et objets inanimés),
S’il arrive à acquérir toutes ces connaissances , il sera un savant et un sage respecté non seulement par ses adeptes , mais par toute la communauté qui se disputera ses avis et conseilscar il possède le top du savoir et savoir-être Dagara,ie la sagesse par excellence de ce qu’un Dagara peut rêver !
Il devient alors la personnalité importante et incontournable du village voire de la région avec qui il faudra toujours compter.
Le baghr narratif est récité en grande partie,chanté dans certaines séquences et même dansé dans certaines de ses parties !
Le baghr se déroule le plus souvent en début de saison sèche lorsque toutes les recoltes sont rentrées dans les greniers ! C’est la période la plus favorable car les greniers sont encore pleins pour une fête de fin de baghr nyofu réussie !
Voilà décrites les pensées religieuses, philosophiques, politiques,économiques , sociales et culturelles qui ont imprégné le milieu traditionnel où a vécu votre grand-père.
Mais cet environnement traditionnel fut totalement bouleversé et transformé non seulement par la colonisation , mais surtout par l’introduction des religions importées : l’islam et le christianisme.
L’islam fut la première religion introduite en Afrique Noire dans les temps modernes,mais n’a guère pris au pays Dagara à l’exception de quelques gros centres comme Diébougou avec les Daga-Dioula venus surtout de Wa au Ghana ou de Bobo-Dioulasso. Dano dans une moindre mesure, vit l’installation de quelques commerçants Dioula qui furent cantonnés dans un seul quartier de Dano.
Aucun vrai Dagara ne s’est embarqué sérieusement dans cette religion restée celle des étrangers,ce qu’il est pratiquement jusqu’aujourd’hui notamment en régions Dagara-Lobr où il n’a jamais pu s’implanter !
En effet dans les départements de Dissin et de Koper , il n’y a encore aujourd’hui aucun Dagara qui se soit converti à l’islam, aucune mosquée construite par un autochtone pour des autochtones !
Cette religion n’a donc jamais eu d’influence dans l’éducation de votre grand-père. qui n’en parlera pas davantage bien qu’elle ait gagné beaucoup de régions du burkina Faso et dont les effectifs ne cessent de gonfler d’une année à l’autre.dépassant de loin aujourd’hui la religion chrétienne.
Le pays Dagara fait exception à cette expansion fulgurante en se convertissant massivement à la religion chrétienne dans laquelle a
baigné toute l’enfance de votre grand-père dont le père, pépé Simon était en plus catéchiste jusqu’à sa mort.
En effet jusqu’à l’âge de 21 ans il n’a connu d’autres écoles que catholiques : Dano, Nasso, Koumi !Il a même voulu ,comme nous le verrons, se faire prêtre catholique en entrant à 12 ans au petit séminaire de Nasso et à 20 ans au grand séminaire de Koumi.
C’est doncde cette religion dont grand-père vous entretiendra ici et maintenant.

42.Histoire de la christianisation du pays Dagara

La christianisation du pays Dagara passe par celle de la Haute Volta aujourd’hui Burkina Faso mais aussi du Nord Ghana actuel.
Nous commencerons donc par évoquer naturellement la christianisation de la Haute Volta en général avant d’aborder plus amplement dans un deuxième temps celle du pays Dagara.

a.La christianisation de la Haute Volta commence d’abord par le pays Mossi.

Le début de l’histoire de l’évangélisation de l’Afrique s’est faite à plusieurs époques. La première évangélisation remonte à la période apostolique lorsque le diacre Philippe baptisa l’eunuque éthiopien, haut fonctionnaire de Candace , reine d’Ethiopie( Ac 8,26-63.).Puis ce fut l’Afrique du Nord avec entre autres Saint Cyprien évêque de Carhage, Saint Augustin, évêque d’Hippone , etc ?
Mais l’histoire de l’élévangélisation systématique de l’ Afrique à laquelle se rattache le Burkina actuel, autrefois la HauteVolta date de la fin du 19eme siècle, debut vingtième en même temps que la colonisation de l’Afrique par les puissances occidentales notamment la France , la Grande Bretagne, l’Espagne, le Portugal.
Cette histoire est liée ,au Burkina, à celle de la Société des Missionnaires d’Afrique, appelés plus couramment« Pères Blancs », Sœurs Blanches » que fonda en 1868 le Cardinal Charles Martial de Lavigerie(1825-1892),archevêque d’Alger et de Carthage..
Dans l’actuel Burkina ,l’installation de l’Eglise catholique commence avec Mgr Augustin Prosper Hacquard (1860-1901), Missionnaire Père Blanc, vicaire apostolique du Soudan résidant à Ségou dans le Mali actuel.
Il visita le pays deux fois en 1899 et en 1900. Il fonda d’abord le 22 janvier 1900 le premier poste de mission de Koupèla qui aura l’honneur d’abriter le premier diocèse du pays avec un évêque autochtone, son excellence Mgr Dieudonné Yougbaré né le 16 février 1917 à Koupèla, mort le 4 novembre 2011à l’âge de 94 ans
Ce ne fut ensuite le 25 juin 1901 que le poste de Mission de Ouagadougou fut créé.
Mais celui dont l’influence a été énorme sur tout l’ensemble du pays et qui a donné à cette fondation son ossature forte en structures mais aussi en personnel est bien Mgr Joanny Thévénoud ( 1878-1949), appelé encore l’évêque du Mossi.
.Les premiers missionnaires dont Mgr Hacquard en particulier ne furent pas attirés par les populations minoritaires soit disant sans pouvoir organisé comme les Dagara dont nous parlerons plus tard !
Les Mossi étaient et restent de nos jours encore l’ethnie la plus importante et l’une des plus organisées avec des chefferies dont certaines datent du 15eme siècle.
Donc pour les Missionnaires, le Mossi constituait le milieu idéal à partir duquel ils pouvaient implanter solidement et durablement l’Eglise et ce malgré son visage monolithique, ses nombreuses exigences familiales et sociales contraignantes.
Mais les Mossi constituent un peuple très hiérarchisé et leurs chefs les Moro-Naba se font obéir au doigt et à l’œil . Si l’on gagne les chefs , on gagne ses sujets et la mission de christianisation se fait plus facilement alors que dans une société segmentée (acéphale) , chaque famille, chaque chefferie est indépendante et n’a de comptes à rendre à aucune autorité terrestre. Elle ne connaît comme autorité que les ancêtres et les divinités !
Les missionnaires misèrent donc à fond sur les royaumes Mossi et ceux qui les entouraient tels le pays Gourounsi : fondation d’un poste de mission en 1912 à Réo, à Bonduiky-Tankuy et à Toma en 1913 , à Manga en 1915.
Dans le Gulmu (pays Gourmanché), la situation a été plus compliqué du fait qu’il avait été d’abord rattaché au Dahomey, puis au Niger et enfin à la HauteVolta.
En effet dès 1898, des missionnaires s’étaient installés à Fada Ngourma pendant près de 6 mois avant de s’apercevoir que la région n’était pas dans le vicariat où ils avaient été envoyés !Ils se replièrent donc.
En 1900,c’est le tour de Mgr Hacquard qui y fit une visite,installa des Pères Blancs qui durent faire un repli sous la pression hostile de la population de Fada . Ce ne fut qu’en 1936 que Les Pères Blancs pourront s’y établir définitivement.
Mais le vicariat de Ouagadougou était déjà créé le 2 juillet 1921et confié à Mgr Joanny Thévénoud qui sera sacré évêque titulaire de Sétif et vicaire apostolique de Ouagadougou le 1er mai 1922. Sa forte personnalité , son esprit d’initiative et sa créativité ,son sens de l’organisation en ont fait un chef incontesté de ses missionnaires, des chefs traditionnels et même de l’administration coloniale .Il fit beaucoup pour asseoir l’Eglise en Haute Volta.Il oeuvra énormement sur le plan socio-économique notamment en agriculture : premier à introduire les manguiers , les Pommes de terre, la vigne, le blé, etc à construire le premier barrage dans la localité de Pabré . Il essaya même l’introduction de moutons mérinos pour fournir de la laine aux usines de tissage qu’il créa à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso ; défense des droits et de la dignité des femmes notamment vis à vis du mariage forcé.
Il dû même créer des villages et des quartiers pour les chrétiens pourqu’ils puissent vivre en toute tranquillité leur foi.
L’arrivée en 1931 du Père Goarnisson, ophtamologue de son état, lui permit d’engager une gande action médicale pour enrayer la maladie du sommeil.il créa des dispensaires et forma des infirmiers et des infirmières.
L’évêque de Ouaga organisa le catéchuménat en 4 étapes :
-L’année de la prise de la médaille
-l’année de la prise du chapelet
-l’année de la prise de la « croix blanche »
-l’année du baptême
Soit un parcours initiatique de 4 ans où le catéchumène est testé dans sa foi avant de recevoir le baptême. Les catéchistes étaient chargés de la formation de ce catéchuménat dans les villages et quartiers des villes.
Il ne manqua pas de créer un petit séminaire à Pabré en 1925 pour assurer la relève des missionnaires.
Mais déjà en 1922,il fondait la première congrégation féminine autochtone : les soeursde l’Immaculée -Conception dont il confiait la formation aux Sœurs Blanches.
Il organisa le laïcat et les mouvements d’action catholique en faisant appel à la collaboration active des meilleurs chrétiens pour la bonne marche de leur communauté.
Au total, Mgr Thévénoud sera resté 46 ans à Ouagadougou dont 28 ans à la tête de l’épiscopat. Il meurt le 16 septembre 1949après avoir ordonné plusieurs prêtres autochtones et posé les bases solides de l’Eglise de Haute Volta .
Les équipes pastorales missionnaires étaient implantées( 3 par poste de mission) à travers tout le territoire, chargés d’appliquer une pastorale de proximité .C’est dans la discipline et l’obéissance qu’ils appliquaient les directives pastorales laissant très peu de place à l’initiative personnelle.Ils devaient vivre au milieu des populations , apprendre les langues et les coutumes locales. Une vie communautaire hiérarchisée était la règle générale avec l’observance stricte de directives précises.
Ces règlements perdurent encore jusqu’à nos jours dans toutes les paroisses du Burkina malgré le départ de la plupart des Pères Blancs et leur remplacement par un clergé autochtone et autonome !
Belle réussite, non ?
Les Missionnaitres misaient dans la population sur les chefs traditionnels et les jeunes .
Gagner d’abord la confiance et la sympathie des chefs traditionnels leur permettaient de gagner ensuite la population qui leur était soumise..
Les jeunes scolarisés ou catéchisés ( garçons et filles) étaient également visés pour transformer petit à petit leurs sociétés.
Mgr Thévenoud prenait la défense des autochtones contre certains abus de l’administration coloniale, s’attirait beaucoup de sympathie de la population non chrétienne . Cela aida beaucoup à l’expansion chrétienne. Il prêcha pour la libération de la jeune fille à suivre la religion de son choix et de choisir surtout son mari ., ce qui permettait aux jeunes chrétiens de pouvoir se marier avec de jeunes chrétiennes.
Cela n’était pas du tout du goût des vieux qui mariaient de force les jeunes filles dès l’âge de 14 à 15 ans !
Pour l’évêque le christianisme apportait non seulement une action civilisatrice , mais aussi une libération , un changement et une évolution des sociétés autochtones.
La croissance de la chrétienté fut telle que le besoin de créér un autre vicariat apostolique à Bobo-Dioulasso fut décidé en 1937. ; puis dix ans après en 1947 ce fut la création de la préfecture apostolique de Gao confiée à Mgr Lesourd alors en poste comme Père Supérieur dans la région Dagara.Les oncles de grand-père se souvenaient encore de ce « bon Père Linsourd» comme il l’appelaient.
Mais malgré leur zèle apostolique, les Pères Blancs ne pouvaient pas à eux seuls encadrer ce flux immense de catéchumènes qui se pressaient aux portes des missions pour embrasser la nouvelle religion des Blancs .
Par ailleurs avant la division de l’ancien vicariat en deux , voir plus tard en trois,etc ;celui-ci dépassait les frontières actuelles du Burkina : Il s’étendait en effet d’Ouest en Est de Nyangologo jusqu’aux confins du Tchad et du Nord au Sud de la falaise de Bandiagara au Mali à Tamalé au Nord Ghana.Donc malgré l’effort de Mgr Thévénoud pour augmenter les effectifs de ses Pères Blancs, ils ne pouvaient suffir à prendre en charge toutes les nouvelles conversions.
Pour le vicaire apostolique , il fallait vite donner plus de chances à l’entreprise car la religion musulmane pouvait occuper un terrain si favorable au christianisme.
Pour cela ,il fallait se doter d’un personnel d’encadrement motivé et bien préparé.
Le premier objectif fut donc de se donner des auxiliaires indispensables à l’œuvre d’évangélisation.Déjà en 1915, soit 15 ans après l’arrivée des premiers missionnaires, une école de catéchistes avait ouvert ses portes à Ouagadougou.La formation durait 4 ans. Ils formaient ainsi la cheville ouvrière de l’œuvre d’évangélisation.Ils étaient les rouages essentiels de leur méthode , les témoins du Christ qu’ils établissaient dans les villages afin que par eux des communautés chrétiennes naissent,s’établissent solidement et grandissent.
Le catéchiste , après sa formation à l’école catéchistique ,était installé dans un village avec son épouse.Tous les deux , pendant plusieurs années étaient les seuls chrétiens et le seul couple chrétien du village comme nous le verrons avec pépé Simon et Mémé Julia. Les missionnaires leur rendaient visite régulièrement et pouvaient rester plusieurs jours avec eux.Ils leur était confié la mission de gagner la sympathie de tous par la droiture de leur vie empreinte de charité à l’égard de tous. C’est également par le catéchiste que petit à petit la mentalité chrétienne gagnait le village en prenant en compte l’influence des vieux.
Etant donné sa position sociale , le catéchiste était considéré dans le village et dans les alentours . A ce titre ,il pouvait avoir de l’influence sur les « vieux »
Il dispensait des séances de catéchisme à ceux qui le désiraient .
Il les rassemblait pour les célébrations domicales en attente de prêtre et pour tous les autres moments de prière de la communauté.
Travailleurs d’avant-garde, bien formés à la mission d’évangélisation dans leur milieu , les catéchistes restaient indispensables dans chaque poste de mission où se trouvaient les missionnaires eux-mêmes pour les seconder et faire le travail d’évangélisation en profondeur par leur vie et leur enseignement.
Il fallait également former des jeunes filles en vue de fonder une congrégation religieuse féminine autochtone . Cette charge fut confiée aux Sœurs Blanches arrivées en 1912 à Ouagadougou et en 1914 à Koupèla.
Elles devaient s’occuper des femmes et des jeunes filles avec en arrière fond l’épineux problème du mariage forcé.Car celles-ci, selon les traditions locales,étaient données en mariage contre paiement de dot. La plupart du temps, c’était dès leur tendre enfance sans même être consultées par les « vieux » de la famille qu’elles étaient promises à un mari sans possibilité de refus de leur part.
C’est d’abord par la libération des jeunes filles que l’on pouvait les admettre au catéchumenat et développer des congrégations religieuses africaines locales.
On put ainsi créer dès 1922 la congrégation des Sœurs de l’Immaculée conception avec deux jeunes filles déjà fiancées qui firent leurs premières professions religieuses le 8 décembres 1930.
Pour la formation du clergé autochtone les premières écoles des missions furent ouvertes en 1900 à Koupèla et en 1901 à Ouaga.A cela s’ajoutèrent d’autres écoles préparatoires paroissales ou cléricales à Ouaga, Koupèla, Réo, Koudougou confiées aux Sœurs Blanches en vue de préparer les candidats au sacerdoce.
Avec les autres évêques de la sous région, ,Mgr Thévénoud envisagea la création d’un grand séminaire qui serait inter vicarial pour l’Afrique de l’Ouest française de l’époque. Ce fut Koumi dans la région de Bobo-Dioulasso qui ouvrit ses portes en 1934. Le statut de Koumi comme grand séminaire interrégégional , puis interétat a perduré jusqu’après les indépendances des colonies françaises en 1960.
Les premiers prêtres Mossi furent ordonnés en 1942.,ie l’année de naissance de grand-père.
Un an après la mort de Mgr Thévénoud en 1949,la Haute Volta comptait trois préfectures apostoliques : Ouaga , Bobo-Dioulasso et Nouna
A la veille de l’ indépendance de la Haute-Volta , Rome avait créé déjà six diocèses : Koupèla,Ouaga, Bobo, Nouna, Koudougou, Ouahigouya plus le vicariat apostolique de Fada :
Ouaga était élevé au rang d’archidiocèse en 1955 .
Bobo-Dioulasso, Nouna ,Koudougou furent érigés en diocèses à la même date.
Ouahigouya deviendra diocèse en 1958.
Fada-Ngourma,fut élevé en vicariat apostolique en 1959.
En 1922 lors de la création du vicariat de Ouagadougou, il y avait à peine 10.000 chrétiens, la Haute-volta au moment de son indépendance comptait 131000 chrétiens baptisés et 182000 catéchumènes soit au total 10% de la population totale de l’époque.
L’année 1960 marquera la fin de la période coloniale et missionnaire à proprement parler.
Alors que le 11 décembre 1960 était proclamée la République de Haute Volta, dès le 8 mai 1960 arrivait sur le siège épiscopal de Ouaga , le Père Paul Zoungrana ,l’ un des premiers prêtres autochtones ordonnés en 1942 .
Rome sentant venir le vent de la décolonisation la dévança et plaça des évêques autochtones à la tête de plusieurs circonscriptions ecclésiastiques africaines. Ainsi espérait-elle, avec la promotion des autochtones , éviter que la décolonisation n’entraîne la mise à l’écart des missionnaires étr angers assimilés aux colonisateurs comme cela
Se passa en Guinée !
Les soixante premières années de l’implataion de l’Eglise en Haute Volta de l’époque se caractérisent par des œuvres qui donnent de la vitalité à la jeune Eglise : En premier lieu , les écoles cléricales et primaires de Koupèla, Ouaga et Toma ouvertes dès 1922. La plupart de ces écoles privées furent officiellement reconnues en 1960 Deux collèges de filles : Tounouma et Kolog-Naba tenus par les Sœurs Blanches ;les Collèges de la Salle , de Tounouma et de Toussiana pour les garçons.Une école des frères des écoles chrétiennes fut par la suite créée à Diébougou.
Les écoles et établissements catho secondaires et professionnels allaient former les premiers intellectuels et l’élite du pays.
En même temps que commence la campagne contre la maladie du sommeil en 1932, la formation des premiers infirmiers commence avec le Père Goarnisson, un Père Blanc secondé par des Sœurs Blanches et Noires. Il y a également les maisons et centres de formation pour le clergé et les collaborateurs à l’œuvre d’évangélisation. Le centre de formation des catéchistes qui a ouvert ses portes à Toma pour ensuite s’installer en 1930 à Guilongou.L’école des instituteurs destinée à l’enseignement dans les écoles de la mission accueille dès 1945 ses premiers élèves ;le noviciat de la congrégation des sœurs de l’Immaculée Conception en 1922 et celle des sœurs Noires de l’Annonciation créée en 1948 en même temps que celle des Frères de Saint Joseph à Orodara.
Le petit séminaire de Pabré a accueilli ses premiers séminaristes dès 1924.Celui du vicariat apostolique de Bobo fut créé en 1939 et sera définitivement installé en 1945 à Nasso .où grand-père est entré en 1954. Quant au grand séminaire de Koumi il a ouvert ses portes dès 1935.Grand-père y entrera en 1962.
Nous venons donc de tracer le cadre dans lequel va s’insérer la christianisation du pays Dagara tant du côté anglophone au Ghana que francophone en Haute Volta.

b. La christianisation du pays Dagara.

1)Généralités
Grand-père ne pouvait passer sous silence le mouvement de conversions massives qui toucha une grande partie de l’ethnie Dagara aussi bien au Ghana (Gold-Coast d’alors) qu’en Haute Volta.
Ce fut une vraie déferlente qui toucha tous les groupes de la société, même ceux qui n’y avaient aucun intérêt comme certains chefs de terre et possesseurs de divinités qui y perdaient une grande partie de leurs ressourceset influence . Parfois même ce furent les tigan-dem et les prêtres des esprits qui entraînèrent leur monde ! On a vu également de nombreux polygames devenir monogames .
Par ailleurs le mouvement a atteint toutes les catégories d’âge : aussi bien les vieux que les jeunes , les hommes aussi bien que les femmes ,parfois des maisons entières .Là,on est « entré tous ensemble dans la prière » comme on le dit en Dagara « Kpè puoru »,parfois une partie de la maisonnée ; ici ce sont les femmes seules qui y sont entrées ; là, les hommes seulement , parfois des jeunes seuls ; parfois les vieux tous seuls !
Nous en reparlerons un peu plus tard pour Béné sous l’influence de Pépé Simon !
Ce mouvement de conversions n’a pas suivi le processus habituel de la « conversion » en pays de mission comme nous l’avons montré dans le Mossi et ailleurs. Pourquoi ?
Nous essayerons d’en analyser et cerner les principales causes .
Dans l’ensemble ,cette ferveur première s’est maintenue . Nous en voulons pour preuve les vocations sacerdotales et religieuses qui sont loin de tarir ; les groupes d’action catholique, les recrutements des catéchistes qui draînent encore des foules de jeunes !
Le mouvement n’a pas eu aucune faveur administrative. Il a commencé au Ghana actuel alors sous domination anglaise influencée quelque peu par le protestantisme.
L’installation de la première mission à Guyrèbaa (Girapa) s’est faite même contre la volonté du gouverneur anglais.L’évêque de Navrongo de qui dépendait Guyrèbaa dû en appeler aux autorités de Londres pour l’obtenir.
Quant à l’administration française, elle n’a jamais favorisé la religion catholique ; le premier administrateur français contraria nettement ce mouvement de conversions ;ses successeurs restèrent dans une réserve souvent hostile qui n’était même plus de la neutralité. La réaction populaire fut tellement plus forte que la volonté des autorités dût s’incliner devant cette situaton de fait !
Le peuple Dagara voyait son intérêt d’aller se faire soigner par « les hommes blancs descendus du ciel »ou qui faisaient pleuvoir en invoquant leur Dieu plus fort que le leur. On apprécia également, en pays Dagara , l’effort scolaire de la Mission qui souvent fut la seule à aider son évolution.

2) Préliminaires à l’évangélisation du pays Dagara.

En 1906, Mgr Bazin prescrit au Père Morin , canadien français , d’installer une mission à Wa ; mais l’autorité anglaise prétextant l’insécurité du pays , s’oppose à cette fondation qui doit être reportée vers l’est , en pays Garounga , à Navrongo. A cette époque , le gouvernement français ne donnait plus l’autorisation d’ouvrir de nouveaux postes de mission et ceci jusqu’en 1912. Il fallait donc en fonder en dehors de l’AOF.
Un autre but de cette fondation était de préparer un refuge aux missionnaires pour le cas où la France d’alors les aurait chassés de ses colonies ; cette crainte n’était pas une hypothèse en l’air .Enfin ,en 1929, les premiers Pères Blancs s’établissent chez les Dagara.

3) Fondation de la Mission de Guyrèbaa au Ghana.

C’est le 30 Novembre 1929 que Mgr Morin , vicaire apostolique de Navrongo, installe à Guyrèbaa les Pères Mc Coy, Paquet et le Frère Basilide . Voici leurs premières impressions : « Les Dagara semblent intelligents et travailleurs .Il est trop tôt pour se prononcer sur l’avenir de la mission , cependant nous sommes pleins d’espérance. Le dispensaire et les tournées à domicile nous gagnent les cœurs. Nous espérons que la cordialité avec laquelle nous sommes reçus partout sera le prélude de la bonne volonté à accepter la parole de Dieu. »
« Au 30 juin 1931, Guyrèbaa compte 500 priants qui viennent régulièrement se faire instruire. Mais ce qui est extraordinaire , c’est que chacun est animé d’un beau prosélytisme et se montre fier de nous emmener chaque dimanche les nouvelles recrues gagnées dans son village ou parmi les ses amis.Et ces gens viennent de 5,8,10 voire 15 miles de distance … La saison des pluies elle-même n’arrête pas cet élan ! Ces postulants ne sont pas que des enfants , mais surtout des hommes mûrs , voire des vieillards » .« Vraiment ces Dagara ne sont pas comme les autres ! » « Des parents ne nous ont-ils pas offert d’eux-mêmes leurs enfants ,pour que nous les envoyons à l’école à Navrongo, à 130 miles ; cela parce que nous ne pouvions pas encore commencer l’école ici » » Ce ne fut pourtant pas le vieux chef de Guyrèbaa qui eut le mérite de lancer ainsi cette mission. Vieux malin , s’il en fut ,il s’est montré très prévenant dans le commencement , mais dès qu’il se rendit compte que nous ne l’aiderions pas pour certains abus, il se retira dans un « splendide isolement »et il n’y eut que les membres de sa famille à ne pas fréquenter la mission. »
Le rapport de juin 1932 est enthousiaste : « Il semble que toute cette tribu veuille se convertir en masse dans un rayon de 50 miles. Autour de nous. Guyrèbaa n’est plus un vulgaire village de brousse , c’est un centre où sont attirées plusieurs tribus : Dagara, lobi, Sissala et Walè.Qu’est-ce qui les attire ? »
« Dans les débuts ,ils cherchaient la santé du corps ,un soulagement à leurs maladies , maintenant ils viennent chercher la lumière de la foi.Ils sont plus de 20000 qui s’acheminent chaque mois vers la mission. On a dû assigner à chaque village ou groupe de 2 à 3 villages , son jour de semaine pour venir à la mission , sans quoi il devenait quasi impossible d’y faire un travail utile,tellement l’affluence y était considérable.On a compté à certains jours 10000 personnes autour de la mission . C’est toute la famille qui vient : vieux, vieilles, maris , femmes et enfants . C’est une émulation parmi tout ce monde à qui apprendra mieux et plus vite les prières et le catéchisme. Les enfants sont fiers de montrer que leur père et mère savent le catéchisme et vice versa. Et tout cela ne semble pas un feu de paille ou un emballement passager. Certaines pratiques fétichistes sont ébranlées.Témoins plusieurs villages qui, après avoir immolé une partie de leur bétail pour avoir la pluie , mais en vain, s’acheminent vers la mission :chefs , féticheurs et notables en tête,avouant leur impuissance et demandant aux pères de prier pour eux afin qu’il pleuve. C’est alors l’occasoin pour celui-ci de leur faire une petite instruction leur montrant que Dieu est le seul maître des hommes, aussi bien que des éléments ; puis il leur fait faire une petite prière à Dieu pour demander la pluie.En retournant dans leurs villages , ils sont trempés par une bonne tornade et ont encore la pluie toute la journée du lendemain. Tous les survivants que nous connaissons ,venus de Dissin , Tovuor, Piirkuon, Dano sont unanimes sur ce point :
Sans se prononcer sur le caractère extraordinaire de ces faits, ,on constatera qu’il est certain que ces Dagara qui y ont cru , ont abandonné en grand nombre leurs divinités et ont renoncé à la polygamie !S’ils ont fait de tels sacrifices , c’est parce qu’ils étaient convaincus du caractère surnaturel de ces faits.Dans l’impossibilité où se trouvaient les trois missionnaires de ce poste d’instruire de pareilles masses, Mgr Morin fit provisoirement de l’école du poste une école de catéchismes sous la direction du Père Larochelle. Pour commencer , ils étaient là une soixantaine d’hommes mariés qui suivaient régulièrement les cours tout simplement comme de jeunes enfants.
En décembre 1932, fondation de la Mission de Kaléo .
En décembre 1933, fondation de la Mission de Nandom

4).Propagation du mouvement de conversions chez les Dagara de Haute Volta.

Comme le hasard fait bien les choses ! Certains y verraient la Providence ! Quoiqu’il en soit, l’aventure de Kula racontée par le RP Hébert dans sa monographie est très édifiante
Jugez-en-vous-mêmes les enfants : Votre grand-père ne peut résister de vous la rapporter :
Kula de Dissin part à Kumasi comme tous les jeunes de son âge pendant la saison morte en quête d’aventures et d’un peu de sous.
En aventures , il sera comblé au-delà de ses désirs ; enespèces sonnantes et trébuchantes, ce n’est pas certain !
A la narration des merveilles qui se passent à Guyrèbaa, son esprit de curiosité s’éveille . Il veut les voir de ses propres yeux. Alors ,il suit le flot des gens qui y vont pour les mêmes raisons.
Lui aussi il veut voir de ses yeux « l’homme descendu du ciel » ! Subjugué par ce qu’il voit ,il décide d’y rester un certain temps pour se faire une idée et il s’inscrit comme catéchumène.et passe la première des 4 étapes décrites plus haut qui mènent au baptême. Puis il décide de retourner chez lui raconter ce qu’il a vécu à Guyrèbaa !
Retourné donc dans son village et il raconte son aventure à Guyrèbaa avec tant d’entousiasme que la nouvelle se répand dans tout le village et ses environs .Ses récits enthousiasmants arrivent à persuader non seulement son entourage , mais encore les villages environnants qui se pressent pour venir écouter les histoires extraordinaires que raconte le jeune homme de retour de Guyrèbaa !
Certains Dagara descendus sur la Côte ont été en contacts avec des chrétiens protestants ou catholiques , mais n’avaient même pas fait attention à cette religion surtout des hommes blancs qui ne les intéressait pas !
Mais cette fois-ci cette religion est venue jusqu’à eux à Guyrèbaa et accomplit merveilles « no-mwaan-yélé » ie des choses étonnantes dont vous restez bouche bée ! des choses inexplicables , des « yel-bang-gouri » en Dagara.
Vieux, hommes mûrs, femmes , enfants , malades se mettent alors en route vers Guyrèbaa pour voir de leurs propres yeux ces choses incroyables que leur a racontées Kula.
Ces mouvements d’ampleur de foules immenses vers la zone anglophone finissent par inquiéter les autorités administratives françaises qui veulent les endiguer en frappant, mais en vain le principal responsable qui les a provoqués. Elles s’en prennent à Kula , l’enferment , le fouettent en l’intimidant, mais ne trouvant rien de bien méchant dans sa conduite, le relâchent . Il revient auréolé de gloire tout comme au temps apostolique ou Pierre,Jean ou Paul et bien d’autres ont eu à subir des autorités juives voire romainesles pires réprimandes !
L’emprisonnement de Kula et sa libération constituent une propagande pour le mouvement de migration vers la zone anglophone qui ne cesse de prendre de plus en plus de l’ampleur. Les autorités francaises mises devant les faits et ne pouvant pas arrêter ces flux migratoires se voient contraintes de solliciter la création d’un ou plusieurs postes de mission dans la zone du Dagara francophone au vicaire apostolique de Bobo-Dioulasso, Mgr Esquerre.
Le 1er décembre 1932, celui-ci accompagné du Père Paternot, viennent visiter les principaux centres Dagara . Ils y sont reçus avec beaucoup de ferveur et d’enthousiasme en demandant des Pères pour la région..
En mars 1933, , c’est décidé pour une implantation d’un poste de Mission à Dissin d’abord ,lequel s’installa sur la colline interdite qui surplombe le village.Personne au paravant n’avait osé y monter à plus forte raison s’y installer.
Le 6 juin 1933 le Père Lesourd futur évêque de Nouna est nommé supérieur de la mission de Dissin et s’y installe avec le Père Nadal arrvé le 13 juin qui sera spécialement chargé de la région Dano-Koper,en vue d’une future implantation à Dano.
« Les Pères se sont installés à Dissin, plus besoin d’aller Guyrèbaa. » scandait la foule lors de la fête d’installation du Père Lesourd.
Le 5 décembre, les pères Nadal et Terrien partent définitivement pour Dano où ils ouvrent la seconde Mission dans une zone Wiilé, mais s’occuperont également des Dagara-Lobr des cantons de Kogpèr et de Mèmer . Tous ces missionnaires,grand-père les a connus même avant d’entrer à l’école !
Les succès des missionnaires sont dûs à leur dévouement surtout sur le plan sanitaire : c’est ainsi qu’ils combattront et vaincront la maladie du sommeil qui sévissait sévèrement dans beaucoup de villages proches des cours d’eau de la Bougouriba et de la Volta .
Certains faits merveilleux comme la venue de pluies pendant des saisons de pluies sèches y ont également beaucoup contribué : Les tigan-dem malgré des sacrifices importants d animaux à leurs divinités ne parvenant à faire pleuvoir, se confiaient en dernier ressort aux missionnaires en leur suppliant de prier leur Dieu pour qu’il preuve. Et lorsque ceux-ci y parvenaient, c’était le délire ! Et la nouvelle se répandaient très loin jusque dans les villages les plus réculés ! Le Dieu des blancs est « trop fort » ! Il faut le prier et se soumettre à ses volontés en adoptant la religion des Blancs qui l’ont fait connaître.
C’est ainsi que le 12 mai 1935, à Dissin eurent lieu les premiers baptêmes de la Mission(12) tandis qu’à Dano , ce fut à la Pentecôte qu’une dizaine d’hommes la reçoivent. Le 17 avril 1935, à Babora , c’est le premier dimanche des Lobr, embryon de la future Mission de Maria-tang. Le 25 décembre 1938,c’est le baptême du petit Bèrèwè Somé de Wa’haoubilé né vers 1930.Il reçoit le nom de Jean-baptiste .Il est baptisé en même temps que ses parents.Il sera plus tard le premier évêque Dagara de la zone Dagara francophone.
En mai 1939, Louis-Pierre Zin-ni Zunmè Dabiré de Guéguéré , entre chez les frères de St joseph à Orodara. A la dissolution des frères de Saint Joseph en 1955 il entre chez les trappistes.
Le 13 mai 1939, arrivée de 6 franciscaines Missionnaires de Marie ; 6 autres se rendent à Guyrèbaa.
En septembre 1939 , l’école catholique de Dissin ouvre oficiellement ses portes.
Le 14 septembre 1942, le Père Burtz de Dissin et le Père Rouast de Dano, partent créer le poste de Legmoin chez les Wiilé du Sud . Des catéchistes volontaires partent avec eux pour faciliter les débuts de christianisation et parmi eux Kula qui y mourra ,après s’être dépensé sans compter.
Alphonse Kpoda fils de la chefferie de Piirkuon sera des leurs. Et c’est pendant son séjour à Legmoin que naîtra Jean Somé, le seul camarade de Grand-père depuis l’école primaire en 1948 jusqu’au grand séminaire en 1963 soit pendant 15 ans !
En octobre 1942, grand-père était déjà né et baptisé,arrivent les Sœurs Blanches à Dano .C’est la fondation de l’école des garçons et des filles de Dano dans laquelle rentre aussitôt, la cousine Elisabeth,grande sœur de Raphaël Hien, Christophe Somé de Béné( Bèssèinyir) , fils de Germain, Guy et Joseph de Kpaï,Norbert de Gorgaane, Germain et Pierre Dabiré de Guéguéré, Jean Noël et Denis de Mèbar, Nicée de Zingaane et bien d’autres que Grand-père a dû oublier les noms ! Il les retrouvera en 1948 au CMII lorsqu’il rentrera à l’école de Dano 6 ans après sa création.
Le 21 février 1943, bénédiction de la chapelle de Gaoua avec l’amorce d’une future création d’un poste de Mission .
Le 29 avril 1944 est une grande date pour la mission avec l’ordination à Dissin du premier prêtre Dagara , Mr l’abbé Mètuolè Dabiré Emmanuel, originaire de Bobra. Sa propre sœur , Sœur Jeanne -Marie , professe , est venue exprès de Ouaga
En novembre 1944, des jeunes filles de Dissin et de Dano,dont la cousine sœur Jeanne Somda, partent à Bobo pour se préparer à la vie religieuse.
Le 16 mai 1945, Bénédiction de la chapelle de Batié qui dépendait encore à cette époque de Legmoin.
Nandom, poste de Mission créé en 1933 donc la même année que Dissin et Dano, fondera un poste de 4 « Sisters of Mary Immaculate », formées à Ouaga. .
Le 13 septembre 1946, fondation de la première Mission en pays Dagomba à Tamalé. Huit catéchistes Dagaba partent aider les Pères. Heureux u de leur retour au pays d’origine de leurs ancêtres pour annoncer la Bonne Nouvelle dfe l’Evangile !

En Novembre 1949, mourait à 29 ans le jeune catchiste Kusiélé Dabiré Simon , premier catéchiste de Dayèré, père de Kusiélé Nèbangfo Somda Jean-Philippe votre grand-père , né le 25 juin 1942 comme vous le savez déjà, baptisé le 10 juillet 1942.
Le 8 décembre 1950,à Bobo,les premières religieuses Dagara font leurs premiers vœux tandis que d’autres prennent l’habit religieux . C’est la première gerbe des Sœurs de l’Annonciation de Bobo.
Le 8 février 1951, ordination sacerdotale de Mr l’abbé Peter Dery Somé à Nandom.
En décembre 1951, ouverture du poste de Mission de Ko pour soulager celui de Nandom.
A le même époque Guyrèbaa commence la construction de son hôpital qui deviendra l’un des plus importants des territoires du Nord Ghana . Une école d’infirmière lui est jointe.
En mars 1952, ouverture du poste de mission de Dafièma pour soulager le Nord de Kaléo et le Sud de Guyrèbaa.
A Nadolé, les chrétiens se cotisent pour construire une grande chapelle.
Le 14 août 1955, ordination à Dano de Mr l’abbé Zaguè Mwiin –Sag Hien Victor de Dano, le premier prêtre Wiilé
A Dissin , la maternité est heureusement achevée.
Le 1er juillet 1956, fondation du poste de Mission de Maria-tang sur le territoire du village de Piirkuon, quartier de Tang- Sièn par le Père Sénéville, premer Curé de la paroisse qui construisit de ses propres mains et de ses propres ressources l’Eglise de Mariatang en y laissant toute sa fortune personnelle !
Il nous expliquait, jeunes séminaristes à l’époque que le choix de Piirkuon comme nom du poste de mission prêterait à moqueries en français : « Pire-coin » ou « Pire-con » ce qui n’est guère mieux. Mais on ne pouvait pas donner le nom de Babora, le village voisin car le chef de terre de Piirkuon ne l’accepterait jamais d’autant plus que ce dernier village ne dépend qu’en partie dépend de sa juridiction du point de vue Tigan
Il dût inventer le nom de Mariatang ( colline de Marie » pour pallier à cet imbroglio juridique ! Le nom de la Mission fut accepté de tout le monde quoiqu’il n’y ait jamais eu de village , ni de lieu-dit qui se soit appelé Mariatang !
Mariatang est donc le nom de la Mission sise à Tang-sièn , quartier de Piirkuon fondé par les Kusiélé venus de Nandolé depuis la première moitié du 19eme siècle.
En fin 1956, ouverture à Yemdi , en pays Dagomba d’une mission catholique.
Le 12 avril 1958, ordination à Dano de Mr l’abbé Kpièlè Bèrèwè Somé Jean-Baptiste, premier futur évêque de Diébougou quelques 10 ans plus tard comme nous le verrons.
A la même date dans le diocèse de Tamalé plusieurs frères prononcent leurs premiers vœux tout comme du côté Voltaïque : Zacharie Somda de Dalgaane chez les frères des Ecoles chrétiennes , d’autres chez les frères de Saint Joseph de Orodara, ensuite de Saint Vincent de Paul , comme frère Elie de Béné ( Baakuun yir).

Le 21 Novembre 1958, fondation officielle du poste de Mission de Diébougou pour s’occuper ,non seulement des Dagara , mais aussi des Birifor, Lobi ,Dyan et Pougouli.
1960, ouverture du poste de Mission de Gaoua . pour les Birifor, Lobi et la minorité Wiilé.
La même année , fondation du diocèse de Wa au Ghana.et la nomination du premier évêque Dagara en la personne de Peter Dery Somé nommé évêque de Wa.
Mgr Déry ( Dèr) fut sacré à Rome par le pape Jean XXIII et intônisé par Mgr Amissah,archevêque de Cape Coast au Ghana.
Le 8 septembre de la même année 1961, 5 sœurs prononcent à Nasso leurs vœux perpétuels dont 4 de Mariatang : Ce sont les Sœurs Marie Bernardette, Madeleine , Paula et Julia.
Grand-père y était !
Le 1er décembre 1961, Nangfaa, le vieux chef de canton était baptisé à l’article de la mort sous le nom de Martin.Il s’éteignit le 5 janvier 1962.
Le 31 janvier 1962, mort du Père Nadal à Bobo. Grand-père qui fut baptisé en 1942, vingt ans auparavant par celui-ci ,ne manqua pas d’assister à ses obsèques dans la cathédrale de Bobo tandis que Dano réservait à son fondateur de magnifiques et touchantes funérailles Dagara.
Le 4 janvier ,1964, décès du Père Girault . Le pays Dagara lui doit beaucoup pour ses travaux linguistiques sur la langue Dagara et sa générosité connue de tous. N’est-ce pas lui qui électrifia les missions catholiques partout où il était affecté ?
On le disait fils du chef de Paris( Paris- naa-bié) ! Il devait avoir touché une grosse fortune en héritage !
Le 24 Octobre 1965, inauguration de l’Eglise de Diébougou qui deviendra plus tard la cathédrale de l’évêché.
Ouverture également du collège des frères de la Salle de Diébougou .
En 1968,ordinations des abbés de la promo de grand-père. Parmi eux les Dagara comme Jean Enock Somé et Joseph Mukasa Somé.L’abbé Anastase, de deux ans notre aîné était également des leurs par suite de deux ans de probationà l’université de Dakar-Fahn.
Le 18 janvier 1969, sacre de Mgr Kpièlè Somé Bèrèwè Jean-Baptiste ,premier évêque Dagara voltaïque .
Le 19 janvier 1969, érection officielle du nouveau diocèse de Diébougou.L’Eglise en pays Dagara était définitivement fondée ,puisque c’est un de ses fils qui préside à sa destinée, 35 ans seulement après l’installation des premiers missionnaires en pays Dagara francophone !

Quelques statistiques datant de 1975 effectuées par le RP Hébert :
Mgr Somé Der Poréku Peter a dirigé le Diocèse de Wa de 1960 à 1974 , puis il a été transféré en 1974 à Tamalé où,d’évêque ,il devint archevêque, puis cardinal
Il est décédé en 2008 à l’âge 89 ans.
Rappel du sacre de Mgr Kpièlè Somé Jean Baptiste le 18 janvier 1969. ,de Mgr Grégory Kpièbaya nommé évêque de Wa lequel est devenu à son tour archevêque de Tamalé de 1994 à 2009 remplacé aujourd’hui par Mgr Philip Naameh .
Mgr Paul Bèmilè ,un autre Dagara de Hamelé est devenu évêque de Wa depuis 1994 en remplacement de Grégory Kpièbaya transféré comme archevêque de Tamalé à la place de Mgr Der Somé Poreku Peter admis à la retraite en 1994 à l’âge de 75 ans comme le demande le Droit Canon.
Il deviendra cardinal quelques années plus tard en 2006 quelques deux ans avant sa mort en 2008.
Mgr Kpièlè somé Jean Baptiste a pris sa retraite à 75 ans en 2006 et remplacé par Mgr Kusiélé Der Raphaël Dabiré nommé en avril 2006, sacré évêque à Dissin le 15 juin 2006 et intronisé comme évêque du Diocèse de Diébougou le 24 juin 2006
Un autre Dagara vient d’être élu et nommé évêque de Dori.Il s’agit de Mgr Birfuorè Dabiré Laurent de Dissin.
Un évêque Lobi en la personne de Mgr Modeste Kambou fut nommé et sacré évêque de Gaoua le 18 février 2012.
Faute d’avoir encore les statistiques d’aujourd’hui du Diocèse de Diébougou, grand-père vous donne à titre indicatif celles de 1975 réunies par le Père Jean Hébert :
Diocèse de Diébougou( à Pâques 1975)
-Nombre de chrétiens :44.217
-Nombre de catéchumènes :2331
-Nombre de catéchistes :103 avec29 bénévoles.
-Nombres de prêtres : 23( en juillet1975) ;ce nombrea doublé aujourd’hui !
– Nombre de sœurs Dagara : -Franciscaines : 23
– Sœurs de l’Annonciation de Bobo(S.A.B) :41
-Fille du coeur de Marie :1

.Statistiques actuelles du diocèse de Diébougou(2015)/
A demander à l’abbé Nicolas Dabiré, vicaire général actuel du Diocèse de Diébougou.

43.Conclusion

Grand-père vient donc de vous esquisser dans cette première partie qui constituera le premier volume dede cet essai,ie l’environnement géographique, social, économique, politique ,religieux et culturel dans lequel il a baigné durant sa toute prime enfance !
Ne soyez pas étonnés , les enfants, si vous n’avez pas tout compris dès la première prise de contact avec la manière de se comporter,et de penser de ce peuple au-de-là des océans !
Ce n’est que le début d’une acculturation avec cette ethnie de l’au-delà les mers .
Il est normal que vous n’ayez pas tout assimilé au premier contact .
Mais comme dit le laboureur à ses enfants dans la fable de La Fontaine :
« travaillez, prenez de la peine…,creusez, fouillez, bêchez , ne laissez nulle place où la main ne passe et repasse … »
joie certaine, vous constaterez qu’à force de labeur,votre tenacité aura bel et bien payé .
Passons maintenant si vous le permettez,à la deuxième partie de l’enfance et au récit autobiographique raconté par votre grand-père Plus personnelle, elle sera aussi plus simple à raconter à l’exception de quelques retours sur la première partie .
En effet les deux sections de l’autobiobiographie sont loin d’être étanches .
Le petit garçon que vous allez voir grandir , quitter son village natal pour l’école à Dano,rentrer au séminaire à Nasso, puis à Koumi, en sortir pour l’université d’abord à Abidjan , puis en France, vous reconnaîtrez sans peine avec son caractère rebelle, revolté , fougueux et impétueux de jeune taureau sauvage (Naa-gara), le caractère Dagara ,Da-gara à peine enfoui sous le poids de l’âge tel qu’il vous décrit dans la première partie !
Vous le retrouverez souvent en conflit avec ses chefs , jamais avec ses collègues car descendant d’une longue lignée de chefferie Dagara, il sait de qui tenir et n’est pas prêt à se laisser marcher sur les pieds par une queconque autorité ,une hiérarchie venant de l’humain. Jamais !
Il ne sait pas ramper à genoux en signe de soumission, mais toujours débout avec la fierté d’un chef Dagara , autrefois défiant l’administration coloniale avec arc et carquois remplis de flèches empoisonnées prêt à prendre le maquis .
Vaincu, il ne se reniera jamais .
Il gardera intacte cette longue tradition de ces valeureux ancêtres, prêt à mourir pour sa patrie en homme intègre, mais à l’esprit rebelle , revolté selon le slogan du capitaine-président assassiné, malheureusement abandonné aujourd’hui :
« La patrie ou la mort . Nous vaincrons » .
Encore gravé au cœur de chaque Dagara, au cœur de chaque burkinabè, prêt à rejaillir dans la bouche de cet homme intègre,fier, qui ne se laissera jamais intimider par quiconque !Jamais au grand jamais !
Maintenant , grand-père vous laisse la parole pour les questions que vous souhaitez lui poser sur ses premiers souvenirs d’enfance.

Postface

Voici décrit l’environnement de l’enfance dans lequel il a vécu :
Plusieurs périodes peuvent être distinguées à partir de cette période :
1. De sa naissance à son entrée à l’école primaire

L’imprégnation dans l’environnement social, culturel, économique,etc est presque totale , mais pas entière dans la mesure où son pépé Simon était catéchiste , affecté dans un village dagara Wiilé, Dayèrè , alors que Béné est un village Dagara-lobr.
En plus en tant que catéchiste catholique, seul chrétien ,
Il prêchait pour une religion différente de la religion endogène traditionnelle de son environnement. Ils se devaient lui et son épouse d’être exemplaires dans leur conduite.
Nous n’étions donc pas dans le même contexte environnemental que les villageois de Dayèrè.
2.La période de scolarisation à l’école primaire catholique de Dano( de 6 à 12 ans).
Dano est un village’ Dagara-Wiilé situé à une vingtaine de kilomètres de Béné. Nous étions parqués dans un internat où nous ne sortions que pour les vacances pour rentrer chez nous.
Votre grand-père n’était plus complètement imprégné par le milieu traditionnel dagara –lobr de Béné.
3. Grand-père au séminaire à Nasso et Koumi situés en pays Bobo à 150 kms environ de Béné.(
L’éloignement tait plus grand du pays Daguera ; les contacts avec les habitants du village plus distants. Nous ne rentrions au pays Dagara que pendant les grandes vacances qui ne duraient qu’à peine 1mois et demi.
4.Grand-père à l’université d’Abidjan(à 21 ans)
Le changement est encore plus grand : grand-père se retrouve pour la première fois dans un milieu urbain à plus de 1000 kms
de son Béné natal.
Il ne rentre que rarement au village
5. Premier séjour de grand-père en France (de 24 ans-40 ans)

Le changement de paradigme est total. Grand-père est plus de 5000 kms de son village natal, dans un autre continent, dans une autre culture totalement différente de ce qu’il connaissait et ce pendant plus de 15 ans avec quelques brefs séjours au pays natal !
Le second séjour en France ne date que 2011 au moment de l retraite de grand-père et de grand-mère à Beaumont.
Entre temps un séjour en Afrique de1982 à 2011 ,d’abord au Bénin, puis au Cameroun mais jamais au Burkina Faso à l’exception de quelques brefs séjours au village.
Il ne vous aura pas échappé que depuis sa tendre enfance jusqu’à ce jour grand-père se sera progressivement éloigné du pays Dagara
Ce sera l’objet de la seconde partie de ce livre que nous abordons maintenant

Deuxième partie ou volume II

Récit autobiographique de grand-père

Le récit autobiographique de ce grand- père pas comme les autres constituera le deuxième volume de cet essai .

Grand-père, quels sont tes premiers vrais souvenirs d’enfance ?

1-Pépé Simon, catéchiste à Dayèrè

Les premiers vrais souvenirs que conserve grand-père enfouis sous une tonne d’autres concernent surtout la maison familiale de Dayèrè d’avant la maladie de pépé Simon, le père de grand-père.
Comme vous le savez déjà,né vers 1920,il avait malheureusement déjà dépassé l’âge normal d’aller à l’école lorsque les premiers missionnaires Pères Blancs, venant de Jirapa, fondèrent en territoire francophone ( Haute-Volta) , sur la demande du commandant de subdivision de Diébougou, les deux premières missions catholiques en pays Dagara francophone : Dissin en 1933 et Dano en fin 1933. Il devait avoir les 13-14 ans . Les plus jeunes comme l’abbé Victor ont pu entrer à l’école primaire et les plus âgés comme pépé à l’école catéchétique.où il a été formé pendant quatre ans.
Le premier poste qu’a dû occuper pépé Simon semble être celui de Mémer où il a perdu sa première épouse vraisemblablement morte en couches .
A la suite de ce malheur, il fut nommé à Dalgaane-gouri où il dû faire la connaissance de Mémé Julia .
Mais il convient de dire qu’un des frères aînés de Mémé , Fidèle, catéchiste , lui aussi , avait été , à l’époque , affecté à Béné et avait amené Mémé Julia comme gardienne de ses enfants en bas-âge ! Ils auraient donc pu se rencontrer également à Béné !
C’est donc à cette période que grand-père naquit le 25 juin 1942 à Béné après la mort d’un premier garçon mort très peu de temps après sa naissance !
Dans le milieu traditionnel Dagara,grand-père , né après un garçon mort très peu de temps après sa naissance, aurait dû prendre le nom de Der car , d’après les croyances Dagara, il est un revenant, de retour dans le ventre de sa mère !
Allait-il rester ou repartir ?
Comme vous le voyez, il avait décidé de rester pour le bonheur de ses parents,de ses enfants et de ses petits enfants que vous êtes !

fut ensuite affecté à Dayèrè un village voisin de Béné, mais situé en pays Wiilé.
Les premiers souvenirs restés encore gravés jusqu’à présent dans la mémoire de votre grand-père concernent d’abord la maison de fonction qu’occupait la famille.
Elle ne se distinguait en rien des autres maisons Dagara décrites précédemment :
Une cour intérieure non couverte mais entourée d’un mur de 3 à 4 mètres de hauteur où on peut séjourner le matin, le soir et la nuit lorsque le soleil et le temps le permettent .
La cour communique avec le kiara, grand vestibule servant de salle commune abritant à l’entrée ,sur la droite ,une petite pièce où se trouve la meule à moudre le grain(photo). La farine écrasée servira à préparer la pâte de mil, plat national burkinabè encore en vigueur de nos jours.
On y écrase également le mil germé (photo) pour la préparation de la bière de mil , boisson très prisée des Dagara comme nous l’avons déjà montré !
Un peu plus loin l’alignement des grosses jarres( duur)(photo) servent à recevoir l’eau pour les usages quotidiens et la préparation de la bière de mil .
Au bout de cet alignement, la porte d’entrée de la chambre de Mémé Julia, le dibilé, est faite également d’une seule pièce.
Tout au fond se dresse le grand grenier ventru destiné aux recoltes du mil et de sorgho constituant la réserve de la nourriture familiale .
Sur le devant , le grand foyer sert à préparer la nourriture par mauvais temps.
Habituellement , elle se fait dans la cour intérieure évitant ainsi la fumée car le kiara , à l’exception de la chéminée de la cuisine, n’a aucune autre ouverture que la porte d’entrée communiquant avec la cour intérieure .
Le côté gauche de cette grande salle rassemble les petits greniers à maïs, arachides, amandes de karité, niébé, etc. et des bancs en terre battue appelés kpoulé», pluriel de kpoul.
La chambre de pépé Simon, le doukpè, communique avec la cour intérieure sur le côté gauche. Il comprend deux parties :Sa chambre proprement dite sur le côté droit et la chambre des prêtres sur le côté gauche, les deux séparées par une petite cour intérieure non fermée rectangulaire de 6 mètresà 7m de longueur et 4 m environ de largeur .
A quelques 20 m de la maison, la chapelle en toit de paille . A l’intérieur des bancs en banco alignés de part et d’autre d’une allée centrale conduisant au chœur où se dresse un autel rudimentaire également en banco .
C’est là qu’officiait pépé Simon chaque dimanche et jour de fêtes, revêtu pour la circonstance,de sa tunique blanche marquée, sur la poitrine, d’une croix rouge .
Grand-père se souvient bien aussi des deux maisons voisines de la leur, la plus proche à quelques deux cents mètres , n’abritait aucun chrétien.Mais ils étaient sympathiques et grand-père jouaient avec leurs enfants de même âge.
La maison d’André et Benoît son frère, à 500m où au contraire tous s’étaient convertis, parents et enfants au christianisme , Tous deux avaient en effet épousé des femmes Lobr de Béné déjà converties.
Rappelons que Dayèrè se situe dans la zone Dagara -Wiilé toujours plus résistante à la pénétration chrétienne .
Grand-père se souvient des maisons de certains amis de pépé Simon : celle d’ Elie, l’ancien combattant qui avait épousé une femme de Béné et dont la sœur, Hélène s’est mariée également à Béné à Mathias de Bègnarè-yir, le père de Jean le catéchiste, de Jean-Marie qui fit une partie de l’école de Dano, de Noé de la RAN’ régie de chemin de fer Abidjan Niger),de Jean -Marc et d’autres enfants dont grand-père a perdu les noms !
Il y a également la maison de Dominique et son frère Gilbert devenu catéchiste, sacristain à Dano ; François , le fils de Dominique ayant fréquenté l’école de Dano en même temps que grand-père, mais n’a pas pu aller très loin . Luciana , la femme de l’oncle Nicodème venait de cette famille amie .
La maison de Benjamin : Grand-père se souvient de la fameuse bagarre qu’il eut avec son jeune frère Barthélémy qui l‘eut criblé de flèches empoisonnées si pépé Simon n’avait pas caché le pauvre hère à la maison .
Grand-père revoit le chemin menant au champ familial en déçà du marigot .C’est par ce chemin qu’arrivait , annoncé par les pétarades de sa grosse moto -side -car( Kpékpé-laa), le prêtre missionnaire pour célébrer la messe mensuelle du village et écouter les confessions des fidèles .
Grand-père se précipitait dehors losqu’il entendait les pétarades du Kpékpé-laa ( moto- bassine)comme l’appelle les Dagara .
La venue d’un prêtre à la maison était synonyme de fête pour grand-père : mets améliorés de viande le soir et d’omelette le matin .
Par contre grand-père n’a plus aucun souvenir des messes et sermons des missionnaires .
Aucun souvenir également des prêches et des séances de catéchisme de pépé Simon à la chapelle .
Par contre la plupart des lieux et des personnes reviennent en mémoire , mais pas les scènes de la vie quotidienne de pépé et de mémé avec nous .
Plus aucun souvenir non plus des deux petites sœurs à Dayèrè ni des jeux que nous organisions ensemble, de nos bagarres ou de nos joies et de nos peines .
En définitive très peu de souvenirs de la vie quotidienne à Dayèrè autres que certains faits marquants que mémé Julia a dû nous raconter plus tard telles que les cahiers et livres de pépé Simon que grand-père s’amusait à déchirer en l’absence bien sûr de son père en échappant à la surveillance de mémé qui se faisait ensuite fâcher pour son manque de vigilance .
Il se souvient du champ de brousse par delà le marigot où Mémé julia nous amenait pendant la saison des pluies.
Il se souvient qu’il était très grand pour un seulcouple ! Mais il faut dire qu’en tant que catéchiste , il recevait l’aide des chrétiens du village et de ses amis qui organisaient des séances de cultures dans son champ !

2..Pépé Simon malade
début de la maladie de son père où Mémé le soignait tant bien que mal à l’aide de décoctions de racines, d’écorces et de feulles bouillies dans une marmite placée dans la cour intérieure .
Et pépé Simon devait ensuite se laver avec la décoction.

De quoi, exactement ,grand-père ,souffrait-il ,pépé Simon?

Sans être très affirmatif, grand-père croit se souvenir de ce qu’a raconté mémé Julia :
Pépé Simon devait souffrir d’abord des hanches après des efforts violents aux champs lors d’un concours organisé entre jeunes talents où Pépé sorti vainqueur,mais à quel prix !
Il n’a plus jamais pu reprendre la houe pour cultiver quoique ce soit .
Les travaux des champs furent donc assumés par les chrétiens et amis du village.
Sa maladie s’empirant de plus en plus,il fut désormais incapable d’exercer correctement son ministère et ses frères décidèrent alors de le ramener à Béné pour de meilleurs soins .
Mais ils attendirent le début de la saison sèche pour recolter les champs et effectuer le déménagement dont grand-père n’a gardé que des bribes de réminiscences telles que le sentier que nous avions suivi, les chèvres qui ne voulaient pas avancer et qui criaient tout ce qu’elles pouvaient !
Nous n’avions ni moutons ni bœufs, mais beaucoup de volaille :poules,et pintades qui étaient mises dans des corbeilles (kasooé) et portées en bandoulière.

-Combien d’années avez-vous faits à Dayèrè , grand-père?
Il ne saurait le dire, n’ayant jamais interrogé mémé Julia sur ce point
-Combien d’années avais-tu, grand-père, lors du déménagement ?
Les souvenirs de la première année passée à Béné restent confus et vagues .
Pépé Simon a pu , dans un premier temps, être soigné correctement , mais pas suffisamment pour reprendre ses activités ministériellesni les travaux des champs. Il était ,disons,en convalescence ; la maladie lui avait laissé suffisamment de répit pour qu’il puisse se déplacer à l’aide d’une canne ,aller en brousse à la recherche d’œufs de pintades sauvages et de perdrix que mémé Julia faisait bouillir, sécher et conserver dans des canaris pour la saison sèche .
Malheureusement cette convalescence ne fut que d’assez courte durée . quelques 8 mois à un an tout au plus .
Il eut cependant le temps de mettre votre grand-père à l’école en octobre 1948, de lui rendre quelques visites pendant un certain temps avant que la maladie ne le cloue définitivement au lit .
Le seul souvenir de grand-père, à cette phase de sa maladie, est qu’il avait le ventre gonflé comme s’il avait de l’ascite et qu’un jour on l’amena à dos d’âne au dispensaire de Dano , qui, sous-équipé en ces années d’après-guerre, ne put rien tenter avant que l’on le ramena au village où il s’éteignit petit à petit dans d’atroces souffrances.

Combien de temps dura la rechute ou cette seconde maladie ?

Grand-père ne saurait le déterminer avec exactitude.Il sait que la rechute dût se produire pendant la saison sèche et qu’il est décédé pendant la fin de la prochaine saison des pluies au mois de Novembre 1949.
Il faut se rappeler que grand-père fréquentait déjà l’école e’tr l’internat de Dano en octobre 1948. il n’était plus au village et n’a pas donc pas pu suivre les différentes phases de la maladie de son père.
Pour récapituler,nous avons dû déménager en novembre –décembre 1947 après les recoltes et pépé Simon a dû passer la saison sèche 1948 à se soigner et à se rétablir. Sa convalescence a dû durer toute l’année où il eut la possibilité de mettre grand-père à l’école en octobre 1948 et de lui rendre des visites avant sa rechute probablement pendant la saison sèche de 1949 !
Cette seconde maladie dura toute la saison sèche et pratiquement toute ;la saison des pluies 1949 où il fut cloué au lit jusqu’en ce début novembre 1949 où nous étions revenus de l’école pour les vacances de la Toussaint ! C’est là que votre grand-père assista impuissant à l’agonie de son père mourant.
Grand-père se revoit pleurant à la vue de son père se tordant de douleur, allongé sur une petite natte dans le gan-ir( petite pièce sans communication avec le kiara , mais en relation avec le davura ( la cour intérieure) et le Doulpè( la chambre privée de son frère aîné, Gabriel..
On pensa un moment le transporter à Diébougou , voire à Bobo-Dioulasso . Mais assez rapidement, on constata qu’il ne pouvait être transporté à cette phase de la maladie avec les moyens de l’époque :
Pas de voiture sanitaire à la mission de Dano ;par ailleurs Béné est à une vngtaine de kilomètres de Dano sans route carossable à l’époque et Dano est à 45 kms de Diébougou et à 170 kms de Bobo !

3. Mort de pépé Simon

C’était, grand-père,en garde un souvenir impérissable, les vacances de la Toussaint et nous nous avions regagné le village .
Grand-père revoit pépé Simon très mal en point, étendu sur une natte à l’entrée gauche du kiara, le grand vestibule . Il respirait déjà avec beaucoup de difficulté .
Puis un jour , sentant venir sa fin prochaine,il fit venir son frère aîné Gabriel et selon la coutume, lui parla devant la famille réunie en lui recommandant de bien nous garder et que s’il ne le pouvait pas ,de nous confier alors à nos oncles maternels qui, eux, disposaient de plus de moyens matériels en tant qu’anciens militaires touchant une pension confortable pour leur milieu .
Il reçut pour la dernière fois l’extrême-Onction, ie le sacrement des malades .
Grand-père se souvient enfin de ses derniers instants où il tomba plusieurs fois dans le coma pour ouvrir péniblement après un certain temps les paupières laissant apparaître un regard déjà éteint .
Grand-père se souvient de la récitation du chapelet suivie de chants à la gloire de Jésus, Marie ,Joseph .
Grand-père se souvient plus particulièrement de cette dernière nuit étoilée de novembre 1949 où il sentit venir la fin .
Grand-père se souvient de ces femmes venant le voir cette nuit là, luttant contre la mort,et l’appelant : « Simon . Simon , a zaa na a anan bii ? » ie : « Simon, Simon, est-ce tout comme ça ?»
Mais elles ne recevaient aucune réponse, et pour cause ?
Il luttait désespérément , le pauvre, contre une mort devenue malheuresement imminente !
Désespérées, elles ne cachaient plus leurs larmes .
Il avait les mâchoires de plus en plus serrées, le souffle de plus en plus court et , au moment où s’éteignent les dernières étoiles de la nuit , avant l’apparition des premières lueurs de l’aube, il expira et rendit l’esprit à Tigan dans les bras de son frère aîné ainsi que le voulait la coutume Dagara., comme grand-père vous l’a déjà explqué :.
On ne peut en effet laisser quelqu’un rendre le dernier souffle sur la natte sans le soutenir .Ce serait une offense à la divinité Tigan .
Lavé et paré dans ses plus beaux atours par ses tantes et sœurs du patriclan, il fut ensuite exposé, au petit matin, devant la maison familiale, assis sur un fauteuil en bois adossé au mur extérieur du davoura,cour intérieure
Il arborait son arc et son carquois ; sur le côté, une croix et ses livres de catéchisme et de chants . Il était coiffé de son chapeau favori .
Son frère aîné venait de pousser les premiers cris funèbres san wé, houé, houé , signal du début des pleurs, selon la coutume .
Ils furent suivis aussitôt des cris de lamentations désordonnés des femmes .
Partout ce n’était que des Aï hiin hiin des femmes de la famille dont beaucoup se roulaient par terre de désespoir !
Et déjà, on s’affèrait à envoyer des jeunes de la famille annoncer le décès de pépé Simon partout où besoin était : qui ,à vélo ou a pieds, la plupart à pieds, car à cette époque, les vélos étaient encore rares !:
Dalgaane dans le patriclan de Mémé Julia ; ensuite partout où nous avions de la famille par alliance :
Mèmer, à Dalgaane-gouri, à Dayèré où il avait été catéchiste ;
Dano pour avertir la mission catholique dont il dépendait et où il avait été formé à l’exercice de son ministère public de catéchiste.
Tous ses collègues de la Mission de Dano, voire de Dissin furent ainsi avertis de son décès jusque dans les plus petits hameaux .
Gabriel, son frère aîné fut le premier à être enduit de cendres .
Ce fut ensuite le tour de ses autres frères et sœurs déjà présentes et aussi de mémé Julia .
La cendre était perçue dans la tradition Dagara comme symbole d’apaisement et de consolation.
Par ailleurs l’ensemble du couple des loguyilé( balafons lobr ou lobi) , après les premiers pleurs,résonnait déjà pendant que le gangaar( instrument de musique souvent utilisés dans les funérailles)) de sa voix forte et grave annonçait aussi le décès de pépé Simon à plusieurs kilomètres à la ronde dans les villages voisins .
Les fossoyeurs,vous vous souvenez, choisis dans un clan différent ( les Kuselbè) pour nous Kusiélè de Béné, étaient déjà à pied d’œuvre, les uns s’affairant et s’activant pour la grande exposion au laï, la place publique du village tandis que d’autres s’occupaient déjà des rites préalables au forage de la tombe.
La grande exposition dans le laï n’eut lieu qu’en début d’après-midi lorsque la confection du reposoir ou paala fut achevé.
Le laï se trouvait à mi -chemin entre le cimétière et la maison familiale .
La construction du paala achevée, l’ouverture tournée vers l’est, les fossoyeurs transportèrent le corps de pépé et le déposèrent la face tournée vers l’est, vers le soleil levant comme le veut la coutume Dagara pour un homme :les jambes croisées, les bras ramenés en avant , son arc sur ses genoux et le carquois en bandoulière.
Près du paala une croix de bois fraîchement confectionnée, ses livres de catéchisme, sa tunique de catéchiste , du mil, des malles remplies de ses habits lui tenaient compagnie dans son voyage pour le pays des ancêtres.

4.Les cérémonies funérairers de pépé Simon
Les parents proches et les intimes avaient accompagné, le corps depuis la devanture de la maison jusqu’à la place publique ; ensuite ils s’étaient installées par patriclan à l’ombre de gros baobabs ventrus et de fromagers géants aux pieds palmés, chaque groupe se retrouvant si possible sur le chemin de son village selon la coutume Dagara.
Les musiciens s’installèrent également à l’ombre à une dizaine de mètres du paala en continuant à jouer les loguyilé accompagnés du kuor ou tambour à grosse calebasse , tous tournés vers le paala où trônait déjà avec beaucoup de solennité pépé Simon « président d’honneur » de ses propres funérailles.
Lorsque la famille eut estimé l’assemblée assez nombreuse, elle déclara , comme le veut la coutume, le début de la cérémonie officielle ouverte à tous.
Débute alors le jeu de l’ensemble des dègaar( balafon Dagara) suivi de la formule consacrée des lawni : « a bara yé, yé . Kusiélé biir, a bara yé,yé… » ie « c’ en est fini ,c’est bien fini, .fils de Kusiélé, c’est bel et bien fini ! »
Les premiers lawn-kokonbè littéralement «pleureurs de lawni », (chanteurs) furent les kusiélé , ie ceux de son patriclan.
Et tandis qu’ils faisaient les éloges funèbres du défunt, les musiciens jouaient trois pièces, comme le veut la coutume pour un homme , du répertoire dègaar en marquant une pause entre chacune.Ils jouèrent ensuite un certain nombre de pièces du répertoire bèlawnè enchaînées les unes aux autres. Les deux pièces de dègaar jouées, les orateurs du patriclan cèdèrent la place aux cantateurs et aux balafonistes du matriclan de pépé Simon, ie les Bèkuonè qui jouèrent eux aussi deux dègaar et un bèlawnè .
Se succédèrent ensuite les membres des autres patriclans ou villages présents aux funérailles selon leur ordre d’arrivée, chacun interprétant deux dègaar et un bèlawnè avec leurs orateurs toujours tournés vers le défunt auquel ils s’adressent en premier lieu et après à sa famille ou à son patriclan tandis que les balafonistes font dos au mort contrairement à ceux des loguyilé.
Le joueur de timbale ou kuor fait toujours face au défunt et donc face aux balafonistes .
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Chaque groupe intervient environ de 30 à 45 minutes , danses comprises .Seules les femmes esquissent des pas de danses pendant les jeux de dègaar .
Les hommes n’y participeront qu’au démarrage du répertoire bèlawnè .
Danseurs et danseuses se suivent par sexe séparé et se dirigent à pas cadencés vers le paala, pour les derniers honneurs en hommage au disparu .
Les hommes viennent au pas de course ou en file indienne, dansent en se retournant progressivement vers l’endroit d’où ils sont venus.
Hommes et femmes exécutent les danses, généralement buste penché en avant ; les femmes effectuant de petits pas en soulevant à peine les pieds du sol tandis que les hommes dansent d’un pas plus alerte suivi de sauts ( vaaru) .
C’est aussi pendant le bèlawnè que la foule se presse pour récompenser musiciens et orateurs de l’ardeur de leur talent pendant que ceux-ci redoublent encore de vigueur.
On n’oublie pas non plus d’approvisioner les membres de la famille endeuillée en cauri .
Ce sont eux qui décideront de l’arrêt des chants en commençant la distribution de l’argent entre musiciens et orateurs.
La partition achevée , chacun regagne sa place à l’ombre des grands arbres et un autre groupe de musiciens et d’orateurs se met en place et ainsi de suite jusqu’à l’intervention de tous les groupes.
Puis on reprend et ainsi de suite .
On reconnaît les membres les plus importants du deuil grâce aux ganè(cordes) qu’ils portent. Ils sont faits de lanières de fibres végétales ou de cuir , tressées ou pas, portées au poignet, à la ceinture ou en bandoulière selon le lien de parenté avec le défunt. Elles sont simplement enroulées au poignet par les « pères » très proches du défunt et à la ceinture par ses « mères » .
Mémé Julia affichait, en tant qu’épouse, à la ceinture un long ganè en fibres végétales.
Les frères et sœurs de pépé Simon portaient leurs fibres au poignet et en bandoulière .
Quant à nous, ses enfants, trop jeunes , nous n’avions point de ganè, mais nos cousins plus grands , eux, en portaient au poignet.
Le ganè de mémé Julia était long pour permettre à son accompagnatrice, une des amies, de pouvoir la suivre et de contrôler tous ses faits et gestes durant toute la cérémonie des funérailles.C’est elle qui, chargée de la bourse de mémé Julia ,rétribuera en son nom musiciens et orateurs à la fin de leur prestation.
Quant à l’assistance , regroupée à l’ombre de grands arbres , elle discourt de choses et d’autres, boit de la bière de mil( daan) ou mange car il se forme toujours un petit marché en ces circonstances pour étancher la soif et calmer la faim des participants en leur proposant des arachides bouillies, des galettes, de la viande et autres friandises , de la cigarette ,des boissons voire des boissons fortes plus ou moins frelatées, de fabrication locale ou en provenance de pays voisins .
Grand-père revoit la place publique noire de monde et une foule immense se pressant autour du hangar d’exposition pour rendre les derniers hommages à Pépé Simon trônant du haut de son siège royal .
« La valeur n’attend pas le nombre d’ années » dit aussi un proverbe Dagara . Il était mort jeune , mais déjà sa renommée avait gagné toute la région Dagara et même au-delà
Le chef de terre, craignant le pire, devant une foule si bigarrée et si nombreuse, après quelques hésitations, se décida à lancer la criée solennelle d’anathème accompagnée des clochettes et du vuolu d’initiation.
Un tel cérémonial est tout à faitexceptionnel. Il ne se produit qu’en de rares circonstances ,telle la mort d’un grand chef de canton .
Cet anathème constitue des menaces à peine voilées contre tout sorcier ou lanceur de sort venu avec de mauvaises intentions de perpétrer des forfaits funestes. « Au nom du Tigan que toute personne venue ici, animée de mauvaises intentions, ne puisse regagner sa démeure, saine et sauve .»
La mort prématurée de pépé Simon, un cadet de famille , à peine âgé de 30 ans, constitue une anomalie dans la marche normale de la vie humaine, et par conséquent , une expérience bien plus douloureuse que celle d’un vieillard plein d’ans ayant parcouru toutes les étapes d’une longue existence terrestre .
Les funérailles furent donc chaudes et tendues . Mêmes les parents à plaisanterie ne plaisantaient pas , mais pleuraient également à chaudes larmes .
Il n’eut pas de retrait du corps du hangar d’exposition pour le ramener devant la maison familiale à la tombée de la nuit tant la foule se pressait nombreuse encore autour du reposoir même la nuit tombée .
Orateurs et musiciens se relayèrent de jour comme de nuit au son du dègaar . On n’eut jamais l’occasion de jouer les loguyilé en guise de rappel ou de rechauffement de l’ambiance devenue molle pour fatigue ou pour insuffisance de l’assistance .
.Au troisième jour des funérailles se déroulèrent les cérémonies d’abord du zanu, du muolu ensuite.
Le zanu(rêve) effectué par les collègues catéchistes de pépé Simon se veut un rite de réminiscences et d’adieux: Durant ce rituel, ses compagnons de ministère et un jeune missionnaire des Pères Blancs( le Père Chalmagne, un jeune prêtre belge récemment ordonné et affecté à Dano) ) furent dépêchés pour reproduire les activités et gestes qu’ils avaient coutume de faire avec pépé Simon notamment le catéchisme .
Le prêtre célébra à l’occasion la première messe d’obsèques de pépé Simon devant une foule nombreuse et recueillie , unie et impressionnée par ce zanu d’un genre nouveau , mais significatif d’un rite de séparation , d’une rupture sans appel des liens d’ordre terrestre avec le défunt .
Les pleurs de la famille redoublèrent après les différentes phases de ces zanu successifs évoquant les moments agréables passés avec pépé Simon au cours des séances de catéchisme en vue du baptême, à l’école catéchétique, à la réception de l’habit de catéchiste, au cours des nombreuses retraites effectuées ensemble .
Des anciens élèves de pépé Simon vinrent également reproduire des séances de catéchisme organisées autrefois par Pépé Simon,etc.
Le jeune prêtre prononça une éloge funèbre de pépé Simon d’une telle densité que les musiciens en saluèrent la fin par une musique religieuse de haute teneur . « Ce n’est qu’un au revoir, mes frères , ce n’est qu’un au revoir,oui, nous nous reverrons mes frères , ce n’est qu’un au revoir »
Les zanu achevés,ce fut une suite d’interminables de muolu ( témoignages d’amitié ) car pépé Simon comptait de nombreux amis non seulement dans l’entourage de ses confrères catéchistes mais aussi dans la foule anonyme de gens à qui il avait rendu des services à un moment ou à un autre de sa vie.
Comme vous le savez, le muolu est un témoignage public de l’amitié entre deux personnes ( masculine , féminines ou mixtes) dont l’un vient de mourir . Ce témoignage se fait devant le reposoir du corps de l’ami defunt .Ce rite vise à perpétuer l’amitié entre les deux amis à travers la famille du défunt qui répond généralement à cette offre de continuation d’une amitié transmise .
Le membre de la famille qui accepte de poursuivre cette amitié reçoit le coq amené par l’ami resté en vie .
Il y eut tant de coqs et de poules et une foule de gens se pressant devant le paala que le chef de terre dû écourter la cérémonie , la reportant après l’inhumation de pépé Simon pour trouver suffisamment de partenaires d’amitié dans le patriclan .

5..L’inhumation de pépé Simon
L’inhumation de pépé Simon eut lieu à la fin de la troisième journée de funérailles avant le coucher du soleil . Les fossoyeurs dès qu’ils reçurent l’ordre d’inhumer par l’aîné de la famille, s’enduisirent les bras de terre mouillée afin d’éviter tout contact direct avec le cadavre .
Le moment de descente du corps de son paala pour l’inhumation est un moment particulièrement intense et douleureux pour la famille et proches parents . C’est celui des derniers adieux avant la conduite du mort à sa dernière demeure pour le confier à la divinité Terre : En effet «De la Terre tu proviens et tu retourneras à cette Terre . »en passant par la tombe.
.La tombe traditionnelle Dagara est presque toujours une nouvelle tombe propre au défunt . C’est un bow-ziè(tombe rouge),fraîchement creusée.
Celui de pépé Simon n’a pas failli à la tradition. C’était une tombe des plus ordinaires, composée de deux parties : la partie haute où descend le fossoyeur désigné pour l’inhumation et le bas où doit reposer le corps .
La tombe fut bénie par le prêtre et pépé Simon fut disposé sur le flanc, face tournée vers l’est selon la coutume Dagara pour un homme . Les poches de son habit furent, conformément à la coutume, déchirées . « Nous venons au monde sans argent et nous en repartons de même. »
Par contre le Dagara ne part jamais nu. C’est un voyageur qui entreprend un long voyage au pays de ses ancêtres et doit s’habiller de ses plus beaux habits !
il ne vous a pas échappé qu’aucun des cadeaux offerts au défunt ne l’accompagnera dans la tombe comme cela se fait dans beaucoup de peuples anciens notamment les égyptiens !
La tradition Dagara considère cependant que le défunt a bel et bien emporté « la substance » invisible des présents offerts :
A la clôture de la cérémonie des funérailles, on ne détruira que les « apparences », les enveloppes visibles (fofor) des objets .
Pour pépé qui avait encore la plupart de ses frères et sœurs vivants, l’ouverture de sa tombe a été scellée directement par une pierre taillée dans de la latérite que les fossoyeurs recouvrirent de terre fraichement sortie de la tombe .
Aucun sacrifice de la religion traditionnelle Dagara ne fut accompli à l’occasion des funérailles de pépé Simon ni auprès d’un quelconque devin pour savoir qui lui en voulait ni après sa mort comme cela se fait selon la coutume traditionnelle Dagara . Il était catéchiste, ne l’oublions pas !
Pépé Simon ne l’avait pas voulu et d’ailleurs ses collègues catéchistes veillaient à ce qu’aucun rituel traditionnel interdit par les missionnaires ne fut accompli ni pendant ni après ses funérailles .
La fin de la cérémonie des premières funérailles de pépé Simon se termina lorsque les fossoyeurs détruisirent son paala pendant que les musiciens repassèrent à l’ensemble des loguyilé, puis revinrent, avec les orateurs du patriclan du défunt au dègaar en jouant trois partitions et un belawnè .
Mémé Julia, la jeune veuve d’à peine 25 ans fut conduite à Dalgaane son village natal dans son patriclan.
Les jeunes sœurs de grand-père l’accompagnèrent dans son deuil . Quant à votre grand-père,devenu orphelin, il regagnait seul, dans une profonde tristesse, Dano, l’école et la pension avec le sentiment d’un abandon total par toute la famille de Pépé Simon, une fois mort et enterré !
Grand-père se rappelle jusqu’aujourd’hui d’avoir beaucoup pleuré pendant l’agonie de son père, mais peu après sa mort.
Il pleurait en fait de le voir souffrir , mais pas de le voir mourir ni une fois mort .
Grand –père ne réalisait pas ce qu’était la mort de personnes aimées !
Ce n’est très progressivement que la perte de Pépé Simon se révela à l’orphelin qu’il était devenu si jeune !
Il en a souffert pendant toute sa jeunesse et certainement encore aujourd’hui car on ne perd pas si tôt un être très cher sans subir des blessures psychologiques profondes et indélébiles .
Donc pour lui et ses cousins de même âge, les cérémonies funèbres revêtaient des aspects, certes ,impressionnants mais incompréhensibles pour ces petites têtes crépues.
Par contre le petit garçon se souvient de l’inhumation de son père lorsqu’on le conduisit voir la tombe fraichement creusée et la mise au tombeau de son père , le corps couché sur le côté, la face tournée vers l’est, la tête reposant sur une sorte de coussin de pierre .
Toutefois aucun souvenir du comportement de ses deux jeunes sœurs âgées alors de 5 et 3 ans .
Léonie, la plus jeune , marchait et parlait déjà . Mais elle ne réalisait vraiment pas la mort de son père qu’elle ne cessait de réclamer pour lui servir comme à l’habitude les œufs bouillis et séchés .
Quant à Sidonie, elle dit se rappeler de la mort de Pépé, mais que beaucoup d’évènements restent flous dans sa tête .
Mémé Julia, conduite dans sa maison familiale tombera très gravement malade elle aussi et ne dut son salut qu’à l’acharnement thérapeutique de son jeune frère de lait, Simon-Pierre .
Elle ne revint à Béné que deux ans plus tard en 1951-1952 pour se marier en lévirat avec Gabriel , le frère aîné de Pépé Simon .Il venait de perdre lui aussi sa femme gabriella !
Ce fut un soulagement et un bonheur pour les trois jeunes orphelins de retrouver enfin leur mère à la maison .Les deux sœurs en profitèrent tout temps. Quant à votre grand-père, ce ne fut que par épisodes durant les vacances scolaires .
Votre grand-père a encore les larmes aux yeux chaque fois qu’il se remémore cette période douloureuse de sa prime enfance …! Excusez –le.

6.Grand-père, où et quand es-tu entré à l’école ?

a.L’école du village.
Grand-père n’a jamais vraiment fréquenté l’école du village . cela a fallu de peu .
Il se souvient cependant de cette école à la chapelle de Béné dans le quartier de Bèengaane , de certains camarades récrutés parce que plus âgés : Denis, Raphaël, Michel, Félix et bien d’autres.
Ils faisaient la classe avec Simon de chez Germain Yir .
Mais officiellement il n’y avait pas encore de création d’école à Béné . C’était une école préparatoire à la seule grande école de Dano qui existait pour tous les villages dépendant de la mission catholique de Dano d’alors regroupant Dagara-Lobr du canton de Koper et Dagara -Wiilé des cantons de Dano, Guéguéré et de Orunkua !
Viendra deux ans plus tard l’ouverture d’une seconde école à Babaora !
A Béné,la chapelle en paille servait de salle de classe .
Les élèves étaient assis à même les bancs faits de briques en banco recouverts d’argile et de bouse de vache .Il y avait au dessus de l’autel un tableau noir où le maître avait écrit les lettres de l’alphabet et que les élèves devaient identfier lorqu’il promenait son bâton de bois d’une lettre à l’autre . Ensuite, ils devaient répéter après le lui des phrases en français telles que : « Je me lève », « Je m’asseois » . ou lorsque le maître disait : « comment t’appelles-tu ? »,Il fallait répondre « Je m’appelle un tel » sans hésiter sinon le bâton du maître , tel un bao-buur daa-guol( le bâton du devin),s’abattait lourdement au milieu de votre crâne pour dire : « non, ,ce n’est pas ça ! »
Grand-père était autorisé sans être pourtant récruté à assister au cours quand il le voulait . Mais voyant les coups de bâton pleuvant sur les têtes de ces petits camarades, ce n’était pas engageant du tout !
Ausi la plus part du temps, accompagnait-il les autres jusqu’à la chapelle et il s’en retournait à la maison courant à toutes jambes pour n’être pas rattrapé .
L’école du village opérait un tri sélectif des meilleurs élèves pour l’école catholique de Dano ;qui ,en 1948 avec celle de Dissin était déjà complète allantt de la maternelle au CM2 sans compter celle des filles !
Cette année-là,les écoles de village furent supprimées et il fallut désormais monter à Dano sans séllection préalable !
C’est ce qui arriva à votre grand-père en octobre 1948 à l’âge de 6 ans requis pour entrer à la grande école de Dano.
Son père , malade sachant certainement que sa vie ne tenait plus qu’à un fil, le confia à l’école de la Mission où se trouvait son ami et son jeune garçon en recommandant de veiller particulièrement sur lui !
Celui-ci , après la mort de pépé Simon tint parole et s’occupa de grand-père comme de son propre fils !
C’est ainsi que, lorsque grand-père faisait l’école bissonnière pour retrouver sa maman au village, Césaire ,était aussitôt informé et dès le lendemain matin, il arrivait à la maison pour le ramener à l’école !
Grand-père lui doit une fière chandelle d’être ce qu’il est aujourd’hui !

b.Grand-père entre à l’école primaire de Dano
Grand-père avait donc 6 ans révolu à la rentrée des classes en ce début octobre 1948 . Il fut récruté à la demande de pépé Simon alors en convalescence et il monta avec les autres élèves de Béné à l’internat de Dano .
Dano était distant de Béné de près de 20 kms à pied par la route de Kpaï et à 15-17 kms par le sentier de brousse de Dayèrè .

c.Les élèves de Béné en cette rentrée d’octobre 1948 à l’école de Dano.

Béné s’enorgueillissait de voir ,en son sein beaucoup de ses enfants fréquenter l’école privée catholique de Dano :
•Du quartier Mwan-bèrè :3 filles : Marcelline, Martine, Noella devenues toutes trois des sœurs de l’Annonciation et trois garçons: Christophe, Jean-Pierre et Joseph dit Kalao.
•Le quartier Bègnarè : Jean-Marie,lfils de Mathias.
•Le quartier Bèen-Gan : personne
•Le quartier Mètuol-Tang-zu : Coffi qui n’a pas poursuivi l’école bien loin .
•Mètuol- Gaakuon : personne
•Quartier Wouré-gaan : 5 élèves dont 4 de la maison du Tigan-Sob : Elisabeth, la grande sœur de Raphaël, Raphaël, Denis et grand-père et non loin de la famille: Félix de Harpo-yir ie maison de Harpo !
•Quartier Baakoun :2 : Michel Somé et Kaara
•Quartier Gbelétibpèr ou mémer-gouri : 2 : Denis et Pierre qui sont souvent comptés avec ceux de Mémer, mais dépendent de la chefferie de terre de Béné .
En fait il y avait également Maria Dabiré, la sœur de Louis Dabiré,
la fille de Césaire, catéchiste à Dano dont nous avons déjà parlé et qui joua un rôle capital dans la scolarité de grand-père . Elle devint après d’incroyables péripéties dignes à elles seules d’un véritable roman, sœur de l’Annonciation, après être fiancée et les premières dotes versées !

Béné comptait donc une vingtaine d’élèves du CM2 au CPI en cette rentrée 1948 dont la plupart ont terminé leur scolarité : deux n’ont pas eu leur Certificat d’Etudes, mais ont eu quand même un emploià Bobo Dioula-so: Joseph kalao et Michel somé.
Toutes les filles se sont faites religieuses sauf Elisabeth qui après avoir pris le voile, a renoncé ensuite à la vie religieuse pour devenir institutrice d’abord en Haute-Volta puis à Abidjan .
Tous les garçons qui ont fait le secondaire ont été au séminaire de Nasso et ont tous eu le brevet d’études et deux ont interrompu leurs étude pour devenir instituteurs .
Christophe, Jean-Pierre, grand-père et Denis Kpoda ont eu le baccalauréat et ont fait avec succès des études supérieures .
L’année 1948 a été une année charnière dans la scolarisation de la région Dagara-lobr dépendant de Dano car c’était la dernière année où les enfants du canton de Koper allaient à l’école de Dano jugée très éloignée où ils devaient tous restés en pension à l’internat créé un peu pour eux . Encore fallait-il que les parents puissent la payer en nature : 20 tines de mil et deux tines d’arachides . La tine vallait 20 litres .
Bref en 1949 était créée l’école privée catholique de Babora qui, à l’époque allait du CP au C E 2 . Les élèves rejoignaient ensuite l’école de Dano. C’est ainsi que Meda Gali, Isaïe Somda et bien d’autres furent les premiers élèves à rejoindre l’école de Dano pour faire le CE2.
La Mission catholique de Mariatang n’était pas encore créée . Elle ne le sera qu’en 1956 . Mais les Messes dominicales étaient célébrées dans l’ancienne Eglise en paillote d’abord à Babora,puis transférée à Mariatang, dans un quartier de Pirkuon du nom de Tang-Sien , près de la colline rebaptisée à l’occasion Mariatang
Pour la petite histoire , c’est dans l’Eglise en paillote de Babora que prêcha de nombreuses fois l’abbé Der Peter, un des premier prêtres Dagara côté Ghana, ordonné prêtre en 1951,devenu le premier évêque de Wa en 1960 et le premier évêque Dagara que nous eûmes la joie de revoir en 1962 à Wa où il nous hébergea à l’évêché, Meda Gali et votre grand-père en route pour Kumasi.
Archevêque ensuite de Tamalé en 1974 , première ville du Nord Ghana , puis cardinal en 2006, il mourut en 2008,presque nonagénaire !.
Il fut le premier évêque et archevêque Dagara et jusqu’ici le seul cardinal Dagara .
Mais quand même !Toutes les ethnies de la région n’ont pas un cardinal ! et les Dagara en sont fiers de leur cardinal et ne cessent d’adresser leurs vifs remerciements à son bon pape saint Jean XXIII canonisé au mois d’avril 2014 en même temps que la vedette religieuse Jean Paul II !
Entre temps trois autres évêques Dagara furent nommés côté Ghana et trois côté Burkina-Faso !
Pour en revenir à Dano,l’école était déjà complète en 1948 puisque Christophe était déjà au CM2 alors que Grand-père venait de rentrer au CP1.
•Elle comprenait deux bâtiments : un de six classes pour les garçons et l’ autre pour les filles .
•Les ,internats étaient également séparés:
•Un internat de garçons avec deux bâtiments dont l’un situé vers l’école
•Un internat de filles dans ce qu’on appelerait le quartier des femmes comprenant : la maison en étage des Sœurs Blanches , l’internat des filles , les bâtiments de cuisines, le logement des Soeurs Africaines et un autre bâtiment devenu par la suite l’école des filles.

•La résidense des instituteurs était derrière les logements des élèves, –
L’Eglise était au centre de tous les bâtiments,
•deux bâtiments des prêtres dans le prolongement l’un de l’autre.
•D’un côté et de l’autre, des bâtiments annexes dont la coopérative prolongée par une grille ,le tout formant une sorte de concession « guettorisant » les missionnaires du reste de la paroisse .
•deux concessions pour les catéchistes en place à la Mission .
•un deuxième dortoir-internat des garçons avec une résidence des instituteurs vers le cimetière.
•Enfin l’unique dispensaire de Dano vers la concession des Sœurs Blanches dont certaines y travaillaient comme infirmières .
•Mais l’infirmier principal laïc le plus connu à l’époque, était Daniel dont la concession se trouvait de l’autre côté du ravin jouxtant l’infirmerie .
Il était d’une très grande rigueur et veillait jalousement sur la santé des élèves et des populations de la Mission catholique de Dano qui ne disposaient dans les années 40-60 que de ce seul dispensaire !
Voilà donc la colline où se sont installés les premiers missionnaires fondateurs de la Mission catholique de Dano le 6 Octobre 1933 et de l’école à la rentrée 1942. Les meilleurs élèves étaient regroupés au CPI avec Mr Martin , les autres au « CP0 » avec Mr Novat .
Grand-père eut la chance d’être retenu dans la classe de Mr Martin,. donc directement au CPI
Le village de Dano , chef lieu du Canton faisait partie alorsde la subdivision de Diébougou , cercle de Gaoua.
A l’époque il n’était qu’une petite bourgade dont le quartier principal se situait au pied de la colline de la Mission catholique avec son marché animé tous les dimanches après les Messes dominicales et la maison-quartier du chef de Canton.
En ces temps-là , règnait le fameux Naanfaa Somé , chef de canton aux 100 femmes . Il ne connaissait pas toute ses progénitures tellement elles étaient nombreuses .
Ceci est confirmé par la fameuse histoire connue à l’époque de tous:
un jour , visitant un village de son canton, il rencontra une belle jeune fille qui vint spontanément le saluer .
Elle lui tapa dans l’œil et il décida de la faire venir à Dano pour en faire une jeune épouse.
La jeune fille éclata alors en sanglots à la grande surprise du chef et de sa suite qui ne comprenaient pas qu’une telle faveur put déplaire à une jeune fille au point de la faire pleurer .
Puis il rentra à Dano .Quelques jours après , la mère de la fille qui n’était toute autre qu’une de ses épouses favorites vint le trouver avec sa fille pour lui faire des remontrances au sujet de sa proposition d’épouser sa propre fille qu’il n’avait pas reconnue .
Et Naanfaa de fâcher sa fille en lui disant :
« Idiote . Il fallait me dire que tu étais ma fille,et j’aurais été fière d’avoir une fille aussi belle que sa maman ! au lieu deça, tu t’es mise à pleurer ! !»

Bref Naanfaa était , comme la plupart des chefs de canton de l’époque d’une cruauté légendaire .Aussi était-il très craint de tous ses sujets sur lesquels il avait pouvoir de vie et de mort . .

Sa maison, une véritable forteresse , formait à elle seule tout un quartier situé à quelques 500m du grand marché . Il fallait bien abriter ce harem de près de 100 femmes dont chacune avait en moyenne 5 enfants sans compter les petits enfants, tout une clique de cousins et cousines, de neveux et nièces, de courtisans et courtisanes, de frères et de sœurs du « roi » . Bref toute une cour à la mode de Versaille , grouillant de monde de jour comme de nuit . La bière de mil y coulait à « gogo ». Tous les jours étaient jours de fête chez Naanfaa .On y dansait tout son soûl toute la journée au son des balafons et des tam-tams qui résonnaient encore tard dans la nuit !

Venait ensuite le quartier administratif situé sur la route de Diébougou .
Il abritait quelques bâtiments tels, la résidence des visiteurs de marque ,chefs de subdivision, préfets de cercle, voire d’autres personnalités de passage à Dano . Elle s’enorgueillit même d’avoir accueilli au son des tam-tams le gouverneur de la Haute Volta vers les années 50 .
Autour du bourg, s’étalaient différents autres quartiers tels Dano- Baa-gan, Motori et bien d’autres .
Sur la route de Babora, coulait dans le grand bas-fond de la vallée du Ioba , le seul marigot de Dano, Gbaarazien où nous allions nous baigner régulièrement en traversant tout le bourg.
Par ailleurs les jeudis et les dimanches, nous decendions y pêcher également poissons et grenouilles en faisant très attention aux crocodilles cachés dans des trous creusés sous les bords de la rivière .
Et gare aux animaux imprudents qui s’eventuraient dans ces eaux . !D’un coup de queue, ils étaient capables d’assommer un cabri et de l’emporter dans leur antre pour le dévorer . La légende rapporte qu’ils dévoraient même les enfants pas très sages !
Les bas-fonds s’apprêtaient merveilleusement au jardinage en toutes saisons .
La Mission catholique y possédait son propre jardin qui surclassait tous les autres . C’était un véritable paradis terrestre où coulait de l’eau d’une rare limpidité dans de canaux arrosant légumes arbes fruitiers: carottes , choux, laitue, betterave, haricots verts, papayers , goyaviers, manguiers, et j’en passe des meilleurs
A l’époque , c’était le Père Terrien, le cofondateur de la Mission de Dano avec le Père Nadal qui veillait avec un soin quasi-religieux pour ne pas dire mystique sur ce véritable joyau écologique.
Nous le retrouverons plus tard à la Mission catholique de Legmoin dans un autre jardin qu’il avait créé une fois muté de Dano.
Le deuxième marigot où nous allions dévalait des collines de Ioba, la grande montagne sacrée qui a donné son nom à la Province actuelle du Ioba. Il traversait le grand quartier de Motori traçant de longs méandres dans la vallée avant de rejoindre Gbarazien à l’autre bout de la ville.
Entre Motori et Gbarazien, le Père Terrien , lui encore,avait planté une grande teckeraie et surtout un grand verger de manguiers et de papayers longeant la route de Mébar, l’actuel axe bitumé Ouaga- Kampti ,passant par Dano,Diébougou, Gaoua , puis de Kampti rejoignant Bouna en Côte d’Ivoire .
Le village de Dano est située à quelques 5, 6 kilomètres de son emblématique Ioba au pied duquel nous allions chercher tous les jeudis les fagots de bois pour la cuisine .
Les autochtones de Dano rapportent que Ioba est habitée de konton-bili(hommes nains légendaires) dont nous avons déjà parlé qui en défendent l’accès. La nuit , on peut en effet observer les feux-follets qu’ils allument pour s’éclairer .On dit que ce sont les premiers habitants de la région qui, par peur et sous la pression de ces géants d’ envahisseurs que sont les actuels habitants ,se sont repliés dans les entrailles inacessibles de Ioba et n’en sortent que la nuit pour chasser, et conduire leurs troupeaux de bêtes sauvages !
Voilà donc vite décrit l’environnement physique où votre grand-père a passé six ans de sa grande école , non sans quelques aventures qu’il va se faire le plaisir de vous raconter maintenant .

A l’époque ce n’était pas amusant du tout et alors pas du tout d’être pensionnaire de l’internat de Dano.
Tant qu’il était en convalescence, pépé Simon venait chaque dimanche rendre visite à son jeune garçon et prendre des nouvelles de son travail et de son comportement à l’école et à l’internat.
Malheureusement cela ne dura pas bien longtemps puisqu’il mourut en novembre 1949 alors que grand-père venait à peine d’intégrer le CPII ayant comme maître Mr Pierre de Dalgaane.
Après le décès de son père, grand-père ne recevait plus de visites de la famille. Et ce calvaire devait durer tout un trimestre ! Grand-père supportait mal, tout au moins au tout début , cette grande rupture familiale et l’école buissonnière était devenue son sport favori. Dès la moindre contrariété ; il retournait au village à pas de course où il éprouvait beaucoup de joie à retrouver sa mère Mémé Julia et ses deux jeunes sœurs Sidonie et Léonie !
Mais cette joie était malheureusement de courte durée car à chaque fois ,ses camarades d’école se dépêchaient de signaler son absence à Césaire qui ,dès le lendemain matin venait le surprendre dans la natte, avant son réveil et le ramenait à l’école !
Constatant l’inefficacité de ses escapades , Grand-père finit par s’en lasser pour s’intéresser de plus en plus au travail scolaire qui , en dépit de ses absences, lui réussait plutôt bien .
C’est ainsi qu’il passa au CE1 sans problème malgré le choc psychologique causé par la mort de son père au début du CPII.
Le CEI était tenu par Mr Luc de Dissin. Il venait de sortir du séminaire de Nasso .
Il nous fit beaucoup travailler les calculs avec les problèmes sur les prix d’achat, de vente, de revient,les bénéfices,et d’autres choses du même genre…
Ce fut une classe charnière pour votre grand-père qui réalisa à partir de cette époque ce que pouvait signifier qu’être orphelin de père dans une société de type patriarcale . Il comprit alors assez tôt que tard que seule l’école pouvait le tirer de cette situation plus qu’ inconformatable .
Il voyait les instituteurs issus du milieu Dagara , qui avaient à 3-4 ans près, l’ âge de son père . Il voyait l’abbé Emmanuel qui venait déjà rendre visite à son père lorsque celui-ci exerçait encore à Dayèrè .
Et il se disait dans sa petite tête ronde d’enfant : « Pourquoi je ne serai pas comme eux plus tard si je travaille bien à l’école .».
Et cette pensée donnait des ailes à votre grand-père qui dès lors prenait de plus en plus goût à l’école bien que la vie quotidienne à l’internat ne fut pas de tout repos ni guère réjouissante .

f.Pourquoi, grand-père, ta vie à l’école et à l’internat n’était- elle pas du tout drôle ?

Nous étions nourris régulièrement, mais mal nourris .
Mais il fallait quand même se précipiter sur la nourriture infâme et brulante avant que les grands n’en mangent la plus grande partie .
Il fallait plonger sa main dans la pâte chaude encore toute fumante,couper un morceau , le plus gros possible, sans trop se brûler les doigts ,puis le plonger dans la sauce brûlante avant de la porter à la bouche, se dépêcher de l’avaler et recommencer la manœuvre sans trop craindre ni de se brûler ni de s’étouffer !
Jugez-en vous-mêmes, les enfants !
Nous mangions, certes, trois fois par jour . Mais quelle nourriture !De la pâte de mil très souvent mal cuite, accompagnée d’une sauce infâme, faite de feuilles de baobab séchées réduites en poudre ,cuite à l’eau avec un peu de sel . Et ceci 7 jours sur 7 du lundi au dimanche où il était alors possible d’améliorer l’ordinaire avec les produits de la pêche que nous pratiquions au marigot (poissons , grenouilles) .
La viande en ces temps était rare, réservée à quelques fêtes religieuses où nous étions rarement à l’école car Noël et Pâques nous trouvaient au village pour les petites vacances de fin de trimestre .
.
Au lever du jour, dès la première clarté de l’aube naissante, Il fallait nettoyer l’internat, la cour des classes, aller se laver et puiser l’eau à Motori , tout ceci avant le début des classes.
Les grands maltraitaient les plus petits surtout ceux qui « faisaient pipi au lit » et ceci à l’insu des maîtres chargés de la bonne marche de l’internat .
Parfois même on était privé de manger, puni par les maîtres pour insuffisance de travail scolaire .
Mais votre grand-père reconnaît volontiers qu’il n’a pas trop souffert de l’internat car tout petit, il était plutôt protégé par les grands du village , par Césaire qui veillait sur nous et nous protégeait comme ses propres enfants .
En effet ,en dehors des heures de classe, nous traînions toujours chez lui à jouer avec ses deux aînés Maria et Louis qui fréquentaient l’école avec nous .
A partir du CEII, Grand-père se considérait assez grand pour se défendre tout seul et il réussissait plutôt bien, se montrant au demeurant assez bagarreur .
Il a gardé de très bons souvenirs du CEII avec Mr Paul Dakyo, jeune instituteur dont c’était le premier poste . Il copinait avec les élèves, jouait au ballon avec eux .il avait acquis beaucoup de sympathie auprès de ces jeunes têtes bouclées qui le surnommaient très affectueusement Mr Djian-Djian à cause de sa taille fine et de sa démarche d’araignée !
C’est la meilleure année que Grand-père eut à passer à l’école primaire, d’ailleurs terminée par un deuxième prix après Jean Somé , un cousin de Pirkuon, fils de catéchiste comme votre grand-père .
Le CMI constitua par contre la classe dont grand-père a gardé les plus mauvais souvenirs .
Mr Raphaël Traoré était tout le contraire de Mr Paul Dakyo : petit et trappu, bas sur pattes,laid comme un pou ;
très angoissé pour une première année d’enseignement .
Il aimait pourtant jouer avec les élèves dans la cour de recréation .
Mais une fois en classe, il se transformait en un monstre frappant, giflant par-ci tapant par- là, créant un atmosphère de véritable terreur tant et si bien que nous ne savions plus sous les ailes de quel ange gardien nous réfugier puisque l’archange Raphaêl était devenu un horrible dragon crachant feu et sang .
Il s’était fabriqué une grosse règle plate avec laquelle il nous tapait , nous tapait de toutes ses forces sans la moindre pitié pour ses petits doigts tremblottants .
Et il ne fallait surtout pas dérober la main au bois vengeur sinon il se soulevait , montait ,montait et retombait avec d’autant plus de vigueur sur vos homoplates, faisant le plus de dégâts possibles sur vos épaules meutries et ce d’autant plus que Mr Raphaël était furieux d’avoir râté son coup !
Pour les dictées, la règle magique s’abattait sur nos mains autant de fois que de fautes .
Nous rentrions évidemment en classe déjà la peur au ventre et la mort dans l’âme . Le travail en classe traduisait ces sentiments de terreur et d’horreur que nous ressentions !
Les mathématiques présentaient également l’occasion de punitions du même ordre . Tant que ne trouvions pas la solution d’un problème, nous ne sortions pas en recréation et nous n’allions pas manger non plus . Les jeudis et les dimanches, ceux qui n’avaient pas bien travaillé écopaient d’une retenue toute la journée .
Et s’il tirait encore un plaisir de toutes ces matraitances ! Même pas !.
Au contraire , il était en classe d’une humeur massacrante , angoissé par la peur de ne pas être à la hauteur de sa tâche , pensait-on ou peut être complexé par sa petite taille !
Malgré ce comportement imnommable nous ne lui en voulions pas tant il se rachetait en récréation en jouant avec eux .
Il vivait une vie solitaire,renfermée, taciturne,quelque peu timide .
Il sortait peu avec ses collègues et n’avait aucun ami tant à la Mission qu’ en ville .Il passait ses temps libres à écrire au tableau des lettres et des chiffres cabalistiques qui nous remplissaient encore d’effroi à l’époque !Nous imaginions dèjà ce qui nous attendait en classe comme volées de bâtons, de coups et de retenues pendants les récréations et les week-ends !
Mais en fait , à la fin de l’année scolaire , il s’était absenté pour passer un examen,qui s’est avéré pour nous,par la suite, être le BEPC ( brevet des collèges .)
Ceci donc explique peut-être cela et donc son attitude en cours d’année .
Il devait sans doute repasser le brevet qu’il avait râté la première année à Toussiana, collège qui formait les instituteurs .
Donc pendant toute l’année , il préparait l’examen en candidat libre .
Heureusement pour la promotion qui nous avait suivi, il avait été admis .Cela avait dû le décomplexer car il avait complètement changé de comportement l’année d’après .
Nous ,nous avions dû essuyer les plâtres .
Du point de vue classement, Jean Somé fut 5eme et grand-père 7 eme de la classe sur la trentaine d’élèves que nous étions alors. Beaucoup de redoublants nous avaient,« piqué » les meilleures places ! Mais ce n’était que partie remise pour notre revanche qui viendra à la fin du CMII !
Quant au pauvre Mr raphaêl traoré, il décèdera quelques années plus tard à Bobo d’un accident de moto ! Il allait trop vite et n’a pas pu malheureusement éviter une voiture qui tournait devant lui !

g.Le Cm2 et la préparation au différents examens de fin d’année

Le Cm2 nous parut, après l’année d’enfer que nous avions vécue avec Mr Raphaël, d’un abord plus facile avec Mr Bernard Kambou , un maître au demeurant très calme ,très doux, expérimenté,et spécialisé dans l’enseignement du Cm2.
On ne l’a jamais vu toucher ni même punir un élève .Mais il en imposait par une autorité toute naturelle .
Ceci dit l’année ne fut pas quand même de tout repos car si Mr Bernard était un maître doux et exemplaire, il n’en était pas de même de la Sœur Marie Calvin, la directrice de l’école .
Elle était, comme Mr Raphaël, d’une très grande sévérité, seulement en tant que religieuse , elle n’osait pas nous taper ! Mais ce n’était certainement pas l’envie qui devait lui manquer ! Elle utilisait d
même genre de punitions que Mr raphaël : retenues à midi, les jeudis voire même les dimanches, jour de repos !
contrôles de dictées et de mathématiques, les deux principales matières du Certificat d’études .
Aucune semaine ne passait sans qu’elle n’élimine plus d’un élève pour les examens officiels de fin d’année tant et si bien qu’au moment de faire les inscriptions aux examens du CEPE et au concours d’entrée en 6eme, nous n’étions au final que 9 inscrits sur la trentaine d’élèves !
Votre grand-père était le 9eme !
Ouf ! Il eut fallu de peu pour qu’il se retrouva de l’autre côté de la barrière !
Deux autres examens servaient de test pour l’entrée au petit Séminaire de Nasso et au collège de Toussiana que tenaient les Frères des Ecoles chrétiennes de la congrégation des frères de saint Jean Baptiste de la Salle .Ils préparaient les instituteurs des écoles privées de toute la Haute Volta .
Voici les noms des neuf heureux élus au moment des inscriptions aux différents examens de fin d’année :
Pascal , Jean-Pierre, Edouard, Janvier, Tobie, Barthélémy, Jean Somé, Etienne et votre grand-père .
Pascal était le seul à être admis sur quatre demandes,au collège de Toussiana .
Pour Nasso , nous étions tous admis cinq sur cinq ( en italique)
Aucune demande ne fut formulée pour les lycées d’Etat car dans ces écoles privées catholiques, il était souvent mal vu de postuler pour un établissement public !
Félicien ,qui ,l’année d’avant, ne l’avait pas compris , l’avait payé au prix fort. En effet admis au concours d’entrée en 6eme au Lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo, tout le monde se désintéressa de son cas et personne ne ne leva le plus petit doigt pour l’aider, lors de la rentrée ,à réjoindre son établissement scolaire .

Ce fut un scandale que les instituteurs, vilipendés, insultés et traités de tous les noms à l’époque, ne furent pas prêts d’oublier .
Félicien devenu ensuite gendarme ne leur pardonna jamais de l’avoir laissé sur le carreau .

h.L’admission de grand-père au certificat d’études primaires et élémentaires(CEPE)

Nos examens officiels eurent lieu pour la première fois à Diébougou tout juste érigé en Cercle en mars 1954 .
Auparavant Diébougou n’était encore qu’une subdivision rattachée au Cercle de Gaoua où se passaient le CEPE et le concours d’entrée en 6eme .
Nous fûmes donc la première promotion à essuyer les plâtres en ce mois de mai 1954 .
Dano était situé à 45 kms de Diébougou et à une centaine de kms de Gaoua .
Nous prîmes pour la première fois un camion .
Les arbres défilaient à toute allure devant nous donnant un effet irréel, merveilleux et enchanteur pour notre passage du premier degré d’initiation à la culture du « Blanc » .
Pour la première fois grand-père avait obtenu de ses oncles un short et des sandales pour aller passer l’initiation des « Blancs » . Il étaient impressionnés et fiers qu’un fils de la famille ,autrefois jugée rebelle par l’administration coloniale , puisse aujourd’hui briguer cet insigne honneur .
A Diébougou, nous étions logés dans un hangar de l’école publique car la mission catholique de Diébougou n’avait pas encore été créée(1958,) ; moins encore l’évêché(1968) .
Les examens se déroulèrent à l’école publique de la Subdivision
Les épreuves du concours d’entrée en sixième se déroulèrent sur deux jours : Mathématiques, dictée et rédaction .
Pour le CEPE il fallut 4 jours pour venir au bout des
maths, dictée, rédaction, histoire –géo et récitation orale .
Les résulltats furent proclamés un mois plus tard, en juin :
Sur les 9 présentés , trois seulement furent admis au certificat d’études : Jean Somé , Janvier et grand-père
Sur les 6 à se présenter au concours d’entrée en sixième, grand-père fut le seul retenu !
Il fut donc le seul à être admis aux deux examens !
Les ancêtres Kusiélé pouvaient s’enorgueillir ,de la réussite complète de leur rejeton dans ces 2 épreuves d’initiation d’un nouveau genre !
Gand-père bien sûr était fier de son admission au certificat d’études mais davantage encore du concours d’entrée en 6eme réputé très difficile et très sélectif qu’il était le seul à obtenir ! Mais sa joie était surtout interne et contenue car il ne fallait pas trop l’extérioriser, mais plutôt feindre la modestie pour ne pas trop s’attirer les foudres des autres candidats malheureux !
Il était en effet le dernier à être sélectionné et se retrouvait le seul admis aux deux examens !
Quelle ironie et qu’elle belle leçon sur le principe de sélection adopté par la Sœur supérieure,directrice de l’école !.
Ce fut pour elle une gifle cinglante !
L’année d’après, elle dut présenter tous les élèves et les résultats aux deux examens furent éclatants !
Mais notre promotion avait subi la double peine :
La directrice renvoya en plus 15 redoublants sur la vingtaine des non sélectionnés pour présenter les différents examens !
Que de déchets depuis notre entrée au CP0 .
De la centaine d’élèves rentrés en 1948, nous ne fûmes que deux à être retenus pour passer les examens six ans plus tard en 1954: Jean Somé et grand-père .
Et nous les passâmes avec succès s’il vous plaît , les enfants !
Pourtant on ne peut pas accuser notre promotion d’être particulièrement faible .
En effet les cinq qui ont poursuivi leurs études au séminaire de Nasso s’en sont très bien tirés. Nous fumes quatre à obtenir le BEPC .
Barthélémy,le cinquième , a quitté le séminaire sur un coup de tête en fin sixième et s’en est bien sorti en Côte d’Ivoire où il enseigne depuis .
De même Pascal ,rentré au collège de Toussiana , a fait une bonne scolarité et a passé avec brio le BEPC. Il sortit instituteur des Ecoles Privées Catholiques du diocèse .Ensuite, il passa le concours d’entrée aux chemins de fer de la RAN( Réseau Abidjan –Niger) et fut admis !Il grimpa tous les échélons de cadre supérieur grâce à de nombreux stages en France ! Il jouit actuellent d’une bonne et heureuse retraite à Bobo où grand-père l’a retrouvé avec une grande joie, après une cinquantaine d’années de séparation !

Les redoublants ont passé l’année d’après le concours d’entrée en sixième et ont tous réussi et sont partis les uns au collège Ouezzin Coulibaly ( Lazare, Pascal , fils de Mr Jean-Pierre), les autres au lycée technique de Ouaga ou à Toussiana !
Ils ont tous réussi qui, leur BEPC, les autres leur CAP. C’est dire que le niveau de l’école de Dano n’était pas en cause dans notre échec . Mais bien la sévérité de la sélection .
En effet une sélection trop sévère avait crispé et traumatisé les 9 élèves sélectionnés que nous fûmes
Par ailleurs il est vrai aussi que c’était la première fois que Diébougou organisait ses propres examens deux à trois mois à peine après son érection comme Cercle .
En effet érigé en mars 1954 au rang de Cercle, il faisait passé les examens officiels dès le mois de mai 1954 . C’était un exploit, payé très chèrement par les malheureux candidats !
Tout le monde se rachetera l’année d’après par de très bons résultats .Mais le mal était déjà fait !
Et il n’a pu être réparé pour les candidats malheureux de cette maudite année 1954 !

i.Que dire de notre vie quotidienne à l’internat de Dano?
Les détails de la vie quotidienne s’oublient très vite et on ne retient que les bonnes choses et quelques faits marquants.
Cependant il ne fait aucun doute, la vie d’internat était dure pour de petits enfants arrachés de leur famille à l’âge de 6-8ans , puis soumis à une vie complètement coupée et différente de ce qu’ils avaient connu au paravant ;élevé à la dure par une vie très encadrée et un règlement très sévère Voyez vous –mêmes :
•Lever à 6 heures, toilette de chat et messe à 6 h 30 .
•7h petit déjeuner rapide, puis nettoyage de l’internat et des cours de l’école.
•8h-8h30, début des classes en commençant par la gymnastique d’une demi-heure,
•classes proprement dites de 9 h jusqu’à 12h30 entrecoupées de deux petites recréations de 15 minutes chacune .
•12h30 déjeuner, puis quartiers libres jusqu’à 14h
•14h , reprise des classes jusqu’à 17h.
•de 14h à 14 h30, c’était l’étude où nous apprenions nos leçons du jour .
•De 14 h30- 16h30 : 2 heures de classes avec 15 minutes de pause aprèsla première séance..
•De 16h30 h à 17h30, travaux manuels .
•18h-19h, souper puis quartiers libres
•21 h : couvre-feu jusqu’à 6h du matin.
Les jeudis , nous n’avions pas de classes sauf au CMII où les matinées étaient consacrées aux contrôles de dictée-rédaction et de maths .
Les après-midis étaient laissés à la détente sauf si on était retenu pour travail insuffisant ou pour mauvaise conduite .
Pour les autres élèves, notamment les internes, ils devaient partir en brousse chercher du bois pour la préparation de leur nourriture .
Chaque pensionnaire devait chercher un fagot de bois qu’il attachait, ramenait à l’internat et le vendredi matin, c’était l’inspection générale par un maître pour voir si chaque interne avait bien cherché son bois et si le fagot était suffisant sinon retour en brousse pendant la récréation de midi pour le compléter.
Les dimanches , nous assistions à la grand’ messe de 10h-12h .
Nous avions ensuite quartiers libres jusqu’au repas du soir .
Nous en profitions pour descendre au marché saluer les parents venus à la messe dominicale en espérant qu’ils nous tendent la main avec quelques cauris que nous nous faisions la joie de les dépenser immédiatement en nous offrant quelques petites friandises comme les galettes ou les arachides bouillies .Puis vers les 16 heures, lorsque le marché commençait à se vider, nous partions au marigot pêcher du poisson ou chasser des grenouilles pour améliorer l’ordinaire du soir.
L’année scolaire commençait en début octobre et se terminait le 14 juillet avec la distribution des prix . Elle était répartie en trois trimestres.
A Noël et à Pâques, nous avions une semaine de vacances que nous passions en famille .
Du 15 juillet au 30 septembre, c’était les grandes vacances où nous rentrions au village aider les parents aux travaux des champs ou le plus souvent garder les bœufs, moutons et chèvres de la famille .
Cette vie scolaire nous semblait très dure à vivre et elle l’était effectivement .
Beaucoup d’enfants n’arrivaient pas à suivre le rythme infernal qui était ainsi imposé notamment les élèves du sous-groupe Wiilé dont les parents ne mesuraient pas encore la portée réelle de l’école . Ce sont eux qui constituaient la plus grande partie des déchets et ceci dès les classes de CP et de CE .
Dans notre classe de CP, nous étions la centaine . Le récrutement des élèves se faisait par quotas pour chaque village proportionnellement à son importance numérique .
Le village de Dano se taillait bien sûr la part du lion et ce d’autant plus que ses élèves étaient tous externes et n’étaient pas soumis au renvois dus, non à des notes insuffisantes, mais au non paiement de la pension alimentaire . Nous y reviendrons bientôt .
Mais n’empêche, !
Ce sont eux qui ont connu les plus grandes déperditions . Jugez-en vous –mêmes .
Sur la centaine au CP0 où certainement le nombre d’élèves Wiilé surpassait celui des Dagara-lobr, au CMII, il ne restait plus d’élèves Wiilé de sélectionnés pour les examens officiels . Et nous ne restions que deux à n’avoir pas repris de classe( redoublement) : Jean Somé et votre grand-père qui iront au pétit séminaire de Nasso, réussiront toujours ,comme nous le verrons tous leurs examens : brevet, bac et feront même des études supérieures de qualité notamment votre grand-père comme nous le reverrons .
L’internat était ,certes très dur à vivre, mais donnait de meilleures résultats à l’école car les élèves était mieux encadrés au travail scolaire . Et comme les élèves Dagara-lobr étaient tous internes ceci explique certainement cela .
L’externat dans des familles analphabètes pour la plupart ne favorisait pas le travail scolaire notamment l’apprentissage du français, langue étrangère pour toutes ces petites têtes bouclées .
Car même en dehors des heures de classe, il était interdit aux internes de parler leur langue maternelle . Une punition pour ceux qui y dérogeaient consistait au port du « symbole », bâton attaché au cou de l’élève surpris en train de parler le Dagara . Les élèves s’épiaient entre eux et le « bâton »circulait de cou en cou jusqu’au coucher ,le soir. Tout était bien organisé pour faire circuler plusieurs bâtons soit une par classe soit par équipe de dortoir .
En classe seul le français était autorisé dès le CP0 où certains maîtres ne comprenaient pas toujours Dagara . Ainsi le français était vite appris du moins sous sa forme orale .
L’orthographe élémentaire était vite enfoncée dans les cabosses à coups de matraque et de punitions pour chaque faute commise .
Cela changera avec les créations d’autres écoles primaires catholiques dans les autres cantons : Koper (Babora), Guéguéré et Orunkpa causant la suppression de l’internat de Dano et leur non création dans les autres écoles cantonales.
Mais cela , grand-père ne l’a jamais connu .
L’externat généralisé sans demi-pensionnat ne fut pas le meilleur système .
Les élèves les plus éloignés des centres scolaires étaient pénalisés . Ils devaient se lever très tôt pour regagner l’école au pas de course, consommer leurs maigres réserves à midi lorsqu’ils en disposaient ; subir de longues journées d’école de 8 h à 18 heures puis reprendre le chemin de la maison à la tombée de la nuit pour arriver vers 20 h-21h pour les plus éloignés .
Prenons comme exemple Béné qui,sans être le village le plus éloigné de l’école de Babora se trouve à 8-10 kms . Certains quartiers–villages de Mémer se trouvaient à plus d’une quinzaine de kilomètres de l’école . Il en est de même des villages comme Kpirè-Tèeng où il n’était pas simple pour les toutes petites jambottes de 6 ans de faire plus d’une trentaine de kilomètres aller-retour dans la journée !Il fallait vite créer d’autres écoles même incomplètes dans les villages les plus éloignés de Babora .
Dans l’attente, certains parents plaçaient leurs jeunes enfants chez des parents des villages proches de l’école .
Mais les élèves de Béné ne connaissaient pas ce système .
Il leur fallait courir chaque jour matin et soir .
Ce n’était pas mieux que l’internat que nous avions connu, nous ,bien sûr avec ses nombreuses insuffisances dont la maltraitance de certains petits sans défense et livrés aux méchancetés des grands .
C’est ainsi que des grands avaient, sous forme de punition , fait reingurgiter , au petit matin,les escréments au petit Saandon de Guéguéré qui, pris de diarrhée n’avait pu se retenir la nuit . Le pauvre enfant, intoxiqué avait failli mourir sans l’intervention de vomitifs et de laxatifs puissants fournis par le dispensaire .
L’affaire fit grand bruit . Les grands incriminés dans ce scandale sans précédent furent tous renvoyés de l’école après avoir été bien fouettés par les instituteurs .
Depuis lors les maltraitances aussi stupides qu’idiotes cessèrent définitivement .
Mais subsistent ,toujours sous la loi du silence, les petites maltraitances faites de privations de nourriture , de services à rendre aux grands,etc !
C’était malheureux, mais ça vous forgeait un caractère pour toute une vie !
Comme grand-père l’a déjà dit, il n’en a pas beaucoup souffert personnellement. Mais tout de même ! Il n’a pu se sortir indemne d’un tel climat de petites maltraitances entretenant un climat de peur,de tension,et de violence permanente.
les bagarres éclataient souvent pour de petits vols de cauri
, d’arachides ou d’autres réserves de friandises .
Mais la violence était engendrée surtout par la promiscuité dans laquelle nous nous trouvions à l’internat .En effet, nous étions entassés à 12 dans de petites cases rondes dormant à même le sol sur de petites nattes lorsque nous en avions sinon à même un sol poussiéreux .
Les petits ne mangeaient jamais à leur faim car les grands se dépêchaient de tout avaler comme des chiens affamés pendant que les petits leur tenaient l’écuelle . entre la main d’un petit garçon de 6-7 ans et un grand de 14-15 ans , il n’y avait pas photo ! Les faire manger dans le même plat,ressemblait à une gageure !. Le petit se relevait ,la faim au ventre alors que le grand repartait repu . C’était un peu la loi de la jungle dans cet univers de l’internat où régnait non seulement la loi du plus fort, mais aussi celle du silence . Le petit qui osait dénoncer les agissements tyranniques d’un grand se faisait rosser la nuit par des grands qui disparaissaient dans l’obscurité sans laisser de traces dès que les maîtres, alertés par des cris d’enfants couraient à l’aide.
Le lendemain, le petit, la gueule cassée, les dents arrachées avait du mal à dénoncer ses bourreaux.
Que devenait grand-père dans un tel climat de violence qui , lorsqu’elle ne prenait pas une certaine importance,n’était pas dénoncée et passait sous la loi du silence ? Même lorsque les instituteurs se doutaient de quelque chose, ils fermaient les yeux n’osant faire une enquête qui, de toutes les façons ,se serait heurtée au mur de silence, à l’omerta total .
Votre grand-père tout en étant un des plus petits de l’école, même lorsqu’il était au Cm2, Dieu merci,savait très bien se défendre , ne vous inquiétez pas pour lui .Il avait un caractère affirmé et ne se laissait jamais intimidé par un grand quels que fussent sa taille ,son poids ou son gabarit .Il était des plus coriaces,un dur à cuire ! On pouvait le frapper tant et plus, on n’arrivait pas à le faire taire.Il insultait,insultait de tous les noms d’oiseaux l’adversaire qui finissait par avoir peur du bruit sinon par honte de s’affronter à un si petit car dès qu’il y avait des cris dans la cour, il se produisait aussitôt un rassemblement de gamins avides de tels spectacles et ils applaudissaient en signe d’encouragement le plus petit ! Ainsi la bagarre représentait à elle seule un spectacle prisé et votre grand-père savait jouer la comédie dans cette foule d’écoliers. Il arrivait souvent à ridiculiser le grand qui lâchait prise pour disparaître sous la huée des gamins ravis que le plus fort ait perdu la partie !
Grand-père finissait par se faire une réputation de dur à cuire et les grands se méfiaient de l’attaquer publiquement car ils étaient sûrs de perdre la partie.! Je vous le jure ! Tenez-le pour dit !
Même les instituteurs avaient fini par percer le secret du système de défense de grand-père : l’attaque .
Il attaquait toujours « bille en tête » tel un rugby-man et ne réculait surtout jamais .
Il jouait le petit roquet qui, devant un gros molosse, aboyait de toutes ses forces jusqu’à ce qu’ impressionné par tant de bruits, l’autre finissait par s’en aller.La petite caniche, elle, ne se laissait pas conter par la taille de l’adversaire et le poursuivait de ses harcèlements bruyants accouragés par les applaudissements des gamins en liesse !
En plus grand-père avait la réputation d’un garçon très intelligent et travailleur qui réussait très bien à l’école , ce qui lui valaient en définitive un certain respect et une paix royale dans le petit monde de la Mission .
Il en est de même d’ailleurs au village et en famille où on connaissait son caractère bagarreur et tenace qui ne lâchait rien.
On avait un peu peur de ses colères et de ses réactions vives qu’il tenait lui-même de son père, pépé Simon à ce que disent tous ceux qui l’ont bien connu .
k.Il tient ce caractère de son père

-Pépé Simon avait, semble-t-il, un caractère très trempé, fougueux, bagarreur, tenace,décidé et courageux. Il ne se laissait jamais détourner de ses convictions .
C’est ainsi paraît-il qu’il a pu entraîner toute la famille à se convertir au christianisme et ce malgré l’opposition de ses parents et frères aînés .
Il alla ;ainsi à l’école des catéchistes alors que son oncle,chef de terre ,avait juré qu’aucun de ses descendants n’irait à l’école des Blancs. Très tôt, dès la création des Missions catholiques de Dissin et de Dano en 1933, déjà trop grand pour l’école primaire,
., il entrait à l’école des catéchistes et se distingait nettement des autres par son intelligence et sa mémoire à vite apprendre les rudiments de la nouvelle religion catholique .
Revenu, enthousasmé à la maison, il tint tête aux vieux du village décidés à lui interdire de retourner à l’école des Blancs et surtout de recruter des adeptes pour leur religion .
Devant la ténacité et les réponses très intelligentes de ce jeune de 15 ans, les anciens du village ne surent plus quelle attitude adopter à son égard et ce d’autant plus que ses jeunes camarades étaient déjà décidés à lui emboîter le pas .
Pour faire bonne figure, les anciens décidèrent de laisser faire la jeunesse !
Les plus vieux du village s’en amusent encore même aujourd’hui au point d’en rajouter des louches en présence de grand-père .
Voilà l’histoire racontée par Augustin son jeune cousin germain , fils de Sinsour un jeune oncle de Pépé qui soutenait mordicus son frère alors chef de terre :
Un jour pépé Simon eut une discussion mémorable avec le Tigan-sob qui s’avérait être son oncle paternel
C’était la saison des pluies et la sécheresse sévissait sur tout le territoire de la chefferie .
Son oncle chef de terre et devin de surplus implorait en vain les ancêtres à coup de sacrifices de poulets lorsque Pépé lui apprit la bonne nouvelle :Les prêtres blancs font venir la pluie à Jirapa de l’autre côté du fleuve en implorant leur Dieu ; il serait de bon ton d’aller supplier les missionnaires qui venaient d’arriver à Dano et à Dissin de prier eux aussi leur Dieu pour obtenir la pluie dans la région .
L’oncle tout en restant fort dubitatif ; mais désireux de bénéficier des bienfaits de Saa divinité de la pluie,fil init par se rendre aux arguments de Pépé Simon.
Il lui fit conduire en son nom une délégation avec des poulets, pintades et chèvres pour supplier le Blanc d’offrir les sacrifices à son Dieu pour qu’il pleuve .
C’est le pragmatisme légendaire des Dagara !
Pépé Simon lui répondit que les missionnaires blancs ne sacrifiaient pas comme lui des poulets à leur Dieu !Mais ils célébraient des messes qui font office de sacrifices, mais non sanglants pour implorer ses grâces .Mais toutefois il n’était pas interdit de leur faire des cadeaux et leur demander de prier leur Dieu pour qu’il pleuve .
Pépé Simon prit alors les cadeaux de son oncle et monta à la colline de Dano pour les offrir aux Pères Blancs et leur transmettre la requête de son oncle,le chef de terre .
Les prêtres dirent à Pépé Simon et à la délégation venue à Dano de vite rentrer à Béné et de ne surtout pas s’attarder en chemin car il pleuvrait des cordes dans la soirée .
Ils se dépêchèrent au pas de course de regagner le village et d’ annoncer la bonne nouvelle à l’oncle et au groupe des anciens qui manisfestaient toujours leur scepticisme que le Dieu des Blancs fût plus fort que Saa ,Tigan et les ancêtres car pour eux Naamwiin s’était interdit d’intervenir dans les affaires humaines !Il est donc inutile de l’invoquer.Il ne répondra jamais !
Ils tenaient toujours ces propos lorsque Saa gronda, tonna de toutes ses forces et lança des éclairs flamboyants , foudroyant même au passage le grand baobab du laï où se tiennent habituellement les funérailles .
Tous les anciens tremblèrent d’une peur mystique , ne sachant interpréter la colère du dieu Saa dans de telles circonstances
Mais bientôt , celui-ci s’apaisa et ouvrit toutes grandes les vannes des cieux .
Il plut, il plut tant et plus :toute la soirée, toute la nuit, toute la journée du lendemain et du surlendemain .
Cette année-là fut une année d’abondance telle que mêmes les plus vieux du village témoignèrent n’avoir jamais vu des recoltes aussi abondantes !
A la reprise du catéchuménat en saison sèche, c’est son oncle lui-même qui ordonna que tous les jeunes de sept à vingt ans, filles et garçons devaient aller s’inscrire au catéchisme sous la houlette de pépé Simon .
Et c’est depuis ce temps que tous les jeunes du village de Béné se convertirent sans exception au christianisme à la suite de pépé Simon .
Les adultes suivirent peu de temps après .
Depuis lors, pépé Simon fut écouté et respecté par ses « pères » et « frères aînés » qu’il amena progressivement à la nouvelle religion des bons Pères Blancs.
Tandis que son oncle Sinsour recevra sur sa demande le baptême à l’article de la mort.Son prénom de baptême sera David !
La rumeur du nouveau miracle des Pères se répandit comme une traînée de poudre dans les villages environnants et opéra de nombreuses conversions .
Pépé Simon continua sa formation jusqu’à devenir catéchiste entraînant à sa suite ses amis de même âge :Alphonse, Césaire, Bernard, Jean-Baptiste, Henri, son jeune cousin maternel, Julien de Dalgane, son beau-frère, l’autre Julien de Mémer son autre beau-frèresans oublier Fidèle le frère de Mémé Julia son autre beau-frère pour ne citer que ceux-là et, pour le comble, le jeune Benjamin un des fils de son oncle Sinsour qui soutenait le chef de terre, entra à l’école catéchétique !
Les prêtres avaient trouvé en pépé Simon un prosélyte zélé qui leur facilita la tâche dans les villages environnants voire dans toute le canton de Koper .
Béné, le rebelle ,réputé très farouche à la pénétration d’idées nouvelles et qui avait entretenu des relations très conflictionnelles avec l’administration coloniale de Diébougou , ce qui lui avait valu sa dissolution en tant que village et le rattachement de ses différents quartiers aux villages voisins, venait de tomber sous le charme des bons Pères Blancs . mais pas du colon qui avait obligé les différents quartiers à s’inscrire dans d’autres villages moins gros ou de moindre importance :Wouré-gan, Métuol-Gaakuon, Mémer-guri se retrouvèrent rattachés au village de Mémer.
Mwan-bèr, Baakoun-yir dem , Bègnarè-gan, Bèen-gan, se rattachèrent à Pirkuon tandis que Mètuol-Tangzu rejoignait Kpaï .
Bref pour l’administration, le village de Béné n’existait plus,rayé de la carte pour toujours pensait-on alors et son rebelle chef de village destitué à jamais !C’était sans compter sur les retournements politiques notamment la Révolution sankarienne où Béné sut recouvrer son titre de village qu’il n’avait jamais d’ailleurs perdu avec la Mission catholique de Dano, puis de Mariatang .
Par ailleurs grand-père n’avait jamais non plus perdu son origine bénéenne puisqu’officiellement Béné, a toujours figure surtous ses papiers officiels comme village de naissance .
Il était certainement à l’époque, par une erreur bienveillante de la mission catholique de Dano, le seul habitant officiel de Béné .
Puis Béné ressuscita tel Phoenix de ses cendres et devint un des gros village de la commune de Koper.
Son premier délégué fut Simon , le vieil instituteur de l’école du village de Béné en 1947-1948 .
Le deuxième délégué fut le neveu du remuant chef de village à qui l’administration avait retiré le titre de chef de village ! . Belle revanche de l’Histoire. n’est-ce pas !
Mais revenons au caractère entier de pépé Simon qui devint ainsi le premier catéchistede Béné..
Mais il y eut beaucoup d’autres catéchistes à la suite de pépé dont le plus célèbre fut Césaire qui devint rapidement catéchiste formateur des catéchistes à Dano, puis ensuite à Babora où il décèdera semble-t-il empoisonné par une méchante sorcière qui lui en voulait d’avoir empêché son amant de la prendre comme seconde femme .
C’était d’ailleurs un peu la même rumeur qui avait couru un certain temps sur la mort de pépé Simon .
Mais pour Césaire l’effet du poison fut foudroyant car en quelque jours il fut emporté en vomissant tout son sang, signe semble-t-il de la violence du poison .
Suivirent ensuite Alphonse qui démissiona après sa formation ;puis Bernard qui,a été un moment le catéchiste du village ;Jean-Baptiste,Simon,l’instituteur-catéchiste. Benjamin,le fils de Sinsour,et le père de Michel et d’Alexis dont nous reparlerons un peu plus tard . Jean de Bègnarè-yir et son jeune frère Jean-Marie, puis certainement d’autres plus jeunes que votre grand-père n’a pas eu l’honneur de connaître .

Mémé Julia a par contre un caractère doux et consensuel .
Elle n’aime pas les conflits. Elle préfère s’entendre avec les gens que de les contrarier . C’est ainsi qu’à ma connaissance, elle n’a jamais eu de mots avec pépé Simon ni avec son second mari,Gabriel . Elle était toujours de bonne humeur, travailleuse et bonne mère qui avait toujours su s’occuper de nous contre tout le reste de la famille à la mort de pépé Simon .
Mais la vie ne l’a jamais épargnée :
Jugez en vous-mêmes vous-mêmes :
•elle perd son premier enfant Jonas peu après sa naissance.
•Quelques années plus tard ,c’est le tour de pépé Simon, son mari qui mourait à 29 ans . Elle ; n’avait que 24 à 25ans !
•Puis c’est elle-même ensuite qui faillit mourir l’année d’après mais elle fut sauvée heureusement par son jeune frère de lait, Simon-Pierre qui se dévoua corps et âme pour la soigner , veillant jour et nuit sur elle jusqu’à ce qu’elle retrouve la santé !
•Elle revint à Béné pour s’occuper de ses trois enfants .
Elle se marie en lévirat avec le frère aîné de pépé Simon. Ils auront une fille,Delphine, née en 1952 .
•En 1975 , elle perd coup sur coup Léonie , la petite sœur de grand-père, puis Gabriel son second mari à quelques mois d’intervalle !
Et quelques années plus tard , c’est le tour de son petit -fils, le petit frère de An-nonnèmè de décéder brutalement pendant son absence; descendant en lignée directe, en l’absence de votre grand-père,il devait , à ces vieux jours, la prendre en charge.
• Grand-père la confie alors à son neveu maternel, François d’Assise chez qui elle restera près de 20 ans ,d’abord à Bobo-Dioulasso puis à Dano où elle mourra brutalement le 19 mai 1999 vers l’âge de 75 ans, soit 50 ans après pépé Simon .
Grand-père a hérité des caractères de ses deux parents :
Le caractère décidé, accrocheur, tenace , volontaire, quelque peu sévère et coléreux de son père ;
mais aussi par alternance, le caractère consensuel , doux et généreux de sa mère qui n’aime pas faire des histoitres .
Mais de cela, nous en rediscuterons un peu plus tard, si vous le voulez bien.
7.Grand-père, tu aimes beaucoup ton village natal dont tu ne cesses de nous parler . Mais au fait combien de temps as-tu passé au village?

Grand-père a effectivement peu séjourné au village .
Faisons plutôt les comptes ensemble, les enfants , si vous voulez bien : Mais l’amour pour son village ne dépend du temps qu’il y a passé.

a.De sa naissance à son entrée à l’école :

Grand-père est né à Béné le 25 juin 1942 d’après les régistres paroissiaux . Encore que parfois, ils s’emmêlent les pédales et confondent les dates de naissance de grand-père et de son grand frère aîné, Jonas, mort en bas âge
certainement de brefs séjours lorsque son père était catéchiste à Dayèrè .
Ce fut ensuite le séjour d’un an lorsque pépé Simon fut évacué à Béné , gravement malade.
b. Séjour à l’école primaire de Dano
Puis ce fut l’école primaire à Dano de 6 à 12 ans.(1948-1954).
Les vacances scolaires étaient réparties de la façon suivante :
Quelques jours à la Toussaint et une dizaine de jours à Noël et à Pâques, c’était ensuite les grandes vacances du 14 juillet au 30 septembre avec la reprise des classes pour une nouvelle année scolaire invariablement le Ier octobre .
Petites ou grandes, les vacances étaient attendues avec beaucoup d’impatience .Elles nous permettaient en effet de retrouver nos familles .
Les petites vacances constituaient de véritables vacances de repos total car nous étions en période de saison sèche et il n’y avait ni travaux des champs ni gardiennage du troupeau familial puisque les animaux étaient laissés en divagation durant cette période .
Par contre les trois mois de grandes vacances coincidaient avec la saison des pluies . Elle avait déjà démarré en avril-mai avant que nous ne rentrions pour participer aux travaux agricoles.
Mais avant six ans, filles comme garçons ,avaient la garde de leurs plus jeunes frères ou sœurs . Il en fut ainsi pour grand-père, chargé de la garde de sa plus jeune sœur Léonie avant sa rentrée à la grande école .
Le gardiennage d’un bébé ( bi-yalu en Dagara ) dure jusqu’à ce qu’il sache marcher parfaiement ie plus de 2 ans . Il permet de tisser des liens affectifs indélébiles notamment lorsque cela se passe dans la fatrie .Vous comprenez alors les liens très forts entre grand-père et sa jeune sœur Léonie .En sus elle n’avait pas connu notre père, pépé Simon . Elle fut ensuite très maladive et avait besoin de plus de protection de la part de son grand frère .
Personne ne pouvait lui chercher noise sans avoir à faire à grand-père .
Mais fermons la parenthèse et revenons aux grandes vacances en famille. Comme nos « frères » non scolarisés,nous étions astreints aux différents travaux champêtres, de retour de l’école.
•sarclages des champs d’arachide et de maïs proches de la maison ;
•gardiennage du troupeau familial :bœufs et moutons car les chèvres étaient attachées au piquet . L’alimentation de la volaille ne nous revenaient pas d’office car chaque membre de la famille s’occupait de sa propre volaille, mais le chef de famille confiait souvent aux jeunes garçons la responsabilité de chercher les termites pour nourrir ses poussins .
Donc les grandes vacances se passaient surtout dans l’aide aux parents .Mais votre grand-père n’arrivait pas à bien s’entendre avec ses cousins . C’était les bagarres continuelles qui finissaient par agacer l’oncle Gabriel , son tuteur .Il lui confia alors la charge de s’occuper des chèvres de la famille :ie les attacher dès la fin de la rosée matinale, leur apporter de l’eau à boire vers midi et déplacer les piquets pour qu’elles puissent bénéficier l’après-midi d’une herbe plus abondante et fraîche.
Au petit matin, avant cette tâche dévolue prioritairement à grand-père, il se joignait aux autres garçons de la famille et ceux des familles proches. Nous étions organisés en groupes de travaux ,nous invitant à cultiver à tour de rôle dans les champs familiaux des uns et des autres.Cette pratique créait une saine émulation et servait surtout d’apprentissage aux jeunes qui, devenus grands, devront s’engager dans les groupes de cultures des adultes pendant toute la saison des pluies . Grand-père, vous vous souvenez, vous a déjà expliqué comment fonctionnaient les groupes de cultures.
Les vacances étaient l’occasion de rendre des visites, notamment les dimanches, aux oncles maternels de Dalgaane et aussi de temps à autres aux tantes maternelles notamment à tante Hélène et tante Marie- Gabrielle, l’aînée de la famille mariée à Kpomaan , village situé à quelques 5 kms de la Mission catholique de Dissin .
La famille maternelle nous gâtait beaucoup à commencer par le grand –père Moïse , le père de Mémé Julia qui manifestait une très grande affection pour nous .
Mais il ne cessait de confondre grand-père et ceux de Kpomaan de même âge !
Isaïe et son frère Gilbert habitaient à un kilomètre à peine de la famille maternelle .Il les reconnaissait mieux que ses petits enfants de Kpomaan et de Béné .
Pourtant nous séjournions plu longtemps chez eux que les enfants de tante Hélène.
Votre grand-père, lorsqu’il y allait, logeait du côté de Fidèle ,catéchiste comme pépé Simon.Il avait servi en plus à Béné .
Il n’a connu que beaucoup plus tard l’oncle Joseph- Marie, l’aîné de la famille car il était dans l’armée coloniale d’abord au Niger, ensuite en Indochine .Il ne l’a vraiment connu qu’à sa retraite vers les années 1950 .
Mémé Julia avait beaucoup de frères et sœurs car son père Moïse avant de se convertir à la religion chrétienne était polygame et avait au moins trois femmes lui ayant donné des enfants .Mais avant de se faire baptiser il avait dû renvoyer, comme l’exigeait l’Eglise catholique,deux de ses femmes, les moins âgées pour ne garder que la première, Marie ,la mère de mémé Julia. Votre grand-père ne l’a malheureusement pas connu .
Comme grand –père a dû vous le dire déjà,Mémé Julia était la sixième d’une fratrie utérine de 8 enfants parvenus à l’âge adulte : Marie-Gabrielle,Joseph-Marie, Fidèle, Martin, Hélène, Mémé Julia, Simon-Pierre et Jacques le benjamin de la fatrie .
Elle avait pratiquement autant de démi-frères et de demi- sœurs : 5 de la plus jeune femme de son père, ie la mère de Joseph, Eleuthère , Régina, suzanne et kpantol ( grand -père ne se souvient plus de son nom chrétien ! Sa deuxième femme était la mère de l’oncle Olivier et de ses sœurs utérines.
Moïse règnait donc en grand patriarche sur une grande tribu en bonne entente,même apès son décès dans les années 50. Les oncles restèrent encore ensemble pendant au moins une vingtaine d’années dans la maison familiale avant que Joseph- Marie, l’aînée de la famille ne sorte se construire une nouvelle maison avec ses plus jeunes frères , Martin, Simon-Pierre, plus des neveux maternels Clément et Agape dont il avait la charge en tant qu’aîné de la fratrie .
Bien plus tard tous quitteront l’ancienne maison, le débouo pour se construire au gré des ententes de nouvelles constructions :
Ainsi l’oncle Fidèle se construisit une nouvelle case en convainquant son jeune frère Jacques de le rejoindre .
Olivier et ses enfants se sont également fait leur propre demeure.
Ne restait dans l’ancienne maison que Joseph , le demi-frère de Mémé , le plus jeune des enfants de Moïse demeuré au village . Son plus jeune frère Eleuthère avait en effet émigré au Ghana où il avait reconstruit sa vie .
Il s’était lui aussi résolu enfin, à abandonner la vieille maison familiale qui finissait par tomber en ruine .
Le vieux patriarche Moïse devait , comme le veut la coutume Dagara, être avec ses plus jeunes enfants qui, dans ses vieux jours devaient en retour le prendre en charge.En conséquence il était chez Joseph, l’aîné de sa plus jeune femme dont les enfants étaient effectivement les plus jeunes de tous ses enfants.
En effet entre Joseph-Marie et Joseph, il y avait une différence d’âge d’au moins une trentaine d’années !
Mais toute la fratrie et leur descendance vivaient en bonne entente et avaient bâti leurs maisons à quelques dizaines de mètres les unes des autres dans la stricte tradition Dagara .
Aujourd’hui, exceptées les trois dernières petites sœurs de Joseph, Suzana ,Régina et la benjamine Kpantol, tous les oncles et tantes maternels de grand-père sont tous décédés les uns après les autres .
Il ne se souvient plus des dates de décès de chacun d’eux .Il n’a pu assister à aucune de leurs funérailles sauf peut-être à celle de l’aînée de la famille, Marie- Gabrielle .
Viennent ensuite dans le désordre : Joseph-Marie, Simon-Pierre, Martin, Fidèle, Jacques, Olivier, Mémé Julia, Eleuthère , Joseph et en dernier lieu, tante Hélène . Grand-père aurait assisté à ses funérailles si on les lui avait annoncé à temps son décès . C’était sa tante préférée à laquelle il était le plus attaché .Paix à son âme, paix aux âmes de toute les tantes et oncles qui reposent toutes maintenant dans la paix du Seigneur..
Paix aussi aux cousins et cousines maternels que Grand-père ne saurait tous citer dont: Marcelle , Césaire , d’Assise, et tout récemment Abel de Kpomaan, Réné et Maurice, les fils des oncles, la sœur d’Isaïe dont grand-père vient d’avaler le nom !
D’autres cousins et cousines issus de tantes et cousines de Mémé Julia n’ont pu être mentionnés ici .
Grand-père n’oublie pas l’oncle Basile de Kon-do-gar et sa famille dont particulièrement sa fille Marie-Clémence, la gardienne de Frédéric et de Dominique. Il a en mémoire également le cousin Albert Somda de Babora .
Grand-père en oublie certainement beaucoup La famille est si nombreuse du côté du grand-père maternel !
En sus il faut faire mention de son petit frère, Naalè de Dalgane-Gouri . polygame lui aussi et qui eut autant d’enfants que son frère Moïse.
Grand-père les connaît beaucoup moins, les ayant très peu fréquentés .
Notez bien, les enfants : lorsque grand-père parle du village, il englobe toute la commune actuelle de Koper , anciennement chef lieu de canton regroupant une vingtaine de villages dont les principaux sont par ordre alphabétique : Babora, Béné,Bingaane,Dalgaane,Boulmonteeng ,Diboou, Gorgaane,Gourpouo,Koper, Kpaï, Lopaal, Mémer, Mognoupèlè, Piirkuon,Tangbé,Toupouo, Zingaane , Zoner, Zopaal, mais aussi d’autres villages–quartiers comme Kpiirèteeng, Kondogaar, Dalgane-Gouri,etc
Dans tous ces villages grand-père doit avoir des parentés plus ou moins éloignées qu’il ne connaît pas toujours bien puisqu’il n’a v riment vécu au pays Dagara que jusqu’à l’âge de 12 ans avant son entrée au petit séminaire de Nasso distant de plus de 200kms du village !

L’entrée au petit séminaire de Nasso fut donc la première rupture avec sa région natale .
En effet Dano est à 180 kms de Bobo-Dioulasso par la route de Diébougou et beaucoup plus de 200 kms si l’on emprunte la route de Pâ , ie l’axe Ouaga-Bobo .
Nasso est distant d’une vingtaine de kilomètres de Bobo.
Toute la région bobolaise est peuplée principalement des ethnies Bobo-fing et Dioula d’où le nom de la capitale régionale Bobo-Dioulasso, littéralement, le village des Bobo et des Dioula. De première ville à l’époque coloniale, carrefour de l’Afrique Occidentale, elle a cédé progressivement la première place à la capitale Ouagadougou depuis les indépendances. Tout en restant la capitale économique de Burkina Faso .
Grand-père passera dans cette région 8 ans à Nasso de 1954 à 1962 et un peu plus d’ un an à Koumi ne revenant au pays Dagara que pendant les grandes vacances (juillet –août) .
Au Petit séminaire, les petites vacances de Noël et de Pâques se passaient en groupes dans des camps de vacances de la région .
Au grand séminaire, nous avions à l’époque, un mois de stage pris sur la période des grandes vacances .
Il ne nous restait qu’à peine un mois à passer au village .

d.Séjour à l’univerité d’Abidjan( 3 ans)

A l’université d’Abidjan de 1963 à 1966, ce sera la première rupture avec le pays natal, la Haute Volta à l’époque à l’âge de 21 ans .
Jusque là, il n’avait guère bougé de son pays , excepté une escapade rapide de 15 jours au Ghana en guise de voyage initiatique, en juillet 1962, après le bac .
Grand-père ne rentrera pas en vacances la première année de son séjour en Côte d’Ivoire car il tenait à rester en cité universitaire pour réviser dans le calme ses examens de la session d’octobre .
Ce n’est qu’en juillet 1965 qu’il se prenait trois mois de vacances bien méritées, une fois son premier diplôme universitaire en poche,précieux sésame qui lui ouvrait désormais les études supérieures en Biologie.
L’année d’après fut consacrée aux études vers une licence d’enseignement en Sciences naturelles.
Ce n’était ni original ni enthousiasmant et grand –père rêvait déjà d’une carrière plus pragmatique et plus originale que l’enseignement où s’engouffrait la plupart des étudiants de cette époque car c’était la la priorité de l’heure .
Il préfererait faire des études vétérinaires ou agronomiques . Ce fut l’agronomie qui l’emporta sur décision de l’administration voltaïque de l’époque qui l’orienta à l’Ecole Nationale Agronomique de Toulouse (ENSAT) .
Et ce fut par un matin triste et brumeux de ce 2 novembre 1966, sous un ciel bas et un froid glacial, que grand-père débarqua à l’aéroport du Bourget, destination Toulouse .
Il fut accueilli à la descente de l’avion par l’abbé Anselme Sanon, vieille connaissance depuis l’école primaire. Il faisait ses études de droit canonique à cette époque à l’Institut Catholique de Paris( ICP) .
Grand-père fut logé à la Cité Universitaire du 14eme, le temps de contacter l’administration des Œuvres Univeritaires pour son billet de train Paris-Toulouse .
Ce troisième voyage de grand-père ne fut plus celui d’un pays africain à un autre mais une rupture sismique complète le faisant franchir océans et mers pour le débarquer à queques 5000 kms de son pays natal au pays des hommes blancs où il devra se confronter cette fois-ci à une culture autre .
Il avait alors 24 ans .
Bien que Toulouse comptait une forte colonnie d’étudiants africains et voltaïques en particulier , la première année fut très dure pour votre grand-père qui n’y trouva personne pour parler Dagara .
Ce ne fut qu’aux vacances de juillet 1968 qu’il put retrouver le Pays et son village natal. Le séjour y fut des plus courts car il devait effectuer deux mois de stage de première année de l’ENSAT qu’il avait intégrée un an plus tôt.
Il ne séjourna effectivement que deux semaines à Béné avant de réjoindre la station agricole de Matroukou à une dizaine de kilomètres de Bobo ,ensuite celle de Saria près de Koudougou .
Il rejoignit ensuite Toulouse où il fit sa troisième et dernière année ( 1968-1969).

La rentrée universitaire 1969 le retrouva à Paris Sud ,à Orsay pour sa troisième année d’Agro et en même temps sa première année de formation ORSTOM en génétique et amélioration des plantes .
Cette formation exigente en plus de quelques problèmes dont parlera plus tard, grand-père , l’éloignera encore davantage de son pays natal.
Le retour au pays natal ne se fera qu’en 1975 soit 7 ans plus tard !
En effet il dut rentrer précipitamment à l’annonce coup sur coup du décès de son tuteur, l’oncle Gabriel, mari de mémé Julia et quelques mois plus tard de celui de sa jeune sœur cadette, Léonie .
Trop, ç’en était trop pour grand-père, il ne pouvait plus différer son voyàge au Pays .
Il profita des vacances de Noël 1975 pour regagner le village ,se recueillir sur les deux tombes .Il séjourna une dizaine de jours à Béné .
Puis il regagna son laboratoire parisien pour encore cinq ans avant de retrouver à nouveau son petit village chéri
.

Il venait de présenter sa thèse d’Etat et s’apprêtait à rentrer pour se mettre à la disposition de son pays, lorsque décéda Celestine une fille de Dalgaane le village natal de mémé Julia .Grand-père la connaissait très bien ,ainsi que toute sa famille de Dalgaane
En effet son père, Mr Pierre, fut son maître du CP2.
En plus,rappelons quel a mère de Grand-père est de Dalgaane et
la mère de Célestine de Dalgaane –gouri,sœur de Mr Jean-Pierre et de l’abbé Timothée Méda .
Elle avait fait par ailleurs ses études(études sociales ) à Toulouse lorsque grand-père y était encore.Puis , elle rencontra un garçon centrafricain, Gaston avec qui , elle se maria et ils montèrent dans la région parisienne. C’est là qu’elle mourut après une fauche couche et une opération où l’anesthésiste n’avait pas su qu’elle était asmathique !
Il accompagna donc le corps en tant que chef de délégation et participa aux funérailles de trois jours à Dalgaane .
Sa famille et les oncles maternels ,en dépit de la grande douleur de la perte de leur fille, s’enorgueillirent que ce soit grand-père qui dirigeât la délégation pour accompagner le corps de leur fille .
Après les funérailles, grand-père rejoignit Béné chez les parents dont beaucoup d’ailleurs étaient venus aux obsèques .
Il y séjourna d’abord une semaine avant de rejoindre Ouaga en vue des démarches adinistratives pour intégrer l’Enseignement Supérieur Burkinabè .
Mais quelle ne fut pas sa déception devant l’accueil froid et inamical du ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche d’alors , Mr Sib Sié Faustin, professeur de Chimie à l’Université de Ouaga depuis quelques années .
On se connaissait pourtant très bien depuis 1966 à Toulouse où il finissait sa licence en Chimie organique ; nous nous étions retrouvés ensuite à Orsay où il avait préparé et soutenu sa thèse d’Etat ès Sciences Physiques, mention Chimie organique .Grand-père fut même à la soutenance de sa thèse .
Rentré au pays, il intégra la jeune université de Ouaga et à l’occasion , il avait su encourager votre grand-père à poursuivre avec ardeur ses recherches et passer vite sa thèse pour revenir renforcer les effectifs de l’Université qui en avait bien besoin !
Vous comprenez donc sa surprise, une fois le diplôme obtenu, il rentra comme prévu pour recevoir accueil aussi protocolaire ! Le ministre était accompagné de son chef de cabinet ,le regretté Nurukyor Claude Somda qui quelques années plus tard fut à son tour ministre de la Culture et Maître assistant en Histoire à l’université de Ouaga !
Le plus marrant de l’histoire, c’est qu’ils sont tous deux originaires de la région du Sud- Ouest(Sib est de Gaoua et Nurukyor de Dissin /Kokolibu) et qu’ils occupaient les deux plus hauts postes du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Ce sont justement ceux-là quise sont ligués et ont tout fait pour décourager grand-père de rentrer au pays .Leur attitude ne souffrait d’aucune ambiguité .Elle équivalait à une fin de non recevoir sachant pertinemment que grand-père se débrouillerait tout de même ailleurs .
Il le comprit très vite, n’insista pas outre mesure et regagna au plus vite Paris.
Ce fut alors qu’il envisagea sérieusement de partir en Coopération en Afrique dans l’Enseignement Supérieur pour se rapprocher de son pays d’origine .
Cela tombait plutôt bien .Il venait en effet de soutenir sa thèse d’Etat le 8 Janvier 1981et il avait acquis la nationalité française en 1980 .Il pouvait donc déposer un dossier de candidature au Ministère de la Coopération, rue Monsieur.
C’est ce qu’il fit en 1982 et obtint son premier poste en Coopération à l’Université Nationale du Bénin à Calavi ( commune de la banlieue de Cotonou).
Grand –Père ne revit le professeur Sib que chez le regretté Docteur Paul-André Kambiré alors représentant de l’OMS au Bénin .On échangea un salut courtois comme si l’on ne s’était jamais connu auparavant puis on s’ignora le reste de la soirée en se tournant chacun le dos !
Ce fut la seule fois que nos chemins s’étaient recroisés sans échange de paroles tant il semblait gêné de retrouver grand-père en ces lieux. Il n’était plus ministre, mais professeur comme grand-père.
Donc unique rencontre depuis janvier-février 1981 et qui ne se renouvela plus jamais jusqu’à ce jour !
Quant au regretté Nurukyor Claude Somda, paix à son âme . Nos chemins ne se croisèrent plus jamais depuis cet entrevu dans le bureau du Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la recherche scientifique .jusqu’à sa mort en 2009 .
Depuis leur refus, grand-père ne rechercha plus jamais à rencontrer qui que ce soit de l’université de Ouaga tant durant sa période de coopération(1982-1996) qu’après !
C’est vous dire qu’il n’a même jamais plus mis pied dans l’enceinte universitaire et n’y connaît personne d’autres que ses anciens amis d’avant qu’ils ne rejoignent l’université de Ouaga. Ce fut les cas du regretté Médah Gali,un camarde d’école primaire, Ouédraogo Patouin Albert,un ami de Toulouse qui,lorsqu’il fut ministre de l’Education Nationale en même temps que Sib, lui avait réservé un accueil chaleureux en regrettant le comportement incompréhensible pour lui de son collègue et ami, ministre de l’Enseignement Supérieur . Il y a aussi Pénou Somé Achille, un Dagara Wiilé,de Dano, linguiste de son état ; Sanwidi Hyacinthe, un ami de l’université d’Abidjan, spécialiste en littérature africaine..
Mais jamais nous n’eûmes l’occasion de nous rencontrer dans un cadre professionnel dans l’enceinte de l’université de Ouaga !
Grand-père avait donc tiré un trait définitif sur l’université de Ouaga et un peu plus tard sur celle de Bobo, installée à Nasso .
Le professeur Guinko Sita, un promotionnaire d’Abidjan,avait soutenu sa thèse de troisième cycle avec Mr le professeur E. Adjanahoun ,notre professeur commun de Biologie végétale à l’université d’Abidjan.
Au moment où grand père postulait un poste à l’université de Ouaga,il était le directeur de la Faculté d’agronomie de Ouaga département où justement votre grand-père avait déposé sa demande pour un poste d’enseignement.
Que pensez-vous qu’il fit ?
Rien . Silence radio ! Aucun commentaire ni soutien !
Le Pr Adjanohoun,d’ailleurs membre du jury de la thèse d’Etat de grand-père lui avait promis pourtant de tout faitre pour qu’il puisse occuper un poste de maître de conférence dans cette facfulté !
C’était à ne rien y comprendre ! Grand-père ne sut jamais ce qu’il avait réellement fait car non seulement il ne fut pas retenu au Cames comme maître de conférence, mais son élève, Mr Sita Guinko qui était le directeur de la faculté d’agronomie de Ouaga à l’époque n’avait levé le moindre petit doigt pour le défendre et avait montré une totale indifférence au sort de son ancien condisciple . Lui aussi depuis lors, nous nous ne revîmes plus jamais !
Grand-père ne garda aucune rancune à l’égard de quiconque ;mais il ne chercha plus jamais à les revoir, ni le professeur E.Adjanohoun retraité à Cotonou, ni le professeur Guinko Sita ,à Ouaga, à Bobo, à Nasso où l’ISPA(Institut Scientifique Polytechnique de Ouaga) fut transféré .
Ce ne fut qu’en février 2013 que grand-père , voulant revoir le Séminaire de Nasso profita de l’occasion faire une courte halte à l’université de Bobo. Mais Mr Guinko Sita avait pris déjà sa retraite depuis belle lurette !
Et c’est bien ainsi ! Ils n’ont pas voulu de grand-père .Il n’a pas fait des pieds et des mainspour y entrer! il n’a pas insisté et a tiré ;un trait définitif sur cette université qu’il a toujours ignorée jusqu’à présent !
Après tout, grand-père leur doit même une vive reconnaisse pour leur refus car grand-mère appréhandait cette rentrée au Pays !On aura l’occasion d’y revenir !
On aurait dit que quelque malheur poursuivait votre grand-père : Déjà 7 ans auparavant en 1974, on lui avait déjà refusé une bourse pour poursuivre sa formation et ses recherches de Thèse d’Etat .
Devinez qui fut celui qui signa la lettre de refus et l’ordre de rentrer au pays après la soutenance de sa thèse de troisième cycle le 19 mai 1974?
Un ministre Dagara, imaginez-vous, en la personne du regretté le colonnel Yoryan Gabriel Somé qui connaissait très bien grand-père pour l’avoir maintes et maintes fois rencontré .
Jugez-en plutôt :
Yoryan Gabriel Somé faisait partie de la première promotion du séminaire de Nasso lorsque celui-ci fut créé à la rentrée de 1945-1946 par Mgr André Dupont alors vicaire apostolique de Bobo-Dioulasso et dirigé par le Révérend Père Jean Hébert dont nous reparlerons dans la suite de ce livre .
Son petit frère Joseph Mukassa, actuellement prêtre à la retraite à l’évêché de Diébougou, était de notre promotion dans le même séminaire (1954-55) .
Bien sûr nous ne l’avions pas eu au petit séminaire puisqu’on y faisait 8 ans et qu’il venait de terminer tout juste son petit séminaire lorsque notre promotion y rentrait.
Mais il venait souvent rendre visite à ses frères Mukassa, Clément surnommé « Général », Vincent et Jean de Dieu.
Grand-père détient encore une photo où on nous voit ensemble ,lui , Joseph Mukassa, Christophe Somé de Béné , Raphaêl le cousin de grand-père et votre humble serviteur lui-même .
Grand –père eut d’autres occasions de le rencontrer à Toulouse, lorque son autre petit frère Richard faisait son stage d’inspecteur ou de contrôleur de PTT à Toulouse et lui son stage de capitanat à Saint Maixaint .
A Paris, également lorsqu’il fut évacué après un sérieux accident de voiture . Tous les Dagara de Paris, grand-père compris, s’empressèrent de lui rendre visite à la clinique .
En 1974 , il fut même à notre mariage . Il était de passage à Paris pour quelques jours et, lorsque nous l’apprîmes, nous l’invitâmes sans rancune en tant que « doyen » Dagara . Il y répondit positivement et nous apporta même un cadeau de mariageie un service de tasses à café que nous gardons jalousement encore aujourd’hui en sa mémoire.
Mais il parut tout de même quelque peu gêné par la signature qu’il venait d’apposer et dut à plusieurs fois esquisser des tentatives d’explications de son geste !. Grand-père en avait retenu qu’il n’était pas le ministre en titre de l’éducation Nationale, mais quil avait assumé l’intérim en l’absence du titulaire du poste et que c’est à ce titre qu’on lui avait présenté mon dossier parmi d’autres à paraffer .
Il était effectivement à l’époque ministre de la Défense Nationale .
Mais c’était déjà à un Dagara à qui revenait le sale boulot d’empêcher son « frère » d’aller un peu plus loin !
Et il le fit sans aucun état d’âme !C’est un peu ça l’attitude , en général, du fonctionnaire Dagara !Aucun esprit de solidarité envers son « frère » pour donner un coup de pouce à un dossier méritant !
Cela ne changea d’ailleurs rien à la.décision finale de votre Grand-père . Il poursuivit la préparation de sa thèse, bien sûr sans bourse, en se trouvant du travail à l’Oeuvre des Apprentis d’Auteuil de Saint Antoine de Marcousis située à quelques 5 kilomètres du centre universitaire d’Orsay où il s’était inscrit déjà à la préparation de la thèse d’Etat !
Mais de ceci, nous en en reparlerons plus tard , si vous le voulez bien.
Grand-père pense que tous ces comportements entraient dans une stratégie de lutte pour les places juteuses tant administratives, politiques, qu’universitaires qui s’offraient aux premières promotions d’étudiants formés en nombre de plus en plus grand par nos pays africains au sortir de leurs indépendances .C’était des luttes fratricides pour s’emparer des meilleures places.
On voyait en effet l’autre, surtout lorsqu’il était surdiplômé, et grand-père l’était en effet , comme un dangerux rival ou un redoutable concurrent qu’il fallait à tout prix éliminer avant qu’il ne vous élimine ou ne vous devance pour le moins .
Grand-père cumulait à lui seul deux formations des plus réputées : celle des Grandes Ecoles d’ingénieurs et une formation universitaire exemplaire puisqu’il avait accumulé tous les diplômes du cursus universitaire sans exception depuis la Maîtrise jusqu’à la thèse d’Etat en passant par le DEA en Génétique-Amélioration des plantes( diplôme d’études approfondies), la thèse de troisième cycle et la thèse d’Etat !
Il était le premier voltaïque à avoir une double formation de cette envergure .Il présentait donc aux yeux de ses collègues l’homme de tous les dangers qu’il fallait absolument écarter,décourager,abattre avant qu’il ne soit trop tard .
Donc tous les collègues qui nourrissaient des ambitions politiques notamment dans le Sud-Ouest et en pays Dagara pouvaient voir en grand-père un redoutabe concurrent et ce d’autant plus qu’il s’était inscrit depuis plus d’une quinzaine d’années déjà au parti MLN du professeur Ki-Zerbo .Mr Sib Sié en était membre également .
Nurukyor Somda, alors très jeune assistant à l’université,il avait tout à craindre de grand-père , de loin « un grand frère » et le premier Dagara diplômé d’une thèse d’Etat et d’un diplôme d’ingénieur !
Peu d’universitaires Dagara à l’époque optaient pour les études scienfiques .
Sortis pour la plupart du séminaire, ils s’orientaient presque tous vers des études littéraires, philosophiques, sociologiques , juridiques, voire très rarement médicales ,jamais vers des branches à proprement parler scientifiques .
Ce fut d’ailleurs la tentation qui guetta grand-père à sa sortie du grand–séminaire où la voie royale des études de philosophie, de sociologie voire d’ethnologie lui tendaient les bras . C’est d’ailleurs ce type d’études profanes que font les condisciples orientés vers la prêtrise . Ce qui n’a rien d’ailleurs d’étonnant puisque ce sont des disciplines qui leur sont plus familières au cours de leur formation cléricale que les disciplines scientifiques .
Tous ceux d’ailleurs que les évêques ont voulu envoyer faire des études de sciences pures après leur ordination n’ont pu franchir la barrière des deux premières années de premier cycle , le DEUG, !
La seule personne que votre grand–père connaisse qui ait pu faire des études de Chimie-physique n’était autre d’ailleurs que son promotionnaire du petit séminaire, le regretté Jean-Chrysostome Tiendrébéogo que son évêque avait eu la sagesse d’envoyer à Paris tout juste après le bac alors qu’il avait encore en tête les matières scientifiques où il excellait ! Mais il avoua lui-même en avoir « sué sang et eau » !
Il revint après avoir obtenu la licence en chimie-physique en passant par SPCN et non par MPC( Maths -Physique –Chimie) comme cela devait se faire . Mais on était autorisé à le faire à ses risques et péril .
Ce qu’il fit et réussit . Bravo !
Il fut nommé professeur de sciences au petit séminaire et à l’rinterséminaire de l’archidiocèse de Ouaga avant de devenir aumônier de l’Université de Ouaga, une fois atteint par la maladie qui devait l’emporter ! Paix donc à son âme !
Mais pour en revenir à notre sujet beaucoup de collègues ou de grands frères devaient tirer dans l’ombre les ficelles pour que grand-père ne puisse surtout pas rester au pays .
Ces choses se sentent à plein nez et trompent rarément .
Certains « faux-frères » y faisaient des allusions voilées en cherchant à tout prix à décourager grand-père dans ses démarches administratives !
Certains allaient même jusqu’à le conseiller de chercher du travail France en se disant en eux-mêmes : « S’il pouvait s’en aller loin du pays !»
Très peu de personnes comprirent vraiment que grand-père tenait à travailler au pays malgré la modicité du salaire proposé .Il avait déjà intégré dans sa tête cette éventualité avant d’effectuer le voyage alors que beaucoup de ses anciens camarades disaient le contraire à tous ceux qui voulaient les écouter : « Promettez lui tout ce que vous voudrez, Gompè ( c’était le surnom de grand-père) ne rentrera jamais » !
Au village,les parents avaient une toute autre interprétation du rejet de son dossieret ils le disaient à qui voulait les entendre :
« Jean-Philippe a débordé dans les études : il a trop étudié et on n’a pu lui trouver de place qui corresponde à son niveau en Haute volta » .
Il faut croire que peu furent les personnes vraiment dans la confidence de ce qui se tramait alors au Ministère à en juger les commentaires désobligeants tels : « il a été trop exigeant » ou « Il a été trop gourmand » ; « Il a eu les yeux plus gos que le ventre » . voire , « il croyait qu’avec ses gros diplômes,il allait mettre à genoux tous ses collègues ; même ces grands devanciers comme Sib Sié ! C’est lui qui a dû mettre genou à terre ! »
Bref c’était des propos un peu vexatoires pour votre grand-père qui gardait néanmoins le silence et surtout son calme .
Seul Isaïe chez qui il logeait à cette époque connaissait la réalité et son état d’âme !
Mais ce qui est resté au travers de la gorge de votre grand-père, c’est que les mêmes qui essayaient de lui barrer la route étaient ceux-là mêmes qui répandaient dans les cabarets et buvettes le bruit que le poste qu’ils lui avaient proposé ne lui plaisait pas et qu’il prétendait valoir mieux
Le même ministre ne disait-il pas, lorsque grand-père avait osé lui téléphoner à l’ambassade de la Haute-Volta où il était descendu lors d’une visite à Paris que l’ « on ne rentre pas à l’université de Ouaga comme dans un poulailler » .
Pourquoi grand-père ne devait-il pas entrer à l’université de Ouaga ?
Etait-il le loup ou le renard à faire peur aux deux coqs du poulailler ?
Peut être bien que oui après tout puisqu’ils avaient peur qu’il ne rentre et qu’ils avaient tout fait donc pour l’en empêcher !
Bref grand-père s’en était retourné en France sur la pointe des pieds sans faire de bruits en se jurant qu’au grand jamais il ne regagnerait l’université de Ouaga ni même y mettre les pieds ! Juqu’aujourd’hui, il a tenu parole !
D’aucun dirait qu’il y a eu un blocage psychologique sur la question . Est-ce,peut-être vrai après tout !. Car depuis cette histoire, il ne lui a jamais traversé l’esprit d’y aller ne serait-ce que pour consulter des documents sur le pays Dagara sur lequel il travaille actuellement.
C’est même de l’amnésie totale sur son existence ! En effet elle a été rayée définitivement de sa tête !Que les protagonistes se rassurent donc, il n’est jamais venu à l’esprit de grand-père aucun sentiment de vengeance ni de rancune contre les responsables de cette malheureuse histoire !
Autant il n’ira cracher sur leur tombe, autant il n’ira y pleurer non plus !
Grand-père a, certes, en chrétien, pardonné « l’offense» qui lui a été faite, mais l’oubli, jamais !
Ceci dit il n’a aucune intention de choquer qui que ce soit , parents ou amis de ceux qui sont malheureusement déjà partis.
Paix plutôt à leurs âmes et que le Dieu de toute miséricorde les accueille dans ses demeures éternelles .
Après tout ils ont peut être même fait du bien à votre grand-père sans le vouloir ni le savoir .
ce fut son destin qui l’a conduit à une carrière d’enseignant dans la Coopération .
Il y a mieux gagné sa vie que simple professeur à l’université de Ouaga où il lui était proposé au départ un salaire de 100.000 frs Cfa de l’époque soit de l’ordre de 300 euros par mois! En coopération , ça été 20 fois plus !Et ne parlons pas de la retraite ,véritable galère pour les enseignants qui n’ont fait que de l’enseignement comme grand-père !
Ils s’échinent jusqu’à 75-80 ans à chercher des postes d’enseignement dans le secteur privé pour un maigre salaire et au risque d’être dépassés ou ne plus pouvoir donner le meilleur d’eux-mêmes !
Les exemples ne manquent malheureusement pas car dans tous les pays d’Afrique où grand-père a pu passer ,il a vu des collègues qui devraient prendre un repos bien mérité pour jouir paisiblement de leurs vieux jours, être obligés de « quémander » à chaque rentrée universitaire des postes dans les centres d’enseignements supérieurs privés au risque de comprometre leur santé à un âge où ils auraient dû jouir d’ un juste repos !
Mais « nécessité oblige» . Il fallait bien assurer la pitance pour leur famille souvent nombreuse !
Par ailleurs en dépit de cette sordide affaire avec les responsables du Ministère de l’enseignement supérieur, sa joie de rentrer au pays n’a jamais été entamé !
.Il y est retourné depuis lors plusieurs autres fois comme grand-mère, votre père et votre tante peuvent le témoigner :

j En avril 1983,alors qu’il était professeur à Cotonou, il est parti pendant les vacances de Pâques au village avec femme et enfants les présenter aux parents et pour qu’ils fassent connaissance avec leurs jeunes cousins.
Grand-père croit pouvoir affirmer que tout le monde était content : les parents autant que Grand-mère , votre père et votre tante Dominique qui courraient partout et faisaient des grimaces, des pîtreries, et autres clowneries, ne pouvant pas entrer autrement en contacts avec leurs cousins et cousines qui ne pouvaient s’exprimer en français ! Et ça a marché :Le courant avait passé entre cousins .
Nous dormîmes le temps de notre séjour au village, à l’anberge de Dano ; puis nous visitâmes Diébougou, Bobo-Dioulasso où nous prîmes un hôtel et rendîmes visite aux parents : Michel, de chez Baakoun, Nestor le petit frère d’Alexis et de Michel que votre père et votre tante ont connus en France et qui ,à cette époque y étaient encore .
Nous en reparlerons un peu plus tard .
Ce fut ensuite le petit Séminaire de Nasso, la Guinguette à 3 -4 kms du Seminaire .
Nous poursuivîmes notre périple jusqu’à Koumi au grand séminaire où avait étudié votre grand-père .
Ce fut ensuite le retour à Cotonou .
A l’occasion de notre séjour au village, les oncles paternels reparlèrent de la dot qu’ils n’avaient pu verser lors du mariage de grand-père. Elle leur restait en dû .
Ils avaient, eux, déjà récupéré la dot de sa sœur Sidonie qui devait servir comme le veut la coutume à doter la femme de votre grand-père qui n’avait d’autres frères utérins.
Mais grand-père et grand’mère les rassurèrent .
Ils furent soulagés d’être déchargés du fardeau de la dette et nous remercièrent avec beaucoup de sincérité,semble-t-il .
Elle représentait beaucoup pour eux : 3 bœufs, et 10.000 cauris . Belles économies d’autant plus qu’ils n’avaient plus de garçon à doter.
Qu’en ont-ils fait ? Mystère complet . Ils n’ ont jamais fourni d’explications sur l’usage qu’ils en ont fait !

k.Autre visite au village en mai 1999 à l’occasion du décès de sa mère, mémé Julia.
Grand-père, après coup , s’étonne d’avoir passé près de 16 ans en Afrique sans partir au village et d’y être contraint par la mort de sa mère en 1999 .Mais cette longue durée s’explique en parie comme nous le verrons ci dessous

l.Les visites de la famille à Cotonou et à Dschang

Mémé Julia est venue deux fois à Cotonou, la première fois avec son frère Jacques et la deuxième fois toute seule .
Ceci a évité à grand-père de se déplacer lui-même au village !
Il l’avait mise en de bonnes mains,celles de son neveu François d’Assise .
Et lorsque votre grand-père était à Dschang au Cameroun, il l’avait.faite venir encore en 1995 avec François d’Assise pour un séjour de deux semaines .
Grand-père ne compte pas tous les jeunes qu’il a faits venir du village pour travailler à la ferme .
Raphaël vint même passer deux semaines à Cotonou pour constater lui-même le travail que venaient faire les jeunes du village
Sans y retourner souvent, il entretenait toujours des relations régulières avec le village.
Par ailleurs,il téléphonait très régulièrement à d’Assise et à Isaïe son autre cousin germain pour prendre des nouvelles de la famille.
Mais il faut tout de même oser avouer que grand-père n’avait vraiment plus la nostalgie du village depuis l’échec de son projet de construction d’une maison à Béné .Il avait même fait les plans avec l’oncle Jacques lorsque celui-ci avait accompagné mémé Julia à Cotonou . On s’était même mis d’accord sur les travaux à effectuer !
Mais le destin en a décidé autrement :L’oncle Jacques fit un accident mortel bête qui ne dépendait pas de lui .
le camion des frères Ambroise et Christophe de Kpaï, tous deux anciens combattants comme lui ! Celui-ci avait versé et s’était retourné avec des tonneaux chargés d’essence et de pétrole qu’ils transportaient !.
Grand-père plus ou moins inconsciemment avait peut être interprété cette mort accidentelle de son oncle comme un mauvais présage du destin et des ancêtres pour ne pas construire une maison au village et ce en dépit de l’insistance des parents .
Grand-père répond toujours oui à leur demande , mais au plus profond de lui-même il y a déjà renoncé .
Ceci lui a évité de fréquents déplacements au village .En effet cette maison,une fois construite ,il se serait senti le devoir de rentrer plus souvent et n’aurait plus d’excuses de dormir à l’auberge de Dano .
Les parents l’ont si bien compris qu’ils insistèrent à chacun de ses passages au village pour qu’il construise absolument une maison à lui .
Il est vrai aussi que ça y va également de leur prestige .
Grand-père a préféré certainement écouter les voix du destin et de ses ancêtres plutôt que la vanité des parents vivants :Ceux qui sont partis sont capables là où ils sont, de parcourir,eux, d’un seul regard nos destinées présentes et futures . Il faut donc tenir compte des signes qu’ils nous envoient dans notre propre intérêt.
Beaucoup d’autres parents nous rendirent visite à Cotonou :Adama et ses filles , Théo Somda l’un des jumeaux d’Isaïe qui fera des mois à la maison avant que grand-père lui trouve une maison à Calavi pour le rapprocher de sa fac
Vint ensuite la période des jeunes travailleurs Dagara que grand-père faisait venir du pays pour la ferme .
C’est au cours de cette période que Raphaël fit deux semaines à Cotonou .
Il y eut également plusieurs séjours de Sandrine la fille d’Assise .
Son frère Yves vint également nous « taper du fric » soit disant pour aller au Mali ou à Abidjan passer son BTS .
Grand-père en oublie certainement d’autres comme le séjour de Clémentine ,la femme de Noël Somda, le frère de l’abbé Jean-Baptiste Somda qui séjourna longtemps à la maison avec ses jeunes enfants dont l’aîné était une véritable canaille .Les parents, malheureusement tous deux décédés aujourd’hui ont laissé les deux petits orphelins à la charge de l’aîné de la famille , l’abbé Jean-Baptiste Somda leur oncle paternel . Selon la coutume Dagara il est l’héritier légitime des enfants de son frère .
De plus son autre petit frère du village, André Somda décéda peu après. Ses enfants furent également à sa charge .
Le pauvre abbé qui ne s’est pas marié était devenu un chef de famille nombreuse .
Il s’en est allé lui aussi en 2012 laissant ses jeunes neveux définitivement orphelins !

Depuis la mort de mémé Julia, grand-père revint au village 4 ans plus tard en 2003 accompagné de grand-mère et de tata Dominique retournant après 20 ans au village qu’elle avait connu à l’âge de 6 ans.
Quant à votre père, il y était retourné tout seul lorsqu’il était allé chez son ami Emmanuel Lacroix alors à Bobo pour son service militaire .

n.La visite d’adieux au village fin Janvier 2011.

Malheureusement, nous avions dû abréger notre séjour au village car nous avions cassé le moteur de notre RAV et nous fûmes obligés de rejoindre dans l’urgence Ouaga pour les réparations .
.o.L’avant dernière visite, avant celle de 2016, au village date de Janvier- Février 2013
Nous y avons fait une dizaine de jours et plus de deux semaines au pays !
Donc depuis l’âge de 5ans où il fit un an complet au village entre le moment de la maladie de son père et sa rentrée à l’école primaire de Dano,ses séjours au village n’ont jamais plus excédé trois mois consécutifs .
p.Résumons –nous :
De 7 à 70 ans , soit plus de 60 ans ,grand-père ne s’est plus jamais plongé dans le milieu villageois plus de 3 mois consécutifs
Evaluons maintenant ensemble, si vous voulez bien ,les enfants,le nombre de mois que grand-père a dû passer au village .

•Séjour au village avant l’entrée à l’école : : 66 mois
•Séjour moyen passé à Béné depuis l’école jusqu’à ce jour : 43 mois
•Séjour à Dano 55 mois
Total de temps passé au pays Dagara……………………………………..164 mois
Temps passé au séminaire :…. 86 mois

Total temps passé au Burkina 250 mois

temps passé au Bénin 248 mois
temps passé au Cameroun 50 mois
temps passé à Abidjan 30 mois
……………………………………………………………………………………
temps passé en Afrique 579 mois
temps passé en France 305 mois
…………………………………………………………………………………..
Total temps vécu : 885 mois

q.Conclusions :
Les 3 temps passés au pays Dagara( avant l’entrée à l’école , Dano et après ) s’équivalent statistiquement.
Grand-père a passé le double de temps en pays Dagara qu’au Séminaire.
Les temps passés au Burkina, au Bénin et en France s’équilibrent à ce jour, mais seront de plus en plus en faveur de la France où grand-père vit actuellement.
Mais il ne pourra dépasser le séjour en Afrique !
Le temps vécu au pays Dagara n’est que de 164 mois, inférieur de loin à ceux du Bénin ou de la France ! Pourtant ,c’est l’endroit où grand-père se sent le plus attaché .
Pour quelles raisons lui demanderez-vous ?
C’est le lieu de naissance de Grand-père , de ses parents et de ses aïeux qui y ont vécu,sont morts et enterrés.
C’est là qu’il a grandi jusqu’à partir à l’école .
C’est donc là que ses racines .
Vient ensuite le village où est née et a vécu sa mère jusqu’à l’âge de se marier ; C’est là aussi que son autre grand-père , Moïse ,ses tantes et oncles maternels sont nés , ont vécu et sont enterrés.ie Dalgaane.à quelques 10kms de Béné.
Viennent après Dano, le Séminaire de Nasso, de Koumi, Bobo-Dioulasso , le Burkina-Faso , le pays de ses aïeux .
Ayant beaucoup bougé, grand-père se considère cependant citoyen du monde notamment d’Afrique où il se sent partout chez lui .
Mais il est d’abord du pays Dagara ,ensuite du Burkina avant de se sentir français, auvergnat, etc.
C’est de l’ordre du ressenti, des sentiments et non de la raison .
« Le coeur a ses raisons que la raison ignore » . disait Pascal dans ses « Pensées »

Un dernier séjour eut lieu en janvier-février 2013 !
Le chapitre reste donc ouvert pour encore de nombreux séjours si Dieu prête encore vie à votre grand-père ! Croisons donc les doigts et scrutons l’avenir !

8.Grand-père, peux-tu nous parler des défunts de ta famille ?

a.Hommage aux disparus de la famille.

Le concept de famille est quelque chose de très complexe pour un Dagara qui le compare généralement aux ramificatons des plants de courge ( yaw-va-gbèè), littérablement les « pieds de courge » qui s’entremêlent les unes aux autres de façon inextricable si bien qu’il devient impossible de dire de quelle souche vient telleou ramification saisie ! .
En français ,on parlerait plutôt d’ une toile d’araignée .
Donc pour un Dagara, sa famille est très imbriquée de façon inextricable tant et si bien que tout inconnu Dagara rencontré dans la rue finira,en cours de discussion, par vous trouver une parenté avec lui .Et ce d’autant plus que les liens matrimoniaux sont exogamiques .Ainsi tous les patriclans Dagara (yiru ou doglu) peuvent avoir entre eux des liens matrimoniaux et donc apparentés .
Par ailleurs les noms matrilinéaires( bèlu) existent dans tous les patrilignages( yiru ou doglu) Dagara ,ce qui augmente les liens de parenté même très éloignés , puisqu’après tout, deux personnes portant le bèlu Somda viennent forcément d’une même mère à l’origine , donc sont parents même si cette parentée est fort éloignée .
Vue la complexité du concept famille , grand-père ne prétendra pas parler de toute sa famille au sens Dagara du terme, mais de celle la plus proche tant paternelle que maternelle, donc de ses « frères » et « sœurs », ses « pères » et « mères », ses « grands– parents »,voire « arrières- grands parents » paternels et maternels au sens très larges. Au-delà,c’est le clan paternel et les clans maternels.
Le premier disparu de la famille dont Grand-père porte encore un vague souvenir est son oncle paternel Lazare, grand-frère de Christophe et de Basile qui habitent à 200 mètres à peine de notre maison.
L’oncle Lazare paralysé des jambes se déplaçait sur un âne .C’est d’ailleurs le seul âne du village que votre grand-père ai connu tant sont rares les ânes en pays Dagara .
Nous étions à Dayèrè lorsqu’il mourut et grand-père accompagna sa mère à ses funérailles.Il revoit l’endroit exact où il avait été exposé dans le même laï que celui encore utilisé de nos jours .
Les deuxièmes funérailles auxquelles il a assisté , fut celles de sa grand-mère paternelle Anna .Nous étions encore à Dayèrè .
Les troisièmes funérailles familiales ont du être celles de Tigan-Sob, un frère de Bèvon, le grand-père de votre grand-père, Il fut chef de terre comme le dit d’ailleurs son prénom !
Pendant notre séjour à Dayèrè ,nous avons dû aller à d’autres funérailles familiales mais grand-père ne s’en rappelle plus . Oui,il y a également le décès de Takimè, un oncle paternel ,le frère de Nicodème père de Maurice, mort au Ghana .Il a assisté également aux funérailles de Luciana, la femme de Nicodème dont le décès remonte aux années 80 .
Il a assisté aux funérailles de Bernardette, une tante paternelle mariée à un fils du vieux Job, Dominique dès leur arrivé à Béné comme grand-père a dû vous expliquer . Elle est décédée en 2003 pendant que grand-père, grand-mère et tata Dominique se trouvaient au pays.
A Dalgaane,grand-père a assisté aux funérailles de son grand-père maternel, Moïse Somda vers les années 50 . Il a dû assister à deux ou trois autres funérailles de parents éloignés .
Mais il fut absent à la plupart des funérailles des membres de sa famille paternelle et maternelle soit qu’il était à Dano, au séminaire, à Abidjan, en France, au Bénin ou au Cameroun .
C’est ainsi qu’il ne put assister aux funérailles d’aucun de ses grands oncles ,oncles et tantes paternels: Sinsour,Dignè, Booundirè, Daviel, Gabriel, Antoine, Nicodème, Basile, Christian,Christophe, Benjamin, Kalè, Kuufon et ses deux autres frères, Augustin, Alfred, Alphonse ,Roger, Elie,les frères de Guy, l’actuel chef de terre,et il en oublie certainement beaucoup d’autres comme les tantes et femmes des grands oncles dont grand-père se contentera de ne citer que : Gabriella, Denisa, les deux tantes les plus proches sans oublier pour autant toutes les autres comme les nombreuses femmes de Dignè, les deux femmes de Sinsour( Mimiédem et Wiilé.) !
Quant aux décès de ses cousins et cousine paternels, grand-père ne pourra que mentionner ceux de :Théodore, Bernard, Régina, Darie, Elisabeth, Antoinnette,Edouard, Alexis, Saturnin, Denis , Jean Baptiste ,Joseph et Joachim. Les neveux et nièces décédés ne sont pas oubliés : la fille de Sidomie, décédée à la suite d’une chute d’un arbre et le fils de Delphine un « ziin-yi-bié », élévé avec sa sœur Annonèmè par leur grand’mère, Mémé Julia. Son décès fut un grand choc pour elle qui comptait sur son soutien dans ses vieux jours . Il n’oublie pas la fille de son cousin Raphaël ni la femme de Joachim .Grand-père évoquera au passage les mortalités infatiles nombreuses en bas âge dans la famille.C’est un drame affreux qui ne concerne pas seulement la famille de grand-père, mais malheureusement l’Afrique toute entière !
La liste s’ est malheureusement allongée depuis que nous avons avons commencé la rédaction de ce livre :C’est ainsi qu’après notre passage au village en 2011 ; l’oncle Julien s’est éteint ainsi que Gabriel de chez Job ! De même , nous avons pu voir Vitalie et Joachim avant qu’ils ne disparaissent un mois après notre passage au village en janvier 2013 !
La liste reste malheureusement grande ouverte !

Du côté maternel, grand-père éprouve la même gêne d’avouer qu’il n’a pu assister à aucune des funérailles de ses oncles et cousins maternels :
Tous les frères et sœurs utérins de sa mère : Marie- Gabriella, Joseph- Marie, Fidèle, Simon-Pierre, Martin, Jacques, Olivier ,Joseph, Eleuthère, tante Hélène,
ses cousins Maurice,Sœur Jeanne, la sœur de sœur Thérèse,Réné, Marcelle , Césaire ,d’Assise, Abel ,frères et sœur de Jacob,la femme de Jacob, une des sœurs d’Isaïe, Marie-Clémence et bien d’autres dont grand-père a oublié les noms . Il évoquera également les mémoires de son oncle Basile, instituteur à la retraite à Dano, de Mr Augustin et sa femme de Dibo ou, de son cousin Albert Somda de Babora et de bien d’autres encore qu’il s’excuse de n’avoir pu citer.
Si tous ne sont pas mentionnés ,aucun n’est volontairement oublié !
Mention spéciale sera faite au décès du neveu de grand-père qui devait veiller sur sa grand’mère. mémé Julia , mais qui mourut après une courte maladie en l’absence de sa grand-mère alors partie à Dalgaane aux funérailles de Régina , la femme de son frère Joseph-Marie .
Ce décès brutal et inattendu bouleversa si profondément Mémé Julia que grand-père se résolut à l’envoyer chez son neveu, François d’Assise, fils de sa grande sœur Marie-Gabriella travaillant alors à Bobo . Elle le suivit lorsqu’il fut muté à l’OPT de Dano .
Grand-père lui versait une pension mensuelle de 20.000frs CFA qui profitait à toute sa famille .
C’est là qu’elle mourut le 19 mai 1999 .

9. Décès et funérailles de Mémé Julia
Le soir du 19 mai 1999, Grand-père dînait seul au quartier JAK à Cotonou. Grand’mère venait de partir en France aux obsèques de tonton Aimé décédé après une courte maladie grippale .Votre père était à l’Université de Clermont-Ferrand en fac de Médecine et tata Dominique préparait son agrégation de philo à la faculté de Lettres Blaise Pascal.
Le téléphone sonna. Grand-père décrocha pensant que c’était grand-mère qui lui téléphonait. Mais c’était Isaïe à l’autre bout du fil à Ouaga .
Grand-père sursauta d’instinct en reconnaissant la voix non engageante de son cousin germain maternel car il a toujours redouté ces coups de téléphone en provenance du pays ! Ils ont été souvent synonyme d’oiseau de malheur surtout à ces heures indues de la nuit .
De façon très laconique il lui annonça sans autre forme de procès : « Tante julie est décédée » . Dans un premier temps,grand-père eut quelque mal à réaliser qu’il parlait bien de Mémé Julia car nous ses enfants , nous ne l’appelions jamais Julie, mais « Zia » .
Il répéta, devant l’hésitation de grand-père, « tante Julia est décédée à Dano ce soir » . Puis il y eut un grand silence dans les quelques secondes qui suivirent cette annonce laconique tant votre grand-père était suffoqué par la nouvelle! Il arriva cependant à reprendre son souffle pour lui lancer tout aussi laconiquement qu’il rentrait au village. Il raccrocha, pleura amèrement dans le lit avant de se décider à téléphoner à grand-mère pour lui apprendre la mauvaise nouvelle et lui annoncer qu’il prenait dès le lendemain matin la route du village . Il téléphona ensuite à Mr Houssou pour lui annoncer la nouvelle et sa rentrée au pays pour les funérailles de sa mère .
Elle venait de mourir d’une hypertension chronique alors qu’elle prenait sa douche du soir . Elle fut transportée au dispensaire de Dano, mais elle s’en était déjà allée .
La mise en bière fut certainement faite le lendemain matin par d’Assise .La prise en charge du costume, du cercueil ,de la location du véhicule et du transport incomba à Raphaël, le cousin patrilinéaire de grand-père car d’Assise ne pouvait pas, selon la coutume Dagara, prendre en charge ces frais, n’étant pas du patriclan des « maris » de mémé Julia quoique son neveu utérin .
Grand-père prit donc la route le 20 au matin et arriva à Ouaga dans la nuit . Après s’être sobrement restauré , il reprit la route avec son chauffeur et un accompagnateur qui s’était proposé selon la coutume africaine .
Nous arrivâmes au village à 3 heures du matin. Le corps reposait dans un cercueil en bois blanc ,ouvert, dans la cour intérieure car la nuit le corps peut être descendu du paala(reposoir) et exposé dans la cour familiale . Les rites funéraires s’interrompaient alors et l’assistance pouvait se reposer quelque peu à moins que de nouvelles arrivées ne viennent troubler le silence de plomb d’une nuit chaude et moîte de début de saison des pluies .
C’est ce qui arriva lorsque les vrombrissements de la pick-up reveillèrent les somnolences .Sursautant de leurs couchettes de circonstances, parents ,amis, assistance de se dire, dans un murmure général, à peine éveillés: « c’est lui ,oui c’est lui . ». La cour se couvrit subitement alors de clameurs lugubres , de pleurs et de cris intempestifs à l’arrivée du fils prodigue attendu .
Bientôt le loguyil ( petit balafon à 14 planches) résonna sourdement remplacé un peu plus tard par la musique plus trépidante du dègaar ( grand balafon à 17 planches) accompagné du kuor ( tambourin) .
Les funérailles, comme si elles ne s’étaient jamais interrompues dans les profondeurs de la nuit , battaient à nouveau leur plein par et pour notre arrivée .
Après avoir fait les quatre allers-retours prévus par le rituel devant le cercueil, grand-père vint s’incliner devant le cercueil où reposait sa mère mal à l’aise dans dans un cercueil où elle semblait se sentir trop à l’étroit, engoncée qu’elle fut dans ce costume rayé blanc-noir manifestement mal taillé pour elle .« Te voilà maintenant Zan- flim . semblait-elle dire à votre grand-père « si tu étais là, toi, tu ne m’aurais pas fait ça . Vois comme je suis serrée dans cette bôite où on m’a fait vite entrer ; vois dans quel costume je suis . Ils me l’on vite acheté chez le premier couturier Wiilé du coin . Ce n’es t pas en plus un véritable costume Lobr, ça ! »
Et grand-père de lui répondre en pleurs : « C’est trop tard, Zia , maman c’est trop tard ! »
Telles furent les dernières paroles du dialogue post mortem entre la mère et son fils en cette première rencontre funèbre .
Grand-père ressentit alors un grand frisson lui remonter toute la colonne vertébrale des pieds à la tête en même temps qu’une forte gêne de la voir si mal fagotée.
Mais déjà , votre grand-père était arraché de cette scène apocalyptique de fin de monde, puis vite conduit au lawni( chant funéraire Dagara) de trois séquences pour aider , comme si besoin était, grand-père à pleurer devant le corps désormais sans vie de sa mère . Selon la coutume, on lui mit ensuite un rouleau de cordelettes ( ganè) autour du poignet, mais pas de cendre .
Grand-père portait pour la circonstance un grand « bala » ( costume Dagara), les poches pleines de cauris et de pièces de monnaies avec lesquelles il retribuera les musiciens et lawn- koné ( les chanteurs) pour leurs prestations .
Le lendemain matin, on lui confia, selon la coutume, un accompagnateur, porteur de son sac Dagara (Wuo ) en peau de chèvre retournée et tannée, remplie également d’espèces sonnantes et trébuchantes .
Grand-père allait souvent écouter les chanteurs proclamant les louanges du patriclan et surtout de sa mère .
Dès qu’ils le voyaient arriver,cantateurs , balafonistes, batteurs de kuor et de balafons, dans une cacophonie indescriptible de chants funèbres et de musique lugubre et trépidante, rivalisaient à qui mieux mieux .Et grand-père de redoubler de pleurs et de vider ses poches pour les récompenser de leurs hautes prestations .
Dès le petit matin du 21, mémé Julia regagna le reposoir, le visage tourné vers le soleil couchant selon la coutume Dagara ainsi que grand-père vous a déjà expliqué.
Près du hangar d’exposition ,était empilé un tas de pagnes de valeur qu’elle s’était achetés tout au long de sa vie pour ce grand départ.
Devant le catafalque s’étalaient de grosses jarres , canaris,marmites,petites poteries, calebasses et gourdes décorées , louches, paniers Wiilé et Lobr de grande valeur ,témoignant comme le voulait la tradition ,la femme de qualité que fut mémé Julia tout au long de son existence terrestre.
Elle s’était faite la réputation d’une potière de renom dans le village et il fallait lui « enlever le zanu » selon la coutume Dagara pour qu’elle ne revienne pas troubler le sommeil des autres femmes avec lesquelles elle avait l’habitude de travailler .
Le zanu est, comme grand-père vous l’a déjà expliqué, un rituel de réminiscence de tout ce que la défunte aimait faire avec ses amies.
A son décès , elles en font le rappel en guise d’hommage et de louange .Ainsi, son Nyankpiin(esprit) peut partir satisfait . Sinon il tournerait en rond dans la maison , hantant , troublant, tourmentant les rêves des parents et amis.
Les participants aux funérailles s’étaient assis par villages et par patriclans à l’ombre de gros baobabs ventrus,aux troncs mutilés de mille et une cicatrices et blessures récentes dues aux nombreux prélèvements pour fabriquer une décoction anti-paludéenne.
Les parents de Mémé Julia avaient accouru nombreux aux premières lueurs du matin des obsèques : On y remarquait notamment sa sœur, tante Hélène et ses enfants :Isaïe, Gilbert et ses sœurs.L’oncle Théophile ,paralysé ne « sortait » plus d’après ;l’expresion Dagara !
Présents aussi , son demi-frère Joseph et ses enfants, la plupart des enfants et femmes de ses frères ; ses cousins et cousines, fils et filles de son oncle Naalè ou de ses tantes de Kondogaar, Babora et d’ailleurs .
Bref, toute sa parentée s’était présentée au dernier rendez-vous avec elle .
Etaient là aussi ,ses neveux et nièces, enfants de sa sœur aînée Marie-Gabriella : Césaire, ses sœurs dont sœur Jeanne, ses frères Jacob, Abel et leurs femmes et bien sûr d’Assise et tous les siens , tous ses amis et camarades de travail et tous ceux qui avaient connu mémé Julia à Dano .
Tous se tenaient ostensiblement à part pour bien montrer qu’ils étaient là au dernier rendez-vous, à la confrontation avec la morte pour bien signifier à la foule assemblée qu’ils n’étaient pour rien dans sa mort .survenue chez eux !
Les gens de Dayèrè n’avaient pas non plus manqué à ce rendez-vous funèbre,de même que ceux de Mémer et de Dalgaane- Gouri où pépé Simon avait exercé son ministère pour rendre l’ultime hommage à sa femme .
Les familles alliées où étaient mariées des femmes de la famille avaient accouru elles aussi nombreuses dès les premières lueurs du jour avant même que le corps n’arrive de Dano :
Les tantes paternelles avec leurs maris et leurs enfants elles aussi avaient répondu à l’annonce .Bien que ce fut le début des travaux des champs, tout le village de Béné et les villages voisins se pressaient en une foule nombreuse autour du catafalque où reposait Mémé .
Personne dans le milieu paysan ne pouvait se permettre d’être absent en pareilles circonstances sans attirer les soupçons sur lui ! tel le cas de cette pauvre vieille mégère qui, à la vue de mémé Julia gisant dans le cercueil tomba en syncope .
Elle fut vite évacuée , saupoudrée de cendre pour apaiser et protéger les lieux. Interrogée à son réveil, elle fut sommée d’avouer sa funeste besogne d’avoir « mangé » , ou plutôt « croqué », à la manière du parler Dagara, mémé Julia . Elle ne dut son salut qu’après extorsion d’aveux en bonnes et dues formes selon la pure tradition Dagara .
Ouf . On pouvait enfin respirer . on savait qui avait perpétré le forfait .
L’esprit de Mémé pouvait partir maintenant en paix, rassuré, au pays des ancêtres, connaissant celle qui s’en était prise à son siè.Elle s’était dévoilée et dénoncée et serait vite châtiée .
Ces aveux extorqués aux cours des funérailles occasionnent , selon la coutume Dagara, des chants et des danses endiablées aux sons lugubres des balafons et des tam-tams , des vuolu,et des Wiè, des clochettes et des castagnettes, dans un tourbillon de poussière où tous les participants désormais libérés, disculpés, transformés par la force de la magie en zombies errants et dansants sont entraînés dans une vaste sarabande .
Les absences remarquées aux funérailles de mémé Julia vinrent surtout de la ville où certains parents pris par le travail ne purent se libérer : tel fut le cas de tous nos jeunes de Ouaga et de Bobo .
Les anciens condisciples, camarades ou amis de grand-père , même informés de la mauvaise nouvelle, n’avaient pris la peine de se déplacer .
Grand-père avait bien compris la leçon :ils ont appliqué le principe simple du « Do ut des » ie « je donne pour que tu donnes » .
Grand-père n’avait jamais pu donner et ne pourra jamais le faire car absent du pays .Il n’intéressait donc personne . Personne n’avait contracté de dette à son égard. Lui par contre était criblé de dettes qu’il ne pourra jamais payer !
La grande affluence n’était donc pas pour payer quelque dette envers grand-père ,mais due aux échanges de dettes entre sa parenté, les alliés et les voisins .
Elle venait aussi de la grande notoriété de son patriclan qui exerçait depuis des lustres les fonctions de chef de terre .
Grand-père, très discret, ne chercha pas à briller au cours de ces funérailles en vaines démontrations de sa réussite à l’extérieur comme c’est de tradition en pareilles circonstances , peut-être au grand désespoir d’ailleurs de sa famille .
Il veilla toutefois à accomplir les devoirs traditionnels dévolus au fils en de pareilles circonstances.
Pour ce , Il réunit donc ses oncles paternels et maternels qui , après beaucoup de tergiversations,et de longs palabres, finirent par trouver une solution consensuelle car pour tous se posait le problème aigüe du nombre limité de cérémonies funéraires qui furent faites pour les morts de la famille et donc ne pouvaient l’être pour Mémé Julia .
Il ne fallait contrarier aucun ancêtre de l’au-delà de peur de subir les sanctions susceptibles de pleuvoir par la suite sur les coupables !
La seule solution trouvée était qu’en tant qu’orphelins , grand-père et ses sœurs rendent un hommage à mémé Julia en tant que mère nourricière .Il fallait donc offrir une « vache de la sauce aux légumes », ie le « Zè-vaar- naab ». Grand-père se procura donc une génisse à 80000 frs cfa qui, suivant la tradition,fut abattue à la fin des funérailles et pârtagée entre tous les parents paternels et maternels orphelins de père ou de mère .
Marie, une cousine germaine mariée à son cousin germain, Joachim, par mariage croisé entre cousins , osa défier la tradition ancestrale en mangeant de cette viande qui ne lui était pas destinée. Son père et sa mère vivaient encore . Elle n’était donc pas orpheline . Mais elle le fit par défi ne croyant pas à de telles balivernes d’une époque révolue !
Que pensez-vous qu’il lui arriva, les enfants, suite au défi lancé aux ancêtres et à l’une des traditions Dagara les plus sacrées?
Elle mourut brutalement sans maladie d’une « mauvaise mort » une semaine après mémé Julia .
La rumeur court encore que l’esprit ,le nyankpiin( le fantôme) de Mémé Julia, contrarié et courroucé par un tel affront l’avait annihilée par réprésailles .
Aujourd’hui ,les temps ont changé et il s’agit de payer de fortes amendes au Tigan-dem pour voir lever l’interdiction d’enterrer et réparer les conséquences désastreuses et dramatriques qu’occasionne un décès en de telles circonstances
Que pensez-vous de tout cela, les enfants ? C’est atroce n’est-ce pas ?
Mais comme grand-père vous a déjà expliqué, il ne faut surtout pas en dire du mal car les murs ont des oreilles ! Les vieux du village veillent jalousement au maintien des coutumes ancestrales et punissent très sévèrement tous ceux qui sont tentés d’ encourager leur transgression !

Le rite du muolo
Le muolu, comme vous le savez déjà, est le rite de la transmission de l’amitié du défunt ou de la défunte à une autre personne de sa famille.
Ainsi que grand-père vous l’a déjà dit à propos de l’amitié Dagara, Mémé Julia avait un certain nombre d’amis femmes et hommes dont deux méritent ici une mention particulière :
Son ami –homme ( sèn) Gabriel de chez Job (Job Yir) pendit au paala une pintade et réunit ensuite une partie de la famille pour témoigner de son amitié connue avec la défunte et trouver une femme de la famille pour prendre le relais . Sidonie le relaya sa mère en acceptant la pintade .Elle vient de contracter,par l’acceptation de ce cadeau, symbole de l’amitié,une dette qu’elle devra honorer.
Elle devra remplacer sa mère et entretenir cette amitié de sa mère avec Gabriel et elle devra apporter des cadeaux à la mort de celui-ci : une grosse calebasse pleine de beurre de karité et d’autres cadeaux, ce qu’elle a dû faire à la mort récente de ce dernier en janvier 2013.
Un homme de chez Job- yir a dû prendrele relai.de Gabriel.
L’amie-femme ou kiènè de mémé Julia en la personne de Véronique de Bouondirè-yir, la femme de l’oncle Julien en fit autant en apportant un pot de « kaan »,ou beurre de karité, des paniers ,des calebasses et des louches. Le kienu échut encore à Sidonie .qui fit de même à la mort de Véronique.
Il y eut d’autres muolu, mais grand-père ne put y assister car très sollicité pour résoudre une série de problèmes matériels pour le bon déroulement des funérailles :acheter de la bière de mil pour tel ou tel groupe nouvellement arrivé, donner à manger aux neveux et nièces de mémé Julia ,etc., etc
Et le 22-05-1999, vers les 15 heures, le forage de la tombe était terminé .Nous décidâmes de procéder au rituel de l’enterrement selon la tradition Dagara sauf que maintenant le corps reposait dans un cercueil qu’il fallut sceller avant de le transporter à la tombe, toujours creusée de la même manière que grand-père vous a décrit à propos des funérailles de pépé Simon .
Grand-père ne put cimenter la tombe de sa mère comme il ne le put pour celle de son père pour les mêmes raisons .Aucun des morts de la famille n’a eu sa tombe cimentée . Et pour le faire, il faudrait cimenter au moins une dizaine de tombes avant d’en arriver à celles de Pépé Simon et de Mémé Julia .
Quelque part, ils ont raison . S’il n’y a pas d’égalité entre les hommes sur terre , il le faudrait au moins dans l’au-delà !
Grand-père attend donc d’avoir suffisamment les moyens financiers pour faire toutes les tombes afin de pouvoir enfin daller celles de sa mère et de son père dont il ne connaît plus l’emplacement exact. Elle a disparu, effondrée ,emportée par l’usure du temps .
Là également , gare aux récalcitrants qui oseraient se dérober à cette règle !
Les exemples de Félix Somé et de Roger le maçon morts tous deux à deux jours d’intervalle sont là pour les en dissuader .
Qu’ont-ils fait pour mériter un sort aussi cruel, les pauvres malheureux ?
Félix tenait absolument à cimenter la tombe de sa mère en dépit de l’interdition et de menaces non voilées de mort. Il passa outre les multiples injonctions et s’entêta !
Il sollicita Roger, le maçon du village pour ce faire.Celui-ci accepta l’offre et lui fit le travail .
Ceci déclencha l’ire et le courroux de leurs ancêtres et causa leur malheur :
Félix mourut d’un accident de la circulation ,écrasé par une voiture militaire à Ouaga pendant que Roger agonisait au même moment au village et rendit l’âme avant l’enterrement mouvementé de Félix , mort de « mauvaise mort » sans que ses parents n’aient voulu payer l’amende au Tigan-dem avant son enterrement. Attitude gravissime contre laquelle le Tigan-sob s’était farouchement opposé en interdisant la mise en terre avant que les parents ne se décident à verser l’amende . L’autorisation ne fut délivrée que grâce à la bienveillante compréhension de Christophe Somé qui s’acquitta de la dette à la place des cousins indignes de Félix : 20.000 cauris, deux bœufs, 3 caprins,3 ovins et une douzaine de poules . Le tigan-sob avait eu la main particulièrement lourde en déclarant à qui voulait l’entendre : « Que ceci serve désormais d’exemple . et que plus jamais aucun fonctionnaire ne s’amuse à enfreindre la sacrée tradition ancestrale. Qu’il soit enterré en « brousse », ie à l’étranger s’il le désire et qu’on ne ramène pas son corps au village pour transgresser nos traditions.»Pensez ce que vous voulez,les enfants .Mais chut . Pas un mot de trop . Les gardiens du temple des traditions veillent et les murs ont des oreilles .
Ils entendront ce que vous pourriez même murmurer et vous punir de votre impertinence .
En effet les anciens veillent sur la tradition et éliminent tous les jeunes contestataires qui manifestent le désir de se débarrasser du carcan d’un système traditionnel aussi contraignant !
C’est à ce prix que les traditions les plus conservatrices se maintiennent et se perpétuent à travers les générations !
Oui . Par la peur et la terreur !
Les enfants ,Grand-père en a déjà trop dit.
Mais les anciens du village dont il fait partie maintenant ne le connaissent que trop bien.
Il les a toujours menés en bateau par le bluff . Et ça a toujours marché .
Ce sont eux qui ont désormais peur de lui .
A maintes reprises il leur raconta comment il était devenu grand sorcier au pays des Blancs en étudiant leurs plantes. qu’il avait aussi étudié leur sorcellerie et qu’aucune ne lui était désormais étrangère et qu’il était devenu en la matière un « suob– sob kra ou suob-sèbla-sob » ,ie un sorcier très expérimenté .
Et il leur lançait toujours vers la fin des discussions la recommandation de ne jamais s’aventurer à tester sa « puissance mystique » sinon ils en subiraient les funestes conséquences .
Depuis grand-père a toujours été craint et repecté au village .Aucun sorcier n’a jamais essayé de l’atteindre ni par le poisson,ni par le lancement d’un sort,ni par le fétiche, ni par un bao-buurè interposé ( devin) .
Tous les sorciers du village et des villages environnants se méfient de ses connaissances et personne jusqu’ici n’a osé tester ses forces occultes .
La même méthode a également bien fonctionné tant au Bénin à la ferme que dirigeait grand-père qu’à Dschang où il allait toujours au bluff en défiant publiquement les sorciers .
Grand-père s’est inspiré de la méthode des Pères Blancs qui arrivaient à convaincre leurs ouailles de leur supériorité en matière de sorcellerie . Ils étaient ainsi tranquilles ; aucun sorcier n’osait les affronter.
Malheureusement aucun sorcier aussi puissante fut sa force mystique ou magnétique n’a jamais eu le dessus sur la mort , la plus grande sorcière qui nous enterrera tous, les uns après les autres sans aucun état d’âme !
Après le décès de sa mère, il y eut encore sans désemparer un certain nombre de décès au village notamment :
•Le décès d’Alexis Somé, le frère de Michel et de Nestor .
C’est une très grande perte pour le Burkina Faso et surtout pour notre village .
Que Dieu le garde dans sa paix .
Il y eut en 2003 le décès de Bernardette, fille de Dignè ;
•Celui de Fidèle, le frère d’Alexis et de Michel .
•Le décès de Louis Dabiré à Ouaga en 2010, enterré selon les normes coutumières au village .
Les mauvaises langues rapportent que ce serait son ogre de petit frère, seul survivant à l’heure actuelle qui les aurait tous « mangés» : son père Césaire et sa mère Oralie et s’en serait pris à tous ses frères et sœurs : Maria la religieuse , Jean l’infirmier et deux autres frères restés au village et maintenant Louis dont la moto lui est revenue en tant que seul héritier . Bernardette , l’épouse de Louis lui a vite rendu la moto sans histoires .
Mais non content de « manger » toute sa famille, il s’en prend à tout le village .
Il ne faut surtout pas faire des histoires avec lui , sinon vous êtes un mort en sursis à tous les coups . On rapporte que ses victimes sont foule au village à tel point qu’il fut convoqué par Augustin le chef de terre qui le mit en garde en prenant à témoin la divinité Tigan mais semble-t-il en vain, puisqu’aux dernières nouvelles il poursuit de plus belle ses « habitudes cannibales » .
Mais entre nous, vous ne pensez pas qu’il a bon dos ? Partout , on a besoin d’un bouc émissaire ! Ainsi faisaient déjà les Hébreux en expulsant un bouc dans le désert après l’avoir chargé de toutes les iniquités du peuple
.Bref,grand-père a vu le jeune homme avec qui il a longuement discuté . C’est un garçon charmant,gentil et prévenant au premier abord .Les villageois sont particulièrement méchants !
Le pauvre garçon a la chance de jouir apparemment d’une bonne santé . Jamais malade , très timide, peu bavard , passant inaperçu, mais ayant eu le malheur de perdre les uns après les autres tous les membres de sa famille . C’est le suspect rêvé dans le milieu villageois . On le montre du doigt . personne ne veut manger ni boire avec lui ,doncaucun ami . Tout le monde le fuit comme la peste .
Ainsi se repand la rumeur dévastatrice dans le villag !
Ce n’est maheureusement pas qu’à Béné ni sur le frère de Louis que de telles aventures arrivent !
Pauvre misère que notre sordide humanité!
Mais poursuivons le triste égrenage de nos morts qui ne sont pas morts à cause de tel ou tel « mangeur » d’âmes mais simplement à cause de notre mortel ennemi , la mort elle –même .
• C’est ainsi que nous avons déploré en 2010 :
le décès de Saturnin un des jumeaux de Kalè, fils de Sinsour :
la disparition d’Alfred le sacrificateur de la chefferie de terre .
•puis celle du chef de terre, Augustin, une semaine après la mort d’Alfred ;
•la disparition de Julien, une semaine après notre passage en janvier-février 2011 .
•la mort du beau-frère Ananie dont grand-père vous a déjà parlé .
Et certainement celle de bien d’autres dont il n’est pas informé.
La mort récente de Gabriel de chez Job ne lui fut annoncée qu’à son arrivée à Ouaga ! .D’aucuns allèguent qu’il avait plus de 100 ans !
Deux autres décès survinrent encore dans la famille : celui de Hilaire, un jeune cousin, le fils de Christian et le décès de la vieille tante Noella, deuxième épouse de l’oncle Christophe, que la rumeur désignait comme une dangereuse sorcière !
Et tout dernièrement au mois de mars 2013, la mort de Vitalie ,la mère de Michel et d’Alexis, suivie de celle de Joachim 4 à 5 jours après !
Le Tigan–sob a dû avoir du travail après ces deux déces dans sa propre famille, distante seulement de quelques jours ! Il a dû interroger les ancêtres à grands coups de sacrifices de poulets sans compter les lourdes amendes qu’il devra certainement payer! Pour le moment grand père n’a pas encore eu d’échos de la cause de ces deux déces très rapprochés ! Les consultations auprès des mânes des ancêtres ne sont certainement pas encore terminées !

10.Grand-père,tu parles souvent du chef de terre notamment de celui de Béné .Raconte-nous comment devient-on en fait chef de terre( Tigan-sob) en pays Dagara et plus particulièrement à Béné où ta famille détient la chefferie de terre ?

a .Généralités

Nous avons déjà parler de la divinité –Terre ou Tigan, sœur jumelle de Saa son frère jumeau qui le féconde et lui permet de générer tout ce qui existe sur la terre , humains, animaux, plantes et objets inanimés .
La divinité Tigan confie aux premiers occupants la gestion d’un espace territorial bien délimité pour tous ceux qui viendront l’occuper par la suite pourvu que tous lui rendent un culte à elle leur divinité protectrice et source de tous biens .
Par extension le Tigan s’entend aussi comme l’espace territorial plus ou moins grand, susceptible d’englober plusieurs villages.
Le chef de terre( Tigan-sob) détient un pouvoir politico- religieux sur le territoire qu’il contrôle.
Certains privilégient le côté religieux de la chefferie en l’attribuant au chef de terre ; ils considèrent que le sacrificateur ( suor-sob) est le prêtre chargé du pouvoir religieux alors que le tigan-sob en est son chef politique .
Mais d’autres affirment que le chef de terre cumule les deux fonctions en tant que fondateur ou héritier de la chefferie.
C’est également lui qui a enterré le kour sacrificiel, symbole de ses deux pouvoirs.
Avant que l’administration coloniale , puis locale ne s’installent, c’est le chef de terre qui règlait entièrement tous les problèmes de son territoire en véritable chef d’Etat car il n’avait personne au-dessus de lui ; il n’y avait aucune hiérarchie ni pouvoir supérieurs dans cette société dite acéphale ou segmentée .
Mais comme dans les cités grecques, il y avait un conseil qui contrôlait son pouvoir par le premier d’entre eux,le kumber-sob, personnalité indépendante qui pouvait contester les dérives éventuelles du pouvoir détenu par le chef de terre . Il était en fait le représentant de la population de la chefferie .
C’était donc un Etat–miniature démocratique où chaque yir-sob ( chef de famille) libre avait droit à la parole et pouvait venir assister aux consultations des dieux et des ancêtres pour les problèmes concernant sa maisonnée .
Le chef de terre de Béné par tradition est en même temps bao- buurè, ie un devin que l’on vient solliciter pour qu’il consulte les divinités et les ancêtres pour tout ce qui concerne les problèmes relatifs au foncier et à la terre : crimes de sang, malmorts, bagarres, conflits de limites entre propriétés, vols, récels d’objets trouvés, sécheresse, inondations,morts suspectes, épidémies,et autres malheurs survenus sur son espace territorial.
Il a le pouvoir,après consultation ,d’amender les coupables et d’offrir les sacrifices expiatoires en faveur du pardon et de la réconciliation entre les esprits supérieurs et le peuple dont il assure justice , sécurité et paix .
Il consulte en présence du conseil des anciens dans la chapelle du Tigan et des ancêtres. Ce sont eux ,qui ,grâce à un interrogatoire ciblé, donneront la réponse par des oui ou des non et même détermineront les amendes à imposer aux fautifs .
Grand-père a assisté dans sa jeunesse à des séances de consultation faites par son grand oncle Sinsour alors chef de terre .

b.La chefferie de terre de Béné

Liste des chefs de terre successifs de Béné :

-Guy Méda , le fils de Dignè qui assume cette charge présentement.
– il a succédé à son cousin Augustin Kpoda décédé en décembre 2010 ,qui lui-même avait succédé à Dignè son oncle ,frère de Sinsour,son père.
-Dignè avait donc succédé à Sinsour .
-Sinsour avait succédé à Daaviel qui avait succédé à Bouondirè .
-Celui-ci avait succédé à Tigandem qui succéda à Dèziè
Dèziè avait succédé à son père Bilé
qui avait succédé lui-même à son frère Denyuun
-Denyuun avait succédé à son frère Wouré ,
-Wouré, fut le premier chef de terre Dagara de Béné .
Il venait de Piikuon où il était le frère du premier chef de terre du village avec lequel il émigra de Nandolé vers le Nord , traversa la Volta pour s’installer à Piirkuon ainsi que nous le verrons bientôt en étudiant les migrations et la dispersion des Kusiélé dans l’espace du Dagaraland.
-Il reçut la chefferie de terre de son oncle maternel Bang-Ni-Bo, chef de terre Pougouli.qui était en fait un des chefs éclaireurs Pougouli des Kusiélé dans leur marche vers le Nord.
-Celui-ci,avant de partir de Béné pour Fii-teng avec toute son ethnie, avait remis la chefferie de terre à son neveu Dagara ,Wouré.
On parle parfois de Kuun-Wouré, mais est-ce que
Kuun-Wouré et Wouré sont une seule et même personne ? Grand-père ne peut l’affirmer avec certitude.
-Wouré aurait pour père Bil-ông que les Kusiélé de Béné et de Piirkuon considèrent comme leur ancêtre commun.
-Bil-ong aurait pour père Louor d’après certaines versions.

Si nous supposons pour notre part qu’une génération de chef de terre dure en moyenne une vingtaine d’années environ, sachant que nous avons une dizaine de chefs de terre qui se sont succédés à Béné , nous pouvons dire que Kuun-Wouré, le premier chef de terre Dagara a dû obtenir la chefferie des mains de son oncle maternel vers les vers le début du 19eme siècle. Ce qui parâît somme toute très vraisemblable.

Comme grand-père a eu à vous l’apprendre, la succession de la chefferie suit normalement la génération la plus ancienne et la personne la plus âgée de cette génération . Mais c’est sans compter sur les rivalités et combines intrafamiliales entre les prétendants à ce poste tout compte prestigieux et juteux
Tous les coups sont permis ou tout tôt au moins ne sont pas épargnés entre prétendants.
C’est ainsi qu’Augustin succéda à Dignè alors qu’Alfred était plus âgé que lui à cause de sa grande prestance .Par ailleurs il était plus connu à l’extérieur qu’Alfred.
Guy ,le chef de terre actuel de la dynastie est le dernier ou l’avant dernier de sa génération, ie celle de nos « pères ».A sa mort, ce sera notre tour de prendre le relais . Déjà le suor-sob,ie le sacrificateur estde notre génération. Il n’est autre qu’un des fils aînés d’Augustin qui se prépare ainsi à succéder à Guy alors qu’il est loin d’être l’aîné de notre génération .Mais les autres prétendants au titre n’ont certainement pas dit leur dernier mot !
Une bataille pour la succession s’annonce féroce à l’horizon à moins que certains comme Raphaël, aujourd’hui notre aîné, à 75 ans et chrétien convaincu n’y renonce pour ne pas se faire accuser d’idolâtre par le clergé local de la paroisse ; car comme vous l’a dit grand-père,il faut pouvoir accomplir les rituels du bao-buuro qu’il n’a jamais appris et qu’il saura ou voudra faire !
Grand-père vient après, mais il est encore plus mal loti que Raphaël .
Il se trouve au moins cinq à six autres prétendants plus âgés que le petit jeune d’Augustin ;. mais la plupart sont en villes et ne se sont pas préparés pour cette charge !Il reste Edmond, le fils de Kalè ,l’un des deux jumeaux ,survivant à son frère .Il joue déjà une fonction dans l’actuelle équipe (Kasog-sob )
Et Joachim dont le père a été autrefois suor-sob manifestement pas intéressé par la chose vient d’ailleurs de mourir en mars 2013.
A quand donc la bataille de succession de la chefferie de Béné ?
Aura-t-elle vraiment lieu?
Grand-père pense que les ancêtres veillent jalousement sur ce qui fut leur charge et désigneront en temps opportun par divination l’heureux élu que personne alors n’osera contester sous peine de sanctions graves pouvant lui coûter même la vie .
Nous qui sommes dans le « muon-puo», littéralement « en brousse », « à l’étranger » (toujours par rapport au pays Dagara), ça ne nous concerne pas,ça ne nous regarde pas . C’est leur affaire, l’affaire des villageois,c’est entre eux que se jouera cette partie féroce qui ne manquera pas de laisser des plumes et des traces indélébiles de bagarres et de haine tenace.
Bonne chance donc à celui qui sortira vainqueur du chapeau du devin pour succéder à Guy !
Mais pour ce qui concerne la succession dynastique de Béné ,on rapporte cette autre version relevant plus ou moins du mythe :
Koun-Wouré avait trouvé un refuge sûr chez son oncle maternel, le chef Pougouli en prenant le maquis face à l’invasion coloniale du pays Dagara et à la bataille de résistance de Pirkuon au début du siècle.
Piirkuon vaincu se soumit, mais Béné continua la résistance par son chef de terre qui cumulait en même temps la charge de chef de village . Mais il fut écrasé,à son tour par l’armée coloniale.
Là encore ,on se demande si Kuun-Wouré et Wouré sont bel et bien une seule et même personne !En effet les faits historiques relatés ici sont plus récents que la création supposée de la chefferie de Béné par l’ancêtre mythique Wouré !
Le village de Béné fut donc rayé alors de la carte et ses habitants répartis entre les villages voisins de Piirkuon, Kpaï et Mémer selon le vœux de chaque chef de maison (yir-sob).
Wouré-gan (quartier de Wouré) souhaita réjoindre le village de Mémer pour ne pas être soumis à la chefferie de village de Piirkuon tandis que la plupart des autres quartiers optèrent Piirkuon ou Kpaï ,leurs villages d’origine tout en restant soumis à l’autorité du chef de terre de Béné qui ne pouvait être destitué de sa charge traditionnelle par l’autorité coloniale .
Son pouvoir venait de ses ancêtres et des divinités ,seuls habililetés à prendre une telle décision en le retirant de la terre des vivants .
Administrativement Béné n’avait plus d’existence légale jusqu’à l’arrivée de la révolution sankarienne où il retrouva son titre de village à part entière avec des délégués de ses différents quartiers qui désignèrent comme premier chef de village Simon , l’instituteur-catéchiste dont grand-père vous a déjà entretenu . Il savait lire, écrire et parler français .
Ce ne fut qu’à la fin de son mandat que le titre revint à un fils de la chefferie de terre , Kuun-fon ,le fils de Dignè ,ancien chef de terre avant Augustin et neveu de l’ancien chef de village destitué par l’administration coloniale, Sinsour.
Mais si Béné n’avait plus de chefferie de village, il n’était pas ignoré pour autant dans le canton . Sur les cartes détaillées de la région Dagara il figure en bonne place comme une des têtes de pont vers le Nord à la frontière entre Lobr et Wiilé.
Par ailleurs, les Missions de Dano puis de Mariatang ont toujours considéré Béné comme un très gros village par son étendue et le nombre de ses habitants .
Grand-père, le plus officiellement du monde, est né à Béné sur tous ses papiers officiels alors que tous les autres membres de la famille dépendaient administrativement de Mémer jusqu’à ce que Sankara répare l’injuste punition coloniale .
Mais on peut se demander si Béné existait avant la fuite de Wouré ou plutôt de l’un de ses successeurs à cet endroit sous la pression française ?
On est en droit de répondre par l’affirmative.
En effet une autre légende raconte que Wouré dans sa course- réfuge se perdit dans la brousse avec ses hommes et ne dut son salut que grâce à un chef Yèra qui le conduisit dans son village , le logea chez lui et lui donna du terrain pour cultiver et une femme pour fonder une famille.
Plus tard il fit venir toute sa maisonnée de Piikuon .
On raconte également que Béné s’aggrandit rapidement de tous les fuyards Dagara devant les exactions coloniales notamment les travaux forcés et le portage .
Cet état des choses favorisa les Dagara- Lobr qui devinrent majoritaires dans le village .
Outre que la plupart des Dagara de Béné étaient des rebelles fuyant l’administration coloniale ,ils devaient semer un désordre incroyable dans le village ; ce qui devait créer quelques tensions entre eux et les autochtones Yèri, des gens plutôt pacifiques qui ne voulaient pas d’histoires avec l’administration coloniale notamment d’éventuelles confrontations armées entre rebelles et administration dans leur village .
Ils décidèrent donc de passer de l’autre côté de la Volta Noire et de rejoindre Fii-teng où se trouvaient déjà le gros des Pougouli , laissant la chefferie de terre à Kuun-Wouré ,le premier habitant Dagara des lieux .
La dynastie de la chefferie Dagara de Béné venait de naître et Kuu-Wouré en prenait la tête .
Le nom de Béné viendrait de « Béen », ie « Là-bas » en réponse à une question de l’administration coloniale sur le nom et l’emplacement du village où se cachaient les rebelles de Kuun-Wouré ; les habitants de Piirkuon, ne sachant pas le nom du village ou ne voulant pas lele révéler,leur auraient répondu en montrant une direction du doigt :« La-bas. », béen en Dagara, retranscrit « Béné » par l’administration coloniale de l’époque.
des Kusiélé que nous sommes, et quelle est sa dispersion géographique à travers le pays Dagara tant au Ghana qu’au Burkina ?
Pour ce faire, nous nous servirons bien sûr de nos souvenirs personnels d’abord ,mais aussi de l’important travail d’historien du révérend Père Jean Hébert : « Esquisse d’une monographie historique du pays Dagara », document ronéotypé , tiré en 1976.( 270 pages).
Mais auparavant qu’il nous soit permis de dire un mot très bref pour évoquer la mémoire de ce grand précurseur dans la recherche de l’Histoire Dagara en zone francophone notamment en Haute Volta, ancien Burkina Faso.
Nous n’avons bien sûr pas manqué de consulter en anglais l’énorme travail de recherche effectué par les chercheurs dans la zone Dagara anglophone du Gold-Coast , ie le Ghana actuel..
Mais qui est donc le Père Hébert, ce Père Blanc qui a esquissé de façon magistrale l’histoire du pays Dagara , en plus de son ministère ?
Jean-Marie Paul Hébert est né le 16 avril 1912 à Amiens. Il était le quatrième d’une famille de 5 enfants. Dès sa prime enfance, ses parents voulaient qu’il soit plus tard missionaire et il le devint chez les Pères Blancs où il fut ordonné prêtre à Tunis le 29 juin 1937 et fut affecté selon son souhait dans le vicariat apostolique de Bobo-Dioulasso . Monseigneur Groshenry, alors vicaire apostolique de a dite circonscription apostolique, le nomm à Massala, village situé à 10kms à l’est de Dédougou sur la route de Tougan.Cette Mission fut créée en 1929 par Mgr Esquerre pour l’évangélisation des Bwa.
Le Père Hébert y séjourna jusqu’au déclenchement de la guerre de 1939. Il est alors mobilisé en début 1940 comme aunônier militaire .
Le 16 septembre 1941, il est affecté à Dano où il fit un premier séjour jusqu’à Pâques 1943 et fut affecté à Bobo Dioulasso par Mgr Dupont pour diriger l’école de la Mission, puis fut à nouveau mobilisé en juin 1943 au camp militaire de Bobo-Dioulasso et le 6 octobre 1943,il,il arrive à Batié comme Sergent-chef ,cumulant les fonctions de percepteur d’impôts , numéro 2 du commandant du Cercle de Batié érigé en région militaire.. Il ne sera démobilisé que le 10 décembre 1945.
Il est alors nommé professeur et supérieur du petit séminaire de Nasso où il sera aidé dans sa tâche d’enseignement par un certain Ki Zerbo !
Ce nom vous dit quelque chose ? Certainement pour votre père et tata Do !
Puis en 1949, il est nommé curé de Dano où il ne resta que trois ans ! C’est à cette période que grand-père a fait sa connaissance . sans jamais s’imaginer qu’il faisait des recherches historiques sur la région.
Il est ensuite affecté à Toussiana où il séjourna jusqu’en 1965et fut évacué à Bobo-dioulasso pour raison de santé. Il fut ensuite nommé au scolasticat des frères des Ecoles chrétiennes de Sakabi, village proche de Bobo.
Il quitte en 1968 définitivement la Haute-Volta en 1968 pour raison de santé après un séjour de plus de 30 ans !
Malgré ses courts séjours dans la région du Sud-ouest, il les mit à profit pour effectuer des recherches approfondies sur l’histoire et l’ethnographie de la région.
Sa théorie était qu’il fallait d’abord connaître les populations pour mieux les évangéliser.
Il était vraiment amoureux de la science historique et il constitua des archives importantes qui servent encore de base à tout chercheur en histoire de la région. Il a sorti 27 publications au total tant en histoire qu’en ethnologie.
Le révérend Père Jean Hébert fera encore en France plus de 25 ans de ministère : d’abord comme aumônier de la Fondation Anne de Gaulle à Milon –La-Chapelle en vallée de Chevreuse ,où il restera 25 ans , jusqu’à son départ pour la maison de retraite des Pères Blancs en 1995. Il décède à Bry –sur Marne près de Paris dans la maison de retraite des Pères Blancs le 15 juin 2005,à l’âge de 93 ans !
Il reçut jusqu’à ses derniers jours les chercheurs Burkinàbè en histoire et en ethnologie mettant à leur disposition les archives de l’histoire de la haute Volta qu’il s’était constituées.
Qu’il repose donc dans la p aix de son Seigneur ! La Haute Volta reconnaissante !
Elle lui doit beaucoup !

Revenons maintenant à l’origine de notre grande famille encore appelée Kusiélé en partant de l’origine des grandes familles Dagara dans leurs généralités.

a.Le pays d’origine des Dagara et partant des Kusiélé

1). Les Dagara , mélange de Mossi avec d’autres ethnies , vraisemblablement les Zanga ?

Certains auteurs pensent, à tort ,que les Dagara descendraient des Mossi comme nous l’avons vu dans la première partie de ce document. Ils invoquent comme argument les affinités réelles de la langue Dagara avec le Moré,puis la proximité de l’aire géographique de ces deux peuples quoiqu’ils ne soient pas voisins aujourd’hui, séparés qu’ils sont par plusieurs ethnies dont notamment les Pougouli, les Sissala,les Gourounsi pour ne citer que ceux-là.
Voici ce qu’en dit Tauxier en 1912 :
« Du point de vue ethnique ,les Dagari sont une race provenant d’un mélange d’habitants primitifs du pays avec des Mossi envahisseurs. Cette invasion Mossi se produisit probablement au moment de la grande expansion au XIVeme siècle.C’est à la suite d’une famine que cette expansion se serait produite et elle serait partie de Tenkdogo, un des premiers centre d’expansion des Mossi. »…
Quels étaient ces habitants primitifs du territoire Dagara auxquels les Mossi auraient imposé leur langue ?
Vu le caractère belliqueux des Dagara, prétend Tauxier , ce serait les Lobi ou leurs apparentés , les Zanga de Léo qui ont habité jadis le pays Dagara.et qui affirment avoir été les premiers habitants des lieux avant la conquête des Dagara –Mossi.
En résumé, pour Tauxier ,les Dagara actuels résulteraient du mélange des Zanga et des Mossi venus de Tenkodogo. Les Mossi auraient adopté les coutumes des habitants , mais leur auraient imposé leur langue.
Si certains Mossi abondent dans ce sens,et rapportent la légende selon laquelle les Dagara seraient originaires de Tenkodogo (qui signifie en Moré, « ancien pays ». On raconte en effet qu’un Naba (chef Moaga) de Tenkodogo aurait envoyé son fils acheter une selle de cheval dans le pays Dagara actuel. Mais ce fils ne revint jamais !Après plusieurs années d’absence, le chef envoya enquêter sur le sort de son fils : On le trouva marié et père de famille ; il refusa de retourner au pays natal. A cette nouvelle, le Naba de Tenkodogo décida de l’appeler, lui et ses descendants ,« Da-garè »ie « celui qui a acheté une selle de cheval » en souvenir de sa mission. Mais les Mossi appellent aujourd’hui les Dagara « Dagabse » pluriel de « Dagaba » , ie « originaire du pays Gambaga , pays d’origine commune des Mossi également.C’est pourquoi les Mossi ne considèrent pas les Dagara comme des étrangers , mais des « frères. » !
Les gens de Koper racontent également que leur grand ancêtre avait deux fils , l’aîné devint le père des Dagara et le fils cadet, celui des Mossi !
Un vieux Dagara rapporte même que ses ancêtres étaient les grands-pères des Mossi.
Mais tel autre Dagara soutient aussi que les Mossi sont des neveux des Dagara !
Notons en passant que les Manhala de Kaléo , au nord de Wa, au Ghana ,se comportent actuellement comme des Dagabse( Dagaba),ayant adopté leurs coutumes de mariage , de funérailles et même leur langue.
Cependant , il est certain qu’ils sont à l’origine de purs Mossi qui se sont sauvés de Ouagadougou au début du 19eme siècle !Ils prétendent avoir été dépouillés de la chefferie de Ouaga et avoir émigré plutôt que d’accêpter l’affront !
Que faut-il penser de tous ces écrits dont notamment ceux de Tauxier où Dagara et Mossi se donnent une origine commune ?
Le RP Louis Girault , intéressé par l’hypothèse de Tauxier , étudia la langue Zanga.et constata que cette hypothèse était contrecarrée par la linguistique.
Par ailleurs , on peut objecter à la légende Mossi, que les Dagara n’ont jamais posséder de chevaux pour que le Naba de Tenkodogo envoie son fils leur acheter une selle de cheval !
Et lorsqu’ils parlent de Tengkor « ancienne terre, vieux pays », les Dagara ne songent jamais à Tenkodogo, mais au Sud du pays qu’ils occupent maintenant et d’où ils ont migré,ie , la région située entre Wa, Girapa et Lawra .Il aurait pu avoir une région appelée Tengkor située entre Tamalé et Daboya comme nous le verrons plus loin dans les récits des migations des différents clans Dagara dont les Kusiélé que nous aurons a étudier plus en détail.
Par ailleurs l’organisation sociale, les coutumes matrimoniales et funéraires des Mossi n’ont vraiment rien de commun avec celles des Dagara !
Enfin,l’origine Mossi des Dagara est en contradiction flagrante avec ce que l’on sait des migrations Dagara qui se sont déroulées du sud –est du Ghana ves le Nord-est .
C’était de petits « envahisseurs » venus du Sud fuyant de grands envahisseurs esclavagistes !
Par contre , il est certain qu’il ya eu des mélanges de populations Dagara d’origine soit avec de Lobi soit avec d’autres , mais plus au sud du Ghana actuel. Certaines légendes Dagara en font d’ailleurs mention.
Il semble que Dagara , Lobi, Birifor,Gouin, Turka vivaient jadis sur un même territoire vers le centre du Ghana actuel.
A la fin du XVIII eme siècle , Gouin et Turka se mirent en marche vers l’Ouest ;Dagara, Lobi et Birifor, en 3 groupes parallèles se dirigèrent vers le Nord;poussant devant eux , Dyan,Pougouli et Sissala.
Ces poussées de peuples par d’autres peuples furent certainement provoquées par les razzias des sudistes Agni-Ashanti ( Cornevin 1960).

2) Les Dagara viendraient-ils des Dagomba ?

-Tiyawumya
engendra
-Tohajiyé qui épousa une princesse Mandé
Il naquit de cette union :
-Kpogombo
Celui-ci épousa la fille d’un chef de terre
-De cette union naquit Nédéga
celui-ci engendra les 4 frères :
-Yennéga (Rialé), -Tohago,-Ngantambo- Sitobo
Yennéga engendra
-Ouédraogo qui engendra
-Zoungrana de Ouagadougou
-et Séré de Tenkodogo
Voilà pour l’origine des Mossi de Ouaga et de Tenkodogo

-Les Mamprussi viennent de Tohago premier frère de Yennéga
-Les Nanumba, du deuxième frère Ngmantambo
-Tandis que les Dagomba d’où proviendraient les Dagara, groupe dissident seraient issus du 3eme frère de Yennéga , Sotobu qui engendra Nyagso, l’ancêtre des Dagomba.

On note donc que Mossi, Mamprussi, Dagomba, Dagaba,Dagara descendent d’ ancêtres communs (Tiyawumya- Tohajiye-Kpogombo -Nédéga ) les 4 fères nés de Nédéga :
-Yennéga l’ancêtre emblématique des Mossi
-Tohago ,celui des Mamprussi,
-Ngmantambo , l’ancêtre des Nanumba
-Sitobo -Nyagso, les ancêtres des Dagomba avec le groupe dissident, les Dagara..
Tout semble s’acorder sur l’origine Dagomba des Dagara.

3) Origine des Dagara selon certains auteurs

Voici ce qu’en dit Delafosse (1912) : « Quant aux Birifor et aux Dagari, ils sont le produit d’une autre poussée des Dagomba ,mais dans la direction de l’Ouest cette fois-ci, poussée sans doute bien postérieure à celle dont sortirent les Mossi, les Yansi et les Gourmanché.
D’après des traditions recueillies dans le cercle de Gaoua, ce serait seulement au début du 19eme siècle que les Birifor et les Dagari auraient achevé d’occuper leur territoire actuel
Des Birifor issus de cette invasion Dagomba étaient demeurés sur la rive orientale de la Volta Noire ,où on les retrouve encore , mélangés aux Dagari.
Les anglais les ont appelés improprement : « Lobi- Dagarti… ».
«L’invasion Dagari ne présente pas le caractère guerrier et conquérant des diverses invasions Dagomba auxquelles nous devons les Mossi, les Yansi , les Gourmanché et les Birifor….Quant à leur langue ,elle se distingue à peine du Gbanian,laquelle est très analogue d’ailleurs au Dagomba.
Quoiqu’il en soit , l’immigration Dagari à l’Ouest de la Volta fut pacifique et lente , mais irrésistible ; elle commença sans doute au 18eme siècle et continue encore de nos jours ; se faufilant au travers des Birifor , les Dagari s’établissent partout où ils trouvèrent une place libre , sans cependant s’éloigner de la Volta , à l’Est de laquelle est resté le gros de leur peuple.
Mais une de leurs fractions ,les Oulé(Wiilé) ,de caractère encore plus belliqueux que les autres ,s’avança vers l’Ouest ,jusque dans la circonscription de Diébougou, repoussant les Pougouli vers le Nord-Ouest. »
Goody écrit à son tour (1956) : « A Wa, Il y a une tradition d’une migration venant du pays Dagomba ,comme résultat d’une querelle pour la chefferie
A leur arrivée, les Wala rapportent qu’ils rencontrèrent les Lobi qui allaient vers l’Ouest de l’autre côté de la Volta. »
Cornevin rapporte qu’il n’est pas impossible que dès 1650 des contingents Dagomba se soient déjà installés dans la région de Doloma, Wa et Girapa.
A partir de là, il semble qu’il y ait une poussée vers le Nord.
Labouret dans sa monographie sur le cercle de Gaoua écrit à propos des Wiilé : « Ils seraient venus d’une région voisine de Wa où ils étaient en contact avec les Dagaba et les Dagari. Ils remontèrent le long de la Volta et s’établirent du côté de Uili non loin de Lawra.
Les Dagari anglophones viendraient eux de la région de Wa »
Mais après avoir entendu ce que disent certains auteurs étrangers à leur sujet, écoutons les intéressés eux-mêmes,ie les Dagara parler de leurs origines et de leurs migrations :

4).Origine des Dagara d’après leurs propres témoignages

Les témoignages se feront par clans car, comme nous le verrons bientôt ,les migrations se firent par vagues de groupes patrilinéaires plus ou moins nombreux et non le clan entier ce qui expliquera la dispersion d’un même clan à travers tout le Dagaraland , en fonction des perégrinations , dans l’espace Dagara, des différents patrilinéages de chaque clan .
C’est ainsi que les membres du clan des Bèkuonè de Diébougou,aux dires de Bèkuonè Somé Sokuu, né le 3 mars Kpakapara ,vétérinaire à la retraite, rapportait auprès du RP Hébert que les Dagara sont de purs Dagomba qui ont passé par Tamalé .
Les Bèkuonè de Dissin à travers Bèkuonè Somda Aanporé, chef de terre , né vers 1880, confirment les propos de Sokuu Somé..
Les familles Kpanyangnè et Mètuo-Man de Saala affirment par leurs chefs de terre que les Dagara viennent de Dagon ou Dagomba tout en reconnaissant qu’il ne savent pas où cela se trouve !
La famille Kpanyangnè de Tuuri tient les même propos en moins clair !
Les Kusiélé , dans le Nord du pays Dagara-Lobr :Piirkuon, Béné , Gorgaane , disent tous qu’ils ont passé par Nadolé au sud de Jirapa ., sur la grande route Lawra-Wa.
Ceux de Piirkuon donnent en plus le nom d’un village sur la route de Tamalé avant de parler de Tamalé ; mais tous parlent du pays Dagomba.
Quant à ceux de Gorgaane, ils parlent aussi de Tamalé avant de signaler Nadolé.
Ceux de Fielmuo signalent Wogu à l’est de Dafièma, plus à l’est de Nadolé comme étape avant Nadolé.
Les Kusiélé de Nadolé sont encore plus explicite : ils se donnent pour origine Yemdi en pays Dagomba .Ils disent avoi passé la Volta à Analergo, puis avoir continué par Tamalé , Daboya et enfin Nadolé .
Ceux de Dafièma se disent de purs Dagomba venus de Tamalé , à la suite de conflits concernant la chefferie .
Ceux de Tappo, à l’Ouest de Kaléo assurent être de purs Dagomba venus de Tamalé par Dieyir, Wa et enfin Tappo pour les mêmes raisons que ceux de Dafiéma.
Par suite des mariages et des relations sociales , petit à petit, ces Dagomba furent assimilés par les Dagaba .
Les autres clans Dagara ne situent guère leur origine au-delà de Tengkor qui se trouve entre Wa ,Girapa et Lawra sans que l’on soit arrivé à localiser son emplacement exact.
.Seuls les Bèkuo-da-molè de Koper évoquent des étapes depuis Bolé et même depuis le coude de la Volta .
Les Gbaanè ont dans leurs chants de gloire le cri de Bolé , ce qui signifierait qu’ils ont dû , par le passé perrigriner par ce centre !
Les zaguè de Dano citent Biirelula qui se trouve vers le sud après Wa !
Une objection vient facilement à l’esprit sur l’origine Dagomba des Dagara : « Comment pouvez-vous affirmer que vous descendez des Dagomba alors que vous n’avez pas,comme eux ou comme les Mossi et les autres ethnies sœurs, ni la même société organisée de façon hiérarchique ni les mêmes coutumes funéraires et matrimoniales ? »
Sans aucun embarras, les interlocuteurs Dagara vous répliquent aussitôt qu’ils ont été assimilés par les Dagaba qui eux-mêmes viennent des Dagomba. : Et ils vous donnent une étymologie du mot Dagara qui signifie : Da- gaara ou « homme révolté , homme rebelle » certainement contre les Dagomba dont ils se sont détachés .
Ne dit-on pas encore d’une vache qui ne veut pas rentrer dans le parc que c’est un « na-gaara » ? terme qui vient de nab qui veut dire vache et gaara, révolté ? De même pour une pintade , on parlera de « kan-gaara » pour une pintade qui ne couche plus au poulailler , mais dehors au risque de devenir une pintade sauvage !
Le Dagara se serait-il révolté, rebellé contre la société Dagomba très hiérachisé comme celle des Mossi au point de prendre la clé des champs et de la quitter pour former une société acéphale à l’instar des Lobi, des Birifor ,etc ?
Ce n’est pas impossible au vu de son caractère indépendant,belliqueux et rebelle, toujours prêt à la revolte contre la hiérarchie comme nous l’avons montré ou que nous le montrerons concernant votre grand-père.qui va maintenant vous raconter :l’histoirede ce pauvre orphelin Dagombaqui fut abandonné par les siens , parce que soupçonné de sorcellerie .
Dès que quelqu’un mourrait au village, on l’accusait d’avoir « mangé » son « âme »car il aurait ainsi « mangé » déjà celles de tous ses parents et devenu donc orphelin !
Ça ne vous rappelle pas une autre histoire que grand-père vous a déjà rapportée ? Oui, celle du frère de Louis Dabiré qui a perdu son père,sa mère , tous ses frères et sœurs,les uns après les autres ! Que lui est-il arrivé ?
Au village, on l’a traité de sorcier et on l’a même convoqué devant le Tigan pour qu’il avoue sous serment !
Donc notre pauvre orphelin de la légende, non désiré finit par être chassé, banni de son village et s’installa dans une forêt , non loin du Marché de Baabil, en face de Dapla au Ghana actuel, au bord de la Volta. A cet endroit , au milieu de la Volta ,émergent tout temps de l’eau deux énormes rochers , toujours visibles même en période de grandes crues.L’endroit s’appelle Nyoghuil.
Notre orphelin de la légende , après avoir invoqué les divinités , s’adressa spécifiquement au dieu du fleuve en disant :
« Protège-moi , car je suis un poisson et toi tu es l’eau ».
Tous les jours ,il se tenait avec sa calebasse , au bord de la volta , près du gué , pour demander l’aumône .
Et comme il avait la langue bien pendue,les voyageurs le craignaient et se montraient généreux à son égard :
Ne maudissait-il pas l’avare qui détournait son regard de lui et de sa calebasse ?
Avec les cauri ainsi obtenus, il achetait des pois de terre qu’il pouvait préparer facilement sans l’aide d’une femme car il n’ en avait pas !
Pendant la saison des pluies , il cultivait beaucoup de pois de terre.
Or il se trouva une année que des sauterelles envahirent toute la région et dévastèrent toutes les recoltes sauf ses pois de terre qui étaient justement sous terre !
Notre orphelin put manger donc à sa faim et même s’acheta des captifs qui furent aussi bien nourris .
L’année d’après l’orphelin ne fit cultiver que des pois de terre sur plusieurs hectares par ses esclaves alors que les sauterelles continuaient de sévir d’une année à l’autre.
Il recolta plusieurs greniers de pois de terre.
Il vendit fort chèrement sa recolte: un pois de terre pour un cauri
Il devint vite un homme riche et respecté de tous !
Il fut même désigné rapidement chef de terre!
Ce fut alors que le chef Dagomba et sa famille se souvinrent de lui
et lui envoyèrent un émissaire nommé « Oulé , Woulé » ce qui signifie « montrer » , sous entendu, le bon chemin qui consistait pour notre ancien orphelin rejeté ,de revenir à la maison !
Mais celui-ci répondit qu’il n’avait pas déserté le village ,mais chassé, bannni, proscrit, méchamment rejeté par les siens.et qu’il ne regagnerait plus jamais le bercail !d’où le sobriquet de rebelle et de revolté que les Dagomba l’affublèrent. Il pria Woulé de rester avec lui et lui procura un champ où il cultiva des pois de terre et en recolta des greniers ! Aussi , il refusa lui aussi de regagner la maison et resta à côté de notre ancien orphelin devenu riche et chef de terre respecté de tous !
Woulé serait ,selon la légende, l’ancêtre des Dagara-Wiilé qui précèdent toujours les Dagara -lobr pour leur dégager et montrer la voie à suivre dans leurs différentes pérégrinations.
Mais ils se tiennent toujours à part non loin des Dagara- lobr.
Ils ont par ailleurs su mieux conserver la langue originelle que les Dagara-Lobr dont la langue a beaucoup emprunté au Dagaba.
Les Dagara disent par contre que l’autorité du chef Dagomba ne lui vient pas de la coutume !mais d’ étrangers venus du Niger.
Ces étrangers possédaient une cavalerie contre laquelle les Dagomba ne purent faire face et durent accepter le joug et la domination des envahisseurs , de même que leur société hiérarchisée , leurs coutumes funéraires et matrimoniales, mais purent conserver leur langue tout comme les Mossi ,autres Dagomba soumis aux lois des mêmes envahisseurs venus du Niger !
Les Dagara , eux ont échappé à la domination d’autres peuples et ont pu ainsi garder les coutumes originelles d’une société acéphale, laquelle a été arrachée par la force aux Dagomba
On objecte également que les Dagomba avaient des tambours . les Dagara non ! Ils ont par contre les balafons Lobi.
Les Dagara répondent qu’ils avaient effectivement adopté les balafons des Lobis par suite des nombreux liens matrimoniaux qu’ils contractèrent avec eux et qu’ils trouvèrent, tout compte fait, les sonorités des balafons Lobi meilleures à celles des tambours !(St John Parsons,(1960).

b.Les Dagara seraient-ils passés par la région d’ Accra ?

Assez souvent , les vieux Dagara affirment que jadis ,il ont eu
à migrer à Accra et à résider sur toute la côte,avant de remonter vers le Nord.
Les témoignages proviennent des anciens grands clans comme nous le verrons un peu plus loin.
Que faut-il en penser ?
Il est priori difficile d’admettre que l’ensemble des Dagara ,partis du Dagomba , soient descendus tous vers la côte pour remonter ensuite si haut jusqu’à la Volta .Serait-ce le cas de quelques clans isolés que serait plus acceptable.
Par ailleurs , les Dagara ne connaissaient pas l’usage du fusil alors qu’ils auraient dû le connaître au contact des portugais ou des danois qui furent sur la côte.
Les esclavagistes eux étaient armés par les Portugais !
Or il est certain que les Dagara n’avaient pas de fusils !
Comment expliciter ce fait ?
Pourtant d’après un certain nombre de témoignages, les Dagara seraient descendus du Dagomba vers Accra et la côte, s’y seraient établis ,assimilés même par d’autres ethnies déjà en place. Néanmoins ils surent garder quelques-unes de leurs coutumes :funérailles, mariages, etc !
Mais pourchassés à un moment par les esclavagistes , ils remontèrent vers le nord harcelés par des hommes armés de fusils , selon différents témoignages que l’on ne peut chasser d’un revers de la main!
Le RP Girault tend à confirmer par ses recherches que les Dagara auraient été autrefois à Accra.
Il y aurait près d’Accra à Akiamata des Dagara et des Sissala.Ils auraient un chef Dagara très respecté et écouté !La langue Dagara serait encore parlée !
Ils y cultivent des arachides, un peu de maïs , du manioc . Une partie de leur bétail est constituée de vaches naines.
Par ailleurs,il n’est pas impossible qu’il y ait tout le long de la côte d’anciens immigrants Dagara qui se soient sédentarisés et crées souches dans toute cette zône de savane côtière
Mais aussi le long des routes allant du Nord vers le Sud se sont créées des colonies Dagara à Kumasi, Téchiiman, Wenchi, Bolé ,etc.
Peut-on savoir depuis quand ces migrations eurent-elles lieu car les Dagara ont de tout temps migrer vers le Sud pendant la saison sèche pour connaître soit du pays et surtout pour travaillerdans des zones où la saison permettait encore d’y pratiquer des cultures soit de rente soit vivrières en vue de les revendre.
Par ailleurs,la langue Dagara possède le mot « mer » : kpo qui peut-être une abréviation de kuon kpeen ie « la grande eau » !
Par ailleurs les Dagara connaissent les portugais qu’ils appellent « Potoki » ce mot vient de Poruguese, portugais en anglais déformé par les Dagara. Mais , à cause de la durété des portugais dans la chasse aux esclaves , le sens du terme devient :homme dur, méchant, despote !
D’autres indices recueillis par le RP Hébert chez les Kusiélé de Kpaï et d’ailleurs disent ceci : « Dieu a créé tous les hommes , blancs et noirs , à Goï, au bord de l’eau » !
D’après la tradition Dagara , le premier homme créé par Dieu est sorti d’une étendue d’eau immense et de profondeur invraisemblable , après une pluie inouïe (déluge) ,suivie d’un grand brouillard épais !
Des peuples de la savane qui n’auraient pas vu la mer , pourraient-ils dire cela ?
La femme , venue après l’homme serait sortie,elle, d’un marigot !!!
Allez comprendre pourquoi ?
Dans le baghr sèbla Dagara ou baghr kaan (initiation noire) , un vieux raconte le récit de la Création de l’homme,telle que racontée aux initiés.
Ce long récit ressemble à s’y méprendre à celui de la Bible du moins pour ce qui concerne son début ( le récit des origines) sauf les conclusions qui ont été readaptées au génie créateur de la religion traditionnelle Dagara .
L’authenticité du récit du baghr a,été confirmée par de vieux chrétiens qui ont été initiés au baghr pendant leur jeunesse.
Ce récit ne viendrait-il pas des portugais et substantiellement transformé par la tradition Dagara ?
On trouve encore d’autres indices tels la présence de croix en pays Dagara ,Lobi,, Birifor et Dyan.
Et l’esprit le plus craint en pays Dagara est le saa-da-wèra , bois qui traverse un autre bois formant une croix que l’on expose devant les maisons.
Par ailleurs si un enfant a été confié au da-wéra , ses parents tracent des croix sur son front ,sur son ventre et sur le mur.
On trouve également d’autres croix dans l’ethnie Dagara :
.-La croix à la cendre tracée,sur les sentiers
.-La croix en kaolin tracée entre les épaules de celui qui part en voyage,
.-La croix de devin.
. -Les herbes en croix dessinée sur les jarres de dolo en fermentation
pour éviter que les revenants ne viennent s’y laver
-La croix sur le ventre de la femme enceinte
.-La croix noire sur le front de ceux qui ont mal à la tête
.-La croix sur les bornes des champs , croix rouge ou croix noire.
.-La croix cicatricielle sur les joues des enfants qui ne cessent de mourir et revenir après,faisant des va et vient chez le même couple
. -La croix cicatricielle des jeunes filles au visage comme ornement alors que les Dagara n’ont pas de cicatrices raciales !
Les anciens s’en inquiètent car les cicatrices raciales sont en général pour les ethnies qui les pratiquent,des signes de reconnaissance et d’appartenance .
Ces quelques exemples tendent à montrer qu’un sens mystérieux est attribué en pays Dagara à la croix.
Chez les lobi existent les mêmes croix et bien d’autres encore qu’il serait trop long d’énumérer ici .

Pour en revenir à notre Saa-da-wèra dont nous sommes partis,il a pour signification « bois cruciforme de la divinité de la pluie. »
Mais Saa est plus que la pluie : C’est la divinité du ciel et de tout ce qu’il contient : pluie, foudre ,éclairs ,etc., toutes, manifestations de la divinité Ciel. Donc le saa-da-wèra est le fétiche de la divinité du ciel qui se manifeste , lorquelle n’est pas contente par les éclairs et surtout par la foudre.
Aucun Dagara ne plaisante avec le saa-da-wèra à l’exception de quelques clans ( Naayilè et ses sous clans).
Voici un fait qui l’illuste assez bien :
Le poste militaire de Diébougou, fondé en 1897 perd un militaire français. Sur sa tombe au cimétière , il fut planté une croix de bois. Lorsque les Dagara virent de loin la croix, ils ne purent s’empêcher de se dire :
« Les blancs sont malins , ils ont enfermé leurs richesses dans une grande caisse et ils ont mis dessus le saa-da-wèra ! Jamais personne ne s’avisera d’aller les voler ! »
Une hypothèse très vraissemblable est qu’au 16 eme siècle, il y eut des contacts entre portugais et Dagara comme tendent à montrer certains écrits et témoignages

Bernard Bozié Somé un chercheur Dagara du CVRS bien connu confirme cette hypothèse par ses enquêtes. Il écrit :
« Des vieux de 70 à 80 ans que nous avons interrogés , affirment qu’eux-mêmes ou leurs ancêtres ont séjourné successivement à Wancra ( Accra ), Kentapo, Bolé, Birékula , Yipala , Tenkor, Buli, Bémol, Mèon. »
Un autre vieux ,interrogé, prétend même y être parti sacrifier
sur la tombe de ses ancêtres !
Comme , on le constate, ces témoignages coincident avec ceux que nous avons déjà relatés ci-dessus et les localités citées sont en ligne Sud-nord, à peu près droite, longeant assez longtemps la Volta , le Man (fleuve) des Dagara.
Beaucoup de grands clans Dagara tels que les Bèkuonè de plusieurs localités , les Kpièlè, les Zaguè du côté Wiilé ; les Nakyèlè, les Kuolè , les Naayilé ,les Mètuolè,et bien d’autres affirment qu’ils viennent ou qu’ils ont passé au cours de leurs migrations par Accra.
Jean Rouch ( 1956) rapporte :
« Pendant toute la fin du 19eme siècle , Babatu alimenta en esclaves Gurunsi ,le sud de la Gold Coast( Ghana actuel). Les Aschanti étaient très amateurs de ces Gurunsi qui furent d’après Cardinall, leurs meilleurs soldats. »
Les régions de Kéta ,Ada et Accra furent aussi pourvues de Gurunsi. Ceux-ci s’assimilèrent ensuite aux autochtones Ga
Beaucoup de quartiers d’Accra sont réputés des « villages Gurunsi ». Parmi ces villages ,il y en aurait qui seraient des villages Dagarti-Groussi( Dagara-Gurunsi).
Il n’est pas impossible par ailleurs que des Dagara anciennement installés aient pu apparaître comme des Dagara du Nord réduits en esclavage ou ramenés du nord et vendus comme esclaves.
Donc malgré les objections soulevées au début de cette étude, certains récits des vieux informateurs, certains indices , les traditions concernant les migrations et précisant même les itinéraires , indiquent que des familles voire des clans ont séjourné à Accra et dans la région maritime au cours des siècles passés, vraisemblablement dès le 16eme siècle avec l’arrivée sur la côte des portugais et des Danois.

c.Les migrations des des grandes familles Dagara et plus particulièrement celle des Kusiélé

Quelques généralités

Les migrations Dagara ne peuvent se faire que par dog-lu ou yiru, comprenez clans.
. On partira où ils se trouvent actuellement pour remonter par étapes jusqu’aux plus anciennes connues.
Nous ne nous attarderons pas à l’étude des différents clans Dagara ,mais nous prendrons comme exemples celles des Kusiélé qui vous intéressent plus particulièrement car il s’agit de vos lointains ancêtres patrilinéaires.
Après un tableau général des voyages des clans Kusiélé , nous étudierons leur marche pour certains villlages , nous citerons les noms de certains grands ancêtres de ces centres avec les dates très approximatives établies à partir de repères sûrs et précis tels :
– 1896 :Sarankéni –Mory ( fils de Samory) bivouaque dans la région de Wa.
– 1897 : Les Français s’installent à Diébougou.
-1904 : colonne de répression en pays Dagara francophonne par l’armée française
-1916 :Affaire des Bwa dans la région de Guyengyèrmè
– 1933 : Fondation des Missions catholiques de Dissin , puis de Dano
Ces dates aident à déterminer l’âge approximatif des informateurs .
Pour remonter plus haut,il faut compter environ 30 ans par génération.
D’une façon générale ,il semble que ce soit les Pougouli qui, les premiers ont franchi la Volta Noire de la rive gauche à la rive droite , suivis de près par les Lobi et les Dyan vers 1770.
Une décade ou deux décades plus tard , ce fut le tour des Birifor et des Dagara -Wiilé et quelques années plus tard celui des Dagara-Lobr autour des années 1800.
Les datations coïncident à peu près puisque nous avons daté l’installation de la chefferie Kusiélé des Dagara de Béné vers le début du 19eme siècle.

d.Migrations des Kusiélé

Les Kusiélé ,à l’origine , étaient des Kpièlè qui se distinguaient déjà par leur nomadisme. Mais fatigués de mener cette vie intinérante, ils décidèrent de se fixer et de s’installer sur un rocher ou une pierre (kusier)d’où leur nom Kusiélé «ceux qui se sont installés sur une pierre ou sur un rocher ».Ce fut un rocher sur laquelle ils bâtirent une maison ou une famille durable ,grande , forte et solide comme ils le devinrent.
Les Kuselbè sont une division des Kusiélé.
Différentes familles Kusiélé ont raconté leurs migrations :
« A tout seigneur tout honneur »
1)Voyons en premier lieu, celles de la famille Kusiélé de Béné
« Charité chrétienne commence par soi-même »
La grande famille de Wouré-gan détentrice de la chefferie de Béné dont nous avons déjà parlé , affirme par la voix du vieux Sinsour né en 1888 que ses ancêtres ont suivi l’itinéraire suivant :

Yemdi—Tamalé—Daboya—Yabé —Nadolé—Baabil—Piiri —Kogbèteng—
Petit Leo—Piirkuon—
-Un autre itinéraire proposé part de :
Nadolé…Sawal…Koussola …Tampal…Baabil…Basèbla…Piiri… Kokolibu…Petit Léo…Piirkuon…Béné
La version du vieux Germainde Béné : part de
Tengkor ( le Vieux pays) ,puis : Nadolé …Baabil.. ;Bâgko…Piiri…Kobgbèteng…Beengan Gorgan…Piirkuon…Béné
On a aussi deux autres itinéraires qui s’arrêtent à Wasa :
– Derba—Torou—Nadolé—Baabil…Wobsu—Lawra —-Piiri—-Kokolibu—Petit Léo —Wasa.
ou
– Bamaasu—Nadolé—Baabil—Wobsu—Lawra—Piiri—Kokolibu—-Petit Léo—-Wasa.
On a aussi d’autres itinéraires plus ou moins tortueux tels :
-Tamalé—Baabil—Nandom—Zambo—Diébougou—Kpoglogo—Dano—Pirkuon —Gorgan
Deux itinéraires partent du
-Dagomba —Accra —Wogu —Nadolé—koséblé- –Sawal—BaabilLawra —Piiri—Kpaî—Béné—Baban —Dadunè—Fielmuon
-ou Dagomba—Accra—Wogu— Nadolé—koséblé —Sawal —Baabil—Tengkor—-Nakpi— Gangbo—Tovuor—Mutori
D’autres itinéraires plus courts partent de Baabil :
-Baabil—Nandom—Petit Léo—Beengan
soit de :
Nadolé—Sawal—Baabil—Tengkor Gwo—Ko
Soit:Nadolé—Sawal—Tengkor—Gwo—Kpaï

e.Les grands ancêtres Kusiélé de Piikuon-Béné

Le premier ancêtre des Kusiélé de Béné-Piirkuon selon une légende devait s’appeler Dèblu-ièru
Il ne serait pas mort , mais serait monté directement au ciel tel un Eli ou un Enoch de la Bible en enfourchant un âne !
C’est du moins ce que proclame ce chant de gloire commun aux Kusiélé :
« Boung-daa do salom » :ie « L’âne est monté au ciel »
Un autre chant de gloire exprime à peu près la même louange :
« Nadolé boung-daa » : « L’âne de Nadolé »
Mais ailleurs,cet ancêtre s’appelle soit Kon-iar, Nadol et Zaabèlé.
Nadol a pu donné son nom au village de Nadolé et Zaanbélé le nom du quartier de Nandom appelé Zaabélé !

Les migrations des Kusiélé des Tigan-dem de Pirkuon et de Béné qui sont issus d’une même famille sont identiques à quelques détails près !
Leurs ancêtres :
– Selon le vieux Germain de Béné , le premier ancêtre connu serait Lwor qui serait né à Derba ou Damba selon les gens de Nadolé.
Damba se trouve à 2 ou 3 kms de Nadolé.
Lwor aurait eu 3 fils : Nasâ,— Kuli-gbè kô bâgh -lawr et— Bil-ong
Nasâ aurait été surnommé « Kyug –pla-na-maal-zié » taduisez : « La pleine lune va améliorer les lieux»
Tous les Kusiélé de Pirkuon se réclament de lui.
A Nadolé, on l’appelle Kûposié
Bil-ong eut pour fils :Mwiéri—Mwânign—Wouré –Nâpal.
–Mwéri est né et mort à Baabil.
— Nâpal eut entre autres fils Baakün qui naquit à Piirkuon et monta ensuite à Béné avec toute sa nombreuse famille pour fonder un yir, Baakün –yir puis rapidement tout un quartier au nord de Wouré –gane appelé Baakün-gane.
Baakün est mort à Béné en 1944. Il eut comme fils notamment Mwannlé,le père de Michel Somé l’imprimeur aujourd’hui à la retraite à Bobo.mais aussi le frère Elie Somé, frère de Saint Vincent de Paul,et bien d’autres encore.
-Mwânign, fils de Bil-ong, né à Baabil était un grand chasseur. Les Ganè de Mèmer était ses parents maternels.Ils avançèrent donc ensemble par des voies parallèles. Quand Mwânign arriva à Piirkuon,il y trouva des Wiilé qui continuèrent leur migration en lui abandonnant le village.Il en devint le chef de terre commandant Babora, Kpaï,Gorgane,Monyunpla, Zinsèr,Tièkon. Béné et d’autres villages Wiilé lui furent ramenés par son frère Wouré qui hérita ,comme nous le verrons le Tigan de Béné de son oncle Pougouli Bang-ni-bo.
-Anyâgh succéda à Mwânign son frère après avoir été son chef de guerre
-Tizaa remplaça son père Anyâgh . Il conseilla en 1932, lors de l’invasion des sauterelles , d’aller trouver ,les Pères Blancs installés alors à Guyrèbaa pour obtenir les bénédictions divines et ce fut une année d’abondance.
– Gwobaor succéda à son frère Tizaa comme chef de terre.
-Kusiélé Somé Liè-irè Christophe, un fils de Mwânign, né en 1872 succéda à son cousin Gwobaor.
Avant sa mort , il avait fait écarter comme tigan-sob Ouon son aide et fait choisir par sa famille son fils Dabiré Emile ,né en 1920 à Piirkuon.
Celui-ci laissa aussi la chefferie à son fils Elie , le chef de terre actuel.
Mwânign eut un autre fils ,Der qui est le père d’Alphonse Kpoda,père de Jean Somé, le promotionnaire de grand-père tant à l’école primaire qu’au séminaire.
Nous en reparlerons bientôt.
Notons que la paroisse catholique de Mariatang est construite sur la colline de Tangsiè ,quartier qui dépend de Pirkuon comme Babora.

f. Le Tigan de Béné

Bang-ni-bo ,un chef Pougouli,en accord avec les Dagara,marchait devant eux. pour leur dégager la voie avec ses hommes.
Né à Tengkor,il gagna Nadolé.
Wouré est le fils de Bil-ong et d’une fille de Bang-ni-bo ; il est né à Tengkor. Il a fait partie de la migration dirigée par Mwânign et son oncle Bang-ni-bo .
Après la conquête de Piirkuon, il gagna Béné et vivait chez son oncle qui avait déjà dévancé plus au nord les Kusiélé
Lorsque plus tard il décida d’avancer encore plus au nord de l’autre côté de la Volta avec ses hommes, il légua la chefferie de terre de Béné à Wouré , fils de sa fille.
Voilà comment Wouré, frère de Mwânign ,chef de terre de Piirkuon, accéda de façon parallèle lui aussi à la chefferie de terre Dagara de Béné. Il n’a donc pas eu de délégation de Mwânign sur la chefferie de Béné comme veut bien le dire la chefferie de terre de Piirkuon qui , on en convient, a été la première chefferie de cette famille Kusiélé.
Il n’y a jamais eu de polémique sur le sujet .Les deux chefferies de terre de même famille , de même clan ( Kusiélé) ont su toujours travailler en bonne intelligence depuis le commencement jusqu’à ce jour.
Après Wouré, nous connaissons la succession des chefs de terre de Béné que nous avons déjà décrite ailleurs dans ce livre .
Une des grandes familles de Béné qui mérite une mention spéciale est celle de Germain,né vers 1890 à Piirkuon.
Son grand-père , Bilégué, né à à Tarou était de la génération de Mwânign, son cousin
Bilégué eut pour fils Manisiè né à Dâgko dans l’actuel Ghana.
Manisiè vint s’installer à Piirkuon lorsque Anyâgh, frère de Mwânigh devint chef de terre. Celui-ci l’avait beaucoup en estime car il était un grand travailleur .
Manisiè est mort à Piirkuon vers 1897.Germain naquit de Manisiè vers 1890. Après la mort de celui-ci,il suivit à Béné ses grands frères , Pierre-Marie Bè-sèn et Jacques Marie Koper. Jusquà ce jour , on appelle toujours la maison de Germain non Germain-yir, mais plutôt Bè –sèn yir du nom de son grand-frère . Koper , l’autre frère se construisit une maison que l’on nomme toujours Koper-yir. Tels sont les deux premières maisons qui furent à l’origine du grand quartier de Mwanbèrè d’aujourd’hui.qui dispute le leadership de Béné avec Wouré –gan, le quartier du chef de terre.
La famille de Germain exerça une très grande influence à Béné .Il eut de nombreux enfants dont Christophe Somé,le commandant Jean-Pierre Somé et bien d’autres !
Simon, Bernard , Jean-baptiste , tous catéchistes sont de cette grande famille.
Simon fut même le premier chef élu de Béné après la révolution de Sankara qui rétablit officiellement Béné comme village.
Mais le deuxième chef de village sera du quartier du chef de terre, Kounfong ,un des fils de Dignè, ancien chef de terre.
Pour mémoire ,son frère Guy est l’actuel chef de terre . Koun-Fong est décédé vers 2007-2008.

g La famille Kusiélé de Wasa.

Sa migration a démarré à Ba-mansu pour prendre fin à Wasa comme nous avons eu à le montrer ci-dessus.
Ils ont les mêmes ancêtres que ceux de Piirkuon. C’est ainsi que Lwor et Kyug-pla-na-maal-zié sont très connus de ceux de Wasa.
– Golo, leur patriarche était un des frères de Mwônign ou Mwânign.
– Le fils de Golo,Mwaanlé Mèda, naquit à Wasa dans le courant du 19eme siècle et mourut en 1959.C’était alors le plus vieux Kusiélé connu de tous.
-Bèkyog-rè, fils de Mwaanlé ,né vers 1890 fut établi premier chef de village de Wasa.
Lugtèrè,un des frères de Mwaanlé eut 2 fils :Délé et l’infirmier André Somda.
Délé résida à Fielmuon au Ghana et eut pour fils l’abbé Kusiélé Somé Raphaël qui regagna Wasa après la mort de son père.On peut donc dire qu’il est à la fois du Ghana et de la Haute Volta.
Comme nous le verrons avec d’autres familles frontalières, il est loin d’être un cas unique :
La famille Bèmilè de Hamilé partagée entre les deux zones francophone et anglophone
Mgr Paul Bémilé , évêque actuel de Wa depuis décembre 1994,est ghanéen., tandis que son frère Sébastien Bemilé Médah est burkinabè.

h La famille Kusiélé de Gorgaane

Le village de Gorgaane qui nous intéresse ici est celui situé dans la commune actuelle de Kogper.Son fondateur, un certain Gor fonda auparavant un autre village du même nom sur la rive gauche de la Volta.
Son nom est donné également à un quartier de Muu situé dans la commune actuelle de Dissin.
Les différentes étapes des migrations des Kusiélé de Gorgaane ont été données ci-dessus. Leur plus ancienne étape connue est Tamalé , puis après des pérégrinations tortueuses à la recherche d’un lieu propice d’installation , ils passèrent par Baabil ; Nandom-Zaabèlè,Zambo, Diébougou,Kpoglogo, Guéguéré , Dano, puis Piirkuon d’où ils gagnèrent Gorgaane sur les indications du chef de terre de Piirkuon dont ils dépendent toujours à ce jour..
Voici la liste généalogique probable des Kusiélé de Gorgaane :
Premier ancêtre : — -Dal-Kang ( pour Dar-kang) engendra
-Kuun-mii né à Tamalé,mort à Baabil ;il fut le père de Dakpil et Nar,nés à Tamalé et morts à Baabil.
Konkadio engendra Gor,né à Baabil., chef de la migration.
– Gor après une longue pérégrination finit par s’installer avec les siens à Gorgaane où il mourut avant l’installation des européens en pays Dagara.
– Gor engendra Guyang,né à Gorgaane, celui-ci fut le père de Baakuun qui engendra à son tour Tomé.père de Sylvain Kun-bè—tèr-yir qui quitta Gorgaane pour Kyetu au Ghana .
Dal-kang eut une autre descendance,dont naquit Basiin qui engendra Kumwin. Son fils Joseph, le catéchiste eut pour enfants avec sa femme Mélanie : Julia , Bernard et l’abbé Kusiélé Dabiré Jean-Marie.
Julia est la mère de l’abbé Kusiélé Dabiré Nicolas actuel viacaire général du diocèse de Diébougou, quelques années après le passage au même poste de son oncle maternel Jean-Marie !
Comme on le constate, il y a deux familles Kusiélé qui coexistent à Gorgaane et qui se sont différenciées pour pouvoir se marier.
La famille Kusiélé de Mr Somé Norbert de Gorgaane a pu se marier également dans une famille Kusiélé de Béné : En effet la sœur de Norbert, la mère de Michel Somé ,Vitalie s’est mariée avec Benjamin Kpoda un des fils de Sinsour, ancien chef de terre de Béné.
De même , Norbert lui-même a pu se marier avec Margot , une Kusiélé de Pirkuon.
Par contre grand-père ne pouvait pas se marier dans la famille Kusiélé de Dibouo ,village rattaché à Gorgaane.
Le clan Kusiélé est très vaste si bien qu’il se retrouve obligé de se scinder en sous clans pour pouvoir se marier sans tomber dans l‘endogamie.

i La famille Kusiélé de Fielmuon

Jadis leurs ancêtres habitaient Wogu,à l’est de Dafièma où ils gardent encore aujourd’hui beaucoup de liens familiaux.
Puis ce fut Nadolé
De là, ils partirent, les uns vers à Sawal, les autres vers Kosélébé, puis Baabil et Lawra.
De Lawra ,un groupe se dirigea vers Piiri, un autre vers Kpaï. De Kpaï, les uns partirent à Béné , d’autres à Baban . De Baban, certains émigrèrent à Daadunè, puis à Fielmuon.
Leur premier ancêtre connu est Byékyélé qui engendra Gbanbilé.Gbanbilé épousa Ibé .Ils eurent entre autres enfants,Dorémwin Somda né vers 1866 à Baabil et décédé ,vers 1918 à Daadunè.Par contre sa femme ,Aréyon Somé né à Baabil mourut à Fielmuon vers 1950.
-Dannikû Somé est né vers 1892 à Baban. Après la dure répression de 1904, sa famille vint s’installer à Daadunè,et en 1918, après la mort de son père il suivit sa mère à Fielmuon chez ses oncles maternels.
Il devint chef de village d’une manière pour le moins très romanesque .
Jugez-en vous mêmes :
Un père eut un différent avec ses fils restés à Nyingbo.Il leur jeta un sort (tassir) de nuit et repartit chez Lui. Le lendemain matin, les fils aperçurent le tassir, surent qu’il venait de leur père et allèrent le tuer à coups de bâton à Fielmuo et prirent la clé des champs !
Personne ne voulait s’approcher du cadavre pour l’enterrer et les Sissala de Fielmuon, propriétaires du Tigan ne voulaient pas que le corps soit enterré sur leur territoire, mais à Nyingbo ! Le cadavre resta donc ainsi 7jours durant dans la maison !
Et personne ne prévint les autorités administratives anglaises par crainte de réprésailles !Finallement notre Bannikû se décida courageusement ,accompagné de son ami et du chef de terre Sissala de Fielmuon à aller à Lawra prévénir l’autorité compétente.
Bannikû fut chaleureusement félicité par l’administrateur Smith qui le nomma par la suite chef de village de Fielmuon en récompense de son courage exceptionnel.
Bannikû voulut refuser l’honneur qui venait de lui être faite. Mais devant l’insistance de l’administrateur et du chef de Gyirèbaa ( Girapa), il accepta.
Il fut par la suite nommé chef de tous les villages qui se constituaient autour de Fielmuon.

j La famille Kusiélé de Bèen-gaane ou Bèen.

Les étapes de leur migration furent:
-Baabil—Nandom-go-ziir—Petit Leo-ou à Walwal près de Kpoman—puis enfin Bèengaane dans le canton de Koper.
Lors de leur installation à Bèengaane , il y avait déjà des Pougouli, mais ceux-ci, après un certain temps de cohabitation pacifique se retirèrent à Fiiteng comme le firent d’autres ailleurs. Ils semblent ne pas trop aimer cohabiter avec les Dagara notamment les Kusiélé trop bouillants à leurs yeux !
Ils passèrent alors le Tigan aux Dagara tout comme ils le firent aussi à Béné dans des conditions similaires !
Les ancêtres connus des Kusiélé de Bèen –gaane :
– Mal-pala ,né et mort à Baabil.
-Wura,né et mort à Baabil
-Suô-Balé, né à Baabil. Il est le premier à s’installer à Bèengaane, au milieu du 19eme siècle probablement vers la même période que Bèkuonè Zin-hon de Kogper, chef lieu du canton de même nom.
Suô-Balé avait un frère très célèbre , Toyen ;
Mais il ne vint pas à Bèengaane
– Tan, fils aîné de Suô-balé , né à Bèengaane,est mort en 1926.
-Christophe Danfaar , fils de Tan prit alors la succeesion de la chefferie de terre de Bèengaane.

k La famille Kusiélé de Kpaï

Leur migration emprunta les étapes suivantes :
– Nadolé : c’est ce que rappelle leur chant de gloire : « Nandolé », « Nadolé biir » ie « enfants de Nadolé »
-Sawal, non loin de Guyirèbaa , près de Gbar, d’où leur chant de gloire « Sawal biir »
-Baabil et enfin Kpaï.
Leurs ancêtres connus :
-Ankô, neveu des Kpièlè , est né à Baabil et mort à Kpaï
-Leur émigration serait due au manque de bonnes terres comme c’est souvent le cas.
Le phénomène se poursuit même de nos jours où des déplacements de populations se font vers la Volta (le Mouhoun ) où les terres alluvionnaires fertiles sont encore fertiles.
Bien sûr l’ampleur de ces mouvements est bien moindre que ceux d’autresfois.
-Ankô avait entre autres trois fils connus :Guyâ-wiè ,l’aîné ; Nami , le plus jeune et le fameux Baguyèr.
Un chant dit à son sujet : « Kpaîdem Baguyèr mi kpèn a daa ,è bè wèl kul »ie. « Lorsque Baguyèr rentrait au marché », les gens de Kpaï fuyaient rapidement le marché ».
En effet Baguyèr était un homme redoutable et c’était la debandade au marché lorsqu’il y mettait les pieds :En effet il ne rentrait au marché que pour tuer les gens !

l La famille Kusiélé de Baabil

Les principales voies empruntées par cette famille sont :
– Nadolé—Sawal—Koussola—Tampala où la famille a laissé de la parenté et enfin Baabil.

Leurs principaux ancêtres connus :
– Les premiers arrivés furent Ponyi et Sonyélé, deux frères .
– Sonyélé s’installa à l’emplacement du village actuel.
– Et Ponyi un peu plus loin à la sortie du village , au -delà du marigot
– Les affaires de familles, lorsqu’elles ne peuvent s’arranger sur place, se règlent à Koussola en première instance ou, en dernière instance à Sawal.

m.La famille Kusiélé de Ko.

Les principales étapes sont : Tengkor-ko—Gwo—ko.
Leurs ancêtres :
-Lamwin est né au début du 19eme siècle à Tengkor-ko et mort à Gwo
-Bighé, fils de Diaduo/ :il est né à Gwo et mort à Gwo.
-Dèblu , fils de Bighé est né vers 1900 à Gwo et a migré à Ko où vit encore sa descendance.

n La famille Kusiélé de Mutori.

Les principales étapes de sa migration furent :
Dagomba—Accra—Tengkor—Nakpi—Gagbo ou Tovuor et enfin Mutori situé entre Diébougou et Gaoua dépendant autrefois du canton de Bapla.
Les principaux ancêtres dont se souviennent les plus anciens sont :
-Bura né à Tengkor
-Mar né soit à Teng-kor ou probablement à Nakpi.
-Zeng vit le jour à Nakpi
-Banyogh-siè est également né à Nakpi.

o.La famille Kusiélé de Nadolé

Les renseignements recueillis chez les Kusiélé de Nadolé tendent à confirmer ce que disent la plupart des autres groupes :c’est qu’ils ont tous passé par Nadolé même s’ils n’ y ont plus gardé de liens familiaux..
Leurs principales étapes :
-Yemdi à 60 miles à l’est de Tamalé en pays Dagomba
Ils auraient quitté Yemdi par manque de terres cultivables comme le disent d’autres groupes non Kusiélé ( les Wiilé de Dano par exemple).
De Yemdi ,ils traversèrent la Volta à Anelergo et se dirigèrent vers Tamalé.
De Tamalé ils se dirigèrent vers Daboya où ils s’arrêtèrent.
D’autres groupes se scindèrent et prirent la direction de Wa.
-partis de Daboya, ils firent une halte à Yabé, puis de là gagnèrent Nadolé où disent-ils il n’y avait personne avant eux.
Leurs principaux ancêtres :
Le Premier Tigan-sob fut le chef de la migration Kuun –Poon- zié,probablement le même héros que celui de Piirkuon appelé de son surnom glorieux « Kyug-pla-na maal-zié ».
Ses fils restés sur place furent : Tampo, Dandié,Kâminé, Kôda.
– Tampo eut pour fils : Nampwo, Kombour, Baya, Siè.
– Mampwo enfanta Zumboda né vers 1880.
Le chef de terre était William et le chef du village « chief Sory ».
En plus de ces grandes familles, il existe d’autres familles Kusiélé dispersées à travers tout le pays Dagara. :
On les retrouve par exemple à Wa, Ba’maansun,Lawra , Kyetu, Tangzu, Domwin,, Guora et en de nombreux autres villages même si elles ne forment que des communautés réduites à quelques petites familles.
Pour conclure voici quelques chants de bravoure des Kusiélé dits encore chants de gloire que tous les enfants connaissent dès leur plus tendre enfance :
-« Nadol mansour », ie que les descendants de Nadol sont des « champignons vénimeux » donc attention danger !
-« Bangpal-biir tuor, zorè » : « Quand ,on les rencontre , il faut fuir » sinon gare !
– Nyê ta guyè mè : « que personne ne s’y frotte » Sinon danger !
– « Dèblu-kuun » : « la mort par bravoure », ie ils meurent bravement
-« Nadol biir mi wer kè so nyaan“Les descendants de Nadol découpent et se lavent du sang de l’ennemi“,ie lorsqu’ils avaient tué un ennemi,ils s’aspergeaient de son sang en signe de bravoure !
-« Bè bè zorè malfallè ni pii no-kyoluu è » : « Ils ne craignent pas le fusil à forte raison la flèche au bec pointu » !
« Bè bè kpièr wiè kè kulé zagla i » ! « ils ne partent pas à la chasse et reviennent sans rien » ie Ils ne reviennent jamais bredouille de la chasse
– « Wèr Wob ker » : » « dépecer un éléphant vivant » : pour montrer leur bravoure à la chasse .
-« Bè bè zorè wè- naab-è » : « lls n’ont pas peur du buffle » toujours pour montrer leur bravoure !
etc,etc
Ces quelques chants de gloire résument à eux seuls le caractère belliqueux et la bravoure non seulement du clan Kusiélé mais de toute l’ethnie Dagara prise dans sa généralité.

Nous n’étudierons pas ici les autres clans ni leurs migrations . Ils sont plus de la quarantaine et à l’intérieur de chaque clan ,il y a plusieurs groupes de migrations en fonction de leurs besoins sécuritaires en nourritures ,en terres cultivables ou la fuite simple devant les menaces d’ennemis dangereux !
Ces migrations ressemblent à s’y méprendre à celles effectuées par les différentes familles ou groupes Kusiélé ! On retrouve par exemple les mêmes mélanges de différtents clans dans les villages à la suite de liens matrimoniaux contractés entre eux !

12.Mais ,grand-père, quels sont ces ennemis qui obligeaient les groupes de familles Dagara à se déplacer ainsi sans cesse?

Sitobu, le fondateur de l’état Dagomba d’où beaucoup de clans Dagara affirment descendre , vivait il y a près de 600 ans vers le début du 15eme siècle.

a.L’attaque et la prise de l’empire Gondja par Jakpa ,le chef Mandé
-L’histoire du Ghana actuel nous apprend que le pays Gondja fut envahi par des gens venus du Mandé ,ie du Mali actuel,guidés par leur chef Jakpa. Ils balayèrent la région d’ouest en est et Jakpa fit de ses fils les chefs des districts conquis. Il investit le centre Dagomba de Daboya , connu pour son sel ,traversa la Volta,et bat sur la rive-est la principale armée du Dagomba .
A sa mort , l’empire Gondja s’étendit depuis Bolé à l’ouest, jusqu’à Bassai, à quelques 300 kms vers l’est. Les rivalités entre Dagomba et Gondja ne prit fin qu’à la disparition de l’empire madingue et de la victoire des Dagomba vers 1720.

b.L’attaque des Ashanti au 18eme siècle

Mais vers la fin du 18 eme siècle , les deux états furent attaqués par les Ashanti. Plus au Sud, les Gondja furent soumis , et les Dagomba durent payer un tribut annuel d’esclaves aux Ashanti jusqu’en 1876.
Par ailleurs le tableau ethnographique suggère que la population de la région de la Volta fut , dans le passé ,en état d’une constante redistribution , par le fait de migrations de petits groupes.
Le fait que de telles migrations aient continué jusque de nos jours indique qu’il s’agit plutôt d’un phénomène de pressions sociales que de conquêtes sur une large échelle.
L’ethnie Dagara s’insère dans ce cadre général où le peuple Dagara connut une une grande mobilité.(Ward, 1949 ; Fortes ,1949).
Le plus lointain souvenir de conquérants africains qu’aient conservé les Dagara , concerne une attaque des Ashanti dirigée par l’un des premiers rois Ashanti probablement Oséi Kodjo( 1752-1781) qui soumit les Dagomba à un tribut annuel.
Rappelons que la plupart des clans Dagara citent Yemdi, Tamalé , Daboya comme origines du début de leurs migrations.toutes situées en pays Dagomba.
On peut imaginé que lorsque Oséi Kodjo conquit le Dagomba ,il a pu mettre en fuite des groupes Dagara.
A Dafièma par exemple ,on trouve de purs Dagomba émigrés jadis de Tamalé .Ils ont beaucoup entendus parler des attaques Ashanti jadis sans qu’ils n’aient jamais ravagé le village actuel de Dafièma.

c. La migration des Daga-Dioula vers Wa

Les Daga-Dioula disent tirer leur origine de l’ancien royaume mandingue qui eut à envahir le Dagomba .Ils seraient venus du Sud vers Bolé ,fondèrent ensuite Wa où il se trouvaient déjà beaucoup de groupes Dagara dont ils adoptèrent la langue, d’où leur nom de Daga-Dioula ou encore Waalè.
Les récits de vieillards Dagara mentionnent une guerre des temps lointains où les Dagara auraient été trahis par un groupe de Waalè en pleine bataille.Les Waalè furent maudits et rejetés par les Dagara .Ils se firent donc musulmans .
Une autre histoire des Daga-dioula parle de Yamouru Traoré , un marabout du Mali actuel ,qui les aurait convertis à l’islam.
Un viellard de Kansagra a expliqué un chant de gloire des Nakyèlè qu’ils n’étaient pas obligés de se faire circoncire, et que seuls certains Nakyèlè se firent musulmans et lorqu’ils voulurent forcer leurs frères fétichistes à se convertir à l’islam , ceux-ci refusèrent et se séparèrent d’eux.
Les islamisés seraient maintenant les Daga-Dioula.En effet un Daga –Dioula de Diébougou, Adama Cissé , né en 1905, originaire de Wa , se dit de la famille des Nakyèlè.

d.Les Razzias opérés par les Zerma en pays Dagara

Mais de tous les envahisseurs , ce sont surtout les Zerma qui ont laissé le plus terrible souvenir chez les Dagara.Ils furent la cause de migrations dramatiques .Ils vinrent de l’actuel Niger.C’était des cavaliers protégés la plupart du temps des flèches par des peaux de bœuf tannées.En plus, ils étaient armés de fusils , de lances et de sabres . Si leurs victimes ne se soumettaient pas, ils étaient décapités sans aucune pitié.D’où leur nom de Mwaan-kpaar ( coupeur de tête)
Les Dagara, pourtant braves, éprouvaient une grande frayeur à la vue des chevaux . A l’approche de la cavalerie, c’était la panique et la débandade et une fuite éperdue surtout vers la Volta pour mettre le fleuve entre eux et leurs poursuivants.
Les paysans se protégeaient contre ces razzias : Pendant la saison sèche , ils cachaient par exemple en pleine brousse des réserves de mil pour pouvoir subsister après le passage de ces pillards ; néanmoins ils laissaient un peu de mil dans les greniers pour faire croire aux Zerma qu’ils avaient tout pris.
Quelques anciens évoquent encore la terreur que leur inspiraient les Zerma :
Ainsi Bèkyogrè de Wasa, chef de terre , né vers 1885, était âgé d’une dizaine d’années quand lui et sa famille coururent jusqu’au fleuve qu’ils traversèrent en barque pour se réfugier derrière la Volta et échapper ainsi aux Zerma !
De même Kuun-wurè,le chef de terre de Nyngbo, né vers 1880, décédé en 1968 était alors gardien de bœufs ; il raconte comment il avait dû s’enfuir vers la Volta avec ses parents à l’arrivée des Zerma .
Les Dagara de Kogper et de Guybaalè furent razziés par une bande de cavaliers pillards.Mais on ne sait s’il s’est agi du chef zerma Babato qui se rendait à Pâ sur la route Ouaga-Bobo ou le marabout de Wahabou qui campait vers Guynguièrmè.
En effet Rouch écrivait en 1956 : « Babatu se montra un guerrier exceptionnel :en 1875, il attaqua le Dagati au sud de Tumu ;les Lobr de la rive Est de la Volta ,traversa le fleuve et s’installa à Pâ , sur la route Ouagadougou-Bobo-Dioulasso.Il voulait attaquer le « Wangara » , mais il fut forcé de revenir à sa base. » Cela correspond en effet aux récits des Lobr de Koper et de Guybaalè
Rouch continue : « De 1878 à 1890,il acheva la conquête du Dagati en conquérant Wa.
Razzia ou conquêtes organisées ?
Le village de Bèkuteng du temps de Bèku tira une rélle fierté d’avoir vaincu Sambubié , probablement un Zerma. C’était un jour de pluie où l’humidité avait dû mouiller la poudre .Les Dagara remportèrent donc une victoire rapide sur Sambubié selon un chant de gloire qui dit « Les gens de Bèkuteng ont vaincu en un rien de temps Sambubié. »
Dans leur fuite précipitée ,les assaillants perdirent fusils, chevaux et tambours !
Nandom subit également les pillages des Zerma conduits par Kalfa puis par Babatu. A guyrèbaa (Girapa), pour échapper aux Zerma ,les Dagara multiplièrent les flèches. Pour éviter les razzias de Babato, on fit des offrandes de cauri et on sacrifia des vaches.
Les habitants de Ouli les appellent les pillards « Zabo » et surnomment leur chef « Mwaan-kpaar »
A Dafièma beaucoup ont également entendu parler de Babato

e.Les conquêtes de Samory en pays Dagara

Le dernier des conquérants africains dans la région Dagara fut Samory ou plus exactement son fils Sarankéni Mory.
Il fit surtout beaucoup plus de réquisitions que de razzia .
Pourtant sa réputation fut telle qu’elle provoqua une fuite éperdue dont certains groupes ne revinrent plus chez eux.
La fuite fut si précipitée que certains laissèrent leurs troupeaux.
C’est ainsi que le petit village de Nakpi qui se trouvait du côté voltaïque ,s’était beaucoup enrichi grâce aux troupeaux abandonnés par les fuyards.
Les gens de Wa, détestant le village de Sankana ,attirèrent l’attention du fils de Samory, Sarankéni Mory, sur Sankana situé dans un beau site facile à défendre en cas d’attaque.
Les Sofa de ce dernier argant d’un cheval volé , vinrent attaquer Sankana par deux fois, mais en vain car il pleuvait et les fusils n’étaient d’aucun service ! Mais la troisième attaque s’avéra la bonne . Il ne pleuvait pas ! Les Sofa massacrèrent et pillèrent tant que le souvenir resta graver dans les mémoires des survivants qui avaient réussi à se sauver de l’autre côté de la Volta.
A Nadolé, l’installation du fils de Samory à Sankana provoqua la fuite des habitants . Ils traversèrent la Volta et se réfugièrent à Terkô où ils se battirent à coup de flèches contre les sofa de Sarankéni Mory.
Quant au village de Dafièma, il se rappelle avoir combattu Samory. Yermuo éhgalement ;mais la supériorité des fusils obligea ses habitants à prendre la fuite pour se refugier à Nyingbo.
A Baabil, le vieux Kpen se souvient également du temps de Samory. Il avait 15 ans à peu près et gardait les bœufs.
Quant à Nandom,il fut détruit par les sofa de Sarankéni Mory.
En juillet 1896, Sarankéni Mory avec son armée s’interposa à la guerre civile où s’affrontaient Babato et Hamaria.
Ce dermier ayant eu gain de cause, Babato s’intégra pour un temps à l’armée de Samory tandis qu’Hamaria se soumettait à Samory dont l’autorité s’étendit jusqu’aux frontières des royaumes Mossi.
Mais très vite ,ie dès septembre 1896, Hamaria se rallia aux français !
Les troupes de Samory ne dépassèrent jamais Nandom dans leurs mouvement vers le Nord

f.Autres attaques

1)-Vers l’Ouest également, un groupe de Peulh de Dossi traversa la Bougouriba au gué de Nabéré , parcourut le pays Dyan et poussa jusqu’en pays Birifor en direction du Nord où, avec l’aide des Birifor, ils attaquèrent Dyan et Dagara-Lobr ; mais ayant éssuyé des revers ,ils rebroussèrent chemin..
Les Wiilé de Guéguéré se souviennent avoir été attaqués par des Peulh qui échouèrent dans leur entreprise et se retirèrent vers Diébougou. Ils pillérent également Guibaalè.
Mais ils ne formèrent jamais de village au pays Dagara ; ils gardaient dans les villages les bœufs que l’on leur confiait !

2)-Les Dioula Wattara de la famille de Kong,en provenance de l’actuel Côte d’Ivoire firent aussi parler d’eux dans la région de Diébougou.
En effet ,Bakary ,descendant du fameux Sékou de Kong envoya son lieutenant Daouda Wattara , surnommé Gloliba vers le Nord-est .
Avec ses sofa, il traversa la Bougouriba et arriva à Borpon où il fut bien reçu par le chef Dyan Nayo. Celui-ci l’installa non loin de Borpon à Gbolibateng, près de Bilbaalè.
De là ,les Dioula de Daouda Wattara allèrent brûler Dissin , Piirkuon et franchirent la Volta et atteignirent Poura. Ils s’attaquèrent aux Zerma, mais furent battus et exterminés.
Plus tard, un autre groupe de Wattara revint sous la direction de Barkatou .
C’est alors que Dyan et Dagara-lobr s’entendirent contre Dagara Willé et les Birifor.
Mais très rapidement , les relations entre Dioula et Dyan s’envenimèrent car les Dioula s’étaient faits passer aux yeux des Français comme chefs du pays Dyan. Barkatou, nommé ainsi chef par les français abusa de son pouvoir et les relations entre Dioula et Dyan se dégradèrent.

3)-Le Marabout de Wahabou, Moktar Karantao laissa lui aussi au pays Dagara un souvenir durable :Ses troupes étaient composées de Dafing , de Mossi islamisés, mais surtout de Daga-Dioula qui étaient remontés de Wa à Tô en pays Gourounsi et qu’il était allé chercher.
Moktar était passé par Pourra où il trouva des Dyan qui lui proposèrent de le conduire jusqu’à Diébougou où se trouvait le plus grand groupe de Dyan.
Quand il arriva près de Orounkpa , le chef de terre , Béké s’enquit de ses intentions et apprenant que celui-ci voulait les convertir à l’islam ,s’y refusa net ! Un combat s’en suivit. Les Dagara le perdirent et prirent la fuite. .
Le marabout avait en effet été aidé par le chef Pougouli , Intié de Fofo qui habitait alors Gbantari.Le Marabout le nomma par la suite chef de toute la région de Oroukpa , Fiteng,,etc… De Orunkpa, le Marabout étendit sa guerre sainte vers Guéguéré où sans ses nombreux fusils ,il n’aurait pu arriver au bout de ce village hérissé de nombreuses collines boisées, aux pentes raides.
Par ailleurs les sofa portaient des peaux de bœufs bien tannées et dures que les flèches des Wilées n’arrivaient pas à percer !
Mais après ,les Wiilés trouvèrent la faille car les peaux tannées ne recouvraient que le haut du corps ! Ils visèrent les jambes des assaillants et la lutte se solda par une défaite sanglante pour le Marabout qui s’en sortit de justesse !
Fort de ce succès, les Wiilé, les Dagara Lobr, les Pougouli et les Yèri s’unirent alors . Il eut une bataille à Navrikpè puis à Guyengyèrmè où notre djiadiste s’était installé . Moktar Karantao fut alors battu et essaya vainement de se venger sur son ancien allié Pougouli ,Intié qui se réfugia à Koinkpin pendant 6 ans. Pardonné de son ancienne trahison par les Pougouli ,il revint fonder Intiédougou.

4)-Gandaa Béyo bat les Zerma et devient le héros de l’indépendance nationale Dagara contre les Zerma
Il semble qu’il y ait eu à Ouli , village proche de Baabil,un homme de guerre du nom de Boyon.
Mais s’agirait en fait de Béyo Somé ,un ancêtre des Nakyèlè.fils de Mur Hien venu à Gbar où il serait mort.
Son cadet Kon-nuor Somé dirigea l’émigration vers Don avant de mourir à Forèteg.
Gandaa ( brave à la guerre) Béyo s’était illustré dans la guerre contre les Zerma. C’est lui qui aurait fortifié Ouli qui s’appelait alors Béyoteng. Ils serait mort à Bekuteng .Ce ne fut après sa mort que Bekuteng changea de nom pour s’appeler Ouli.Il fut donc le héro de l’indépendance Dagara contre les Zerma
Quant aux Nakyèlè, certains sont restés à Ouli tandis que d’autres migrèrent à Kasangra et à Kpoman.
Un des cris de gloire des Nakyèlè n’est-il pas « Béyo » pour se glorifier de leur ancêtre ?
Un autre cri parle « Béyo wur pèlè » : « Les chevaux blancs de Béyo »
Béyo a imité l’organisation militaire des Zerma car les Dagara n’ont jamais possédé de chevaux !

14.Quels étaient les anciens occupants du pays Dagara actuel ?

Nous avons vu que les différents clans Dagara avaient migré pour la plupart du Dagomba de plus en plus vers le Nord sous la pression d’autres peuples qui les avaient obligés sous peine de disparition à en bousculer aussi d’autres et ainsi de suite jusqu’au coup d’arrêt de la conquête coloniale qui figea toutes les ethnies dans leurs positions d’alors !
En effet les migrants Dagara occupaient rarément des zones inhabitées.Ils s’installaient soit près des Sissala ou les forçaient à déguerpir. :Dyan ,Pougouli et Bwaba se déplaçèrent de plus en plus vers l’Ouest ou le Nord (Dyan,Pougouli et Bwaba), vers le Nord –Est (Sissala) sous la poussée des Dagara.et d’autres ethnies.
Les violences et partant l’insécurité ont certainement joué une grande importance dans ces migrations plus ou moins forcées !
Il y avait aussi le besoin de terres fertiles et d’acquisition de chefferies de terre pour son groupe patrilinéaire.
En joignant,les neveux du matriclan, les clans alliés et amis, les différents patriclans Dagara arrivaient à s’imposer ainsi par leur nombre aux ethnies voisines telles que les Pougouli et les Sissala qui, dépourvus de la même organisation, préferaient le plus souvent se déplacer plus loin que de les affronter ou d’être assimilés à ces guerriers souvent farouches et belliqueux !
Mais Sissala et Pougouli furent de plus en plus pris en tenailles entre les Dagara et les Zaberma chasseurs d’esclaves de Léo)et les jihadistes de Wahabou avec leur chef Karantao, Babatou.
Ce fut ainsi depuis la fin du 18eme siècle, ils furent plus ou moins contraints de bouger sans cesse jusqu’à l’arrivée des conquêtes coloniales vers la fin du 19eme siècle et le tout début du 20eme ! Les occupations coloniales anglaises dans ce qui fut appelé le Gold Coast, puis françaises dans la Haute Volta d’hier, marquèrent la fin des migrations . Les situations furent pratiquement figées par le partage du Dagaraland entre les deux conquérants venus d’Outre –mer.
Les Dagara du Gold Coast se trouvaient alors entre Wa au Sud et Hamélé au Nord pour la partie anglophone ;Fouzan pour le front Nord Wiilé et Zoner pour celui des Dagara Lobr au front Nord dans la partie francophone de Haute Volta.

Mais qui occupait cette région avant les Pougouli, les Sissala, les Yèri et les Bwa ?
.Nous ne remonterons pas aux temps antiduliviens , ,rassurez-vous ni au temps où la région était habitée par de petits hommes roux cachés dans les grottes que l’on appelle Kontonbili ! Certains vous dirons même qu’ils en existe encore de nos jours cachés dans les grottes des montagnes !
Mais nous nous servirons des rares découvertes archéologiques faites dans la région .
Un chercheur anglais a découvert des vestiges d’une civilisation préhistorique le long de la Volta Noire .Il est vrai que le pays Dagara a conservé des objets ayant appartenu aux hommes d’un passé assez ancien !
De même à environ 10 kms de Guéguéré , un peuple creusa des puits à Salmè-bor ( le nom signifie « trou d’or ». Certains appellent ce peuple « Nogben-kubo »ou »( les gens aux lèvres de pierre) .C’était certainement des orpailleurs .
Il y a également de pareilles galeries à Loto, Béréba, Ouarkoye et surtout à Poura où il existe encore aujourd’hui des mines d’or en exploitation.
Dans le canton de Diébougou, le long du pays Dagara , en région Birifor , on a trouvé une grande vérandah creusé dans la montagne .
De nombreuses ouvertures de 1,50 m à 2,50 m donnent sur la vérandah.Ces ouvertures débouchent sur des séries de chambres et de couloirs. Au milieu de certains couloirs, on rencontre de profondes et dangereuses excavations!
A Nakaar,le puits de Da’hou communique avec la Volta ! Les Dagara pensent que ce puits avaient été creusés par les Bwa.
Ce dernier puits est sacré pour le clan Dagara des Mètuor-man.
Par ailleurs à une époque relativement récente, le pays a été habité par un peuple de grands forgerons. Partout , dans les villages , il est loisible d’observer des monticules de scories de minerai de fer que,grand-père a eu lui-même l’occasion d’observer à maintes reprises !Certains vieux pensent ,à tort, que ces scories ont été accumulés par les Gan qui sont loin d’être de grands forgerons !
Quelle ethnie a travaillé le fer à une si grande échelle ? Mystère !Mais il est certain qu’ils ont habité la région bien avant l’arrivée des Dagara .
Par ailleurs les plus anciens habitants des pays voisins des Dagara semblent être les Bwa.avant même les Pougouli qui les trouvèrent dans la région de Diébougou et plus au sud jusqu’à Nakaar.
Les Bwa racontent qu’ils furent chassés par les expéditions des Wattara de Bobo-Dioulasso et qu’ils se réfugièrent sur la rive gauche de la Volta d’où ils revinrent par la suite à Kovio, Loléo et Fouzan.
Les Yèri gardent le souvenir de cette attaque des Wattara dirigée contre les Bwa vers le milieu du 18eme siècle avant que les Yèri s’installent en pays Dagara . Les Bwa en partant comblèrent les puits qu’ils avaient creusés .
Il importe de souligner que ceux-ci ont toujours vécu en bons termes avec les Dagara sauf lors de la révolte de 1916 où le chef des Bwa voulut imposer par la force son autorité sur les Dagara qui se révoltèrent alors !

14.Poussées mutuelles et installations actuelles des Dagara

Pour fuir les esclavagistes ou pour rechercher des terres fertiles, les Dagara-Lobr se déplaçèrent donc ,repoussant leurs frères Wiilé vers le Nord et vers l’Ouest.
A leur tour ,les Wiilé refoulèrent les Dyan et les Pougouli qui repoussèrent les Bwa et ainsi de suite tandis que les Lobr faisaient subir le même sort aux Pougouli et aux Sissala
Tels étaient en résumé les mouvements des divers peuples , dont les déplacements entraînaient le départ des voisins immédiats , ceux-ci repoussant à leur tour les occupants de territoires où ils s’installaient.
Cependant les groupes Dagara, Birifor et Lobi avaient dû effectuer leurs migrations côte à côte sans heurts , du sud vers le nord , jusqu’à Tengkor où elles divergèrent .
Entre Dagara et Birifor, il ya eu au cours des siècles , action et compénétration pacifiques ! Il en fut de même avec les Lobi, mais à un degré moindre.
Néanmoins avant l’arrivée des premiers français,lors de la guerre des Birifor,contre les Dyan, les Lobr se rangèrent du côté des Dyan et les Wiilé du côté des Birifor !
Quant aux Pougouli , ils avaient été repoussés dans leur aire actuelle par les Dagara . Si l’on en croit ces derniers , ce refoulement s’est fait de façon pacifique surtout du côté des Lobr ; mais il semble que les Wiilé furent plus brutaux !
Les Pougouli étaient par exemple à Dissin. Ils autorisèrent les Dyan à s’installer à Borpon.C’était l’époque où les Wiilé , marchant de l’Est vers l’Ouest , forçaient les Pougouli à quitter Dissin pour Nakaar et s’installèrent eux-même à Bengvaar. Voisins des Dyan , ils commençèrent à voler les troupeaux . Les Dyan et les Pougouli s’unirent pour reprendre leurs animaux ; alors commença entre ces trois peuplades une guerre d’escarmouches qui dura plusieurs années !
Fatigués, les Dyan s’installèrent à Diébougou.
Jadis les Pougouli étaient à Baabil, Nandom, Wapali, Fielmuon, Dissin, Wasa, Koper , Dano, Guéguéré, Tambiri, etc.
Les Dagara , plus nombreux, plus belliqueux,forcèrent plus ou moins les Pougouli à partir et à leur céder les lieux en même temps que les chefferies de terre.
C’est ainsi que les Pougouli de Wasa sont partis pour Bèengan, Piiirkuon, Béné poussés par les Lobr, puis se sont en définitive fixés à Fiteng tandis qu’une partie migrait vers Bouni.
Les Pougouli de Wapal ont fondé Bonzan. Ceux de Nandom ont trouvé refuge à Bouni tandis que ceux de Nakaar et Habr sont partis à Ligmaré ,ensuite pour Moulourou, Laro et Boni.
Les chefs de terre de Dissin étaient des Pougouli qui ont fini par céder la chefferie de terre aux Lobr .
Le premier chef de terre Dagara de Béné, Wouré a hérité la chefferie de terre de son grand-père Bang-ni-bo qui partit ensuite pour Fiteng.
Dano serait le nom du premier occupant Pougla ( singulier de Pougouli) de Dano village ; il en est de même de Guéguéré et de Nyénmè .
Quant à Guykpéré, il serait le nom du premier Wiilé installé à Orunkpa, mais coopté par les Pougouli, il serait parti s’installer à Bonzan avec eux.
Les Pougouli de Fielmuon, après bien de pérégrinations se fixèrent à Bonzan.
Quant aux Sissala appelés par les Dagara Lang-bè,ils furent maltraités par ces derniers.
Ces Lang-bè sont une branche de Pougouli. Ils se seraient installés à une époque dans la région de Diébougou . Ils furent expulsés de Kogper et se replièrent en pays Gourounsi.
A Dadunè, Buzu et Fielmuon, les Dagara ne se sont affrontés avec les Sissala quoique l’un ou l’autre Dagara ait eu des difficultés avec les chefs de terre Sissala pour la question des funérailles .
Par contre à Bèkuteng les Bèkuonè ont dû se battre avec les Langbè de Hiel pour l’occupation des terres.
Mais de sérieux conflits opposèrent souvent Dagara-Wiilé et Dagara-Lobr .
La première échauffourée se produisit entre Baabil et Ouli. La seconde eut lieu à Kpaï et la troisième à Diébougou.peu avant que les Français n’y débarquent.
Les querelles sont souvent dues à des rivalités pour des femmes,et de vols d’animaux.
Au milieu du 19eme siècle , les Dagara Lobr s’installèrent à Kpaï, Kondogar,Babora et Pirkuon entre autres. Les Wiilé qui sont actuellement à Kuonpla et à Guybaalè ,se trouvaient alors près du marigot de Kpaï parmi les Lobr.
Mais pour une histoire de femme ,au marché de Kpaï,un Kusiélé fils de Kalbilé fut tué par un Wiilé. Ce fut le signal de la deuxième grande guerre qui s’étendit depuis Mwènuon, Nakaar, Dissin jusqu’à Kpaï.
Et Wouré , frère du chef de terre de Piirkuon et premier chef de terre de Béné s’entendit avec son homologueWiilé. Ils firent creuser dans le roc de gros trous encore visibles de nos jours. Ces excavations servaient à délimiter les frontières de leurs territoires respectifs.
Le vieux Sinsour se servira de ses excavations lors d’une querelle entre Wiilé de Guybaalè-Tambiri et Kpaï ! Il épata l’administration et le public en allant sans hésitation montrer les excavations que son arrière- grand-père avait creusé de concert avec les responsables des villages Wiilé limitrophes !
Il y eut certainement d’autres accrochages mineurs qui s’arrangèrent rapidement grâce à la bonne volonté des uns et des autres
Par contre Wiilé et Lobr ,entre 1897 et 1904,firent un front commun pour combattre la pénétration française sur leur territoire .
De même en 1916, les Lobr volèrent au secours de leurs frères Wiilé en guerre contre les Bwa.
Depuis, les Dagara Lobr et Wiilé vivent ensemble dans une entente cordiale et fraternelle.
De plus pendant plus de 20 ans , les Dagara Lobr de la région de Kogper ont accepté de venir prier ensemble avec les Wiilé à la Mission catholique installée à Dano ! De même jusque de nos jours ,Dano a toujours été le chef de lieu de subdivion, de cercle et aujourd’hui de province des Dagara Lobr et Wiilé sans qu’il ne se pose de problèmes particuliers ! Le fait est accepté par les Dagara Lobr pourtant plus nombreux et plus conscients de leur supériorité envers les Wiilé dont ils se moquent gentillement en les affublant du surnom de Kpa-bouèlè , jeu de mot entre kpar -mouol ( boubou sans poche) que porte les Wiilé et Kpar –bouol ( nuque pointue) qui est une insulte de plaisanterie pas bien méchante ! Mais trèves de plaisanteries !
C’est bien aussi à Dano, en plein pays Wiilé que votre grand-père a fait son école primaire avant de quitter le pays Dagara pour le pays Bobo et Bobo-Dioula pour entrer à 12 ans au petit séminaire de Nasso situé à 17 kms de Bobo-Dioulasso.

15.Les années séminaire de grand-père à Nasso ( 1954-1962).
Grand –père avait donc 12 ans lorsqu’il franchissait pour la première fois le portail gris ardoise du du petit séminaire qui se referma lourdement derrière lui .Il en prit pour 8 ans non de prison mais de vie monacale ,d’études et de prières !
Le domaine avait été créé 9 ans auparavant par Mgr André Dupont tout juste après la Seconde Guerre Mondiale en octobre 1945 avec comme premier directeur le Père Hébert, historien- ethnographe déjà décrit dans ce document.
La première promotion venait tout juste de sortir en juin 1954.
Notre promotion entrait en septembre de la même année .
Nous ne l’avions donc pas connue au petit séminaire . Elle comprenait :les abbés Jacques Larbat, Joseph-Antoine Kambou ordonné prêtre 7 ans plus tard en 1961, Raphaël Méda, plus tard admis à l’ENA,dernier ministre des Finances du Président Maurice Yaméogo en 1963, Yoryan somé Gabriel, le futur colonel, capitaine garde de camp du président de la République Maurice Yaméogo.
Il fut ministre dans de nombreux gouvernements avant d’être nommé chef d’Etat major de l’armée voltaïque. Il fut sauvagement assassiné par le bouillant capitaine Sankara lors de son coup d’état de 1983 .a Après avoir tenté une fuite éperdue vers le Togo voisin , il fut capturé à la frontière et ramené à Ouaga où l’homme fort du moment profita de troubles dans la capitale pour éliminer tous ses concurrents de droitenoyamment les plus gradés.
Rentrés une trentaine en ce début septembre 1954, nous étions loin de nous douter que nous ne resterions en fin de parcours qu’une petite dizaine d’élus huit ans plus tard en 1962.
Mais nous n’en sommes pas encore là .
Commençons par le commencement , ie notre arrivée à Nasso.
Nasso est une petite bourgade située sur l’axe Bobo- Dindéresso ,
à l’époque une piste de terre rouge , aujourd’hui , une route bitumée .
Une rivière, le Kou , traverse le village ,à 2 kilomètres du séminaire.
En saison sèche l’eau y est très claire faite du mélange des eaux rougeâtres du Kou et des eaux limpides de la source traversant la fôrêt galerie de la Guinguette de Kokorowé
Les baignades sont difficiles en pleine saison des pluies car les grandes eaux boueuses en amont de la source sont beaucoup plus abondantes que celle de la source .
Mais, nous y parvenons quand même sauf pendant les grandes crus de septembre.
.Grand-père, comment était le petit séminaire de Nasso au moment où tu étais ?

a.L’organisation spatiale du séminaire ( bâtiments et installations sportives).

Le domaine du séminaire est divisé principalement en deux secteurs(photos) :
Le premier secteur, côté Ouest, abrite les bâtiments de ce que l’on appelait la petite division comprenant les élèves des classes de 7eme, 6eme et 5eme :
Un bâtiment abritait le dortoir d’environ une centaine de lits, un autre, le refectoire dans la prolongation de l’ancienne chapelle ; le troisième, les classes et un quatrième l’infirmerie et l’ancien bâtiment des professeurs.
Le deuxième secteur comprenait la division des « moyens » ( classes de quatrième et troisième)
et la division des « grands »( classes de secondes, première et teminale).
Ce secteur Est dispose d’un premier bâtiment abritant les classes de quatrième jusqu’à la terminale .
Un deuxième bâtiment abrite aux deux extrémités un réfectoire et une grande salle de réunion, séparés par le laboratoire de Sciences
Un troisième sert de dortoir avec une centaines de lits .
Le quatrième bâtiment abrite l’économat, une salle de reliure et des ateliers de menuiserie et de bricolages divers .
A côté, un petit bâtiment sert à la production électrique du séminaire . Il héberge également un moulin à mil.
100 mètres plus loin ,dans le même alignement, la cuisine des élèves.
Une allée centrale sépare les secteurs 1 et 2 .
Aux deux extrémités de l’allée , côté sud , un long bâtiment perpendiculaire à l’allée centrale et reliant les secteurs 1 et 2, sert de bureaux aux profs ; Côté nord , un bâtiment à étage abrite les logements , le réfectoire et la salle de réunion des professeurs.
Au milieu de tous ces bâtiments se dresse une nouvelle église pouvant contenir 400 places. C’est le point focal de toutes les bâtisses . Elle se situe à mi- chemin de l’allée centrale de 500 mètres de long .
L’allée centrale, côté bureaux des professeurs aboutit à une statue géante de la Vierge .
Chacun des deux secteurs possède ses terrains de sport :2 terrains de foot, 1 de basket,1de volley et 1 de hand-ball ; des terrains pour les agrès : barres fixes,barres parallèles, trapèze, cordes, saut en longueur, en hauteur,lancers de poids.
La dernière visite du séminaire en février 2013,montre que rien n’avait pratiquement changé depuis 1962, le fin de notre séminaire à l’exception d’un nouveau bâtiment construit derrière celui abritant les bureaux des professeurs.
Par ailleurs les différents terrains de sports s’étaient améliorés.
Le séminaire était donc mieux équipé en installations sportives que l’école primaire où nousn’y avions que 1 à 2 terrains de foot en tout et pour tout .
Un peu à l’extérieur de l’enceinte même du séminaire ,il y avait une maison de sœurs qui devaient s’occuper des coutures des tenues des séminaristes ainsi que des soutanes des profs, du nettoyage et repassage de leurs habits.
Les séminaristes s’occupaient eux-mêmes des soins de leurs tenues
Aujourd’hui, à côté du séminaire, côté nord-est, derrière l’ enceinte du séminaire séparée par un mur et la rue extérieure partant vers la rivière du Kou et à côté de la maison des sœurs , un site de formation des frères de Saint Vincent de Paul a été construit comprenant lui aussi plusieurs bâtiments .
Ces quatre sites : petits séminaire, les deux sites de formation de frères de Saint vincent de Paul et des soeurs de l’Annonciation, ainsi que la maison des sœurs, sont tous abrités des regards indiscrets par une végétation très abondante de grands arbres datant de plus de 60 ans !
Quelle concentration de centres de formations civiles et religieuses
si nous comptons l’université de Bobo Dioulasso située à moins de 2 kms du séminaire ,l’Ecole d’ingénieurs et techniciens des Eaux et Forêts de Dindéresso située à moins de 4 kms de Nasso,sans oublier le grand séminaire de Koumi à 5-6 kms !

c.Quel style de vie meniez-vous, grand-père, au petit séminaire.

1)La prière.

Elle est essentielle tout en n’occupant pas l’essentiel du temps du jeune séminariste qui fait des études secondaires de la 7eme à la terminale.
N’empêche ! La journée commençait toujours par la prière et se terminait toujours par la prière : prière du matin , méditation et Messe , sept jours sur sept, 365 jours sur 365, vacances ou pas .
A midi : chapelet et angelus. Le soir : prière du soir.
Le Dimanche, jour du Seigneur : une grande Messe , des Vêpres ( à 15h), le salut au Saint Sacrement( à 18h) et les Complies ( à 20h) .
La Semaine Sainte est plus chargée de prières notamment durant le triduum pascal où nous faisions notre retraite annuelle.

2).La formation spirituelle

Outre les prières régulières qui rythment les heures, nous avions une solide formation spirituelle avec les lectures spirituelles chaque soir, l’instruction religieuse deux fois par semaine, les confessions hebdomendaires, la direction spirituelle avec un Père directeur de conscience choisi en toute liberté ; lecture de la vie des saints pendant le déjeûner de midi .
Mais surtout un règlement intérieur implacable et très sévère qu’il convenaît de respecter à la lettre.
L’un d’eux concernait la séparation entre les 3 divisions déjà décrite par grand-père entre les « petits », les « moyens » et les « grands » .
Nous n’avions pas droit à des fréquentations quotidiennes entre élèves de divisions différentes surtout entre « petits » et « grands » dont la séparation spatiale était nettement délimitée par l’allée centrale .
Les profs adoptaient une attitude des plus strictes En effet pris en flagrant déli plus de trois fois, le fautif passait en conseil de discipline et écopait, à tous les coups, d’une sévère rémontrance accompagnée d’un avertissement . Au bout de trois avertissements il prenait la porte de l’établissement.
Un autre point du règlement : les sorties à l’extérieur exigeaient une autorisation du Père supérieur . Des manquements répétés à ce règlement pouvaient aboutir à un renvoi pur et simple .
Enfin , il était formellement interdit d’avoir un quelconque rapport avec les postulantes ou les sœurs dont la maison de formation avoisinait, on ne sait alors pourquoi,le séminaire à quelques 500m mètres à peine.
L’élève pris rôdant même à proximité du cloître était aussitôt prié de ramasser ses valises et de prendre la porte du séminaire sans autre forme de procès et surtout sans bruit car il ne fallait pas que cela se sache,ce genre d’affaires .
C’était un sujet tabou .

Surpris avec une postulante , nos deux jeunes tourtereaux se voyaient séance tenante évacués en toute urgence sans cris ni trompette , séparement sur Bobo-Dioulasso comme de dangereux pestiférés qui ne devaient pas contaminés les deux communautés .Et ceci sans tapages ni remue-ménages .Et surtout silence radio .
Circulez : il n’y a rien à dire , rien à voir . Chut !Pas de bruit !
. Le rideau était vite tiré et fermé ! . Surtout pas de scandale sur un sujet aussi sensible et complètement tabou !
Les élèves en effet n’en étaient jamais informés .
Ceux qui voyaient partir leur petit camarade n’imaginaient jamais le motif d’un départ aussi précipité ,imprévu que non annoncé !
Cependant, un jour ,le scandale s’étala devant nos yeux dans toute son horreur lorsqu’on voulut renvoyer un grand qui avait osé enfreindre le règlement en prenant contact avec sa petite sœur pour traiter des problèmes familiaux graves . Le jeune se revolta, refusa de monter dans la fourgonnette, se mit à crier de rage devant ses petits copains éberlués puis disparut dans la brousse avoisinante .On fit de véritables battues , mais pas de Martin. introuvable pendant deux jours .
Après de vaines recherches à Bobo chez des parents et amis, le pauvre Martin était toujours introuvable .
Il fallut avertir ses parents qui accourus aux nouvelles, apprirent le soit-disant forfait qui valut la disparition de leur enfant .
Une semaine plus tard, des chasseurs, alertés par une odeur pestilentielle et quelques charognards se disputant ,trouvèrent les restes du pauvre Martin balançant du haut d’une branche d’arbre
Pauvre Martin,pauvre misère ! C’était sa façon à lui de se venger cruellement de ces profs d’un autre âge .
Avaient-ils seulement essayer de saisir le message dramatique du pauvre garçon ?
Rien de moins sûr .Ses éducateurs zélés d’un autre siècle avaient le bon droit pour eux .
Les parents n’en firent d’ailleurs pas tout un tapage .C’était en effet tabou de faire tout un tintamare autour d’une pendaison quel qu’en soit le mobile .
Un pendu a toujours tort de s’être pendu et c’est pour la famille une honte , voire une infamie !
Passez, il n’ya rien à en dire !
Ils récupérèrent donc ce qui pouvait rester du pauvre Martin après la ripaille des vautours et leur fille renvoyée, traumatisée ,ne comprenant pas la faute qu’ils avaient commise qui vaille la mort de son frère .
Ce fut la seule fois que ce point de règlement souleva un tel scandale.
Les séminaristes, témoins à l’époque du drame, l’évoquent encore volontiers aujourd’hui à toutes leurs rencontres . C’était l’évènement de l’époque !
Bien sûr le respect envers nos professeurs et nos camarades était de rigueur . Aucune bagarre entre élèves n’était tolérée ni aucune désobéissance envers un prof pour quelque motif que ce soit . Sinon vous étiez convoqué par le Père supérieur qui vous faisait des rémontrances, mais rarément des punitions notamment pour les « moyens » et les « grands » .
Rares étaient cependant les renvois pour de tels motifs.
Un renvoi était toujours définitif et sans appel .
Il n’ y avait qu’à se tenir tranquille .Et que l’on se le dise !
Après c’est trop tard ; ni les pleurs,ni les grincements de dents, ni les interventions des parents ou de toute autorité extérieure,ne pourront rien changer la décision souveraine et irrévocable de nos chers éducateurs.
Ce qui est décidé est décidé et c’est terminé ; on n’y revient plus ! Voilà !
Fermez les bans !

3).Le travail scolaire

Le travail scolaire comprend un programme scolaire réparti de la 7eme à la terminale sur trois trimestres annuels :
Premier trimestre : Octobre à décembre, avec 15 jours de congé à Noël, pris en groupes dans des Missions ou colonies de vacances .
Deuxième trimestre :Janvier à mars-avril suivant la date de Pâques ;vacances de 15 jours prises en dehors de l’établissement en groupes.
Troisième trimestre : Avril- 15 juillet avec des vacances de 1,5 mois, prises individuellement dans les familles .
Rentrée en septembre : Un mois de vacances au séminaire.
Rentrée scolaire : Ier Octobre.

-4).Les programmes :
Les programmes de 7eme sont ceux du CM2 renforcés par l’initiation au latin et par un début du programme de 6eme.
De la sixième à la 3eme, c’est la série classique : Latin commencé dès la 7eme.
Le grec débute en quatrième, mais au séminaire, l’initiation commençait déjà en 5eme .
Le BEPC : série classique : latin-grec.
Le second cycle :Au départ, Série A :Français-latin-grec et philo en terminale
En 1959 :Série C,Français-latin- Sciences Physique,Chimie, Maths et série philo en terminale.
En 1962:Série C et Série B : Français-Latin-Langues modernes( anglais-Espagnol ou italien) et philo en terminale.

5).Organisation de la journée :

•Les jours ordinaires

Du lundi au samedi, ( jeudi excepté) ;
Lever : 5h30.
°Prière du matin et méditation 6h.
°Messe 7h.
°Petit déjeuner 8h.
°EPS 8h30
°cours……………………………………………………………………………9h -12h
12h-12h30 : Déjeuner.
12h30-14h : ……………………………. Siestes,baignades,activités libres.
°14h-17h : Cours.
17h-17h45 : Travail manuel.
18h – 19h30 études.
19h30-20h : récréation…
20h-20h30 : prières du soir.
20h30-21h : Toilettes.
°21h : Couvre-feu
°5h30 Lever.

Les jeudis

Messe 7h30.
Petitdéjeuner-récréation 8h30
°Instruction religieuse 9h30-11h30.
°Chapelet-angelus 11h30-12h.
°Déjeuner 12h-12h30.
°Récréation 12h30-14h.
°Activités libres-Sportives et sorties-promenades 14h-18h.
°Etudes 18h-19h30.
°Souper 19h30.
°Récréation 20h-20h30 .
°Prière du soir 20h 30-21h.
°Couvre-feu 21h30.
°Lever 5h30.

Les dimanches et jours fériés(fêtes)
Lever 6h.
°Prièredu matin-méditation 7h.
°Répétition.de.chants…………………………………………………7h30-8h30
°Petit-déjeuner 8h30-9h.
°Etudes 9h310h30.
°Instruction religieuse 10h30-11h30.
°Grand-Messe 11h30-12h30..
°Déjeuner 12h30-13h..
°Activitéslibres 13h-15h.
°Vêpres 15h-16h.
°Activitéslibres-sorties-promenades 16h-19h.
°SalutSaintSacrement 19h-19h30.
°Souper 19h30-20h.
°Complieet prière dusoir 20h-20h30.
°Etudes 20h30-21h.
°Couvre-feu 21h30.
°Lever 5h30.

d.Les professeurs .
L’enseignement était confié aux Pères Blancs , une congrégation non spécialisée dans l’éducation des jeunes,mais qui, dans l’ensemble s’est bien acquittée d’une mission pour laquelle ils ne s’étaient pas préparés auparavant.
Missionnaires, ils étaient dévolus à l’évangélisation des peuples d’Afrique selon les vœux de leur fondateur le Cardinal Lavigerie, archevêque d’Alger.
Les jeunes prêtres nommés au séminaire piaffaient d’ailleurs d’impatience de partir dans des missions.
Les plus anciens comprenaient mieux l’impérieuse urgence de former le clergé autochtone de demain destiné à les remplacer car un missionnaire est un prêtre dont la fonction provisoire prendra fin forcément un jour .
La plupart de nos professeurs, des non professionnels de l’enseignement du second degré ne possédaient aucun autre bagage universitaire que le bac tout au moins au départ . Bien sûr, ils avaient suivi des études supérieures de théologie de niveau licence et pouvaient donc enseigner beaucoup plus facilement les Lettres et les Humanités que les matières scientifiques .
Ils compensaient donc cet handicap par un zèle soutenu et un travail acharné .
Mais en fin du séjour de grand-père au séminaire, il y eut quelques professeurs diplômés en licences de Philo, Histoire- Géo, Anglais,Lettres, Espagnol, mais non en Maths-Sciences physique-Chimie-Sciences Naturelles .
Cependant les larges succès aux BEPC et au bac témoignaient de la qualité exceptionnelle de leur enseignement .Les mentions AB voire Bien et les bons classements obtenus au niveau national, constituaient la preuve manifeste du niveau de l’enseignement qu’il dispensait et faisaient la fierté de nos profs et la réputation des séminaires de Nasso et de Pabré .
Il convient également d’ajouter que les élèves étaient également motivés, stimulés à un travail scolaire des plus rigoureux. Où étaient bannis laxisme et paresse.
On nous apprenait que travailler ,c’était prier deux fois !

Nos professeurs principaux

Classe de septième Père Monnier : Français- latin-Maths, Instruction religieuse.(I.R.)
°Classe de Sixième Père E. Duclos :français-latin-Maths, I.R.
°Classede cinquième Père Bouillon : français- latin-maths, I.R
°Classe de quatrième Père Viaud, Français-Latin, IR
°Classe de troisième Père J.Compagnon : Français latin, IR
°Classe de seconde Père Vasseur : latin,IR
°Classe de première Père Feder : français-latin,IR
°Classe de Terminale(Philo) Père Castaing : Philo

Nos Professeurs spécialisés:
Prof de Maths-Sciences Père M. Terrible et Roland -Marchal
°Prof d’Histoire-Géo : Père Mancheron et Père Caillard, Barbier
°Prof d’Anglais Pères Greef, Réderstroff, Viaud ,Fagnon
°Prof Chants : Père Monnier, Greenemberger, °Alberteau
°Prof de Grec(initiation) Père G.Philippot( responsable infirmier)
°Instruction religieuse Père Supérieur: Yves Alberteau

Il convient de dire un mot du Père supérieur, en haut de la pyramide hiérarchique dans la direction du séminaire.
Le Père Raymond Saclier est le premier Père supérieur que nos avons trouvé au séminaire. Nous l’avons eu deux ans avant qu’il ne prenne son congé sabbatique.
le Père Maurice Greenemberger,un alsacien de prime abord très sévère , mais au demeurant très bon pédagogue fut désigné à titre provisoire pour le remplacer.
Tous les élèves avaient peur de lui .
Au départ ce fut la consternation et chacun de craindre un renvoi du séminaire .
Il n’esquissait aucun sourire, toujours le visage fermé et prêt à la répression . Personne n’osait le prendre comme directeur de conscience tant il n’attirait guère de sympathie .
Bref c’était un peu la panique dans ce petit monde de séminaristes .
Mais une fois qu’il prit les rênes du séminaire, on ne le reconnut plus .
Il fit tant de bonnes réformes ,assouplissant le règlement intérieur , ouvrant le séminaire davantage à l’extérieur.
Ce fut une véritable révolution de palais avant le retour du bon Père Saclier un an plus tard.
Le Père Greenemberger fut nommé, au grand regret de tous les élèves, supérieur du petit séminaire des Pères Blancs à Alkirch.

Mais le Père Saclier ne put revenir sur les réformes engagées par son remplaçant d’un an tant il fut contesté au sein même du corps professoral.
Il en fut si affecté qu’au bout de deux années d’une direction des plus cahotiques, il demanda sa réaffectation très vite accordée .
Il fut remplacé par un Père que personne n’attendait .
Imaginez-vous , les enfants ? le professeur de 7eme .
Nous élèves , au courant de rien, nous trouvions que c’était une gifle donnée aux autres profs notamment au Père Feder, le plus ancien de la Maison,le plus diplômé, licencié en Lettres classiques français,latin,grec .
au Père Compagnon ,ancien prof de philo, et aussi un ancien de la Maison .
Enfin., le consensuel père Vasseur, professeur de philo qui deviendra d’ailleurs quelques années plus tard le Supérieur Général des Pères Blancs .
Le Père Yves Alberteau, puisqu’il faut l’appeler par son nom est une de ces personnes si effacées qu’elle passe presqu’inaperçue et personne ne lui prête attention.
C’est donc à ce petit prof vendéen de Bressuire dans les Deux- Sèvres que l’on a confié la responsabilité de notre Séminaire .
Quelle humiliation pour nous tous !
Mais nous apprîmes bien vite les raisons de cette nomination pour nous pas trop catholique .
Le Père Alberteau, vocation tardive, comme on dit dans le milieu, était dans le civil un excellent directeur d’école primaire, donc un des rares professionnels de l’Education Nationale des Pères Blancs .
Il était donc bon pour le poste .
Effectivement ,une fois nommé, il prit davantage d’assurance et dirigea de main de maître le séminaire pendant plus d’une dizaine d’années à la grande satisfaction de tous : élèves, professeurs et supérieurs hiérarchiques.

Mais revenons aux études et à la vie quotidienne au séminaire.
e.Grand-père, quel genre de vie et quelle scolarité meniez-vous au petit séminaire de Nasso ?
Arrivés au séminaire, nous reprîmes tous la septième pour une mise à niveau général de la classe avec le Père Monnier quitte à ce que certains sautent de classe par la suite .
C’est ainsi que Roger Dembélé de notre promotion sauta la quatrième.
Il était un peu plus âgé que nous, se destinant au départ à la catéchèse, il y fut remarqué pourr son intelligence exceptionnelle . Comme il savait déjà lire,écrire et parler français,on ne lui fit faire que les classes de CM1 et CM2 . Il passa brillamment son CEPE.
Arrivé au séminaire avec nous, il fit toujours premier de classe jusqu’en cinquième où on lui fit sauter la classe de quatrième et il obtint avec succès son BEPC et son bac classique et de philo ensuite .
Médah Gali nous réjoignit également en troisième dans les mêmes conditions .
Il en fut de même après pour Constantin Dabiré .
Il semble que l’abbé Timothée et Anselme, archevêque émérite de Bobo-Dioulasso sautèrent également la quatrième .
Par la suite, les profs décidèrent d’exonérer de la 7eme tous le élèves admis au concours d’entrée en Sixième .
Si la décision avait été prise quelques années plutôt grand-père aurait pu rentrer directement en sixième .Mais il ne regrette pourtant pas d’avoir refait la 7eme car il y a connu un vrai père, le Père André Monnier alors professeur principal de la 7eme .
Le petit garçon bagarreur, coléreux ,bouillant et prompt à se rébeller qu’était votre grand-père se mua en un petit agneau sage, calme, obéissant , pieux et travailleur.
,iIl le doit à sa rencontre avec le Père André Monnier.
Grand-père devint son petit garçon chouchouté .
En fin pédagogue et psychologue, il avait su répérer chez grand-père de grandes qualités de cœur , de sensibilité, d’intelligence et de générosité qu’il tint à faire éclore . Il avait senti que grand-père aimait être compris et aimé et qu’il détestait l’indifférence et l’injustice .Il lui servit de véritable père, lui qui en avait manqué cruellement depuis la perte de son père 6 ans plutôt .
A partir de là,pour mieux gagner sa confiance et pour lui faire également plaisir, grand-père devint un petit ange que personne ne reconnut à l’école de Dano encore moins au village .
Grand-père dès lors eut le goût d’un travail scolaire studieux ,rigoureux et régulier .
Les résultats scolaires ne démentirent pas cette mutation.
Il fut toute l’année premier en instruction religieuse et dans le top 10 de la classe sur la trentaine que nous fûmes .
Mais il négligea malheureusement toutes les matières non notées :reliure,musique et chants,dessin et écriture, travaux manuels et bricolage,activités sportives .
Il le regretta mais trop tard pour y rémédier.
C’est bien de briller dans les matières scolaires ,mais il est bon également de tenir compte de toutes ces matières qui vous aident et vous facilitent la vie quotidienne .
ça, à l’époque,grand-père ne l’avait malheureusement pas compris .
Il y a le théâtre que gran-père allait oublier !.
Il aimait jouer les classiques, mais aussi des compositions du crû sur la société Dagara.
Grand-père progressa donc d’une année sur l’autre dans les matières scolaires et parvint en troisième à se hisser à la première place pour les compositions (place d’excellence) et à la seconde place pour la moyenne générale .
Il passa avec succès le BEPC et se classa au troisième rang sur le plan national .
On lui proposa une bourse pour poursuivre ses études en France, mais son évêque d’alors , Mgr André Dupont, déclina l’offre .
Ce fut pour grand-père une grande déception . Mais il accepta la décision de son évêque et poursuivit ses études à Nasso .
On nous proposa alors de faire la série C : Maths –Sciences- français-latin .
Cela signifiait pour nous l’ abandon des études classiques français-latin-grec pour des études à prédominance maths,physique ,chimie, Sciences Nat tout en conservant un haut niveau de français et de latin .
C’était une gageure pour une promotion qui s’était déjà engagée en quatrième dans la filière classique, français-latin-grec .
Mais Pabré avait pris le pas sur Nasso en abandonnant le grec dès la quatrième et en optant résolument pour une filière scientifique .
Nasso se devait d’uniformiser son enseignement avec son aîné de plus de 20 années .Il s’y conforma en donnant toutefois le choix à ceux qui le voulaient de poursuivre les études littéraires déjà commencées .
On demanda plus particulièrement à grand-père, brillant en grec, s’il voulait poursuivre dans l’ancienne filière ?
Il adorait bien sûr le grec qui le lui rendait bien, mais il ne détestait pas pour autant les matières scientifiques.Il s’y défendait bien . Aussi se dépêcha –t-il d’accepter donc de relever le défi .
Et nous voici 25 élèves engagés dans l’aventure d’une nouvelle filière dont personne ne pouvait prévoir la véritable issue car aucun séminaire ne l’avait déjà essayé .
Au lycée , à part des anciens séminaristes, aucun lycéen ne se serait aventuré à associer les Sciences au latin . Les lycéens préféraient plutôt les séries modernes, Maths-langues modernes .
En seconde ce fut toujours le Père Terrible qui enseignait les Sciences Physiques chimie et Mr Roland Marchal, un prof laïc belge fut recruté pour les Maths .
Et nous voilà partis pour deux ans d’études ardues de Maths –Physiques-Chimie qui à toutes trois ont autant de poids que toutes les autres matières réunies
Voyez vous-mêmes :

Latin : Coefficient 4
Français Coefficient 4
Histoire-Géo Coefficient 3
Anglais Coefficient 2
Total Coefficients…………………………………………………13
Maths Coefficient 7
Physique-Chimie Coefficient 6
Total Coefficients 13

On était bien servi !
La première partie du bac en première se passa au Lycée classique de Ouaga ,un certain mois de juin 1961 .
Les résultats furent des plus catastrophiques pour nous :
Sur les 25 que nous étions, une seule personne fut admise définitivement à l’écrit . Il s’agissait de Sanwidi Samuel, le veinard !
Six devaient passer l’oral de rattrapage dans la foulée . Il s’agissait de Médah Gali, Jean Somé , Marius Kinda, Jacques Sanon, Jean- Chrysostome et votre grand-père .

L’Oral fut rude .Grand-père quitta l’oral de physique-chimie, effondré,les larmes aux yeux . Tout était perdu ! Et il ne se fit aucune illusion sur l’issue fatale.
Il regagna Pabré où nous étions logés complètement désespéré!
Mais à la proclamation des résultats, quelle ne fut pas sa joie de s’en être sorti de justesse avec seulement 6 points au-dessus de la moyenne .
Ouf . Il l’avait échappé belle ! Jean Somé, Méda Gali et Jean-Chrysostome furent les trois autres repêchés de ce drôle de bac !
Vous savez ce qui sauva grand –père de la noyade ?
L’histoire –Géo , imaginez-vous !
En effet :
Histoire- Géo :18/20, coéficient 3 : 54/60 .
Maths :10/20 coefficient 7 : 70/140
Latin : 12/20 coeff.4 :48/80 ; Français : 12/20 coef. 4 :48/80 ; et 14/20 en Anglais, Coeff :2 : 28/40 .
:Total : 266/520
Ce n’était peut-être pas le Pérou ! Grand-père n’était pas très fier de ces performances !Mais l’honneur était quand même sauve .
L’essentiel n’était-il pas d’avoir la moyenne générale ?
Grand-père avait fait le minimum syndical comme on dit . bravo malgré tout !
Mais ne vous en faites pas, vous verrez, il se vengera au bac Philo de la plus belle des manières . Juré !
En effet la Philo nous parut plus « cool » après la filière C.
Nous aurions préféré poursuivre nos efforts dans une filière scientifique en terminale (Sciences expérimentales) ; mais la nécessité des études philosophiques au grand Séminaire nous obligea d’emblée à faire la terminale philo.
Au bac philo,grand-père eut la mention AB et fut le deuxième sur le plan national dans la série philo !
Il faut rappeler que la Haute Volta était rattachée à l’Académie de Paris et donc que nous avions au bac les mêmes épreuves que les élèves parisiens !
Grand-père n’était pas peu fier une fois de plus, 8 ans après ses succès cepe et concours d’entrée en sixième !

f.Grand-père,tu ne nous as parlé que très peu des sports que vous faisiez au séminaire ; peux-tu nous en dire davantage ?

-Organisation des activités sportives et récréatives.

Comme tous les jeunes de notre âge, nous avions de multiples activités sportives et récréatives car il fallait ,comme l’a dit le poète romain Juvénal dans les Satires: « mens sana in corpore sano » ie « Un esprit sain dans un corps sain » . Le poète voulait dire que l’homme, s’il est vraiment sage ,ne doit demander que la santé de l’âme avec celle du corps : « orandum est ,ut sit mens sana in corpore sano » : il faut prier afin d’obtenir un esprit sain dans un corps sain »
Pierre Coubertin ne disait-il pas lui aussi : « Mens fervida in corpore lacertoso » ? « Un esprit ardent dans un corps musclé ?
Pour y parvenir , le sport était très développé comme grand-père a eu à vous le dire .
Les professeurs principaux en avaient la charge dans un premier temps.Mais par la suite la responsabilité des activités sportives échut aux « grands » qui faisaient la gymnastique ( le sport) aux plus jeunes et organisaient les rencontres sportives avec l’extérieur .
Mais les activités récréatives, les sorties, les promenades organisées à l’extérieur se faisaient les après-midis des jeudis et des dimanches . Il était possible de sortir à la Guinguette distante de 3-4 kilomètres du séminaire pour se baigner dans les eaux claires du ruiseau qui traversait la forêt galerie pour se jeter dans les eaux rougeâtres du Kou qu’elles éclaircissaient surtout durant la saison sèche .
De même un jeudi par mois,chacune des trois divisions organisait une grande sortie toute la journée. On pique-niquait en préparant nous-mêmes la nourriture , du riz blanc à la sauce au poisson séché ou aux sardines .
Une fois par trimestre était organisée la sortie par classe, chacune accompagnée de son prof principal . C’était la sortie préférée des élèves qui se retrouvaient ainsi seuls avec leur prof principal dans un cadre de détente autre qu’entre le tableau noir et les quatre murs d’une classe .
De même les petites vacances se passaient dans des camps de scout paroissiaux .
On pouvait les jeudis et dimanches après midi aller à la rencontre des paysans pour leur acheter de quoi grignoter : du manioc ,des arachides fraîches, de la patate douce voire du maïs en fonction des saisons .
Une fois ou deux fois par an,on passait la journée à Koumi, à l’occasoin de la prise de soutane des nouveaux grands séminaristes et à la fête de Saint Pierre Claver , le Saint patron du Séminaire .
Nous aimions jouer particulèrement du théâtre et grand-père en a pratiqué de la septième jusqu’en terminale interprétant tour à tour les rôles de femmes tels Eve,Ganbir-maan, puis celui des clercs,etc .
Nous avions épuisé en 8 ans la plupart du répertoire des classiques français notamment les pièces de Molière, de Racine, de Corneille .
Nous avions joué également un peu du Shakespeare et les classiques grecs.
Au village, nous avions créé et interprété des saynettes éducatives pour la population tous les ans à la fête de l’Assomption.
Dans un premier temps, nous étions dirigés par le prof de Lettres, le Père Féder, mais à partir de la seconde, nous étions capables de choisir, interpréter nous-mêmes les grands classiques .
Joseph Mukasa excellait tant dans le jeu , la direction et l’adaptation des pièces .
Nous étions invités plusieurs fois dans l’année à nous produire à Bobo et dans les paroisses . C’est dire si notre théâtre était de qualité .
Toute cette ouverture venait des réformes audacieuses ,ne l’oublions pas , du Père Greenemberger, l’année où il prit les rênes du séminaire .
Mêmes les postulantes et les sœurs étaient autorisées à y assister .
Elles nous applaudissaient à tout rompre tant cela les changeait de sortir un peu de leur couvent .
Les amateurs des activités annexes telles que la musique, les instruments musicaux, le dessin et la peinture, le bricolage, l’athlétisme, la gymnastique, pouvaient s’y adonner aux heures libres .
Jean Dakouo et Joseph Mukasa de notre promo sont devenus d’éminents organistes , Jean Somé,directeur de la chorale du séminaire, compositeur musical , toute chose qu’il pratique toujours au jourd’hui .
Victorien Dakouo excellait comme gymnaste , capable de produire des numéros dignes des meilleurs cirques .
Certains s’essayaient à la poésie comme Noël Paré ; d’autres jouaient au journalistes reporters pour écrire et tenir le petit journal du séminaire destiné surtout aux anciens pour leur relater les évènements les plus importants survenus au séminaire .
En plus nous étions tous formés aux responsabiltés en exerçant à tour de rôle différentes petites fonctions telles que :
– « doyen » de classe chargé de tous les problèmes de la classe (propreté, ramassage des devoirs et rapports entre les profs et la promo,etc.) ;
– « doyen » de division, responsable de la cuisine et des repas ;
•Responsable des activités sportives ;
•Responsable des affaires religieuses( sacristie,messes , chants, cérémonies , et autres) ;
•responsable des travaux manuels ;
•responsable de la tenue des régistres de la météo ;
•responsable du labo de Sciences,etc.
Ces fonctions duraient un trimestre et tous les élèves d’une promotion devaient pouvoir exercer le maximum de responsabilités selon leurs dispositions personnelles .
Nous apprenions également à gérer notre petit budget personnel.
En effet on confiait à chaque élève selon sa division( petits, moyens,grands) une petite pécule d’argent par trimestre pour l’habillement, les fournitures scolaires, les savons et autres soins .
Le Père économe avait ouvert une boutique-magasin tenue à tour de rôle par les élèves sous la responsabilité d’un élève qui en assumait la gestion durant un trimestre ..
L’exercice consistait à faire un budget prévisionnel du trimestre, de le soumettre au prof principal qui le corrigeait et le paraffait , puis le donnait au Père économe. Celui-ci nous remettait de l’argent sous forme de bons de caisse . Nous devions réaliser quotidiennement ce budget en tâchant d’économiser le plus possible .
L’exercice tournait au cauchemar lorsqu’il survenait un imprévu : pertes , déchirures,usures inopinées des tenues, et pourquoi pas vols de ceci ou de cela . Il fallait quand même faire avec le budget alloué. Pas de rallonge .
Bien sûr chacun avait un carnet personnel pour tenir ses comptes au centime près .
Les élèves les plus sérieux s’appliquaient à respecter les consignes de bonne gestion , notaient très consciencieusement et scrupulement chaque fois leurs moindres dépenses . Mais ils étaient vraiment une faible minorité .
La plupart d’entre nous faisaient du remplissage en fin de trimestre en prenant bien soin que les résultats tombent justes . Et pour ne pas se faire accuser de tricherie, on ne dépensait pas tout l’argent alloué pour le trimestre. On en gardait un peu pour bien montrer que l’on avait fait des économies .
C’était le but à court terme de l’exercice .
Mais l’apprentissage de la gestion dans la durée dépassait la capacité et la force de la plupart des élèves. Ils ne s’en sortaient qu’au prix d’une tricherie permanente pour éviter les sanctions du Père économe capable de vous réduire le budget avec l’ accord du Père Supérieur et du prof principal .
Mais nous n’achetions pas nos repas comme à l’université . Il ne s’agissait pas d’attribution de bourse trimestrielle, mais d’un exercice concret de gestion de nos affaires personnelles en vue de nos futures responsabilités d’adultes.
Nous avions , du moins ceux sur lesquels on comptait le plus , un bienfaiteur qui payait nos études . C’est dans ce cadre que grand-père eut dès la troisième en 1959 une bienfaitrice rennoise qu’il garda même au-delà du grand séminaire jusqu’à sa venue en France en 1966 voire au delà .
Grand-père, le sport excepté , avait exercé toutes les responsabilités .
Nous étions jugés et notés à la fois sur la qualité et la capacité de nos prestations à ces fonctions trimestrielles .
C’était très éducatif et grand-père y a pris un véritable plaisir.
Enfin,nous encadrions dès la seconde le scoutisme et le catéchisme dans les paroisses .
Bref , nous n’avions pas le temps de nous vautrer dans la paresse , « L’oisivité, l’inaction ou l’ennui sont mères de tous les vices », ne cessait-on de nous répéter . Tout était parfaitement organisé pour nous occuper du matin jusqu’au soir, jusqu’au sommeil et ceci dès la rentrée en 7eme jusqu’à la terminale 365 jours sur 365 .
Au grand séminaire la même politique d’occupation maximale de l’esprit et du corps reprenait de plus belle .

16.Grand-père, peux-tu maintenant nous parler de ton entrée au grand séminaire ?

Grand-père entre au grand Séminaire de Koumi.

Le grand séminaire est situé à environ 2 kilomètres hors du bourg de Koumi.
Grand –père connaîssait bien comme tout petit séminariste de Nasso le grand séminaire de Koumi avant d’y entrer.
Il y a passé de nombreux séjours de vacances lorsqu’il était encore à Nasso . Il y allait également chaque année pour certaines fêtes .
De plus les petits séminaristes de Nasso adoraient le grand séminaire, véritable jardin d’Eden absolument somptueux et merveilleux où il était possible de se régaler à volonté et à toute époque de délicieux fruits de divers arbres fruitiers , manguiers gréffés, goyaviers, papayers,’agrumes sans oublier un grand verger de papayers au bord du Kou, bref un véritable paradis terrestre .
Des mets copieux et succulents nous étaient toujours servis à chacune de nos visites .Inutile de vous dire que le rêve de tout jeune séminariste d’alors était de rentrer au grand séminaire à Koumi lorsqu’il finirait son petit séminaire.
La cuisine était bonne, les grands séminarstes d’une grande gentillesse envers leurs petits frères de Nasso.
Ils portaient de belles soutanes blanches, bénéficaient de chambres individuelles, chantaient merveilleusement bien, sortaient davantage dans les paroisses . Bref toutes choses qui manquaient un peu au petit séminaire où la vie, pensions –nous alors, était plus rude, moins agréable qu’au grand séminaire .
Aussi dès l’entrée au petit séminaire , nous étions tous tendus vers le grand séminaire . Y entré constituait déjà un objectif en soi .
C’ était la tension de grand-père au cours de ses 8 longues années de purgatoire au petit séminaire .Il nous arrivait de nous surprendre à chantonner gaiement le chant d’espoir de nous voir un jour à Koumi
« Oh ciel , oh ciel , oh ciel . j’irai le voir un jour,etc »
Nous voici maintenant devant tes portes, oh , Jérusalem, « cité céleste, terre de demain ! »

Le grand Séminaire de Koumi fut fondé en 1933 à Pabré mais les grands séminaristes ne le rejoindront effectivement qu’ en 1935.
Pour notre promotion de 1962, le grand rêve devenait enfin réalité en ce mois de septembre 1962 lorsque la voiture venait nous chercher à Bobo pour Koumi situé à quelques 15 bornes de Bobo-Dioulasso sur l’axe bitumé international Bobo-Bamako
On nous attribua à chacun, dès notre arrivée une chambre individuelle .
Au petit séminaire , nous n’avions qu’un dortoir commun sans séparation entre les lits .
Cependant, nous fûmes durant un mois en tenue civile.

Le Premier cycle comprenait deux années d’études de philosophie thomiste
Le deuxième cycle :4 années de théologie et une année de Pastorale dans une paroisse .
Les deux années de philo thomiste, c’est de cela que grand-père peut parler , étaient regroupées alternant les programmes chaque année :
Année :Logique-Psychologie
Deuxième année : Métaphysique –Morale.
Notre promotion commença par la deuxième année.
Comme autre matière nous avions l’histoire de l’Eglise .
Les livres de philo étaient en latin dit « d’Eglise » , ie du latin des plus faciles pour des séminaristes latinistes rompus au latin classique appris au petit séminaire de la septième à la Terminale . Nous étions capables même de répondre oralement aux questions posées par le prof .
Les dissertations de philo étaient rédigées bien sûr en latin .
Grand-père excellait particulièrement dans cette exercice qu’il adorait alors que d’autres condisciples les prenaient en horreur .
Si vous voulez bien, les enfants, décrivons d’abord le grand jour de notre prise de soutaneLe rêve d’enfant enfin réalisé .

Un mois après la rentrée, après une semaine de retraite, vint enfin le jour solennel tant attendu de la prise de soutane .
Grand –père avait tant rêvé déjà tout petit de ce grand jour lorsqu’il voyait l’abbé Mètuolè Dabiré Emmanuel dans sa tenue , ô combien désirée , de soutane blanche immaculée, barrée d’une large ceinture !

L’abbé Mètuolè Dabiré Emmanuel , originaire de Bebra était le premier prêtre Dagara voltaïque ordonné le 29 avril 1944 à Dissin.
Mémé Julia a souvent raconté à grand-père que petit, il jouait à s’habiller en abbé ,à lire le breviaire comme le faisaient les missionnaires venant célébrer les messes à Dayèrè .
Il semble même qu’il confessait ses jeunes sœurs et les petits copains du village ; célébrait baptêmes et messes, prêchait avec beaucoup de verve devant un public souvent imaginaire
Le rêve du petit garçon devenait maintenant réalité . Que de bonheur et d’émotions !
Les petits séminaristes et quelques parents avaient fait , comme de coutume, le déplacement.
En ce mois d’Octobre 1962, nous étions au nombre de 12, oui douze comme les douze apôtres du Seigneur :Il y avait notamment :
Joseph Mukasa Somé, ordonné en 1968..
2.Francis Cissoko, a quitté le Séminaire en cours d’année 1963
3.Théophile Diallo, ordonné en 1968 .
4.Gali Médah,sorti du séminaire en 1962, deux mois après la prise de soutane. Il eut le temps de sauver son année universitaire à Abidjan. .
5.Jean (Enok )Somé,ordonné en 1968
6.Jean (Alphonse) Somé, sorti du séminaire trois ans plus tard en 1965
7.Jean -Martin Sanon, ordonné en 1968 +
8.Jean-Philippe Somda, votre grand-père,sorti du séminaire à la rentrée 1963.
9.Henri Sanon, sorti du séminaire en cours d’année 1963
10.Samuel Sanwidi, sorti du séminaire, 4 ans après,en 1967.
11.François.Dembélé, sorti du séminaire en cours d’année 1963.
12.Marius Kinda, ordonné prêtre en 1968.

De notre promotion de 1954 ( 30 élèves) en 7eme à Nasso , 6 ont pris la soutane :
Joseph Mukasa Somé
Jean Alphonse Somé
Jean Martin Sanou
Jean-Philippe Somda
Henri Sanon
François Dembélé

Sur les 6 seuls deux seront ordonnés prêtres en 1968 :Joseph Mukasa et Jean-Martin qui fit de brillantes études de théologie et d’exégèse pour être nommé prof d’exégèse à Koumi. Il s’échina tant et plus à éplucher les textes les plus ardus de l’Ecriture sainte qu’il finit par en perdre la tête ! Il fut vite retiré de Koumi, puis nommé vicaire à Tounouma où il décéda mystérieusement comme le pape Jean Paul Ier !Paix à son âme !
Il convient toutefois de noter que Roger Dembélé de notre promo avait sauté de classe et nous avait dévancés d’un an .Il avait pris la soutane en 1961 et ordonné en 1967.
Après de brillantes études de philosophie et de théologie, il fut nommé professeur de philosophie thomiste au grand séminaire de Koumi.
Mais l’aventure tourna vite court . Voulant sortir un couple ami en difficulté, il sombra avec la dame , plus maline qui l’entraîna vers le fruit défendu . En effet, la femme de l’ami tomba enceinte de Mr l’abbé qui ,pris de panique, dut s’enfuir de honte avec sa dulcinée au Nigéria . On ignore ce qu’ils sont devenus !
Il apprit à ses dépens que pour sauver l’ami qui se noie, il faut savoir bien nager soi-même et éviter les écueils .
Ces collègues de se lamenter sur lui :
« Pauvre Roger . tu n’avais pas à paniquer . tu sais , tu n’es pas le seul à ce qui ces choses arrivent . ça s’arrange toujours dans la plus grande discrétion »
Ni vu ni su , pas pris !» .ajoute grand –père .
« Et comment vous y prenez-vous,Mr le curé ? »
« Chut . secret d’Eglise . »
Vous pensez que ces choses ne se claironnent pas dans la rue . »
Mais Roger avait préféré être un bon père de famille qu’un mauvais Père abbé .
Les autres condisciples du jour de prise de soutane étaient soit des redoublants ou nous ont rejoints, chemin faisant, à un moment ou à un autre de leur parcours scolaire :
Médah Gali avait sauté de classe comme déjà mentionné
Francis et Théophile sont deux maliens qui ont poursuivi leurs études en France avant de nous rejoindre à Koumi .
Samuel Sanwidi , Marius Kinda et Jean Chr ysostome Kiendrébéogo nous ont rejoints en seconde à Nasso en provenance de Pabré.
Jean Enok a redoublé la 4eme à Nasso .
Jean-Chrysostome a fait la terminale avec nous , mais a poursuivi ses études scientifiques à la Catho de Paris et reviendra prendre la soutane à Koumi une fois ses études profanes terminées , Il sera ordonné prêtre par la suite . enseignera longtemps les matières scientifiques à Pabré avant d’être nommé aumônier national des étudiants, ministère dans lequel il décédera malheureusement quelques annnées plus tard .

Voici maintenant l’instant crucial et solennel tant attendu :

b.La cérémonie de notre prise de soutane

Les douze que nous étions , en procession, rentrent dans l’église par ordre d’âge en commençant par les plus âgés.Grand-père se souvient, il devait être le 10eme, Jean Alphonse Somé et François Dembélé fermant la marche .
Nous défilions d’un pas lent en procession avec nos soutanes dans les bras pour les faire bénir par le Père supérieur ; puis nous regagnions d’un pas vif la sacristie pour vite endosser nos soutanes et regagner d’un pas mesuré , en en procession ,chacun à sa place .
C’était la première étape, modeste,certes ,mais marquante, vers la prêtrise .

Après Vatican II, la prise de soutane se fit non plus au début des 2 années de philo thomiste, mais en début des 5 années des études de théologie,ie de la troisième année de grand séminaire
Aujourd’hui, Koumi abrite les seules études théologiques
Les deux années de Philo se déroulent aujourd’hui au séminaire Saint Pierre et Saint Paul de Kossoghen à Ouagadougou tandis que les 5 années de théologie se passent à Koumi et à Ouaga au grand séminaire Saint Jean Baptiste de Wayalghen.
L’année de Pastorale a lieu dans les paroisses avant le diaconat.
Mais nous, nous n’en étions pas encore à ce stade .
La première année à Koumi fut des plus studieuses.
Grand-père se délectait avec une réelle gourmandise dans la métaphysique d’Aristote et de Saint Thomas d’Aquin . Il avalait gloutonnement chapitre après chapitre les notions de l’être en tant qu’être, l’essence , l’existence,etc, le tout en latin !
Grand-père a toujours excellé en histoire et particulièrement en l‘Histoire de l’Eglise.
Il obtenait les meilleures notes en ces deux matières. C’était un véritable plaisir de suivre ces deux cours .Il ne s’en cachait d’ailleurs pas .Le professeur de Philo le trouvait un peu orgueilleux et hautains envers ses condisciples moins doués .

Ce n’était pas de l’orgueil, mais un véritable amour pour la philosophie thomiste .
Il passa une de ses meilleures années d’études qu’il retrouvera rarement .
Heureuse bénédiction qu’il en fut ainsi . car elles seules arrivaient à égayer , illuminer et remplir ces mornes journées d’une tristesse et d’une longueur monotones : ces lieux et monuments sévères et austères , mornes prisons de moines consentants , enfermés jours et nuits dans ces cloîtres sordides contrairement aux apparences séduisantes et trompeuses qui avaient toujours hanté, nourri et rempli l’imaginaire du petit garçon de Dayèrè, de Béné voire de Dano , mais également de l’adolescent du petit séminariste de Nasso .

Jugez-en vous-mêmes :
Lever : ……………………………….. 4h30 .
Matines , méditations, Messe 5h
Sports 7h
Petit déjeuner 7h30
Etudes 8h
Cours 9h-12h
L’après midi, après une bonne sieste, était ponctuée par les études et les cours jusqu’à 17h .
Venaient ensuite une heure de travail manuel , des études jusque vers les 19h avant le souper.
La soirée se terminait par les Complies .
Le couvre-feu pour les philosophes clôturait une journée bien chargée aux environs de 21h-30-22h après encore quelque temps d’études et de prières .
Théologiens et philosophes n’avaient pas les mêmes horaires.
Les philosophes avaient leur dortoir, leur classe, leurs exercices spirituels , leurs travaux manuels séparément.
Seules les célébrations eucharistiques et autres prières rassemblaient toute cette petite communauté d’une soixantaine de galériens assidus, assignés , échinés à la la prière , aux exercices spirituels et aux études religieuses et théologiques . Vous parlez d’un plaisir !
Dans quelle galère nous sommes-nous engagés ?
On comprend que beaucoup de camarades n’aient pas pu tenir l’année mais aussi que par la suite, on ait cherché à créer
deux séminaires distincts , un pour les théologiens et un autre pour les philosophes dès que les effectifs le permirent .
On comprend également que les philosophes ne s’affublent plus , dès les premiers mois, de ces frocs monastiques heureusement supprimés par Vatican II !

Néanmoins, grâce aux joies intellectuelles que lui procuraient les études philosophiques et historiques , votre grand-père réussit fort heureusement à passer une année merveilleuse à Koumi . Il le reconnaît volontiers en dépit de la description quelque peu calamiteuse qu’il fit d’une Maison somme toute surprenante .
Et cela aurait pu se poursuivre ainsi en dépit de ses quelques déconvenus s’il ne s’était glissé dans la machine, à l’apparence bien huilée pourtant, un petit grain de sable qui l’a enrayée en pleine marche .
C’était trop beau pour être vrai !
Un véritable rêve d’enfant qui se réalisait au-delà de ses espérances . Une route toute droite tracée vers un horizon radieux !
Mais c’était oublier trop vite que le parcours vers un but est toujours semé d’embûches, d’obstacles parfois infranchissbles .
C’est malheureusement ce qui se produisit !
Pour grand-père ce sera ce petit grain de sable ,introduit pernicieusement , dans cette belle machine si bien huilée qui fera dérailler la locomotive
Comment cela s’est-il effectivement passé ?

c.Le rêve brisé . grand-père quitte sa soutane
Nous étions en juillet-août 1963 . L’abbé Anastase et grand-père étaient désignés pour leur stage pastorale à Legmoin .
Il s’agissait d’effectuer chaque année 1,5 mois de l’année pastorale pour gagner une année : soit six ans de grand séminaire au lieu des 7 prévus pour parvenir à l’ordination presbitérale, but de la formation de tout grand séminaire . C’était le premier essai de ce système en cette année conciliaire et nous en étions les premiers cobayes .
La Mission catholique de Legmoin a été créée en pays Dagara en 1942 pour venir en aide aux deux premières , Dissin et Dano(1933).
Legmoin est actuellement un département de la province de Noumbiel .
Il dépendait à l’époque de la subdivision de Batié.
La population se compose notamment de Dagara-Wiilé et Birifor.
A l’époque ,elle était très peu christianisée par rapport aux autres régions du pays Dagara.et l’est certainement encore de nos jours car les Dagara-Wiilé de la région ont été toujours de farouches opposants à la colonisation et à la christianisation du pays Dagara !
La mission était confiée à deux Pères Blancs :
Le Père Rolet ,le Supérieur et le Père Terrien,son vicaire.

On se rappellequ’il fut avec le Père Nadal, le cofondateur de la Mission de Dano et l’avoir déjà rencontré dans ses jardins à Dano .
Eh bien, vous ne me croirez pas si vous le voulez, mais dès son arrivée à Legmoin, il a récidivé en faisant un jardin encore plus grand et plus beau que celui de Dano !
C’était l’unique passion de ce Père breton, paysan dans l’âme, au nom si prédestiné .
Grand-père l’a toujours connu en bottes sauf quand il expédiait sa messe en 15 minutes pour vite les enchausser, enfourcher son vieux « tacot » de vélo et descendre en filant rapidement dans son lieu de prédilection , le jardin-paradis déjà sur terre.
La mission était située comme de coutume sur un plateau rocheux qui surplombait le village de Legmoin de plus de 100 mètres de dénivellation !
Comme les plantes de son jardin,il était muet comme une carpe. ;on ne l’entendait pas beaucoup sinon quelques grognements émis d’une barbe aussi large et aussi épaisse qu celle du cardinal de Lavigerie, le fondateur de la congrégation des Pères Blancs .
Le Père Rolet était l’inverse du Père Terrien .
Grand-père l’avait connu,lui aussi à Dano où il avait été vicaire .
Relégué dans cette mission du bout du monde, il se rongeait les ongles, aigri et grognon contre tout ,certainement quelque peu déprimé de se retrouver relégué dans ce bout du monde .
Mais il avait quand même une certaine idée de lui-même, hautain, sûr de lui dans les discussions et d’un égoïsme exécrable qui jurait avec sa vocation religieuse de don de soi à Dieu et aux autres .
Les autres , il en faisait peu de cas ; il s’en moquait , disons –le dans un langage plus populaire : « Il s’en foutait royalement » ou « il n’en avait rien à cirer . »
C’était lui et personne d’autre ; il ne parlait que de lui et tout devait tourner autour de sa « sainte » personne .
Il était le seul de toute la Mission de Legmoin à posséder une voiture, une 2CV qu’il ne cessait de bichonner avec un véritable amour .
Il n’était pas question que quelqu’un puisse l’emprunter, en tout cas ,pas grand-père ni l’abbé Anastase, ni même le Père Terrien .
Nous étions cependant autorisés à y entrer en prenant bien soin de nous nettoyer très soigneusement nos baskets. Mais interdiction aux paysans , chrétiens fussent-ils .Ils sont tous trop sales et puants . Pas question qu’ils salissent sa voiture .
Pour un « païen » n’en parlons pas . Il est noir(sale) de corps et d’âme .Pas question !

4).L’évènement déclencheur de la rébellion de grand-père contre le père Rolet.

Seul à posséder un véhicule dans ce vaste territoire coupé du reste du monde , il était souvent sollicité lorsqu’il fallait évacuer un malade de toute urgence à l’hôpital de Gaoua, le seul de toute la région .
Systématiquement c’était un « niet » catégorique sans appel et autre forme de procès .
Et c’est ainsi qu’un jour, en notre présence, arriva toute une délégation d’un village éloigné de Legmoin, venue lui demander de l’aide pour évacuer en urgence un parent à l’agonie .
Elle essuya , comme d’habitude, un refus sans appel, accompagné de quelques jurons que grand-père ne peut vous répéter .
Ils arguait :
•que ses parents s’étaient sacrifiés pour lui procurer cette voiture .
•qu’il n’était pas question de l’abîmer rapidement sur ces voies caillouteuses .
•que sa voiture n’était pas une ambulance .et encore lui moins un ambulancier .
Deux jours plus tard, on venait nous annoncer les funérailles du pauvre malade pour lequel la délégation avait sollicité l’aide de la Mission .
Il avait succombé certainement faute d’une intervention urgente.
Grandes furent notre émotion, notre gêne et notre peine à l’annonce de cette nouvelle terrifiante .
De plus toute la mission était informée par la rumeur du refus du Père supérieur, selon ses habitudes, de porter secours à quelqu’un en danger de mort , fut-il un « païen » !
Lui ne semblait pas plus troublé que cela .
Mais constatant néanmons notre désarroi et notre profonde consternation, il lança comme une boutade . « Vous voyez,ils attendent toujours la dernière minute il n’y avait rien à faire, il serait mort de toutes façons . »
Il éprouvait tout de même le besoin de se disculper ; il n’avait donc pas la conscience si tranquille qu’il voulait bien nous le laisser transparaître .
Quant à nous , nous méditions silencieusement, la mort dans l’âme,la parabole du Bon Samaritain de l’évangile de Luc, chapître 10, versets 29 à 37 tout retournés de constater les simulitudes de comportement du prêtre et du lévite de la parabole et celui en chair et en os devant nous .
Le païen qui a succombé était-il son véritable prochain ?
Certainement pas aux yeux du « bon » Père Blanc dont on venait solliciter la charité légendaire de ses confrères , il y a quelques 30 ans à peine à Jirapa .
Aucune conversion n’aurait eu lieu en pays Dagara sans leurs interventions charitables . Eux avaient déclenché tout un mouvement de conversions du pays Dagara : Lui, dans ce trou de Legmoin n’en déclenchera aucune .
Ceux-là qui l’avaient sollicité n’avaient pas encore répondu à l’appel de Jirapa . « Convertissez vous et croyez à la Bonne Nouvelle »
Ils ne peuvent donc pas faire partie de ce petit noyau de fidèles .
Pouvait-on seulement les traiter en prochains selon le commandement de Jésus : « Aime ton prochain comme toi-même» ?
Ceux-là n’étaient pas des « proches » , des chrétiens comme nous .
Et le seraient-ils même que son comportement n’aurait pas varié d’un iota .
Le « Aimez-vous les uns les autres », ie la charité chrétienne était un voeux pieux pour notre bon Père le curé , un commandement jeté aux orties !
Cette histoire bouleversa et troubla profondement grand-père au point de provoquer en lui une colère sourde contre les missionnaires , ces « bons blancs » comme les appellaient les Dagara devant,leurs secours aux malades et aux déshérités .
Tout cela est bien loin pour notre Père curé, , rangé au grenier des oubliettes !.
Grand-père et l’abbé Anastase en discutaient avec passion en l’absence des Pères ,cela va sans dire.
Celui-ci essayait vainement de calmer les ardeurs guerrières et les vifs propos de votre grand-père lorsque survint ce que personne ne pouvait encore imaginer, l’évènement qui bascula grand-père dans la révolte, dans la rebellion, réveillant en lui à nouveau le rebelle, le révolté, le da-gaara qui sommeillait en lui, toujours prêt à se reveiller en sursaut et à saisir arc et carquois et à prendre vite le maquis, la brousse !.

5).Le scandale de trop!

Le scandale est inévitable , mais « malheur à l’homme par qui le scandale arrive.»Mt16,7
A bon entendeur, salut !
Jugez-en vous-mêmes :
C’était la veille de la 15 Août, fête de l’Assomption . Le Père Rolet désigna grand-père pour l’accompagner célébrer un mariage le 14 août et la grand’Messe le lendemain à Batié relié encore à l’époque à la Mission catholique de Legmoin. Aujourd’hui , la ville est érigée en paroisse autonome
Quoique non enthousiasmé de devoir partager sa compagnie, grand-père ne pouvait toutefois décliner l’offre sans devoir s’en expliquer, plus tard devant le supérieur du Séminaire sinon devant l’évêque lui-même et pouvait écoper un avertissement ou un blâme pour désobéissance et mauvais esprit .
Il s’y fit à l’idée de l’accompagner en cette saison de fortes pluies .
D’ailleurs il plut toute la matinée de ce 14 août tant et si bien que la rivière qui séparait Batié de Legmoin monta en crue et l’eau submergea la chaussée empêchant tout véhicule même les deux roues de traverser le pont submersible.
Notre brave curé , partagé entre le retour à la paroisse et la poursuite de son voyage missionnaire en moto, garée de l’autre côté de la rive, finit par se décider à rejoinrdre les bords de l’autre rive à pieds, guidé par un passeur expérimenté. Mais auparavant il confia la garde de sa voiture à grand-père en attendant qu’on revienne le chercher un peu plus tard.

Toute la nuit, personne ne vint .Toute la matinée du 15 août, personne .
Vers midi, toujours peronne . Il n’y tint plus . Tiraillé par la faim et la soif , grand-père se décida à rentrer à Legmoin.
Il y avait là, une motocyclette qu’un étudiant avait laissé également à ses bons soins en lui confiant les clés comme le curé l’avait d’ailleurs fait pour sa 2CV .
Il aura d’ailleurs l’occasion de faire sa connaissance 4 ans plus tard à Toulouse : C’était notre Sib Sié Faustin .
Grand-père emprunta donc la mobylette et retourna à la Mission . Vers les 14 heures il rejoignit Legmoin à la grande stupeur de l’abbé Anastase et du Père Terrien .Ils n’en croyaient pas leurs oreilles lorsque grand –père leur raconta sa drôle de mésaventure .
L’abbé Anastase dut ramener à la rivière la motocyclette de Sib Sié et la clé de la voiture de notre brave curé .
Sib Sié ne dut s’apercevoir de rien puisque ce fut grand-père qui lui rappela les circonstances où il l’avait rencontré en août 1963

Quelle fut, pensez-vous, l’attitude du Père Rolet? Croyez-vous qu’il s’excusa ?
Nenni. Rien de tout cela .
Il osa, sans rougir, dire que , très pris par les confessions, les célébrations ,il avait tout simplement oublié grand-père .
Bref, apparemment il n’avait montré aucune compassion dans cette mésaventure qu’il avait consciemment organisée pour faire garder sa voiture à laquelle:il y tenait comme la prunelle de ses yeux.
Grand-père le soupçonne d’avoir sciemment organisé l’imposture dès que l’occasion s’était présentée en ce 14-15 août 1963 . Il tenait davantage à sa voiture qu’au sort d’un jeune séminariste corvéable à merci .
Simple, non ?
Une sourde révolte grondait en grand-père « sorti hors de ses gonds. »,puis ce fut ensuite une colère froide pour ne pas parler d’un sentiment de haine qui l’envahissait contre ce pauvre homme qui passait tout son temps à ne regarder que son nombril, incapable de comprendre la peine , le désarroi des autres .
Après ces deux évènements : le non secours à un malade à l’article de la mort et sa propre mésaventure, grand-père fut profondément bousculé dans ses certitudes et illusions sur ces hommes de Dieu . Le choc se fit d’autant plus violent qu’il ne l’avait vu venir .
Le constat était des plus amers. De vrais hommes de Dieu ou des hommes ordinaires comme tout un quidam avec leurs qualités et leurs défauts ?
Eh oui, grand –père revient de très loin !’Il s’était bâti, tout enfant, tout un monde merveilleux autour d’eux .monde irréel qui s’éffondre comme un château de cartes sous des réalités d’une cruauté insoutenable :
Grand-père s’était laissé aveugler par ces visions infantines .Il était temps que les écailles infantiles tombent et qu’il recouvre une vue d’adulte :Ce ne sont que des hommes ,parfois de pauvres hommes sans envergure, sépulcres blanchis sous leurs frocs blancs immaculés .
Certains prêtres en viennent même à perdre leur bel idéal de jeunesse pleine de générosité et de don de soi .
Avec le temps, la nature humaine revient au grand galop et reprend tous ses droits . Les illusions perdues, ils redeviennent malheureusement des hommes comment nous tous .
Une fois les yeux ouverts, les illusions perdues,les rêves d’enfants envolés,que reste-t-il du bel idéal sacerdotal ?
A 21 ans,confronté à une réalité aussi crue que subite, que pouvait-il faire ? que devait-il faire ? se demandait-il
Pardonner, oublier, s’armer de courage en chassant les doutes qui s’étaient installés en lui pour aller toujours de l’avant en se convaincant que jamais cela ne lui arriverait ?
Grand-père fut lucide ,adoptant une attitude plus humble pour se dire qu’il pourrait devenir plus tard ce pauvre curé qu’il condamne avec tant de sévérité aujourd’hui .
Cela , il se le refusa . « Mon Dieu tout sauf ça ! »
Il préféra renoncer à poursuivre ses études dans la même direction pour en arriver à ce constat cinglant ? Cela jamais se dit grand-père.
Le stage terminé , il se donna encore quelque temps de réflexion .
Et à la mi-septembre il prit la décision de remettre en cause son engagement antérieur et de poursuivre une autre voie sous d’autres cieux .
Les autres séminaristes avait déjà regagné le bercail lorsque grand-père, en mouton noir ,partit récupérer en toute discrétion ses affaires personnelles et dire au revoir à ses anciens condisciples et remettre à qui de droit ses frocs devenus désormais quelque peu encombrants.
Beaucoup de surprise et d’émoi au grand séminaire : Un grand philosophe et un grand théologien s’en étaient allés sur la pointe des pieds ! Quel dommage !
Et lorsque la nouvelle parvint au village ce fut le grand émoi dans toutes les chaumières .Une immense déception et beaucoup de tristesse s’étaient emparées de tout le village tant l’espoir en grand-père fut immense et confiant . On avait déjà vu en lui le premier prêtre de Béné .
On avait espéré qu’il remplacerait son père , catéchiste,mort trop tôt au champ de bataille de la conversion des âmes .
Et non ! grand-père ne sera pas le premier prêtre de Béné et ne remplacera pas dans la vigne du Seigneur son père défunt !.
il sera le premier agronome , le premier scientifique , le premier docteur d’Etat, le premier professeur d’université de Béné !.
Et c’est bien mieux ainsi . Il n’aura pas à trahir son idéal, sa vocation !

17.Grand-père quitte la soutane et prend le chemin de l’université.
Grand-père se retrouva à Bobo-Dioulasso en cette fin du mois de septembre 1963 ,débarrassé de ses oripeaux de soutane prise un an plus tôt et avec elle ses rêves d’enfant, envolés, perdus à jamais .
Le voilà maintenant, arpentant les rues de Bobo-Dioulasso, réfléchissant sans cesse à son futur destin .
Que pouvait-il bien faire en cette fin du mois de septembre 1963 ?
Se trouver un travail ?
Il n’en était pas question . Quoi faire alors ?
C’est là qu’il se rappela de certains atouts qu’il avait en poche : le bac avec mention .
Il se décida alors à jouer serré, à demander une bourse d’études quoiqu’il fut déjà un peu tard .Mais il était résolu à tenter toutes ses chances .
En effet il avait appris du père Gaillard, inspecteur de l’enseignement catholique du diocèse qu’une dernière session de bourses se tenait en octobre pour les retardataires .
Il se dépêcha alors sans plus tarder de monter à Ouaga et y déposa un dossier vite confectionné de demande de bourses .
Pour le choix de la discipline , grand-père balaya d’un revers de main toutes les matières littéraires où il excellait pourtant !
Au sortir du séminaire, à bas la philo !,à bas l’histoire ! , à bas la sociologie ! à bas l’ethnologie !, matières privilégiées vers lesquelles s’orientent volontiers plus de 90% des anciens grands séminaristes voire même les prêtres envoyés par leurs évêques faire des études supérieures !
Quoi , alors ?
Il pensa dans un premier tempsà la médecine .
Mais il se rappela l’échec cuisant de Christophe Somé .
N’empêche que d’autres avaient réussi après avoir fait philo : Paul-André Kambiré, Jean-Claude Somé, etc….
L’évocation de tous ces noms l’amena à celui de Jean–Chrysostome Tiendréogo. Il avait choisi une année plus tôt des études de Sciences Naturelles à la Catho de Paris . Il n’avait pas semblé trop « largué » .
Alors grand-père pensait en lui-même : « Si lui , il y arrive, pourquoi pas moi qui étais plus fort que lui dans les matières scientifiques ? »
Il cherchait une nouveauté sans trop de risque .
Les Sciences Naturelles semblaient à sa portée .
Aucun Dagara ne s’était encore aventuré dans ce domaine . Le défi valait la peine d’être relevé .
Grand-père demanda donc à faire SPCN( Sciences Physique, chimie, Naturelles) en France ou à,Dakar sans même se demander à quoi elles pourront bien le conduire .
Il obtint assez rapidement la bourse .
Mais la mise en route fut plus laborieuse.
La bourse ,d’abord accordée pour la France, se mua en une bourse pour Dakar, pour devenir en dernier ressort pour la jeune université d’ Abidjan qui avait ouvert ses portes une année plus tôt.Elle avait besoin d’étudiants étrangers pour s’étoffer et se faire rapidement une réputation et une internationalisation comme sa grande soeur concurrente de Dakar .
C’est donc ainsi que grand-père se retrouva prendre l’avion pour la première fois à l’aéroport de Ouaga en cette fin Novembre pour débarquer une heure plus tard à l’aéroport Port Bouet d’Abidjan , traverser toute la ville du Sud au Nord et se retrouver en plein quartier Cocody puis logé dans un studio tout neuf !
Beaucoup de jeunes étudiants voltaîques fraîchement émoulus du premier grade universitaire avec leur bac semblaient un peu perdus et intimidés dans ses beaux immeubles d’un des plus beaux quartiers de la capitale ivoirienne .
Chacun d’entre nous avait son propre studio avec salle d’eau et toilettes mais des cuisines communes se situant à chaque palier .
Grand-père, sorti du grand séminaire ,avait déjà connu le régime de studio personnel . Rien donc de nouveau en la matière !

a.Grand-père, parle-nous de cette première rentrée à l’université d’Abidjan.
Grand-père à l’université d’Abidjan ( 1963-1966)
Grand–père avait déjà soufflé ses 21 bougies lorsqu’il franchit pour la première fois les portes de l’université pour se retrouver dans un amphithéâtre en tant qu’étudiant .
En fait d’université, elle n’était que virtuelle . Elle n’avait pas encore ni murs ni bibliothèque, ni restau U, rien de tout cela en propre !
Comme université, nous étions en fait parqués au Lycée classique de Cocody où, avaient été prêtés, à titre provisoire,quelques bâtiments rapidement aménagés et sobrement équipés pour les besoins de la cause.
Le futur campus universitaire sortait déjà de terre là-bas, loin, dans la forêt sur la route de Bingerville , de l’autre côté du ravin séparant Cocody de ce qui sera queques années plus tard ,le nouveau quartier de la Rivièra.
Nous étions déjà au mois de Novembre 1963 et les cours avaient déjà démarré sans nous attendre .
Nous les prîmes donc en marche . Nous n’eûmes donc pas le temps de répérer les différents quartiers de la ville , Adjamey, Le Plateau, Treicheville, Marcori, Kumasi, Vridi, Yopougon, Port-Bouet ,etc
Le temps n’était pas aux flâneries .
Les cours d’SPCN allaient, à notre sens, à une vitesse folle . Nous courions affolés d’un cours à l’autre dans la peur d’être déjà largués dès les premiers jours. Nous nous accrochions à la barre comme nous pouvions en attendant une escale pour souffler . Elle vint sans tarder avec les vacances de Noêl . Ouf !
Nous pûmes mettre alors le nez dehors pour visiter enfin la ville .
Nous eûmes le temps d’admirer quelques grattes-ciels du Plateau, comtempler de loin l’immense Palais présidentiel où résidait Mr le président Félix Houphouet Boigny , traverser le pont menant à Treichville le quartier populaire ; humer les odeurs d’attièkè au poisson grillé et goûter les saveurs de l’aloko au coin d’un petit restaurent sympathique sur la Rue 12 .
Grand-père eut à peine le temps de rendre visite à quelques parents descendus sur la Côte :la cousine Elisabeth,sœur de Raphaël et son mari Jean Cla ude. Institutrice, elle enseignait à Saint Michel d’Adjamey, une école privée catholique. Jean-Claude,lui, travaillait à la RAN (Régie des Chemins de fer Abidjan-Niger) .
Maurice, un cousin d’enfance descendu très jeune en Basse-Côte pour fuir le travail des champs avait fini, grâce aux cours du soir,par acquérir un bagage intellectuel suffisant pour occuper un poste de magasinier au Port .
Abidjan regorgeait également d’anciens camarades de classe attirés autant par le goût de l’aventure que le désir d’y faire fortune .
Grand-père les retrouva tous , plus ou moins bien placés qui, à la brasserie d’Abidjan (Bracodi), qui « boy-cuisinier chez un « blanc », ou garçon dans un restaurant.
Aucun n’était étonné de voir grand-père à l’université : il travaillait déjà bien à l’école .
Malheureusement l’université n’est pas l’école primaire et ici grand-père tirait sérieusement la langue, ramait, soufflait tant et plus qu’en juin il décrocha une matière sur six, la Géologie . et valida en octobre la Biologie animale .
Il devait reprendre la Biologie végétale où Mr Adjanohoun avait été un peu vacheà son égard. Il avait sacrifié toutes ses grandes vacances et avait « potassé» particulièrement la biologie Végétale.Il fallait bien faire honneur à la matière du seul africain qui donnait des cours magistraux en SPCN !
Il ne fallait surtout pas lui faire honte !
Mais lui, ne le prenait pas ainsi !
Restaient également à valider Maths, physique-chimie , matières les plus difficiles pour quelqu’un qui était sorti de philo !Qu’à cela ne tienne !
L’année 1964-1965 s’avéra encore des plus studieuses car il s’agissait pour grand-père de décrocher le fameux sésame de propédeutique qui lui ouvrait la porte des études biologiques.Sinon,adieux,veaux,vaches, cochons et cacahuètes des rêves que grand-père avait déjà bâties sur sa future carrière .
Il s’orienterait, non vers l’enseignement secondaire, mais bifurquerait soit vers la Médecine humaine soit vers Véto, voire l’Agro, pourquoi pas ?
Cette nouvelle idée lui donna des ailes .et il bossa, « bossa comme un dingue » tant et plus qu’à la fin de l’année il avait validé les 4 matières restantes .Il venait donc d’arracher le fameux sésame tant convoité .
Grand-père pouvait être fier de lui et savourer sans retenue un succès bien mérité , juste retour de ses efforts récompensés .
.Il le tenait et fermement ce fameux diplôme là où des coIlègues ayant pourtant suivi maths-élem ou Sciences-ex avaient été lamentablement éliminés .
Ce fut le cas de certains condiciples qui durent se réorienter, qui, en médecine ( Pascal Bonkougou), qui en droit (Frédéric Pacéré) .
Ils feront d’ailleurs tous de très bonnes études et de brillantes carrières de prof à la Faculté de médecine de Ouaga et d’avocat célèbre au bareau de Ouaga .
Mais à part ces exceptions, que d’échecs cuisants !,que de déchets ,que de gâchis notamment dans les matières scientifiques et la Médecine !
Les admissions se comptaient sur les 5 doigts de la main .
Mauvaises orientations , faiblesse de niveau des étudiants ou très grande sévérité des profs ? C’était certainement tout cela à la fois sans compter qu’il fallait un certain acharnement au travail et un moral d’acier et surtout y croire obstinément .
Ce sont ces qualités qui ont sauvé votre grand-père . Il pouvait pousser un ouf de soulagement !
Ouf, plus rien, pensait-il ,ne pouvait désormais l’arrêter dans ses ambitions pour s’orienter vers la carrière de son choix
Il demanda donc dans la foulée à rentrer à l’Ecole Vétérinaire Maison- Alfort . Rien que ça !
Puis il partit goûter trois mois de vacances bien méritées au village avant de monter à Ouaga s’enquérir des nouvelles de son dossier .
Mais,celui-ci fut repoussé avec la mention « destiné à l’enseignement des Siences Naturelles au Second dégré .» .
Grand-père, profondément dépité,dû se résourdre à retourner, la queue basse pour une troisième année à l’université d’Abidjan où l’on avait rejoint ,l’année d’avant, le campus universitaire flambant neuf :grands amphithéâtres, immense bibliothèque, restau U avec un jeune chef cuisinier blanc, cuisine exquise et peu chère ( 25frs CFA) ;une cité moderne avec chambres dotées de salle de bain-douche-toilette et d’une kitchenette ( cuisinette) ,des salles de jeux, de spectacles, de cinéma, etc .
L’inauguration de la nouvelle université fut faite par le président Houphouet Boigny en personne .Il visita les amphis, la Bibliothèque, les bureaux et labos des profs , les installations sportives sans oublier bien sûr le Rectorat où se déroulèrent en grandes pompes les cérémonies officielles .
Grand-père faisait partie de la délégation voltaïque invitée pour les festivitées au Palais présidentiel. Il eut l’insigne honneur de serrer la main du Président ,celle de Mme la présidente , du chef de protocole et aussi de nombreux ministres.
L’année universitaire 1965-1966 se passa sans incident notable :Grand-père s’était inscrit avec beaucoup de témérité à trois certifs sur les six de la licence de Sciences Nat : Botanique, géologie générale et BMPV (Biochie- Microbiologie-Physiologie Végétale) .
Cependant il travailla un peu moins BMPV se contentant de suivre régulièrement les cours et les Travaux pratiques .
Mais il ne renonça pas à ses ambitions de mener une autre carrière que celle de simple prof de Lycée .
Entêté , il sollicita de nouveau une bourse, mais cette fois pour l’Agro de Toulouse. Il eut plus de chance que l’année antérieure grâce à Charles Nahon Somé, un haut fonctionnaire Dagara,alors directeur de Cabinet du ministre de l’Education Nationale.Lui, au moins,donna le « coup de pousse » nécessaire pour que le dossier de votre grand-père soit accepté . Merci, Charles !
Ce fut un second ouf de soulagement avant de réussir à deux des trois certificats préparés : Botanique et Géologie générale .
Cependant il ne renonça pas à passer le troisième certif en octobre. Il ne put l’avoir, faute de travail suffisant car les vacances avaient été surtout consacrées à l’animation des activités culturelles avec l’Union des Scolaires de Dano ( L’USD) qu’avaient créée Médah Gali et votre grand-père avec d’autres lycéens de l’époque notamment Jacques Somda, l’actuel Maire de Kogper .
Nous emboîtions en cela les pas de nos illustres devanciers, le Dr Jean –Claude Somé , Christophe Somé, Dah Sansan et bien d’autres qui, les premiers, avaient créé en 1959 ,six ans auparavant , l’ASD ( Association des Scolaires de Diébougou) .

En tant que premiers étudiants du campus universitaire, nous fûmes gâtés, chouchoutés, dorlottés : Jugez-en ,vous-mêmes :
•Bus universitaires gratuits circulant à heures régulières de 7 heures du matin à minuit pour les étudiants des autres cités universitaires de la ville( 220 Logements, Cocody, etc), mais aussi pour faire des amplettes en ville,aller au cinéma ou même à la plage de Vridi , de l’autre côté du pont .
•Les étudiants voltaïques percevaient chacun une coquette bourse à l’époque de 22500frs CFA, 450FF de l’époque soit de l’ordre 70 euros par mois ! Mais c’était largement suffisant pour couvrir les besoins d’un étudiant de l’époque :Les repas coûtaient 25Frs de l’époque soit o,o36 euro ie 3,6 centimes d’euro . Les chambres en cité étaient gratuites pour nous, payées directement par l’ambassade de la Haute Volta en Côte d’Ivoire qui nous versait mensuellement nos bourses de façon régulière .
Nous avions relativement beaucoup d’argent car en plus des 22500frs mensuels , nous bénéficions d’une dizaine d’indemnités annuelles : Indemnités de rentrée, indemnités d’expatriation, indemnités de santé, indemnités de Vacances, indemnités de ceci , indemnités de cela tant et si bien qu’au bout de l’an nous finissions par doubler le montant de la bourse.
Pour certains étudiants c’était la bringue sans fin ! Ils passaient en effet le plus clair de leur temps à la« sape » et à la« noce » en ville plutôt que de penser à leurs études .
Tout Abidjan reconnaissait facilement un étudiant à sa « sape » et à son comportement très spécial tel que laisser le taximètre tourner lorsqu’il s’arrêtait quelque part pour bien souligner sa différence de classe avec les autres jeunes de la ville .
Ce n’était pas comme aujourd’hui où les étudiants pour se distinguer et se faire remarquer portent des vêtements négligés en Jeans délavés et lacérés au couteau ou vieillis par des produits chimiques spéciaux !
Nous c’était la classe !
L’étudiant de l’époque se projetait déjà dans les hautes sphères sociales , considérant tantôt avec condescence ou tantôt,au contraire avec une certaine hauteur et arrogance toutes les autres catégories sociales à l’exception de ses profs et de ses devanciers .
Il s’agissait pour cela d’observer le comportement des syndicats estudiantins s’en prendre avec beaucoup d’arrogance et de hauteur aux dirigeants politiques d’alors .
Ils considéraient la plupart des fonctionnaires comme des ignards patentés et des incompétents notoires . C’était tout juste s’ils ne les traitaient pas d’analphabètes .
Telle était l’élite estudiantine des années 60, années des indépendances africaines .
Nous fustigions l’impérialisme français et ses valets locaux qu’étaient nos dirigeants politiques d’alors, persuadés que nous ferions mieux qu’eux plus tard lorsque nous serons aux « Affaires » .
Nous oublions que, nous aussi comme nos devanciers, étions de vrais produits de la colonisation française, encore sous le joug presqu’ unique de profs français .
Constatez-le vous-mêmes à la fac des Sciences :
Seul un africain était de rang magistral parmi nos profs. Il s’agissait du professeur Gabriel Johnson un de ces « nègres blancs » « plus blanc que les blancs eux-mêmes »
Français–togolais, il occupait la chaire de zoologie en tant que Maître de conférences .
Venait aussi d’être nouvellemnt promu au grade de Maître–assistant, Mr Edouard Adjanahoun dont nous avions déjà parlé .
Tous les autres africains étaient des assistants pour la plupart ivoiriens, anciens profs de Lycée que l’on venait de recruter à la va vite pour tenir les TP( travaux pratiques) et les TD( travaux dirigés) , ie la basse besogne dont aucun blanc ne viendrait de France occuper. Les assistants de France lorsqu’ils acceptaient de venir dans des universités africaines, étaient promus d’office Maître- assistants ; les maîtres assistants, maîtres de conférences et les maîtres de conférences professeurs .
Les professeurs titulaires de leur chaire en France préfèraient venir enseigner en mission au plus 15 jours .Ils n’avaient aucun intérêt à rester plus longtemps en Afrique !
Donc les professeurs , les Maîtres de confs et Maîtres- Assistants de la fac des sciences étaient à deux exceptions près tous français bon teint .
Cependant grand-père n’a pas à se plaindre de ses conditions d’études ni des cours qui démeuraient de très bon niveau . En plus,des profs de rénommée intrnationale venaient en mission nous livrer la primeur de leurs recherches .
Botanique où nous avions été gratifiés des cours de Mr le professeur Georges Mangenot, emminent professeur à la faculté d’Orsay qui a formé la plupart des futurs profs de Botanique de l’Afrique de l’Ouest francophone .
Grand-père le retrouvera trois ans plus tard à Orsay , mais à la retraite, remplacé par le professeur René Nozeran dont nous aurons à reparler plus tard.

b.Grand-père s’initie au syndicalisme estudiantin

A l’université d’Abidjan, grand-père s’initia comme beaucoup d’étudiants de l’époque au syndicalisme estudiantin .
Venus suffisamment nombreux pour former un syndicat, une des premières tâches que nous nous donnâmes fut la mise sur pied d’un syndicat des étudiants voltaïques en Côte d’Ivoire (S.E.V.C.I )
Le mouvement se donna pour principale mission :
La défense des intérêts de ses membres auprès des administrations ivoiriennes et voltaïques ,
L’entretien de relations intersyndicales avec les autres syndicats étudiants ,
La défense des conditions de vie des compatriotes en Côte d’Ivoire .
C’est ainsi qu’il démêla des problèmes parfois inextricables de certains travailleurs voltaïques en Côte d’Ivoire. La plupart étaient des jeunes descendus en Côte d’Ivoire courir l’aventure et chercher un petit pécule avant de regagner leur village . Ils étaient le plus souvent employés dans les champs de cacaoyers ou de caféiers à l’intérieur du pays .
Leur problème principal résidait beaucoup dans les relations conflictuelles qu’ils entretenaient avec leurs patrons . Nous servions alors de médiateurs .
Ceux qui travaillaient à Abidjan même étaient souvent des employés de maison : cuisiniers ou boys , garçons de café ou de restaurants voire des agents ou dockers du port d’Abidjan .
Les plus chanceux trouvaient des emplois dans des entreprises : Bracodi, Ran, l’Enseignement privé .
Grand –père avec d’autres étudiants s’occupaient de régulariser leur situation administrative à l’ambassade de Haute Volta en Côte d’Ivoire.
Nous rendions des visites également aux compatriotes emprisonnés pour leur redonner ne serait-ce qu’un peu de moral lorsque nous ne pouvions pas faire mieux !
Nous avions monté un bureau où votre grand–père faisait fonction de sécrétaire général.
En cette première année de vie estudiantine,vue l’inexpérience syndicale de la plupart d’entre nous, le syndicat fonctionnait plutôt comme une amicale qu’un véritable syndicat de luttes sociales .
Nous n’avions d’ailleurs pas rencontré , cette année -là , un problème qui mérita une mobilisation syndicale.
Au contraire l’administration universitaire et l’ambassade nous gâtaient en cette première année de transition entre le site provisoire de l’Université au Lycée classique de Cocody et le campus universitaire dont les murs montaient à toute vitesse .
Mais la seconde année, nous eûmes des renforts d’étudiants venus de France, rompus aux arcanes de l’action syndicale .Il se constitua alors une véritable équipe syndicale avec ses révendications tant au niveau de l’organisation des études qu’avec l’ambassade de Haute Volta en Côte d’Ivoire confrontée à gérer un nombre de plus en plus important de dossiers d’étudiants .
En effet la Haute Volta avait opté politiquement d’envoyer la plupart de ses étudiants en côte d’Ivoire . Elle rapatria ainsi les étudiants de France redoublants vers l’Université d’Abidjan .
Il y eut alors quelques frottements avec l’administration universiraire pour des problèmes de logements insuffisants ou trop éloignés du campus universitaire .
Le syndicat des étudiants voltaïque attaqua l’ambassade pour quelques retards dans le paiement des bourses et surtout contre les suppressions des bourses aux étudiants redoublant deux fois de suite dans la même filière..
La bonne amicale de la première année s’était muée en un syndicat respectable, plus révendicatif, n’hésitant pas à occuper l’ambassade de Haute Volta pour obtenir des réponses satisfaisantes à ses différentes révendications légitimes.
Parfois c’était le rectorat qui était visé avec des actions de l’intersyndicale des syndicats des étudiants ivoiriens,guinéens, dahoméens, maliens, togolais, nigériens, voltaïques.
Il en fut ainsi lorsque grand-père eut des mots à l’encontre d’un serveur du restau U qui lui avait mis un petit morceau de viande . Il réclama un plus gros . Le chef passant par hasard en ce moment là prit cause pour son employé, ce qui déclencha aussitôt l’ire de grand-père qui lui balança le plateau à la figure .
Le chef porta plainte auprès du prof responsable des œuvres universitaires . C’était le professeur Johnson Gabriel, ce « Nègre banc » comme nous le surommions alors .
Il voulut frapper fort pour l’exemple et exclut grand-père alors du restau-U pour le reste de l’année en cours .
L’intersyndicale saisit l’occasion et mobilisa pour la première fois une masse importante d’étudiants qui occupa le bureau de « Nègre blanc ». Bien sûr celui-ci ne manqua pas d’appeler le rectorat au secours et obtint un contingent de police pour venir nous y déloger . Il s’en suivit de durs affrontements avec les forces de l’ordre qui ne purent venir à bout des manifestants . Il fallut l’intervention de la gendarmerie pour nous dégager . Mais le lendemain, nous déclenchâmes une grève générale illimitée et ce d’autant plus que certains de nos camarades syndicalistes avait été arrêtés .
Mais cette fois–là, nous avions constitué des équipes mobiles pour harceler les forces de l’ordre . Au bout du troisième jour, la grève prit un tour politique avec l’arrestation du président de l’intersyndicale, un ivoirien .
La mobilisation se fit encore plus importante .
On avait appelé à la recousse le syndicat des élèves de Côte d’Ivoire .
Du campus, les manifestations se déplacèrent alors en ville au Plateau où se trouvait le Ministère de l’Education Nationale .
On appela également à se joindre à nous le mouvement des syndicats ouvriers notamment ceux de l’éducation nationale ,de la fonction Publique et du Port d’Abidjan .
Lorsque le pouvoir vit l’importance de la mobilisation, il fit marche arrière et le ministère de l’éducation nationale nous invita à le rencontrer et les camarades arrêtés furent tous libérés ,la sanction de grand-père levée . Nous avions gagné ! Les cours pouvaient reprendre .
« Nègre-blanc », humilié, dépité se renseigna sur grand-père et sut qu’il faisait une licence de Sciences Nat et lâcha cette phrase : « Je l’aurai,c’est sûr, je l’aurai celui-là .». Il était responsable du certif de Zoologie ! Et grand-père devait passer par ses « fourches caudines » s’il voulait obtenir sa licence de Sciences Nat.
Il évita soigneusement ce certif jusqu’à quitter Abidjan .
« Nègre-Blanc » l’attend certainement encore ;mais grand-père court toujours !
Depuis lors,il a toujours évité de s’inscrire au certif de zoologie même dans d’autres universités ! On ne sait jamais ! Peut –être que l’esprit vengeur du Mr le professeur Johnson suivait toujours ses traces!
Pour la petite histoire , le serveur du restau ,à l’origine de notre première grève , mourut quelques joursplus tard, avant même,la fin de la grève,à la suite d’une courte maladie .
Certains de ses camarades, serveurs et cuisiniers virent là le signe d’une sanction mystique de ses ancêtres ou de ceux de grand-père et crurent alors en sa puissance mystique , lui qui déjà, par la grande grève avait triomphé de l’administration ivoirienne ! .Et toute la gent estudiantine de se réjouir de l’issue fatale du pauvre homme bien sanctioné par les puissances de l’au-delà.
Tout ce gâchis pour un petit morceau de viande ! ça n’en valait pas bien la peine !
Le reste de l’année se passa sans encombre pour grand–père grâce à l’intersyndicale de la Fédération générale des étudiants de Côte d’Ivoire qui regroupait tous les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest à l’exception du Sénégal et de la Mauritanie qui n’avaient pas envoyé d’étudiants à l’Université d’Abidjan.
Et pour cause ? Le Sénégal abritait depuis longtemps l’unique université de Dakar-Fann pour toute l’AOF( Afrique Occidentale Française) .
A l’indépendance du Sénégal, l’université de Dakar qui était une université en fait fédérale, devint de plus en plus nationale, négligeant les problèmes des autres pays et surtout interdisant aux étudiants toutes manifestations sur le territoire sénégalais , expulsant les étudiants étrangers arrêtés en cours de manifestations !
C’était violer le caractère fédéral de cette université . Inaceptable pour les étudiants même sénégalais .Les manifestations se succédèrent ; les répressions policières également .
L’Université d’Abidjan se créa fut créée par autorités ivoiriennes opposées à cette politique nationaliste et répressive de l’état sénégalais ; mais aussi pour concurrencer l’ancienne université fédérale. Les autres pays soutinrent la Côte d’Ivoire en envoyant massivement leurs étudiants à Abidjan !
Mais à la longue , les autorités ivoiriennes ,elles aussi, devant les manifestations estudiantines, reproduisirent la même politique repressive du Sénégal , expulsant les étudiants étrangers pour la moindre grève, agaçant les autres pays qui se résolurent à créér eux aussi des embryons universitaires.
Mais au départ,une intersyndicale fut donc vite constituée et pour la moindre contrariété mobilisait ses troupes et marchait contre le rectorat si ce n’est contre le Ministère de l’Education Nationale.
La solidarité estudiantine fonctionnait parfaitement
Les mobilisations draînaient une foule importante d’étudiants et de badeaux voire aussi d’activistes de la société civile comme nous l’avons déjà montré .
La confédération des étudiants de l’université de Côte d’Ivoire prit rapidement de l’importance, devint forte,crainte et respectée des autorités universitaires, de l’administration rectorale et des autorités administratives de Côte d’Ivoire .
A l’époque, un étudiant uniquement préoccupé de ses études et se désintéressant complètement du syndicalisme, se faisait vite répérer ; traité de réactionnaire et mis sur la touche, au ban du milieu estudiantin .
Par contre les membres des bureaux syndicaux notamment ceux de la confédération devenaient des leaders très écoutés ,craints et respectés de toute la société . Le président de la confédération était une personnalité très sollicitée, consultée , invitée à la plupart des réunions ordinaires de l’université et bien sûr aux différentes festivités universitaires voire nationales .
Mais lorsque les manifestations estudiantines dérapaient ,les membres du bureau de la confédération avaient intérêt à se « planquer » à un endroit sûr car ils étaient les premiers à être arrêtés et à connaître les géôles abidjanaises . mais rapidement libérés sous la pression des grands rassemblements unitaires comme nous l’avons montré.
La plupart des leaders étudiants d’Abidjan venaient de France où ils avaient déjà fait leurs armes dans la FEANF( Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France) qui les envoyaient pour renforcer l’action syndicale dans la capitale ivoirienne .
Véritables professionnels du syndicalisme étudiant , ils passaient tout leur temps dans les bureaux et s’occupaient très peu de leurs études . Ils formaient une caste à part de vieux professionnels attardés, incapables de terminer leurs études, se présentant rarement aux examens de fin d’année .
Mais lorsqu’il y avait une grève ou une négociation au Ministère ou au Rectorat, on les voyait gonflés à bloc, cravatés,le torse bombé , prêts à affronter l’adversaire dans un combat de taureaux jusqu’à la victoire finale .
Puis de revenir devant les étudiants le sourire jusqu’aux oreilles laissant apparaître leurs dents noircies par un tabagisme chronique .
Grand-père devait cependant concilier études, action syndicale et relations sociales quotidiennes .
C’est ainsi qu’il descendait souvent les week-ends et fêtes chez sa cousine Elisabeth ,logée dans une des petites villas de l’école privée du quartier Saint Michel d’Adjamey.
Il rendait souvent visites à ses cousins Maurice et Jean Baptiste Somda, Réné, Nicodème Somda et bien d’autres .
Grand-père passa donc ainsi trois ans à Abidjan , trois années merveilleuses, mais aussi trois années de dur labeur heureusement recompensé .
Ce fut ensuite le départ pour Toulouse via Paris le Bourget en ce 2 décembre 1966 où grand-père descendit de l’avion par un froid glacial de -5°C .
L’abbé Anselme Sanon, étudiant à l’époque en théologie à l’ICP( Istitut Catholique de Paris) ,vint l’accueillir très amicalement et le conduisit à la Cité Universitaire de Paris dans le 14eme où il retrouva l’abbé Simon, son cousin étudiant lui aussi à l’ICP mais en Psychologie .
Ils se connaissaient, l’abbé Anselme et grand-père depuis l’école primaire de Dano .Venu de Tounouma ( Bobo) avec trois autres de ces camarades : Joel, Honorat et Tarcissius, il rentrait au CM2 avec Christophe Somé, Guy et Joseph de Kpaï, Norbert de Gorgaane, Germain de Guéguéré et bien d’autres encore.
Au Séminaire, il sauta de classe et se retrouva avec les abbés Elie et une année derrière l’abbé Simon. Mais ils furent ordonnés la même année 1962 en raison de la tenue prochaine de Vatican II.
Et les voilà tous deux à la Catho, l’un en droit canonique, l’autre en psycho .
De retour au pays, l’un sera recteur du grand séminaire , l’autre Inspecteur général de l’enseignement catholique diocésain avant de devenir supérieur de l’interséminaire sur la route de Pabré tandis que quelques années plus tard, l’abbé Anselme remplaçait l’évêque de Bobo, Mgr André Dupont .
Il aurait pu grimper encore les marches des palais épiscopaux , devenir archevêque de Ouaga après le décès de son Eminence le cardinal Zoungrana . devenir peut-être cardinal à son tour ! Manifestamment la course aux honneurs ne l’intéressait pas !
Et ce fut son collègue Jean Marie Sawadogo , autrefois éloigné de Ouaga par son emminence qui prit cette fois-ci sa révanche .
C’est que Mgr Sanon était déjà fiché à Rome comme un évêque rouge trop à gauche pour ces messieurs les cardinaux de la Curie romaine !
Il n’aura donc pas le pourpre cardinalice !,mais il était déjà rouge de cœur .
Il termina sa carrière tout de même comme archevêque métropolitain de Bobo-Dioulasso ayant sous sa coupe au moins 5 évêchés : Banfora, Dédougou, Nouna, Diébougou, et le dernier venu , Gaoua .
Il démissionna en 2010 à 72 ans avant même ses 75 ans comme le demande le Droit Canon, remplacé par Mgr Paul Ouédraogo évêque de Fada-Ngourma .
Vous avez dit Ouédraogo ?
Qu’est-ce qu’un Ouédraogo vient faire au milieu des Sanon et Ouattara dans la grande métropole des Bobo et des Dioula ?
En fait , Paul Ouédrogo est un enfant de Bobo où il naquit fit sonécole primaire et ses études secondaires au séminaire de Nasso, entra au grand séminaire de Koumi et servit en tant que prêtre dans le diocèse de Bobo avant d’être nommé évêque de Fada en remplacement justement de Jean Marie Sawadogo qui venait d’être nommé archevêque de Ouaga en remplacement du cardinal Paul Zoungrana qui l’avait écarté de là , alorsqu’il était son évêque auxiliaire .
Notre cardinal avait son candidat en la personne de l’abbé Johanny Nana qu’il venait de nommer comme Vicaire général
Quant au cousin abbé ,grand-père veut parler de Simon Waalè Somda,après avoir dirigé l’enseignement privé catholique du diocèse de Bobo, il fut nommé directeur de l’inter -séminaire de Kossoghè dans les environs de Ouaga .Mais ce fut la cata au bout de 3 ans à la suite d’une révolte de nos braves séminaristes .Grand-père le retrouva plus tard curé de la Paroisse de Guéguéré avant qu’il migre dans le diocèse de Nice où officie depuis une quinzaine d’années .
Il semble qu’il ait un problème de santé très sérieux qui l’oblige à suivre un régime spécial et à des soins très pariculiers,toutes choses qu’il ne pourrait faire ou trouver au pays !
Mais revenons aux premiers jours de grand-père à Paris en provenance d’Abidjan.
Il y passa quelques jours, le temps de démarches administratives avant de prendre le train pour la ville rose où il fut accueilli par le Crous ( comité régional des oeuvres universitaires et sociale).
Conduit à la cité universitaire Daniel Faucher, il y passera les trois ans de son séjour dans la capitale de la Région Midi-Pyrénées

18.Grand- père, qu’as-tu fait exactement à Toulouse pendant ces trois ans ?
Grand-père à Toulouse ( 1966-1969 )

La cité Daniel Faucher est l’une des plus grandes cités universitaires que comptait la ville.
Elle est quelque peu excentrée du centre ville, située entre les deux bras de la Garonne, sorte de presqu’île reliée aux autres quartiers de la ville par seulement deux grands ponts.
L’ENSAT (Ecole Nationale d’Agronomie de Toulouse) est l’établissement universitaire le plus proche, situé sur l’autre rive de la Garonne, face à la cité. Cependant à défaut de pont ,il faut faire un long détour pour aller aux cours .
Par contre il avoisine de nombreux équipements sportifs. En effet l’île abrite les stades de foot et de rugby de la ville, ainsi qu’un gymnase et de nombreux complexes et salles de sport .
La cité est donc très bien dotée en ce domaine .
Une fois installé, Grand-père rechercha ses compatriotes voltaïques. On lui indiqua un petit café proche du Capitole où les étudiants voltaïques ont l’habitude de se retrouver .
Grand-père y rencontra Patouin Ouédraogo Albert dont il a eu à parler déjà et Abel Ouédraogo le doyen des étudiants voltaïques de Toulouse qui finira par terminer ses études et rentrer au pays pour l’enseignement de second degré.Il se mariera d’ailleurs à Toulouse avec Pauline , une étudiante voltaïque venue faire des études d’infirmière .
Ces compatriotes présentèrent grand-père au syndicat voltaïque, puis à la Féanf( Fédération des étudiants de l’Afrique noire en France) flatteusement comme un grand « boss » syndicaliste venant de l’université d’Abidjan .
A partir de de ce jour ,considéré,salué avec tous les respects dus à son rang par tous les syndiqués,grand –père se sentait dans le milieu comme un poisson dans l’eau.
Mais ces leaders syndicalistes qui ne s’en laissent pas conter s’aperçurent bien vite qu’il ne remplissait pas tout à fait leurs critères de syndicaliste et jugèrent sa réputation quelque peu usurpée ou pour le moins surfaite .Il n’ était en fait qu’un de ces rats de bibliothèque sérieux et studieux dont ils vouaient un total mépris.
Bien sûr, il ne manquait aucune réunion ou manifestation syndicale.
Mais le nez toujours plongé dans les bouquins, préoccupé par ses études, peut-il mériter l’appelation de grand leader syndicaliste ?
Entre les études et le syndicalisme il faut choisir .Lui, il avait choisi les études .
Qu’il y reste !
La côte de grand-père connut alors une rapide dégringolade auprès de ces professionnels du syndicalisme estudiantin . Fort moqueusement, ils l’avaient surnommé « Mr le bosseur » en référence au terme « boss » qu’avaientt utilisé ses compatriotes en le présentant, faisant un facile jeu de mot entre « boss » et « bosseur ».
Effectivement grand-père , dès la première année à Toulouse, suivit un double parcours .
•préparation au concours d’entrée à l’Agro ,
•inscription à trois certificats à la faculté des sciences de Rangueil : BMPV, Physiologie animale et Chimie géné I.
Grand –père voulait avoir les cinq certificats exigées pour entrer sur titre en deuxième année d’Agro
D’autres candidats, bien plus au parfum, avaient suivi sagement le certificat de Chimie systématique bien plus facile .
Chimie Géné I était un certificat au carrefour des physiciens, des chimistes et des chimistes-physiologistes .
‘ L’Ensat avait mal conseillé grand-père pendant que d’autres plus avisés,choisissaient des certifs de chimie beaucoup plus abordables pour de simple biologistes ytandis que votre grand-père, en toute naïveté avait accepté de relever le défi sans se rendre compte que ce certificat de chimie-physique était inabordable pour lui !
Il se livra cette année là à un véritable travail de galérien ne s’accordant que très peu de temps libre. Il vivait cloîtré comme un moine dans sa cellule de cité après les cours, ne voyant presque personne sinon au restaurant et aux réunions syndicales .
Mais les résultats furent insuffisants pour entrer sur titre en deuxième année car grand-père ne réussit que deux certificats sur les trois préparés : BMPV et Physiologie animale .
Mais il se prit une véritable claque en Chimie Géné I dont le niveau de Maths et physique surpassait nettement ses possibibités .
Il mordit si lamentablement la poussière qu’il jura que l’on l’y prendrait plus jamais !

b. Grand-père entre en première année d’Agro

Grand-père renonça à reprendre l’année en fac pour obtenir le précieux sésame qui l’eût propulser directement en deuxième année de l’Ensat, le directeur de l’école de l’époque, lui ayant conseillé par ailleurs de rentrer plutôt en première année pour terminer tranquillement sa maîtrise en deux ans .
En effet on venait d’instaurer la nouvelle réforme des études universitaires :
le DUES( Diplôme Universitaire d’Etudes Scientifiques),le DUEL( Diplôme universitaire d’études littéraires) en deux ans ( Bac +2) remplaçaient désormais l’ancienne propédeutique d’un an ( Bac+1).
La licence se faisait en 3 ans ( Bac+3) , la Maîtrise en 4 ans ( Bac +4) , le DEA en 5 ans( Bac+5),la thèse de 3eme cycle théoriquement : Bac+7,Bac+8).
La thèse d’Etat ( Bac+14, Bac +15) suivant les disciplines et les directeurs de thèse .
Grand-père devra grimper toutes ces échelles les unes après les autres à commencer par SPCN passé en 1965, la Maîtrise en 1969, l’AEA en 1970, le DEA en 1971, la thèse de 3eme cycle en 1974 et la thèse d’Etat que grand-père devait passer entre Juin et décembre 1980,fut soutenue le 8 lanvier 1981 !
Il n’en est pas déjà là, mais seulement encore aux portes de l’Agro où il dû suivre les sages conseils du directeur et en septembre –octobre 1967,il fut admis en première année avec 4 certificats de l’ancienne licence. Il lui en restait deux pour tout boucler et la nouvelle réforme n’y changea rien tout au moins pour votre grand-père.qui choisit la maîtrise de Physiologie et obtint sur les 4 certificats de l’ancienne licence deux certificats pleins : Botanique et Physiologie animale + l’oral du certificat de Physio végétale du nouveau système . Il lui resta donc à préparer : le Certicat de Biochimie structurale et métabolique et l’écrit du certificat de Physiologie Végétale .
Grand –père suivit en première année le certificat de physiologie végétale qu’il passa avec succès .
En deuxième année d’agro, il s’inscrivit en Biochimie avec succès et termina ainsi sa Maîtrise de Physiologie qui, tout compte fait, correspondait à l’ancienne licence de chimie- physio qu’il aurait eu du mal à réussir .
Néanmoins, Jean-Chrysostome Tiendrébéogo, le promotionnaire de grand-père au séminaire , après avoir réussi SPCN à la Catho de Paris, avait opté pour la licence de Chimie-Physio et il l’avait réussi en venant à bout de Chimie Géné I et même encore d’un certificat de Physique-Maths ,MPPE( Mathémathiques Préparatoire à la Physique Expérimentale)
Par contre il a su éviter des certificats aussi rébarbatifs que fondamentaux de la licence de Sciences Nat tels , la Zoologie, la Botanique, la Géologie qu’il ne devait pas beaucoup appréciés . Grand-père non plus d’ailleurs mais il se les« farcis »lui ! .
Destiné à l’enseignement des Maths-Physique-Chimie-Sciences Nat au petit séminaire, il avait raison de toucher à tout , d’être en quelque sorte un généraliste, plutôt que spécialiste en Sciences Nat .
Il aurait certainement fait comme grand-père, la Maîtrise de Physiologie s’il n’avait pu terminer in extremis sa licence puisque la licence de chimie-Physio avait été démantelée avec la Réforme des études universitaires instituant les Dues, Duel et Maîtrises .

c.Grand-père ,peux-tu nous raconter comment s’est passée la révolte historique de mai 68 à Toulouse ?

Grand-père faisait sa première année d’Agro-Toulouse ( ENSAT) lorsqu’éclata la révolte de mai 68 .
Les étudiants de l’Ensat n’étaient pas des moins actifs dans les manifs et les réunions .
En effet l’Ecole entretenait beaucoup de relations avec la faculté des Sciences.
L’Ensat fut d’ailleurs fondée en 1909 par Paul Sabatier, prof à la fac de Sciences de Toulouse , prix Nobel de Chimie en 1912 .
Créée donc par un éminent prof de la faculté, elle a toujours gardé des liens étroits avec l’université de Toulouse .
C’est ainsi que l’Ecole préparait à la fois ses propres licences spécialisées et le diplôme d’ingénieur tant et si bien que la plupart des élèves sortaient de l’Ecole avec au moins deux diplômes :celui d’ingénieur et une licence spécialisée de la faculté des sciences de Toulouse, bénéficiant ainsi d’une double formation universitaire et agronomique .

Toutefois avec la nouvelle réforme des universités, l’Ensat perdit en partie ses prérogatives avec la suppression des anciennes licences .Il fallait désormais, si l’on désirait tout de même conserver ces privilèges s’inscrire à la fois à l’Ecole et à la Faculté des Sciences, ie faire une double inscription .
Beaucoup d’élèves de notre promo optèrent pour cette solution . Mais il fallait désormais produire davantage de travail qu’auparavant .Cela restait cependant jouable :
La direction de l’école, très engagée, joua à fond le jeu par des recommandations personnifiées et ciblées et par des encouragements en accordant des bonus et des aménagements horaires négociés avec la fac des sciences .
Les élèves les plus courageux pouvaient donc poursuivre les cours à la Faculté des Sciences de Rangueil .
En mai 68, ils étaient donc en contact direct avec les étudiants des facultés et avaient rejoint le mouvement de contestation à sa naissance .
Ils firent évoluer les mentalités de leurs profs dans les assemblées générales de l’Ecole où profs et élèves prenaient la parole à égalité .
C’était pitié à voir : certains de nos éminents profs pour lesquels nous avions beaucoup d’admiration et de considération pour leur haute culture scientifique s’avéraient totalement ignards en politique .
Perdus dans ces amphis grouillants surtout d’élèves où l’on parlait un langage hermétique qu’ils avaient du mal à saisir tout au moins au début du mouvement, ils erraient hagards ne sachant à quel saint se vouer .
Mai 68 venait de libérer et sortir ces rats de laboratoire de leur cloître , où ils vouaient leur vie au culte du Dieu unique et trinitaire au nom trois fois saint :la sainte Science, la sainte Recherche et les saintes Publications ! Ces trois personnes divines étaint sacrées et ils s’y vouaient totalement !
Les discussions avec les élèves avaient réussi à ébranler leur foi et à les persuader qu’il existait autre chose dans la vie que ce culte laïc consacré uniquement à la recherche et aux publications scientifiques.
Certains, à l’esprit plus ouvert à la critique ,convaincus par leurs élèves s’étaient même convertis, gagnés aux idées nouvelles .
Bravo ! Mais ce n Ȏtait pas sans peine !

d.Grand-père, as-tu participé à Toulouse,aux grandes manifestations de Mai 68 ?

Rassurez- vous, grand-père n’a été ni un Daniel Con-Bendit ni un Jacques Chauvageon, un Alain Geismar à Toulouse .Il n’a été ni un meneur de foules ni un leader syndical, ni même un activiste de la gauche maoïste, troïkiste, cheguévariste, castriste, etc.
La plupart des étudiants africains étaient veules et attentistes ou suivistes selon là où tournait le vent.
Grand-père passait ses nuits à la belote avec les autres étudiants africains . Il dormait au petit matin vers les 4 heures ,se réveillait vers Midi, prenait sa douche, mangeait rapidement au restau U, allait ensuite se préparer pour la ville où, au lieu de s’installer dans un des cafés bordant la Place du Capitole, il allait plûtôt guetter les premières manifestations, prêt à se glisser dans les rangs et à crier,à reprendre les slogans hostiles au pouvoir, à la société de consommation, aux flics, au capitalisme, à l’impérialisme et quelques autres formules du même acabit .
Et lorsque les flics chargeaient, en tant que minorité visible, vite répérable, il se repliait très vite dans les ruelles adjacentes et disparaissait pour ressortir plus loin et reprendre la manifestation en cours .
Il n’a jamais fait de la casse ni de magasins, ni de boutiques, ni de bâtiments publics !
Il prenait prudemment ses distances d’avec cette gauche radicale et jusqu’au boutiste ,résolue plus que jamais à en découdre avec le pouvoir capitaliste , à en finir avec la société de bourgeoisie compradore .
Grand-père était très enthousiaste comme tous les jeunes de l’époque .Néanmoins, il avait de la maturité politique et comprenait bien que l’on ne détruit pas ni un pouvoir en place ni surtout une société du jour au lendemain. c’est un travail de longue haleine ,exigeant beaucoup de patience et de tenacité .
actif et combatif en vrai da-gaara qu’il est,il prenait cependant beaucoup de précautions dans les manifestations car il n’était ni téméraire, ni suicidaire.
Il ne s’affichait jamais en tête de manifestation pour ne pas être vite flashé et il savait se replier et s’éclipser à temps dans les rues adjacentes sans jamais tomber dans les mailles des filets des CRS .
Il ne se risquait jamais de s’asseoir ni à l’intérieur ni aux terrasses des cafés , pièges à rats pour des minorités visibles souvent cueillis dans les bars , cafés ou restaurants alors qu’ils cirotaient tranquillement une bonne tasse de thé .
Grand-père a assisté ainsi à l’arrestation d’étudiants ivoiriens des plus réacs, assis à une terrasse de café,nous regardant d’un air goguenard ,défiler dans les rues .
Ils avaient beau crier leur innoncence, se débattre , jurer par tous les diables de n’y être pour rien, ils étaient embarqués manu militari dans des « paniers à salade » et expulser quelques jours plus tard, menottes aux points, accompagnés jusqu’à l’aéroport de Port -Bouet où les attendait déjà la police criminelle ivoirienne . Cueillis à leur descente de l’avion, jetés dans une prison des plus sordides sans jugement, ils y croupirent jusque’à ce que mort s’ensuive
du moins pour l’un d’eux tant les conditions de détention s’étaient montrées particulièrement atroces pour ces « galeux, ces pelés » par qui la Côte d’Ivoire était montrée du doigt.
L’autre n’eut pas plus sort meilleur : ratatiné dans une cellule de 2m sur 2, sale, pouilleux, rongé par la lèpre ,ses membres n’étaient que plaies pourrissantes!
On raconte qu’il appelait souvent la mort de venir l’emporter mais en vain !
Peut-être paye-t-il encore cette belle journée de mai 68, où il cirotait tranquillemt sa tasse de café, en regardant moqueur,le compte rendu de la manif de la veilleà la télé !

A Abidjan, Personne n’osait s’occuper d’eux .On avait laissé « crever » le premier comme un vulgaire rat d’égout ,privé d’eau et de nourriture .
Leurs parents et amis, informés sur leur sort , n’osaient même pas se présenter à leur lieu de détention de peur d’être soupçonnés de collusion , complicité, complaisance ou simple sympathie ,toutes attitudes jugées rédhibitoires pour un pouvoir inquisitoire, particulièrement féroce .
Nous nous gaussions des pauvres malheureux .
C’est toujours les innoncents qui paient pour les coupables .C’est bien connu depuis la nuit des temps !
Ce sont eux qui se sont faits rafler car nous autres , prudents et vifs comme des serpents,vigilants comme des rapaces , roulant les yeux de tous les côtés tels des caméléons, nous étions toujours prêts ànous dissimuler pour échapper au danger.
C’était la stratégie qu’avait adoptée votre grand-père : très mobile et prudent surtout pour éviter d’être vite fiché, il cachaît son visage derrières de grosses lunettes noires et surtout ne sortait pas deux jours de suite dans le même accoutrement.
Mais en dépit de toutes ces précautions , il finit cependant par être répéré par des étudiants d’extrême droite.
En effet il clopinait légèrement par suite d’un accident récent sur la voie publique avec son solex .
Ils s’étaient jurés de lui faire la peau et payer ainsi son activisme de gauchiste .
Vite mis au parfum de la menace imminente qui pesait sur lui par ses amis de fac et de l ’Ecole , il ne se déplaçait ni en ville ni se rendait aux manifestations sans son fidèle « gorille », un ami de l ’Ecole. Grand , costaud, musclé et fort comme un lion, robuste comme un chêne, indéracinable par un quelconque sbire, il sut toujours déjouer les plans machiévéliques des adversaires et ramener à chaque fois sain et sauf votre grand-père à domicile
« Gare au gorille ! » chantait déjà Georges Brassens ! Qu’on se le dise !
Il a plus d’une fois sauvé grand-père de la gueule d’un des molosses extrémistes cherchant à le déchirer de ses crocs d’acier .
Il a échappé à plusieurs reprises, grâce à sa vigilance ,aux filets tendus par la police et aux griffes des fachots de la fac de Droits toujours prêts à en découdre avec les syndicalistes étudiants .
Ils nous épiaient pendant nos réunions et nous guettaient à la sortie pour nous tabasser, qui, avec des gourdins qui, avec « mâchoires d’ânes » ou de grosses clés à molettes.
Ils se mêlaient même aux manifs pour provoquer les bagarres et ainsi donner des prétextes à la police d’intervenir pour nous « tabacer » ; Mais « le gorille » de grand-père arrivait toujours à l’exfiltrer de la foule et à déguerpir au plus vite .
Ainsi grâce à sa garde rapprochée, grand-père n’eut jamais la gueule cassée ou des dents arrachées contrairement à certains activistes pseudo-maoïstes de la fac de Lettres .
Il le doit surtout à ses amis qui ont su veiller sur lui et le protéger contre les fachots .Il leur doit une fière chandelle pendant toute cette période d’agitation et d’anarchie..
Bravo et merci tout particulièrement au « gorille .
A propos d’anarchie , grand-père fut traité par certains étudiants africains quelque peu fascisants comme un dangereux gauchiste lié à un groupe d’ « anars » .
Effectivement ceux-ci se mêlaient à nos réunions et défilaient souvent à nos côtés .
Grand-père eut du mal à se défaire de cette mauvaise réputation qui lui a longtemps collé à la peau même bien des années après .
Du point de vue universitaire, les épreuves des examens furent réportées en septembre-octobre avec,dans certains cas des cours de rattrapage de juillet à septembre .
Il eut cependant des dérogations pour des raisons de force majeure notamment pour les longs stages.
C’est dans ce cadre que grand-père passa ses examens en juillet avant de rentrer en Haute-Volta pour effectuer ses deux mois de stage de première année d’Agro.
Il passa donc l’écrit de physiologie végétale à la fac et les épreuves des différentes disciplines de première année d’Agro.

e.Grand-père en stage de première année d’Agro au Pays.

Il monta à Paris où il s’envola pour Ouaga,puis Bobo-Dioulasso où il fit un mois de stage dans la station agricole de Fara-Koba à Matroukou, village situé à quelques 15 kms de Bobo.
Un second stage l’attendait à Saria à la station de recherche l’IRAT( Institut de Recherche en Agronomie Tropicale) à quelques Kms de Koudougou .
Il s’octroya après ces deux stages un mois de détente bien méritée après tant d’émotions vécues au cours de ces derniers mois écoulés .
Puis vers la mi-octobre, il regagna l’Ecole emportant dans ses malles une belle moisson de résultats pour ses rapports de stage de première et deuxième année.
Chut . Il ne faut pas le dire trop fort .Grand-père ne tenait pas à faire son stage de deuxième année en France . Il a donc su sans difficulté , vue la grande masse de données recueillies, exploiter une partie pour la première année et l’autre partie pour la deuxième sans éveiller de soupçons .
Les tricheries d’ailleurs étaient monnaie courante à l’époque .
Les profs devaient fermer pieusement les yeux pour ne pas les voir .

Grand père entre en deuxième année d’Agro

La deuxième année d’Agro se déroula sans encombre .
Grand-père s’inscrivit au dernier certificat de la maîtrise de Physiologie, ie la Biochimie structurale et métabolique
Pour le panache, il ajouta celui de Biochimie des métabolismes, un C4 spécialisé des Maîtrises de Biochimie ,de Génétique ou de Microbio.
Mais pendant tout le premier trimestre, le professeur principal de ce certif , Mr Zalta se révéla abject, incongru dans son cours, parlant avec une rapidité déconcertante, n’expliquant rien en dépit des réclamations ,des grognements et des tapages intempestifs des étudiants survoltés. La stratégie se montra pourtant d’une grande efficacité .
Quelques semaines suffirent à vider l’amphi de plus de la moitié de ses étudiants .
Les Agros, écoeurés, demotivés, déguerpirent les premiers dégarnissant les bancs de l’amphi .
Ce ne fut qu’au deuxième trimestre qu’il cessa son stratagème ignoble et ahurisant : Faire décrocher des étudiants , quelle nouvelle trouvaille intelligente pour un prof dont la rumeur des milieux scientifiques faisait état de candidat potentiel au Nobel de Chimie après son brillant maître Le Chatelier . Mais sornettes que tout cela !Grand-père ne sut s’il fut jamais réellement candidat, par contre il sait qu’il ne fut jamais « nobeliste » ni de prêt ni de loin .
Avec une telle mentalité ça ne risquait pas !
Il put ensuite conduire tranquillement sans se fatiguer le petit reste de mordus vers une Maîtrise bien méritée , à l’époque, très convoitée pour la Recherche tant en biochimie, génétique moléculaire, microbio que Physiologie .
Etait-il tolérable qu’un professeur aussi réputé et aussi doué ait pu user de méthodes aussi discutables que détestables ?
Grand-père vous a surtout parlé de ses études à Toulouse .
Mais rassurez-vous, les enfants . Il n’a pas fait que cela . Heureusement pour lui .
Il s’est pleinement épanoui au cours de ses deux années d’Agro à Toulouse .
Les Grandes Ecoles ont ceci de spécial : Elles développent une camaraderie et une convivialité, à nulle autre pareille, entre les membres de la promo depuis le bizoutage des premiers jours de la rentrée jusqu’à la fin de la troisième année .
Les multiples voyages ou sorties créent un véritable esprit de groupe soudé et solidaire pour la vie .
Parmi les voyages de la promo, le plus marquant pour grand-père fut celui effectué au Salon d’Agriculture de Paris en fin Février –début mars 1969 .C’était sa toute première visite !
Nous étions logés à la Maison des Provinces de France de la Cité Internationale dans le 14 eme arrondissement de Paris .
Nous y séjournâmes une semaine avec un programme des plus chargés : visites du Salon Agricole, de l’Inra de Versailles où nous rencontrâmes beaucoup d’anciens de l’ENSAT ; visites d’usines de productions agricoles tenues par des anciens de l’Ecole ; dîners organisés par l’Association des anciens élèves , sans compter les visites touristiques de la Tour Eiffel ,de Versailles ;de l’Assemblée Nationale et du Sénat où nous fûmes reçus par des anciens .
Nous avions ainsi gratifié chacun de nos valeureux devanciers d’une visite remplie de courtoisie et d’amitié relayée par les journaux régionaux( Midi–Pyrénées) .
C’est donc l’occasion d’une prise de conscience de la force , de l’importance et du poids de l’Association des Grandes Ecoles, puissants lobbyings et surtout véritables bureaux de placement de leurs jeunes collègues .
Le voyage avait donc atteint son but:
•Souder la promo pour la vie;
•montrer l’importance et l’influence de l’association des anciens élèves ;
•souligner la chance et le privilège de rentrer dans le cercle très fermé des Agros non seulement de Toulouse mais de tous les Agros de France et de Navarre .
•Les rencontres sportives à l’extérieur offrent aussi des occasions de renforcer la solidarité de groupe et sa convivialité .
Il en est de même de toutes les occasions de faire des « gueuletons » bien arrosés accmpagnés de chansons d’autant plus paillardes que les esprits sont émoussés par ces bacchanales scolaires .
Toute occasion de faire la « bamboula » était saluée et la bienvenue .
Mais le hi-parade, le top des tops avait lieu à la fête de l’Ecole où les trois promos se surpassaient : Sports, jeux, concours dîner de gala, théâtre,etc.
Mais curieusement avec les autres promos de l’école , les rapports étaient assez distants . Rarement nous avions des activités en commun à part les compétitions sportives inter-promo et la fête de l’Ecole . Les liens les plus solides restaient internes à la promo .
Toutes choses absentes malheureusement en fac où grand-père va se retrouver bientôt à Paris .
Que vous dire encore des trois ans de séjour à Toulouse sauf que
•c’était le premier séjour en France de grand-père .
•Qu’il a régretté de n’avoir pas plus exploré la Région Midi Pyrénées, exceptés quelques voyages d’études et touristiques à Lourdes, Bordeaux, Carcassonne, Béziers, Albi , Tarbes et quelques autres villes proches de Toulouse.
Les relations avec les étudiants africains en dehors du syndicalisme avaient permis de lier de solides amitiés durables jusqu’aujourd’hui notamment avec les camarades africains de l’Agro :Mahama Adamou et Jean- Pierre Lebouder de La Centrafrique, les meilleurs amis que votre grand-père ait jamais eus ;
Mahama a été le meilleur ami de grand-père à Toulouse et à Orsay .
Pour ce qui concerne Orsay nous aurons l’occasion d’en reparler .
Mais restons encore un peu dans la ville rose avec nos amis étudiants africains dont Jean-Pierre Lebouder centrafricain de notre promo spécialisée en Agro-économie .
Métisse d’un père breton et d’une mère centrafricaine,rentré au pays, il occupa plusieurs postes ministériels, fut même premier Ministre de Dako avant de rejoindrer la Banque Mondiale et le FMI à Washington .
Retraité des deux organisations de la Finance internationale, il trouva moyen d’occuper encore un poste minstériel sous François Bozizé en tant que ministre d’Etat chagé de l’économie et des finances avant de démissionner et de rejoindre Washington où il vit actuellement.
Nous entretenons encore des relations d’ une étroite amitié.
Nous sommes partis avec grand’mère rendre une visite à sa famille en 2012 lors d’un séjour chez tata Dominique à Philadelphie comme professeur assistante invitée.
Grand-père entretient encore des liens amicaux réguliers avec Pierre M. Kétévi, un togolais de la promo actuellement prof de Biochimie à l’Université du Bénin (à ne pas ,confondre avec l’Université Nationale du Bénin qui se trouve au Bénin) .Il enseigne également à l’ESA( Ecole Supérieure d’Agronomie) de Lomé.
Par contre il a perdu de vue ses promotionnaires mauritaniens et malgaches qu’il n’a plus revus depuis 1969 à l’exception de Fanza lors de la préparation de son DEA d’Amélioration des Plantes et de sa thèse à Orsay dans le labo de Mr le professeu Yves Demarly .Il a revu également Philippe de Reffie à Orsay au cours de son DEA et sa thèse au Labo de Mr Demarly une année après nous.
Soulignons que l’Ensat a quitté depuis 1998 l’Avenue de Muret pour s’installer aujourd’hui dans l’Agrobiopole d’Auzeville-Tolosane à Castanet-Tolosan

19.Grand-Père monte à Paris.

Grand-père, peux-tu, nous parler maintenant de ton séjour à Paris, notamment à Orsay et à Palaiseau ?
.a.Les années Orsay de grand-père (1969-1982).
Treize années . mauvais ou bon présage que ce chiffre 13 qui n’avait pas attiré l’attention de grand-père au moment où il quittait Orsay ? Il faut pour tout dire qu’il aurait dû partir avant soit au Burkina soit au Niger en 1981.Mais il y eut les deux fois un grain de sable pour bloquer la machine du départ !
Bref, voyons d’abord comment se sont passées ce séjour parisien ?
Grand-père et son ami Mahama débarquèrent par un après-midi brumeux d’octobre 1969 sur les quais de la gare d’Austerlitz ,direction Orsay-ville , puis la cité universitaire de Bures- Sur-Yvette où nous logeâmes d’abord avant de remonter à la cité des garçons d’ Orsay .
Toulouse était déjà derrière nous .
En effet,à la fin de la deuxième année d’Agro, grand-père obtint comme prévu sa maîtrise de Physiologie et sollicita avec Mahama, son ami de toujours, à suivre la spécialisation Orstom ( Office de recherche scientifique et technique Outre-mer) option Génétique dont la première année correspondait à la 3eme année de l’Agro . Le programme de cette formation prévoyait entre autre le DEA de Génétique et équivalait un doctorat de troisième cycle , mais valable uniquement dans les pays francophones d’Afrique et de Madagascar, mais pas pour la France métropolitaine !
Comprenne qui pourra .

Grand-père en première année Orstom

Cette première année comportait, l’AEA ( Attestation d’études Approfondie) la partie théorique du DEA de génétique et d’Améllioration des Plantes .
On nous fit suivre en même temps le certificat de génétique non obligatoire dans le programme . Il n’était donc pas obligé de le suivre encore moins à Orsay .
Grand père avait déjà une Maîtrise et cela suffisait largement au menu. Cependant, pour ne pas se faire mal voir déjà par les profs, il accepta de suivre le conseil pour son malheur comme la suite des évènements le montrera !
Votre grand-père était pris dans un engrenage infernal qui allait le broyer jusqu’aux os !
Jugez -en vous-mêmes :

b.Les démêlés de grand-père avec le professeur Georges Rizet :

Grand père entre en guerre contre Rizet , professeur de la chaire de Génétique.

En effet le professeur principal du certificat de Génétique, Mr Rizet était un de ces vieux profs règnant en maître absolu sur la génétique de France et de Navarre .
Il faisait la pluie et le beau temps à la fac d’Orsay, sélectionnant parmi les candidats il voulait .
Il abhorrait particulièrement les Agros , de rudes concurrents,redoutés de ses généticiens dans la course aux postes des organismes de Rechrche comme l’Inra .l’Orstom ou autres organismes de recherche .
Un agronome muni d’un certificat de génétique représentait un plus grand danger enore .
Il fallait soit l’avoir dans son escarcelle ou l’empêcher d’obtenir le précieux sésame qu’il distribuait alors avec beaucoup de parcimonie et de circonspection.
Ne déclarait-il pas lui-même à qui voulait l’entendre que les agronomes n’avaient rien à faire dans son certif ?
Effectivement peu d’agros munis de leur diplôme s’aventuraient dans ses plates-bandes.
Il disait donc vrai : nous n’avions vraiment pas besoin de ce maudit certificat ni pour le DEA d’amélioration des plantes, ni pour le diplôme de l’ORSTOM .
nous aurions pu le suivre facultativement pour approfondir nos connaissances en génétique moléculaire et des populations notamment.
Le professeur Demarly ,ancien élève de Rizet, trouvait que ce certif présentait un plus pour nous.
c’était un nouveau défi à relever . Pensait-il alors.
Et chaque fois qu’il se présente un défi , vous savez maintenant qu’il est toujours partant pour le relever !
Mais il n’avait pas compris que si un agronome, africain de surcroît, voulait obtenir le certificat de génétique, il fallait montrer pattes blanches ,ie soumis aux quatre volontés de Mr Rizet et surtout ne pas grogner contre les piques essaimées contre les agronomes pendant ses cours , surtout pas un africain, minorité très visible .
Il fallait se taire , ne jamais se faire remarquer, ne jamais sortir du rang , jamais se démarquer :Motus et bouche cousue ,telle devait être sa devise !
C’était sa manière à lui de tester et sélectionner les cadres scientifiques de nos pays soumis à ses bottes .
Cela , grand-père ne l’avait pas compris !
Par contre Mahama, lui , l’avait bien intégré avec beaucoup d’intelligence et m’en n’avait jamais parlé !
Il se taisait prudemment .Jamais un mot de trop !
Grand père lui, manifestait fort naïvement sa désaprobation des piques lancées régulièrement par Rizet , étalant ainsi très ostensiblement son profond esprit d’indépendance Dagara .
A ne point douter,grand-père , pour notre mandarin patenté était un de ces dangereux gauchistes issu directement de mai 68 sur lequel il ne pouvait en aucun cas compter pour étendre son empire scientifique .Il importait d’agir vite pour l’empêcher surtout de rejoindre plus tard le peleton de tête de la hiérarchie scientifique des pays francophones d’Afrique.
« Elément indésirable à éliminer absolument » .tel était certainement la remarque sur le bulletin Orstom que grand père n’a jamais d’ailleurs eu dans ses mins !
Généticien le plus connu et respecté tant en France qu’en Afrique,
tout ce beau monde de la Recherche en Afrique, en lèche-bottes reconvertis , s’alignait à la queue leu-leu dans la cour du monarque absolu faisant mille et une rizettes, rampant en courtisans zélés , dans l’espoir souvent déçu d’atteindre la haute hiérarchie des généticiens de la Francafrique .ça valait bien le coup d’ être dans les bonnes grâces du Monsieur-Afrique de la Génétique .C’est bien «rizible » cette course effrénée aux honneurs où beaucoup, éliminés avant l’arrivée, le souffle coupé par trop d’efforts fournis,faisaient la « rizée » et le bonheur de leurs concurrents plus chanceux .
Un de ses rares doctorants africains à l’époque , Mr Touré ,un ivoirien avec lequel grand-père avait fait BMPV à Abidjan, le lui signifiait de façon discrète sous forme de mise en garde, le conseillant d’ailleurs d’aller s’inscrire plutôt à ParisVI .
Grand-père ne l’écouta malheureusement pas tant il tenait absolument à relever le défi . Comportement naïf, stupide, ridicule, car en dépit d’un travail acharné, il ne fut pas admis ni à la première ni à la deuxième session .
qu’à cela ne tienne !
Grand-père persista et signa: il reprendra et il l’aura ce maudit parchemin dont il n’avait nullement que faire ! Juré ! Mais
erreur ! Erreur de relever un défi quasi impossible car les dés étaient d’avance pipés et bien pipés !
Mais cela grand-père ne le savait pas .Il l’ignorait totalement !
Il croyait, avec beaucoup de naïveté, que sa seule détermination suffirait à en venir à bout .
Erreur fatale ! ,Car c’était malheureusement déjà décidé qu’il ne l’aurait pas ce parchemin qu’il poursuivait avec tant d’acharnement dans le seul but de défier un plus fort que lui !
Mal lui en prit de s’obstiner devant l’évidence . Non seulement il ne voulait pas changer de fac, mais il ne cédait en rien devant Rizet qui le traitait devant tout le monde de « vieux de la vieille »en l’interdisant de répondre aux questions qu’il posait.
Qu’importait !
Grand-père s’aveuglait de plus en plus et s’enfonçait dans les affres d’un douloureux échec certain et inévitable, car déjà programmé.
Il levait obstinémement la main, désespérement pour répondre aux questions qu’il posait ; et lui ,de lui répondre de façon moqueuse, une petite « rizette » au coin des lèvres : « Taisez-vous, vous, vieux de la vieille » : Il se doutait qu’il savait la réponse à la question posée !Aussi faisait-il tout pour l’ empêcher de montrer aux yeux de ;ses camarades qu’il la savait !
Mais c’était sans compter sur l’obstination de grand-père qui faisait tout pour se faire remarquer non seulement de lui , mais surtout de ses assistants tenus d’assister le plus souvent aux cours du Maître . Les camarades de cours avaient aussi remarqué nos deux stratagies: L’élève s’obstinait à montrer aux autres qu’il savait et le prof qui ,manifestement , ne voulait pasvoulait qu’il le montre devant ses camarades !
Il ne pouvait que perdre son temps car ! « Alia jacta est » ! Le sort de grand-père était déjà scellé une fois pour toute ! Tout ce qu’il pouvait faire était considéré comme de pures gesticulations qui ne servaient qu’à retarder le prof!
Il eût fallu jeté l’éponge ! Mais grand-père était aveuglé par un orgueil démesuré qui l’empêchait de capter les messages pourtant clairs envoyés par Rizet à son encontre.
Aveugle et sourd,il poursuivit ce harcèlement de plus en plus insistant avec l’air de dire aux autres étudiants :
« Enfin ! Voyez comment il me traite, comment il me provoque . c’est inadmissible, c’est une honte ; mais il ne parviendra pas à me « clouer le bec » ou à me faire sortir, de mes gonds . Je l’aurai . ,je l’aurai, C’est sûr , c’est ça je l’aurai »
mais cela, il ne le savait pas encore !
Il oubliait ou ignorait à l’époque qu’un prof avec Chaire de l’envergure d’un Rizet exerçait son mandarinat en véritable potentat, seul maître à bord même avant Dieu .Et personne, même pas Dieu ne pouvait entraver ses décisions .
Mais dans sa naîveté , grand-père l’ignorait encore !
Rizet représentait le prototype du vrai mandarin dénoncé violemment par mai 68 . vainement d’ailleurs,comme on le constatera dans ce bras de fer entre un élève et un prof de l’envergure de Rizet qui devait rire en sourdine de la naïveté de ce petit africain qui voulait se faire plus gros qu’un bœuf ! Eh bien ,il subira le sort de la grenoulle de La Fontaine
Mais grand-père comptait , orgueilleux qu’il était, comptait sur lui-même, sûr et confiant de ses forces et conscient de sa propre valeur !
Mais ce n’était pas tant les connaissances génétiques de grand-père qui étaient en jeu, dans ce bras de fer qui l’opposait à Rizet , mais son caractère insoumis,indomptable , rebelle et révolté de da-gaara( Dagara)qui était rédhibitoire , intolérable pour une future élite de chercheur africain !
Mais cela , il le comprit , mais un peu trop tard, que les dés étaient déjà jetés et que jamais il ne l’obtiendrait ce certificat de Génétique , tout au moins à Orsay, lorsque Rizet lui tendit sa copie d’examen devant toute la classe en lui disant moqueusement qu’elle ne contenait rien!Pourtant aucune rature, aucune remarque !
Avait-il même daigné la lire ou jeté un seul coup d’œil sur sa copie ?
Grand-père en doute jusqu’à ce jour, plus de 40 ans après !
Il fallut encore une fois qu’il rabaissât cet agronome prétentieux, impétueux et rebelle devant toute la classe ! Cette fois c’en était trop ! Les limites étaient largement dépassées pour un rebelle fougueux du genre de votre grand-père
Il ne tint plus ! et dans une colère noire, commit l’irréparable à l’encontre d’un grand mandarin !
Il poussa l’effronterie de lui demander devant ses petits camarades éberlués , ébahis ,ahuris et abasourdis de bien vouloir lui indiquer les fautes puisqu’il n’y avait aucune rature, aucune correction, aucune remarque sur la copie qu’il tenait encore en main.
Il fut très surpris par tant d’impertinence de la part d’un élève .Il eut d’abord un mouvement de récul ., devint livide, puis rouge écarlate,incapable de dire un mot, s’étranglant presque. On eût craint qu’il subissait une attaque cardiaque car il dut s’y prendre à plusieurs reprises avant d’arriver à bégayer une suite de mots incompréhensibles !
Mais grand-père, lui, déjà lancé comme un bolide prêt à tout écraser sur son passage lui assénait une suite de vérités qu’il n’aurait jamais eues le courage de dire au paravant ;puis lui cracha lorsqu’il eut repris tous ses esprits : « Vous pouvez vous le mettre où vous voulez votre certif de merde . » et il sortit de la salle de cours en claquant violemment la porte devant ses assistants,maîtres-assistants et élèves tous bouche bée ,n’en revenant pas de leurs yeux et de leurs oreilles !
Que pouvait-il faire de plus que de lui refuser le certif ? pensait à tort, grand-père .
Il payera au prix fort cette impertinence, ce crime de lèse majesté .
Rizet n’était pas si démuni de moyens comme il le pensait . Il disposait malheureusement encore de quelques cartouches ;de queiques droits de nuisances qu il n’hésita pas bien sûr à vite utiliser contre ce pelé ,ce galeux d’africain qui avait eu l’outrecuidance de lui tenir tête !
Grand-père ignorait alors, il ne le sut qu’après, que Rizet siégeait au conseil scientifique de l’ORSTOM ! Mais c’était déjà trop tard, oui trop tard pour notre Dagara revolté !
Il avait donc son mot à dire dans l’obtention du diplôme qu’il préparaît avec son ami Mahama qui ,au passage avait négocié en douce son admission au certif de génétique en la fermant pendant toute l’année et en faisant des « rizettes » mêmes aux assistants de Rizet au point que toute la classe en était un peu écoeuré .
Grand-père ne lui en a jamais voulu ; Il avait raison de se conduire comme il l’a fait . Il avait , lui , besoin de ce certif pour obtenir sa maîtrise de génétique .grand-père non .C’est là toute la différence .
Le tout est que Mr Rizet s’opposa de tout son poids à l’admission de grand-père au diplôme Orstom . Grand-père ne l’attendait pas là !
Personne n’osa s’opposer à lui . La chose fut entendue , jugée , conclue après le rapport tendancieux et mensonger qu’il dû faire Mr Rizet devant ses collègues de l’Orstom certainement médusés, abasourdis par tant d’impertinence .
« A ces mots on cria haro sur le baudet . »
Un loup quelque peu clerc(Rizet en l’occurence) prouva par sa harangue
qu’il fallait dévouer ce audit animal,
ce pelé , ce galeux , d’où venait tout leur mal »

Grand-père ne fut jamais convoqué pour donner sa version des faits.
« Sa peccadille fut jugée un cas pendable…
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait: on le le lui fit bien voir
« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de la cour vous feront blanc ou noir . » disait déjà La Fontaine dans « les Animaux malades de la peste » .
Le monde n’a vraiment pas changé depuis !
Grand-père avait 15 /20 de moyenne en première année Orstom .Ce qui lui avait permis d’obtenir « haut la main » son diplôme de sortie de l’Ensat .
Mais pour la deuxième année quelle note, imaginez-vous qu’il obtint pour manquer la moyenne générale ?
Grand-père ne le sut jamais jusqu’à ce jour !
Mais elle ne devait pas être loin du O pointé . Rien queça !
Il n’y sont pas allés par le dos de la cuillère .
Ils ont frappé fort pour l’exemple . Plus jamais ça . Au grand jamais !
Grand-père eut un tel dégoût et écoeurement de l’affaire qu’il ajouta au premier forfait un second : celui d’écrire une lettre incendiaire bien salée aux responsables de l’Orstom en leur faisant savoir qu’il n’était encore qu’un étudiant mais qu’il ne le resterait pas éternellement , que Rizet avait déjà sa carrière derrière lui et que lui, n’avait pas encore entamer la sienne ; qu’ils avaient pris le mauvais parti du « vieux », du puissant de maintenant, pas de celui de demain .et beaucoup d’autres salades du même genre.
Grand-père en fit ampliation au responsable du DEA, à Mr le professeur Nozeran ( grand-père était déjà dans son labo de recherche) , à Rizet lui-même et aux responsables du ministère de l’agriculture voltaïque .
Bien sûr tous restèrent muets comme des carpes . Aucun ne prit officiellement la défense de grand-père sans pour autant prendre parti pour Mr Rizet, tout au moins, devant grand-père .C’est ainsi que les deux profs du DEA le rassurèrent cependant en lui garantissant la poursuite normale de son DEA, sans crainte ni inquiétude sur l’obtention du diplôme car il avait été classé 3eme à l’AEA avec mention Bien .
Ils exhortèrent néanmions grand-père au calme car il ne gagnerait jamais contre la grosse pointure et la grande carrure d’un prof de la trempe de Rizet .
Il expliqua sa mésaventure à Siry Wantissé un Agro ,alors directeur de Cabinet du Ministre de l’Agriculturede Haute Volta.
Il fut le seul à comprendre la position de grand-père et lui envoya un courrier lui proposant d’aller poursuivre ses études aux USA .
Fort de ce soutien inespéré , grand-père exhiba fièrement la lettre aux professeurs Demarly et Nozeran et en fit même des copies à l’Orstom et à Rizet .
Il était trop content d’avoir cette fois-là l’appui officiel de son pays .
Les deux profs de DEA, impressionnés par ce soutien tant imprévu qu’inattendu , firent alors tout pour maintenir grand-père à Orsay et l’incitèrent à s’inscrire au doctorat de 3eme cycle.
C’était exactement l’objectif que visait votre grand-père .
Il n’avait aucune envie d’aller faire un PHD aux Usa, vues les attaches déjà tissées à Orsay . Mais de ça ,nous en reparlerons plus tard , les enfants !

Au lieu de s’inscrire chez Demarly qui lui faisait pourtant du pied pour qu’il travaille avec lui, il alla se jeter dans la gueule du loup chez Mr Nozeran, un de ses profs à première vue plus affable , simple.et gentil . Il était du Midi . Il n’hésitait pas par exemple à arrêter devant son laboratoire des étudiants africains pour discuter longtemps avec eux de l’actualité africaine et de la situation de leurs pays respectifs qu’il connaissait parfaitement pour y avoir effectué de nombreux séjours de recherches doctorales ou d’enseignement . Il représentait le prototype de ces vieux profs, ancien style, intellectuel communiste jusqu’au bout des ongles .Voilà comment le décrivait déjà Lucien Degras , alors étudiant noir ,fraîchement débarqué de sa Guouadeloupe natale :
« J’eus comme chef de travaux pratiques un ancien commandant de FTP. C’est par lui que j’ai connu le communisme .Bien après cette époque (1946-1947), il est devenu membre du comité central du parti communiste et a été professeur à Orsay pendant assez longtemps. Il s’agit de René Nozeran, botaniste,morphogénétiste , qui s’est longtemps reclamé de l’enseignement de Louis Emberger,dont il fut le chef de travaux,avec des convictions marxistes bien opposées aux idées sociales conservatrices de son Maître. A travers lui, je suis entré à la fois en botanique et en marxisme , j’ai adhéré à l’Union des jeunesses républicaines de France (UJRF°) qui était un peu une annexe du parti communiste pour les jeunes et j’ai milité , dans ce cadre là, en tant qu’étudiant . J’en suis arrivé à en être le responsable étudiant de l’UJRF du département de l’Hérault . J’étais rapidement en grade, dans la structure . Cette union des jeunesses républicaines françaises avait un journal, l’avant-garde , je m’en souviens, que je vendais dans les rues de Montpellier .J’étais très actif et j’ai participé aux grandes grèves de 1947 quand on a mis les communistes hors du gouvernement.J’ai participé à la fermeture de la faculté des sciences de Montpellier où le doyen qui était aussi le tuteur local des étudiants d’Outre-mer est venu me dire :Qu’est-ce que vous faites là, J’ai dit : « Monsieur , je ferme la porte » .Des moments « historiques » . Responsable, animateur, très convaincu.j’ai été alors un « très grand » stalinien . »
En effet ,membre au comité central du parti communiste français( PCF) , jovial , d’allure bonasse, il avait l’allure d’un bon père de famille ,un brin demagogue . C’était le bon professeur rangé du côté des peuples opprimés .Cela emballa votre grand-père .
Il inspirait plus de sympathie que Mr Demarly qui, en homme du Nord , froid, plutôt taciturne, ne connaisant guère encore l’Afrique .Il avait cependant un cœur d’or lorsque l’on arrivait à percer la carapace et à briser la barre de glace communes à la plus part des gens du Nord .
Mais en fait l’élément décisif qui fit pencher la balance en faveur de Mr Nozeran , c’est qu’il avait proposé à grand-père de travailler sur une Légumineuse fourragère très étudiée en cultures expérimentales en Afrique et que grand-père connaissait déjà en 1968 lors de son stage d’Agro à Matroukou à quelques 10 kms de BoboDioulasso.
Demarly au contraire , lui avait donné d’abord, un sujet sur le petit mil Pennisetum typhoides. Grand-père étudiait la possibilité de culture de cette espèce en serres tropicalisée lorsqu’un jour il vint trouver ses chères plantes arrachées sans l’avoir d’abord averti . C’était Line Bancilhon, la maître- assistante de Mr Nozeran qui avait commis le forfait sous l’ordre de Mr Demarly à qui elle s’était plutôt adressée au lieu de contacter d’abord grand-père .Et celui-ci,sans l’avoir auparavant consulté avait donné l’ordre de les arracher .
Grand-père ,très déçu et amer de cette mésaventure s’en expliqua avec Mr Demarly qui lui promit vaguement un sujet à Lusignan , une station de l’Inra au fin fond des marais poitevins . rien d’engageant en somme .C’était en effet une des ces stations de recherche isolée,absente de toute vie, tristounette à en attraper une dépression, tant les distrations les soirs après des journées harassantes de recherche était rares à une cinquantaine de kilomètres à la ronde . Elle n’avait donc rien d’attrayant pour un jeune chercheur de l’âge de grand-père . Il aimait ,certes ,le cadre propice à la recherche , mais craignait l’atmosphère quelque peu monocal des lieux . Pour un rat de labo, c’était parfait .Mais pour un jeune ouvert à la vie , c’était l’enterrement de première classe assurée .
Grand-père semblait revenu quelques 7 ans en arrière dans le cadre austère du Grand Séminaire de Koumi qu’il avait abhorré .

Mais mal lui en prit : il venait se jeter dans la géhenne de l’enfer qu’il prit pour le Paradis .
Cela grannd-père ne le découvrira que plus tard au fil des années .
Les signes prémonitoires ne manquaient pourtant pas . Mais il n’y avait pas prêté attention tant la personnalité de Mr Nozeran,un prof pas comme les autres, qu’il venait de rencontrer,l’avait subjugué.
En effet il avait d’abord opposé une fin de non recevoir à un sujet de recherche que grand-père avait choisi dans son labo ,avant de se retracter et lui proposer un autre sujet .Dans un premier temps, il avait prétendu qu’il ne voulait pas de rapprochement entre grand-père et Hélène Bollon qui traitait déjà un sujet proche sous prétexte quelque peu fallacieux qu’ils avaient entretenu auparavant des relations amoureuses avortées.
Mais en fait l’histoire avec Rizet hantait encore les mémoires .Mr Nozeran , tout en affirmant sa bienveillante neutralité se méfiait quand même de grand-père, cet africain au caractère très affirmé,un brin rebelle . Mr Demarly se souciait surtout de l’éloigner d’Orsay .
Mr Nozeran, lui ;jouait un double jeu comme nous allons le montrer tout à l’heure .
Pour revenir en arrière sur le choix du sujet de DEA ,Mr Demarly , en bon seigneur habile avait vivement protesté en répondant à Mr Nozeran qui venait d’opposer un véto à grand-père que le motif invoqué ne suffisait pas pour empêcher un étudiant de choisir librement un sujet dans un des laboratoires de Génétique et d’Amélioration des plantes.
Les autres profs et étudiants non au parfum de l’hstoire amoureuse entre Hélène et grand-père n’y voyaient que du feu .
Sauf bien sûr Hélène qui dut intervenir en faveur de votre grand-père qui les voyait en effet discuter à voix basse.
Après cette conversation, il fit subitement volte face, se rappela alors d’un sujet sur les Stylosanthès qu’il avait d’abord proposé l’année d’ avant à un étudiant guadéloupéen du nom de Samuel .Celui-ci n’avait pas trouvé les voies et moyens de faire germer correctement les graines dures de cette légumineuse fourragère et avait dû abandonner le sujet . Il se dépêcha de le proposer à votre grand-père comme s’il voulait se rattraper suite à la remarque avisée de Démarly .Mais ce n’était qu’un piège infâme qu’il voulait très habilement lui tendre sans se douter que grand-père connaisait déjà cette espèce au cours de son stage d’Agro en HauteVolta et avait eu l’occasion de discuter avec les chercheurs sur la façon de lever la dormance des graines .
En cela grand-père saura déjouer ce premier piège tendu à la grande surprise de tout le labo . Il avait perçu déjà avant même de s’atteler à la tâche les murmures et les allusions à peine voilées des laborantines qui se passaient le mot sur la non faisabilité du sujet en plaignant déjà votre grand-père .
L’une d’entre elle eut même la gentillesse de raconter à grand-père la mésaventure de Samuel , l’antillais et le conseilla de renoncer au plus vite à un sujet aussi pourri !.
Grand-père l’en remercia mais n’en fit rien de ses conseils car il savait déjà, lui ,comment se sortir du guet-apens .
C’est dans de telles conditions que grand-père fit son entrée dans le labo de Mr Nozeran qui s’appelait,à l’époque Laboratoire de Botanique approfondie et de Morphogenèse végétale . Il y resta de 1970 à 1982, passant tour à tour son Mémoire de DEA en 1971, sa thèse de 3eme cycle en 1974 et sa thèse d’Etat en 1981 . Soit douze ans d’enfer, de ténacité, de pugnacité et de combativité pour repousser tous les assauts pervers de méchanceté, de roublardises , de coups bas afin d’empêcher grand-père d’avancer dans ses recherches et donc de passer avec succès ses diplômes .
Vous n’y croyez pas ? Vous croyez que grand-père exagère un peu ?
Il va vous démontrer que, loin d’exagérer, il ne décrit que la stricte vérité , triste bien sûr, maisvraie !

d.Mr Nozeran confie grand- père à Mr Georges Ducreux , Maître-assistant,agrégé de Sciences Nat, ancien de Normale Sup(Saint Cloud) .

Il y avait dans le labo de Mr ?Nozeran un autre Maître-assistant Jean-Michel Favre et un Assistant Pierre Piquepaille qu’il avait récrutés à Orsay où il avait été nommé professeur en 1961 .Ces deux derniers étaient des « cocos », entendez des communistes ayant beaucoup d’accointances sur le plan politique avec le « patron » alors que notre agrégé et ancien normalien n’était pas un « camarade »,entendez un communiste , mais heureusement un syndicaliste, ie un cégétiste tout de même . Voilà comment s’instaurait la hiérarchie dans le labo de Mr Nozeran :
En premier lieu :être un communiste pour être dans les grâces du patron et bénéficier de toutes ses faveurs : Jean-Michel et Pierre s’étaient inscrits déjà au parti en tant qu’étudiants avant leur recrutement dans le laboratoire.
Mr Ducreux avait été recruté certainement parce qu’il était agrégé et que ça faisait bien de l’avoir dans son escarcelle .
En plus il était normalien,une cerise sur le gâteau . Mais il n’était pas un camarade, ce qui était rédhibitoire et un handicap sérieux pour connaître une ascension rapide dans la hiérarchie universitaire comme nous allons le constater bientôt .
Il y avait également une Maître- assistante plus âgée qu’il avait récrutée lorsqu’il était encore à Montpellier, Line Bancillon, encore célibataire , à l’époque où grand-père rentrait dans le labo. Elle se mariera par la suite, mais de cela nous reparlerons plus tard .
C’est elle qui a arraché , vous vous souvenez, les plantes de grand-père .
Donc à la rentrée au labo, Nozeran le confia à Mr Ducreux responsable des TP du certificat de Botanique .A lui aussi, Nozeran avait donné un sujet de recherche des plus difficiles sur la morphogenèse des Chara, des algues marines vertes toutes microscopiques.Il fallait des loupes pour les observer et le microscope électronique pour suivre leur morphogenèse au travers des différences des structures cellulaires !
Travail de titan à la hauteur d’un agrégé au surplus normalien ? pure mesquinrie ? ou cruelle mise à l’épreuve ? Certainement tout cela à la fois .
Son collègue et ami, Jean-Michel Favre, avait au contraire un sujet des plus faciles sur la Vigne . Il était un camarade, il pouvait bénéficier de quelques faveurs !
. Bien sûr il présenta très vite sa thèse d’Etat trois ans au moins avant Mr Ducreux, négocia très habilement un poste de Maître de Conférences à l’université d’Abidjan comme grand-père vous l’a déjà expliqué. Maître de conférence à l’arrivée , rapidement prof au bout de trois ans,il postula rapidement dans la foulée un poste à Nancy .C’était un stratagème astucieux et classique : partir en coopération sur un poste de Maître de conf, postuler le grade de prof au bout de quelques années de coop pour rentrer quelques années plus tard , tel un César revenu des Gaules en généralissime couvert de gloire .Ainsi fit Jean –Michel qui revint quelques quatre ans plus tard professeur à l’université de Nancy .C’était bien joué . Bravo !
Au même moment ,Mr Ducreux ,lui séchait toujours sur la morphogenèse de ses miroscopiques Chara .Il n’était encore que Maître-Assistant et pour longtemps encore .Il attendra de passer sa thèse puis la réforme universitaire de la gauche qui supprima les grades d’assistant et de maître assistant, pour enfin accéder au rang de professeur sans chaire de façon automatique sans passer le traditionnel concours .Ouf .Il était temps que la Gauche arrive sinon le pauvre Ducreux aurait peut-être pris sa retraite comme maître-assistant !
Et vive l’arrivée de la Gauche au pouvoir .
Mais Mr Nozeran était déjà admis à la retraite lors de la réforme des universités et mourut quelque années plus tard des suites d’un accident de voiture . Il faut dire qu’il souffrait déjà d’une bronchite chronique et de quintes de toux épouvantables qui, lorqu’elles survenaient en voiture, pouvaient provoquer un accident s’il n’arrivait pas à vite arrêter le véhicule. C’est ce qui lui arriva : Un accident malheureusement mortel .
Nous n’en sommes pas encore là, fort heureusement .mais au moment où grand-père fut sous la direction scientifique de Mr Ducreux .
Grand-père n’était déjà ni affilié au parti communiste ni syndicaliste CGT comme Mr Ducreux !
Les non communistes, traités en véritables parias du labo , étaient relégués au rez de-chaussée , dans l’aile gauche du bâtiment 360 .
Grand-père partageait son bureau avec Robert Haïcour, un assistant à Normal Sup Rue d’Ulm .Il avait fait son DEA la même année que grand-père en 1970 et poursuivait sa thèse de troisième cycle, puis d’Etat au labo de Mr Nozeran. Il n’était pas communiste lui non plus et à l’époque non encore syndiqué,non plus !
Il va sans dire qu’aucun des 3 trois parias du rez-de -chaussée n’avait jamais songé à prendre la carte du parti communiste , précieux sésame pourtant pour être bien vu et bénéficier de quelques faveurs du patron .
Si Mr Piquepaille n’a pas beaucoup connu d’avancement , ce n’est pas que Nozeran , tout au moins au début , ne lui ait pas tendu la perche .
Mais Pierre était de ses chercheurs brillant,orgueilleux et si perfectionniste qu’aucun des résultats qu’il obtenait ne lui convenait .Tout passait systématiquement à la poubelle au grand désespoir du patron.
Il nous arrivait même de récupérer au fond de la corbeille ses brouillons violemment froissés que nous nous lisions en toute discrétion . Ils pouvaient faire de bonnes publications scientifiques . Mais pour lui ce n’était pas à la hauteur de ses attentes .
A la longue, Mr Nozeran et son assistant s’affrontèrent non pour des raisons scientifiques, mais tout bonnement pour une histoire de bonne femme dont Piquepaille était sorti vainqueur parce que plus jeune et certainement plus bel homme .
Il divorça d’ailleurs d’avec sa première épouse pour convoler avec cette petite minette d’étudiante qu’il venait d’arracher de haute lutte au patron !
Celui–ci très humilié ne lui pardonna jamais cet affront. Il le marginalisa dans un coin du labo roucouler avec sa dulcinée, tous deux « camarades » qu’ils furent . La camaraderie a ses limites qu’il convient de ne jamais franchir .Ils l’apprirent tous deux à leurs dépens !
La quatrième maître-assistante fut Mlle Bancilhon, la favorite ,exploitée, pressée au maximum par le patron qui la chargea de la direction technique du labo .Lui, se réservait la direction administrative et scentifique. Les mauvaises langues disaient que Mr Nozeran avait conclu un accord secret avec elle moyennant la rédaction de sa thèse
En effet , Mlle Bancihlon fit une excellente thèse d’Etat très appréciée par Nozeran qui prenait toujours les Phyllanthus comme modèle de la morphogenèse des plantes supérieures . Il ne cessait de citer , dans ses cours la thèse de Line Bancilhon, négligeant les plantes des autres chercheurs à leur grand désespoir On sentait bien qu’il dominait davantage la morphogenèse des Phyllanthus assez complexe au demeurant .
De là à affirmer que c’est lui qui a rédigé la thèse de Line Bancilhon, il n’y a qu’un pas !
A plus de 40 ans, vite devenue Mme Rossignol à la suite d’une rencontre fortuite en Guyane où elle était partie herboriser de rares spécimens de Phyllanthus indigènes , elle sut jeter le grappin sur le pauvre Martial qui souffrait de solitude après un douloureux divorce d’avec sa première épouse .Ils convolèrent rapidement en justes noces mais n’eurent aucun enfant .
Par contre elle en profita pour se détacher et prendre ses distances vis-à-vis de son ancien protecteur en se permettant même beaucoup de perfidies et d’esprit critique . Mais passons ,cela ne nous regarde pas !
Mr Nozeran dépité, blessé au plus profond de son ego devenait de plus en plus rare au labo, puis finit par récruter deux assistants à défaut d’assistantes : Mr Belliard, un Agro de Paris qui fit son DEA en 1970 et devint son grand confident . Mais il se dépêcha de
se marier avec Geneviève une assistante de Mr Demarly ! C’était un crime de lèse Majesté que de vouloir jeter un pont entre les deux laboratoires concurrentiels et ennemis !
Mr Nozeran le :lui fit savoir de bien de manières !Et il dut quitter le labo après avoir vite expédié sa thèse de 3eme cycle avant de subir le retour du bâton !
Mais nous y reviendrons un peu plus tard si vous voulez bien , les enfants.
Le dernier assistant rentré au labo fut Mr Darah Sing, un laotien, réfugié en France avec sa femme récrutée elle aussi au Cnrs de Gif –sur-Yvette.
Devant prendre sa retraite à la rentrée 1982, Mr Nozeran fit soutenir leur thèse d’Etat rapidement à Darah et à Robert Haïcour Mais, pas de chance pour eux, ils ont tous deux été bloqués maîtres de Conf, depuis lorsjusqu’à prendre leur retraite . C’est dire la bonne opinion du labo à l’extérieur . Ils auraient mieux fait d’user du même stratagème que Jean-Michel au lieu de se morfondre à Orsay .
Pourtant le pôle scientifique du Plateau de Moulon confère à Orsay une renommée à nulle autre pareille . C’est dommage que le Labo n’ait pas pu en tirer profit.
Le laboratoire de Nozeran était-il si rédhibitoire que cela ?
Jugez –en vous-même :
Mr Nozeran , parti, le labo continua à tourner à vide sous la direction de Ducreux jusqu’à ce qu’il prit lui aussi sa retraite .
Ouf . La fac n’attendait que son départ pour demanteler au plus vite un labo fantôme qui n’avait de labo que le nom et qui n’avait jamais voulu ou su récruter un professeur capable de redynamiser une structure de recherche moribonde qui avait besoin d’un chercheur énergique et de haut vol .
Malheureusement c’était devenu un secret de polychinelle que tout le labo faisait chorus pour décourager tout candidat au poste de prof ,chef de labo . Mr Ducreux étant patron par défaut que par concours élu par ses pairs . La résistance et la politique de la chaise vide avait payé pour Mr Ducreux qui n’eut personne au-dessus de lui , mais malheureusement mortelle pour le labo
Voilà comment disparut le dernier des Mohicans et avec lui le labo de Botanique .
« Requiem aeternam.. » !
Les orrphelins furent secourus, recueillis sans larmes par différents labos ,ravis de récupérer de l’espace , du personnel et du matériel sans bourse délier comme dirait l’autre, gratis pro Deo .

Mais pour en revenir au séjour de grand-père dans ce Labo,vous avez vite compris , au vu de l’ambiance décrite, que ce ne fut pas de la « tarte » .
Votre grand–père en a « bavé », en a « vu de toutes les couleurs » .
Tantôt ce sont ses cultures de tissus qui « cramaient »mystérieusement , tantôt ses résultats consignés qui disparaissaient , évaporés, envolés on ne sait où ni comment . parfois soustraits et retrouvés fortuitement dans une poubelle comme par miracle !
Mais le pire fut la disparition de la deuxième partie de sa thèse de troisième cycle qu’il avait donnée à corriger au patron qui, à force d’en retarder la correction avait fini par l’égarer sous la pile épaisse des dossiers en souffrance .
On chercha, chercha , mais vainement ; aucune trace du gros article de Mr Somda qui ne dû présenter que la première partie de ses recherches pour l’obtention de sa thèse de troisième cycle .
C’est à partir de cette époque que grand-père, fut complètement révolté contre le patron.
Il devint alors un véritable homme révolté , un véritable da-gaara(Dagara) au sens ethnique du terme .Il se mura dans une colère noire à peine retenue, prête à de violentes explosions dont les plus anciens du labo font toujours mention encore aujourd’hui dès qu’ils sont en présence de grand-père .
Monsieur Nozeran avait une voix de Centaure capable d’ébranler le bâtiment lorsqu’il poussait ses fameuses « gueulantes » dont les murs du labo doivent certainement en garder encore les échos .
Mais elles n’impressionnaient pas autrement votre grand-père qui savait lui tenir toujours tête devant les yeux ahuris et abasourdis de tout le labo .
Leurs relations étaient tour à tour conflictuelles ou apaisées selon l’humeur de l’un et l’autre.
Ce que grand-père ne pouvait , ne voulait ou n’osait lancer à la face du patron directement ,il le faisait par l’intermédiaire du personnel subalterne, laborantines, femmes de ménages , jardiniers notamment Mr Cordeau , qui se précipitaient avec un sentiment de devoir à accomplir dans le bureau du patron pour rapporter les propos scandaleux et irrespectueux de ce pélé , ce galeux par qui arrivait toute la mauvaise ambiance du labo dont tous, petits et grands souffraient . « Ils ne mourraient pas tous , mais tous étaient frappés» .
Heureusement, grand-père était un bourreau du travail . il sortit vainqueur de la dureté des graines des Stylosanthès, les fit germer à près de 75% , obtint de bonnes croissances des plantes malgré des conditions limites de températures et de lumière .Il obtint même des régénérations tant en tubes à essais qu’en serres .
Il força alors l’admiration de tous . S’ils ne l’aimaient pas tous , tous étaient frappés , surpris, émerveillés de voir avec quelle hargne, quelle ténacité ,quelle pugnacité et quelle détermination, ce petit africain se montrait capable d’abattre du travail tout en étant le seul chercheur à pouvoir tenir tête avec un courage sans pareil à un patron réputé grand intellectuel, et plus est ,du Comité Central du parti communiste, craint, respecté et écouté par ses pairs de l’université .
Ce qu’il ne savait pas, c’est que votre grand-père était le digne fils de son père qui, comme il vous l’a déjà raconté, était à la fois capable des pires colères, mais un catéchiste zélé dans son travail !
parti, le labo vivota tant bien que mal sous la perfusion de Mr Ducreux qui, médecin malgré lui ,échoua dans toutes ses tentatives car c’était un secret de polychinelle que le malade était entré dans une phase comateuse avancée et que le bateau prenait de l’eau de toutes parts une fois que le capitaine l’eût quitté.
Et malgré les efforts méritoires du nouveau Moïse pour sauver du naufrage ce petit reste ,recroquevillé dans sa peur et dans l’attente d’une fin qu’ils sentaientt de plus en plus proche, le glas sonna lorsque le dernier des mohicans mit pieds hors du navire .
L’administration universitaire profita du départ du professeur agrégé malheureuselent non de Médecine, mais de Sciences Nat,pour sonner le glas, et donner l’absoute à l’enterrement d’un labo déjà en pleine décomposition dont plus personne à l’extérieur n’osait s en approcher .
Si grand-père se permettait beaucoup d’indépendance d’esprit, en bon Dagara qu’il est,il se rattrapait par les excellents résultats qu’il obtenait dec ces Stylossanthès si rebelles,eux aussi !Ne dit-on pas « qui se ressemblent s’assemblent !»
C’est qu’il avait su avec intelligence et patience les apprivoiser et finalement les dompter malgré leur sale caractère et leur mauvaise réputation de plantes rebelles, et résistantes à toutes les études,à tous les essais d’amélioration !
C’est que grand-père à force d’être à leur contact les connaissait bien et avait fini par tomber amoureux d’elles et celles-ci ,en retour le lui rendaient bien !
.
Grand-père savait prendre du temps pour les laver,les soigner, les nourrir, les dorloter, les caresser,leur chanter la douce berceuse Dagara que vous connaissez bien maintenant ! « Dort, dort l’enfant dort…. » pour les endormir !
Vous ne savez certainement pas, les enfants, mais les Légumineuses dorment dès la tombée de la nuit en recroquevillant leurs feuilles et en réduisant au maximum leur respiration ; puis dès les premières lueurs du jour ,elles se réveillent,réouvrent toutes grandes leurs folioles pour se régaler et se réchauffer des premiers rayons de l’astre du jour !
C’est génial non ?
Les savants appellent cela les mouvements de veille et de sommeil que votre grand-père a eu l’occasion d’observer et d’étudier chez les Stylosanthes.
De cela , nous reparlerons un peu plus tard .
L’amour que grand-père entretenait avec ces plantes devenait quelque peu fusionnel .
Grand-père en un clin d’œil savait reconnaître la plante qui ne se sentait pas bien notamment celle qui avait soif ou faim, malade ou souffreteuse .
Il y rémédiait rapidement et elles retrouvaient toutes un sourire épanouissant .
Très attentif à leur bien -être, à leurs moindres désirs,à leur complainte,il a fini par se tisser une grande complicité voire une réelle amitié avec ces plantes si farouches et si résistantes à livrer leurs secrets sauf si l’on arrive à gagner leur confiance ! Ce qu’a su faire votre grand-père !
Et ce fut grâce à leur collaboration amicale, sans réserve et sans faille, que grand-père obtint très rapidement des résultats probants ! Et bien qu’il ne fut pas par la suite à plein tempsavec elles, , elles continuèrent d’obéir à tous ses désidérata ,le comblant de leurs bienfaits , heureuses de collaborer à la réussite de votre grand-père alors que celui-ci ne s’occupait plus avec autant de soins d’elles lorsqu’il fut enseignant à Marcoussis .
Mais il avait su alors leur parler sans détour un langage de vérité : sans témoin, leur expliqua la situation nouvelle qui prévalait et elles surent se montrer compréhensibles et collaboratives .Elles attendaient avec beaucoup de patience l’arrivée de votre grand-père qui les gâtait en retour par de petites gourmandises d’engrais azotés supplémentaires si de besoin .
Les résultats ne se firent donc pas trop attendre tant et si bien que le patron aurait été très mal inspiré de lui chercher encore noise .
Grand-père et le patron finirent par trouver un modus vivendi et purent enfin signer un pacte de non agression réciproque le patron lui laissait le loisir d’explorer les domaines de recherches qu’il jugeait opportuns et grand-père lui devait le respect dû à son rang . L’engagement fut tenu jusqu’en 1978 où le grand patron ( Mr Nozeran et le petit ( Ducreux) jugèrent que grand-père avait accumulé assez de résultats pour commencer la rédaction de sa thèse .
Et c’est là que recommencèrent ses ennuis , Il présentait en effet les épreuves à Ducreux qui, après correction, les redonnaient à grand-père. Celui-ci les apprêtaient en tenant compte des remarques pour les présenter au grand patron . Ce dernier , pour des raisons qui ont toujours échappé à grand père, les gardait sous le coude à tel point qu’il dut à chaque fois pousser une grande « gueulante » pour réussir à se les faire corriger dans des temps raisonnables .
Néanmoins grand-père s’inquiétait de la lenteur des corrections .
Pour hâter les choses il crut bon de soumettre les épreuves à des correcteurs extérieurs et ce d’autant plus qu’à l’exception de Mr Piquepaille, personne au labo ne s’intéressait aux résultats statistiques mais uniquement aux aspects morphogénétiquesde son travail.
C’est dans ces conditions qu’il s’adressa à Mr le professeur Jean Pernès qui en tant qu’élève avait fait le DEA d’Amélioration des Plantes avec lui en 1970, mais qui en fait avait bouclé déjà ses recherches sur Panicum Maximum,une graminée fourragère d’Afrique . Il avait été affecté à sa sortie de l’Agro de Paris par l’Orstom au centre de Recherche Scientifique d’Adiopodoumé, au kilomètre 17 d’Abidjan . Mais pour passer sa thèse d’Etat il était obligé de faire un DEA. Il avait déjà beaucoup de longueurs d’avance sur nous et une fois le DEA en poche, il passa brillamment sa thèse d’Etat déjà rédigée et fit une ascension fulgurante en brûlant toutes les étapes de la hiérarchie universitaire en un peu moins de 3 ans Il réussit ensuite le tour de force incroyable de se faire nommer Directeur de Recherche à l’Orstom,Directeur de Recherche au Cnrs, affecté à Gif, puis prof du DEA de Génétique et d’Amélioration des Plantes , prof du certificat de Génétique de Mr Rizet .
Bref c’était l’étoile montante des jeunes profs qui devaient remplacer la vieille générationn déclinante des Rizet,Nozeran, Chevaugeon, et autres mandarins .
Grand –père soumit donc les épreuves de sa thèse à Pernès qui voulut qu’il y eut davantage encore de statistiques, ce à quoi grand-père ne crut pas devoir donner satisfaction car c’était s’écarter complètement de l’esprit du labo que d’abandonner le côté morphogenèse pour ne développer que l’aspect maths-statistiques.
C’était la mode que la nouvelle génération , suivant son leader en la matière ,Mr Demarly voulait imposer à la recherche en amélioration des Plantes.
Et tous ceux qui ont suivi leur voie ont brillamment réussi leur carrière par la suite ; grand –père en veut pour preuve,Mr Abou Sarr, un Agro de Toulouse , élève de Demarly ,puis de Pernès.
Il suivit les pas de Pernès , présenta une thèse de bio-mathémétiques et fut vite récruté prof de Paris VI-Jussieu, puis du DEA d’Amélioration des Plantes , ensuite directeur de labo à Orsay .
Mais pour votre grand-père, cela ne l’intéressait pas .Il était resté un vrai biologiste dans l’âme et ne comptait travestir la biologie en « enfumant » les autres avec des formules et formulations mathématiques très théoriques .
Et plus ils n’y comprenaient rien à rien à ces thèses bourrées de maths plus nos biologistes se pâmaient en admiration devant ces illusionistes et se précipitaient de les récruter avant que les autres ne le fassent ! . Histoire de complexe des biologistes vis à vis des Mathématiques et des Statistiques qui , de toutes les manières ne leur apprenaient .ni rapportaient rien de plus sur le plan biologique ! Mais c’était la mode du moment , doublée d’un complexe d’infériorité des Biologistes vie à vis des Mathématiques !

Grand-père, après mûres réflexions, ne jugea pas judicieux d’enfourcher cette mode nouvelle et s’en tint à une thèse somme toute classique par respect aussi pour le labo d’où il sortait .ç’eût été une trahison qu’une fois les résultats obtenus dans un labo, il s’en détourne pour partir exploiter les résultats dans un sens tout opposé à celui de son labo d’origine. Cela était déontologiquement impossible et intolérable pour grand-père qui s’y réfusa quitte à faire une moindre brillante carrière universitaire .
Il fit la même réponse à Mr Demarly lorsqu’il lui soumit également la dernère épreuve de la thèse.
Aujourd’hui , grand-père n’éprouve aucun regret de cette conduite ni de la carrière qu’il a menée car chacun suit son destin et l’essentiel était de rester soi-même ,fidèle aux valeurs auxquelles il croit .Le reste , n’est que broutilles ,fariboles et babioles qui ne méritent aucune considération qui vaille .

C’est donc dans ces tensions perpétuelles tant internes qu’externes que grand-père poursuivit ses recherches tout en enseignant à temps plein à la Maison St Antoine de Marcoussis , l’une des Maisons des Œuvres des Apprentis Orphelins d’Auteuil :
Il y restera de 1974 à 1981 .
En effet grand-père s’était vu supprimer sa bourse à la fin de sa thèse de 3eme cycle .Vous vous en souvenez
Il rechercha alors un travail d’enseignant qui lui laisserait assez de temps libre pour mener à bien la préparation de sa thèse d’Etat .
Le poste n’était pas des plus attrayants pour le niveau de grand-père, mais comme disait le directeur de l’établissement : « Qui peut le plus ,peut le moins » . Il s’engagea donc dans cette école jusqu’à la soutenance de sa thèse d’Etat en tant que prof d’Horticulture Générale, de maths, chimie, de toutes les matières scientifiques .
Il venait remplacer au pied levé un certain Mr Chicouane, un cas social dans une école de cas sociaux . En effet Mr Chicouane était un prof bizarre, sale et dégoûtant , un peu dérangé psychologiquement . Après un mois d’un essai infructueux , le directeur avait décidé de s’en séparer . Il était plus que les enfants un cas social . Ils ne méritaient pas d’avoir sous leurs yeux un tel exemple .
C’est donc ainsi qu’en Novembre 1974, grand-père fit son entrée dans l’Oeuvre d’Auteuil et commença sa carrière d’enseignant dans le second degré, lui qui s’était juré de ne jamais en faire son métier et avait tout fait pour y échapper ! Le voilà , par ironie du sort ramené au premier métier auquel il était d’abord destiné et qu’il avait cru échapper s’orientant en agronomie et en s’orientant vers une thèse d’Etat.
Mais le voilà rattrapé par ce qu’il fuyait en venant en France : Son premier poste fut celui d’enseignant du second degré !
Et quel poste !
.Ce fut quant même un grand soulagement pour votre grand -père d’avoir pu l’obtenir !
Il y enseignera 7 bonnes années tout de même ! .
Grand-père dispensait donc des cours d’ horticulture générale , laissant l’horticulture spéciale et les travaux pratiques aux deux moniteurs , Mr Roger Lebrun pour la floriculture et Mr Bourgueil pour le droit rural et les techniques culturales proprement liées à l’horticulture.
Par la suite, il fut nommé directeur technique de l’Ecole jusqu’à ce que ces deux collègues sus-nommés se forment et aient leur BTH ( Brevet de Technicien Horticole) pour prendre la relève, car plus le temps passait plus il était accaparé par sa thèse à tel point qu’il fut même contraint de réduire ses heures de cours . Ce qui lui permit le 8 janvier 1981 de soutenir sa thèse d’Etat .

f.Ouf !grand-père soutient enfin sa thèse d’Etat en Sciences Naturelles.

Dès début 1980, grand-père avait fini la rédaction de sa thèse, toutes les corrections demandées étaient faites !
La saisie du manuscrit terminée en fin février fut corrigée et recorrigée mille et une fois.Le texte fin prêt avant le mois d’avril fut relié en fin avril . En mai les exemplaires pouvaient être déposés et la soutenance faite au plus grand tard en fin juin avant le début des vacances scolaires .
Les soutenances se fasaient encore au mois de juillet lorsque les profs s’étaient déchargés des corrections et des oraux de leurs étudiants .
Mais rien ne fut fait dans le sens de la soutenance au mois de mai, ni en juin, ni en juillet.. . Ce ne fut qu’en juillet qu’il fit dire par l’intermédiaire de Mr Ducreux que la soutenance était reportée en octobre sans préciser de date. Encore fallait-il que les exemplaires fussent seulement envoyés aux différents membres du Jury .
Ont-ils été envoyés avant les vacances ? Grand-père ne le savait . Ce qu’il savait c’est qu’en septembre la date de soutenance n’avait pas été encore arrêtée .
Sachant que Mr Ducreux ne lui serait d’aucun secours pour régler ce problème de date,grand-père dû encore prendre sur lui pour la n ieme fois la responsabilité d’intervenir pour que Mr Nozeran jure que la thèse quoiqu’il arrive, se passera au premier trimestre de l’année 1980-1981.
Mais quelle confiance accorder à ces nouvelles déclarations ?
En tout état de cause , les conséquences de ce nouveau report étaient des plus désastreuses pour grand-père. :
Un : il fallut qu’il renouvelât son inscription pour pouvoir passer la thèse, puisqu’on abordaits une nouvelle année scolaire .
Il enrageait, mais il fallut s’y résourdre .
Au mois de Novembre les choses finirent par bouger : envoi des exemplaires aux différents membres du Jury qu’il fallut consulter un à un pour fixer la date de soutenance .
Il faut un mois entre le dépôt, la réception de la thèse et la soutenance .
Grand-père pouvait encore soutenir en décembre .
Mais un des membres du Jury n’avait pu se libérer avant les vacances de Noël .
C’était donc cuit et grand-père pouvait, après Jean de La Fontaine ,dire :« je suis gros Jean !» et poursuivre :
« Adieu , veau, vache, cochon, couvée » et les vacances de Noël.
1)Adieu les fêtes de Noël et du Ier de l’an qui auraient dues être des fêtes de libération !
Mais là, il fallait reprendre les répétitions jusqu’au dernier jour avant la soutenance qui fut fixée avec l’accord de tous les membres du jury au 8 janvier 1981, ie le jour même de la reprise des cours du deuxième trimestre .
2) Mr Nozeran venait de faire perdre le plus officiellement du monde une année à grand-père puisque sa thèse sera comptée et inscrite dans les catalogues des thèses de l’année 1981 et non 1980 .
Il se retrouve en passant le 8 janvier 1981 dans la même année que quelqu’un qui l’aura passé le 8 décembre 1981 .
C’est ainsi que Géneviève Belliard du laboratoire de Demarly avec qui grand-père a fait le DEA en 1969-1970 a pu lui damer le pion en soutenant in extremis sa thèse vers le 15 décembre tout juste avant les vacances de Noël . Officiellement , elle a passé sa thèse une année civile avant grand-père alors que nous avons passé chacun notre thèse à 3 semaines d’intervalles pour cause de vacances , elle tout juste avant les vacances , grand-père juste après .
Par contre la thèse de Aho Nestor, un collègue et ami béninois, soutenue en fin juin 1981, fut inscrite dans la même année que celle de grand-père .
Mais ce n’est là que le côté anecdotique de ce report malheureux !
par suite de des retards ainsi accumulés, grand-père n’avait pu envoyer ses dossiers de demandes de poste d’enseignement pour l’année scolaire 1980-1981 !
La encore ,Nozeran lui aura fait perdre un an sans sourcier !
Mais l’essentiel n’était-il pas d’avoir réussi à vaincre toutes ces méchancetés, ces bassesses, ces roublardises qui n’avaient qu’un seul et unique but :décourager grand-père et l’amener à tout abandonner ?
C’était sans compter sur le caractère opiniâtre, tenace , pugnance de votre grand-père qui, en Dagara rebelle, révolté, a réussi non sans mal, de la belle façon, envers et contre tout et tous, à préparer et soutenir cette thèse dans un temps relativement raisonnable pour une thèse d’Etat en Sciences Naturelles?
Une fois la thèse soutenue, grand-père poursuivit cependant son enseignement à Marcoussis jusqu’à la fin de l’année scolaire . Et il aurait pu faire carrière dans l’œuvre d’Auteuil une fois sa thèse terminée, mais par devoir pour l’Afrique qui l’a élevé et nourri jusqu’à la fin de son troisième cycle, il ne pouvait pas s’en détourner. Il se résolut après réflexion à remettre sa lettre de démission au directeur de l’école non sans s’être auparavant assuré de quelques points de chute .
Grand-père vous a raconté déjà ses mésaventures en Haute Volta auprès du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scienfique .
Il se résolut donc, après sa soutenance,à une prospection large en France et finit par trouver un poste d’assistant à l’Université catholique de Lille à mi- temps + un poste à temps plein dans un lycée privé catholique de la ville dans l’attente de la libération complète du poste universitaire..
Mais entre temps grand-père avait trouvé un poste de Maître de Conf en Physiologie Végétale en coopération à l’université de Niamey au Niger.
Il opta pour ce dernier . Mais malheur lui en prit car après maintes tergiversations, le poste déjà accordé à grand-père lui fut refusé in fine par le recteur de l’université de Niamey.
Pour quelles raisons exactement ? Grand-père ne saurait le dire . Mais il s’autorise à penser que le recteur de l’Université a dû prendre attaches avec l’Université de Ouaga et/ou le Ministère de l’Enseignement Suprieur et on a dû le dissuader de prendre grand-père .Là encore par pure jalousie ?
Le poste fut gelé par la Coopération jusqu’à l’année d’après où on lui présenta encore un candidat africain d’origine béninoise que le recteur dût accepter apparemment sans problème. Ceci voudrait dire qu’il n’a pas dû réfuser grand-père à cause de ses origines africaines comme il se murmurait dans le milieu de la coopération mais tout simplement que l’opération avait bel et bien été téléguidée depuis Ouaga d’où il dut rececoir des consignes amicales de ne pas l’engager .
N’empêche ! Pendant l’année 1981-82 grand-père déposa mille et une demandes de postes en France, mais toutes demeurèrent infructueuses .
Il fit des demandes dans plusieurs universités africaines : Il reçut plusieurs réponses positives du Congo Kinshasa, mais il se méfia de l’atmosphère politique de ce pays et n’y alla pas . Il déposa une demande au Centre Agricole de Dschang où il lui fut offert un poste local . Il n’y alla donc pas pour des raisons financières .
Un poste de coopération s’ouvrit à l’université de Fez avant celui de Cotonou. Il l’accepta et assista même au stage de départ . Mais entre temps,la Coopération offrait un poste de Physiologie végétale à l’université Nationale du Bénin à Calavi que grand –père se dépêcha alors de solliciter .On le lui accorda.
Il renonça alors au poste de Fez .

g.Quelles réflexions et quelles conclusions tires-tu, grand-père, de ton long séjour et de tes aventures épiques à Orsay ?

Il n’est pas question ici de tirer toutes les conclusions du séjour de 13 ans dans la région parisienne car heureusement l’université et la thèse n’ont pas été les seuls lieux géométriques du vécu de grand-père à Orsay, si importantes fussent-elles .
Il a vécu heureusement d’autres expériences capitales dont il aura le plaisir de vous parler plus tard .
Il s’agit ici de tirer les leçons du passage de grand-père à l’université d’Orsay et plus particulièrement au labo de Nozeran .
Le 8 janvier 1981, au moment où il soutint sa thèse d’Etat, grand-père avait 38 ans . Il venait de boucler plus de 30 ans d’études entamées depuis 1948, 18 ans d’études supérieures entreprises depuis 1963, un séjour de 12 ans à Orsay.
Il peut pousser enfin un ouf de soulagement et s’engager dans une autre étape de la vie, sonder d’autres horizons et écrire d’autres pages de son aventure terrestre .
Il pourrait d’ores et déjà faire le bilan de ces 30 ans de vie scolaire . Il ne le fera pas présentement , le but affiché ici étant de faire le bilan de la moisson recoltée à l’université Paris Sud .

.Les échecs.
Les échecs forment la jeunesse!a-t-on l’habitude de dire.
Pour grand-père, ils sont patents comme vous avez dû vous en apercevoir vous-mêmes.

-D’abord au niveau du certif de Génétique
Ils ne sont plus dissimulables dans la mesure où grand-père n’a pas hésité à étaler son échec au certificat de Génétique :
Il l’a cherché car il aurait dû réfuser de s’y inscrire ou suivre le cours et ne pas passer les examens car il n’y était pas tenu . Beaucoup d’Agros ne l’ont pas fait ou ont simplement suivi les cours comme le témoigne Lucien Degras et ils n’ont pas moins tiré leur épingle du jeu ! .
C’était donc là une première erreur .

Mais une fois qu’il a accepté, il fallait tout mettre en œuvre dès le départ pour le réussir . Or grand-père ne l’a pas fait . Il a abordé les cours en dilétante avant de se mettre au travail . Il était déjà un peu tard car il était déjà marqué au fer rouge d’esprit rebelle .
Cela était rédhibitoire .
.Et c’était là une deuxième erreur .

Une fois ces deux erreurs commises, il eut fallu se retirer sur la pointe des pieds sans faire de bruits et tout serait rentré dans l’ordre .
Il ne fallait donc pas se rebeller contre un mandarin . On n’était plus en mai 68,mais en 1970 . Les profs avaient eu le temps de reconquérir leur pouvoir déchu en mai 68 . Et le mandirinat des grands profs avait repris tous ses droits : « Chassez le naturel, il revient au galop » que l’on soit communiste ou non .
Et Rizet, comme la plupart des grands mandarins d’Orsay, était communiste dans l’âme .
.
Indésirables, chassés de l’ancienne Fac des Sciences de Paris Jussieu ,ils s’étaient repliés à Orsay où s’était formé déjà un noyau dur d’inntellectuels communistes dans les labos de recherche de Frédéric Joliot et Marie Curie, les plus connus .
Vous n’avez pas connu Mr Rizet, les mouflets !
C’était un véritable buffle . le mufle !
Grand-père a commis l’erreur fatale de disperser ses forces .
Il aurait fallu ne pas s’attaquer de front à l’Orstom, mais faire amende honorable quitte même à partir demander pardon à Mr Rizet pour montrer qu’il n’était pas un gauchiste de mai 68 comme le pensaient certainement tous ces colons de l’Orstom , Mr Rizet en premier.
On sait que les communistes n’ont jamais eu le moindre béguin pour les partis situés sur leur flanc gauche.
Quatre causes d’un échec bien prévisible . Il y en a eu certainement bien d’autres comme celle d’avoir sous-estimé les forces de l’adversaire .

.Les échecs au labo de Mr Nozeran
Ils sont nombreux , il ne faut pas se voiler la face :
.Première erreur : Etre rentré dans ce labo.
Manifestement ni le patron ni le labo ne correspondaient aux aspirations les plus profondes de votre grand-père : En effet il était monté à Paris pour se spécialiser en génétique et amélioration des plantes . Or il y avait un labo d’Amélioration des Plantes, celui de Demarly qu’il aurait dû intégrer en toute logique . Et ce d’autant plus que celui-ci faisait des pieds et des mains pour le récupérer, mais malheureusement en vain .
Grand-père a donc commis une erreur en repoussant les avances et propositions maintes fois réitérées de Mr Demarly

.Deuxième erreur :
Les motifs avancés pour rentrer dans ce labo sont inacceptables : On ne rentre pas dans un labo de recherche parce que le patron vous plaît mais parce que ses objectifs de recherche correspondent vraiment à ce que vous êtes venu chercher . Or grand-père ne savait pratiquement rien du labo de Botanique sauf que son patron était sympathique envers les africains . Il n’y connaissait personne sinon Hélène Bollon .
Il n’avait donc à attendre aucun soutien psychologique susceptible de l’aider en cas de problème .
.
tout cela ,il n’en avait aucune conscience réelle .
.
Troisième erreur : Grand-père n’a jamais eu le courage réel de quitter le labo lorsque tout allait mal dès le début.
En effet dès le choix du sujet de recherche les prémices d’un futur conflit entre le patron et grand-père se dessinait déjà .Il aurait dû ne pas s’entêter. Mais puisqu’il y était rentré malgré tout, il devait la fermer comme dirait un Ministre de Mitterand : « Un ministre ça démissionne ou ça ferme sa gueule » disait Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Education Nationale , de la Recherche Scientifique, souvent démissionnaire dès qu’il était en désaccord profond avec Mitterand, notamment quand celui-ci s’était rallié aux américains pour envahir l’Irak alors qu’il était ministre de la défense nationale . Il eut le courage de quitter le gouvernement en signe de protestation .Il avait raison. Bravo !
A la fin du DEA,grand-père aurait dû partir car Mr Nozeran avait mis un temps fou pour lui corriger les épreuves .Il voulait en fait que le rapport soit parfait pour le présenter à Mr Lorougnon Guédé, un de ses premiers élèves devenu Ministre de la Recherche Scientifique en Côte d’Ivoire avec l’intention que grand-père puisse poursuivre ses recherches en Côte d’Ivoire. Il voulait déjà se débarrasser ainsi de ce rebelle à très bon compte !
Mais il échoua devant le succès d’une autre plante fourragère, le Panicum maximum de Pernès dont nous avons déjà parlé . Il ne fallait pas faire de l’ombre à ce brillant chercheur en introduisant des recherches parallèles sur une plante fourragère mieux appréciée des animaux
Ont-ils eu leur mot à dire ? Grand-père ne le sait.Mais le Ministre avait dit qu’ils étaient en Côte d’Ivoire axés surtout sur les Panicum qui suscitaient beaucoup d’espoir, que les Stylosanthès étaient surtout étudiés dans les stations du Nord du pays par l’Irat .Lui était un pion de l’Orstom à Apodoumé où il avai fait sa thèse.
Donc concurrence sourde, qui ne dit pas son nom, entre l’Orstom et l’Irat plus pragmatique et l’Orstom davantage tourné vers la recherche fondamentale .
Il faut dire qu’au départ l’Orstom s’occupait uniquement de la formation des chercheurs et non de la recherche même , donc de la théorie scientifique soutien de la recherche pratique de terrain.
Lorsqu’il se lança comme organisme de recherche, l’Orstom s’est tourné naturellement vers la recherche fondamentale,une spécialisation somme toute normale au vu de la formation antérieure reçue parses premiers chercheurs.
Et Mr Lorougnon Guédé d’encourager grand-père à poursuivre ses recherches dans l’excellent labo de Mr Nozeran .
Cela dit en passant, il ne faut surtout pas le répéter à personne il pensait récupérer les résultats de grand-père sans bourse délier.
C’est du moins l’impression qu’il eut à l’époque en l’écoutant .
Donc grand-père aurait dû tirer sa révérence et partir chercher ailleurs pendant qu’il était encore temps .
Mais le courage lui manqua .
Etait-ce un véritable manque de courage ou une tendance permanente de relever des défis dont il avait le secret et qu’il n’avait cessé de se lancer à lui-même ,souvent à ses dépens ?
Ce devait être certainement les deux à la fois .
De plus, rappelez-vous, grand-père était tombé , comme il vous l’a avoué déjà, amoureux de ces Stylosanthès qui le lui rendaient bien .Il eut fallu qu’il les emportât avec lui dans un autre labo, solution inconcevable à l’époque . Les profs semblaient avoir signé un pacte secret de solidarité et de complicité entre eux ,pour le moins de non agression .
Un prof quelle que fut son opinion contre un confrère, n’osera prendre parti ouvertement pour un étudiant de peur d’un retour de bâton.
Il eut fallu partir en abandonnant sur place ses petites chéries .
Grand-père n’avait pu s’y résoudre .
Mais la proposition était venue de Mr Pernès lorsqu’il s’installa au Cnrs à Gif .Il eut fallu qu’il renonça au Stylosanthès pour revenir sur une céréale, le petit mil qui lui rappelait de mauvais souvenirs au départ de sa jeune carrière scientifique lorsque ses plantes furent arrachées par Line Bancilhon .C’étaient des plants de petit mil . Vous en souvenez-vous,les enfants ?
Grand-père avait décliné l’offre aussitôt acceptée par Mr Jacques Belliard, l’assistant de Mr Nozeran qui travaillait sur les Phyllanthus de Mlle Bancihon

Le courage manquant ,l’amour pour ses chers Stylosanthes aidant, il demeura pour son malheur dans ce guêpier ,s’enfonçant chaque instant de plus en plus dans les miasmes conflictuels avec le patron .
Vous remarquerez, si vous ne l’avez déjà fait, les enfants,que grand-père n’eut jamais de problème avec aucune autre personne subalterne ou chercheur du labo . Pourtant ce n’est pas les ocasions de conflits qui ont manqué . Vous retrouvez là le caractère de votre grand-père . Il se rebelle contre les chefs , l’autorite ,la hiérarchie mais jamais contre le personnel subalterne d’une institution .Jamais .
Néanmoins il n’avait lié aucune amitié véritable avec qui que ce soit à l’exception de ses chers Stylosanthès à qu grand-père a consacré déjà deux livres dont le premier les Stylosanthes est déjà édité, l’autre, la biologie des Stylosanthès en fin de rédaction . Il a su pratiquer le principe de la coexistence pacifique .

Il n’avait surtout pas envie de livrer ses sentiments .
Il les dissimulait au contraire sous une carapace de garçon bourru, un peu ours sur les bords . Certaines laborantines ne le reconnurent pas après sa thèse tant il semblait avoir changé de caractère, souriant, ouvert, bavard, aimable et serviable .
Grand-père avait dû adopter cette attitude de repli stratégique , suite à une expérience douleureuse faite par un ami et collègue africain du labo .
Il s’agit,bien sûr, de son collègue et ami,Zacharie Réné –Martin !
« Pauvre Martin, pauvre misère » !

Mais de quoi s’agissait-il ?

René Martin Zacharie, étudiant béninois, ingenieur agronome de son état, était rentré au labo de Mr Nozeran la même année que votre grand-père.
Le patron lui avait confié le sujet sur Phyllanthus qu’il avait réfusé à grand-père,vous en souvenez-vous les enfants ?
Martin, c’est ainsi que nous l’appelions alors qu’il se prénommait en fait Zacharie !Mais son nom de famille était en fait René Martin !
Drôle de nom pour un africain que « Réné –Martin » vous ne trouvez pas, les enfants ? Somda, Somé , Sy , Sidibé, Koulibaly , Fall ,Sarr, Sall, Fall,Ndiaye, Diouf,Konté,Soumaoro, Sanou ,Ouédraogor,Ouattara,etc voici quelques noms à consonnance bien africaine ! . Mais ce nom composé René-Martin ? Quelle idée pour un africain non métissé de s’affubler d’un nom qui sent à plein nez le colon ?
Tous autant que nous étions, africains ou non, nous nous étonnions de voir un vrai black non métissé lever la main pour répondre à ce drôle de nom !
On se demandait qui avait pu l’affubler des deux noms les plus portés par les français , Martin et René réunis en un seul nom ! . Quelle idée saugrenue , Vous ne trouvez pas ?
Il en souffrait lui-même d’avoir à supporter ce fardeau de honte .
Il s’en ouvrit plus tard à grand-père :Ses ancêtres avaient rejoint le Dahomey ou plutôt la Côte des esclaves de l’époque aujourd’hui le Bénin, à la libération des esclaves des Antilles françaises . Drôle d’attitude : On vous délivre de l’esclavage et vous courrez encore vers la Côte des esclaves qui avait vendu vos parents . Quel masochisme !
Il expliqua à grand-père que c’était la coutume, là-bas,aux Antilles françaises,les esclaves étaient dépossédés de leur nom de famille pour prendre les prénoms de leur maître ou maîtresse. Perte totale d’identité après la perte de liberté .
Quelles drôles de manières !
Il confia encore à grand-père qu’un tel nom lui pesait actuellement , car lourd à porter et que dès son retour au pays il en ferait un feu de joie !
Bref Zacharie de son prénom,devait travailler sur la morphogenèse des Phyllanthus par cultures tissulaires .
Malgré tous les efforts, tous les soins, tous les aides des lobaratines, rien n’y fit .
Les Phyllanthus se montrèrent intraitables, réfractaires à toute régénération alors que les Stylosanthes, sans aucun soin,sans vitamines, sans hormones, sans substances spéciales, régénéraient,abondamment . même en serres !
Entre les deux genres, c’était le jour et la nuit .
Le pauvre Martin était de plus en plus marginalisé,triste au bord de la dépression au fur et à mesure des résultats obtenus par grand-père dont la côte remontait . il obtenait quelques clins d’œil complices d’admiration alors qu’auparavant c’était Martin leur coqueluche dont la côte montait, montait haut auprès de toutes ces laborantines et femmes de ménage parce qu’il était plus souriant,blagueur et serviable .Par ailleurs il avait un double nom bien de chez eux !
Par contre celui de grand-père et donc le vôtre, tout simple pourtant, en deux syllabes : Som comme une somme d’argent et da un peu comme dada leur semblait compliqué à prononcer ! Allez-y comprendre quelque chose !
La plupart des gens prononçaient son-da tout simplement sans se poser de question sur la présence du m de som . Certains remarquant ou entendant le m disaient Som-ba comme les cases « tata Somba » de Nattitingou . Ceux qui tiennent comptent du m de som et du d de da ajoutent un b entre som et da pour bien prononcer Som- b-da .
Le nen effet se transforme en m devant seulement les labiales b,m,p ! Seulement ce n’est pas un nom d’origine française mais africaine ! som-da est un nom composé de Somé et de Da. ils n’auraient aucune difficulté à prononcer correctement ce nom si simple Som- da en pensant à Mè -da , Da-biré, Kpow- da . qui tous font partie des Da ou Dari pluriel de Da . vendre ,acheter . Somda peut alors signifier « l’acheteur ou le vendeur des Somé » comme le disent les Somda qui sont des parents à plaisanterie des Somé .
Les Somé pour plaisanter diront au contraire les « vendus ou achetés des Somé » ,ie « les esclaves des Somé » en jouant sur l’expression Somé-da qui peut effectivement s’interpréter des deux manières .
Mais fermons là la parenthèse et revenons à nos moutons sur les misères du pauvre Martin .
Le pauvre Martin était de plus en plus critiqué, vilipendé par Mlle Line Bancilhon .Elle avait compté sur une bonne capacité de régénération des Phyllanthus pour les proposer comme plantes modèles en amélioration des plantes et s’impatientaient de n’obtenir aucun résultat .
. Elle ne cessait de se désoler et de traiter le pauvre Martin d’incapable devant le succès de grand –père sur les Stylosanthès qui la faisait blêmir de rage et de jalousie comme si elle ne savait pas que chaque espèce, voire genre a ses potentialités génétiques propres . Malgré tous les efforts personne ne réussit d’ailleurs à forcer les Phyllanthus à régénérer .C’était zéro régénération ! Et encore de nos jours , les Phillanthus n’ont jamais régénéré que grand-père sache !

Celui –ci découragé, démoralisé, écoeuré de la facilité avec laquelle grand-père obtenait les régénérations sur les Stylosanthes finit par jeter l’éponge en 1978 au moment même où grand-père finissait ses expérimentations et commençaient l’exploitation scientifique et statistique de sa copieuse moisson.
Lui, il s’était échiné 7 ans durant sans un brin de régénération sur aucune des espèces du genre Phyllanthus !
On le laissa rentrer au Bénin avec son seul diplôme de DEA après 8 ans de séjour au labo dont 7 ans « pour des cacahuètes »!
Personne ne leva le moindre petit doigt pour l’aider à changer d’orientation et sortir de l’impasse selon l’adage bien connu : « Aide-toi et le ciel t’aidera . ».
« Pauvre Martin . Pauvre misère » .
Rentré chez lui, il n’eut pas plus de chance !
Ses misères ne faisaient au contraire que s’ammonceler .
En effet, il se fit « choper » rapidement par le gouvernement révolutionnaire comme un dangereux activiste du Parti Communiste Dahoméen ( PCD), parti interdit ,redouté par le pouvoir tyrannique du Président Matthieu Kérékou d’alors .
Il fut jeté en prison sans jugement . Il
Dépérissait à vue d’oeil ,oublié de tous, depuis 1979 quand survint , heureusement pour lui ,en Novembre 1989, le fameux soulèvement populaire amenant la conférence Nationale souveraine de 1990 . Il fut libéré en même temps que tous les prisonniers politiques,très amaigri, mais heureux de n’y avoir pas laissé sa peau . Il avait vraiment échappé de peu , reconnaissons le !
Il ne lui restait, il est bien vrai que la peau et les os .
Lorsque nous apprîmes au labo son arrestation et emprisonnement, nous envoyâmes de nombreuses pétitions de protestation à l’ambassade du Bénin en France, mais sans résultats .
Grand-père quelques 2 ans plus tard n’osa demander de poste au Bénin par crainte d’avoir été répéré par ses signatures apposées sur les pétitions de protestations incendiaires contre le pouvoir dictatorial et sanguinaire du général Matthieu KéréKou .
Mais il n’en fut rien lorsque l’année d’après, il se résolut quand même à solliciter un poste au Bénin .Il l’obtint sans coup férir .
Mais de cela , nous en reparlerons plus tard .
Le pauvre Martin sacrifia ainsi 10 ans de sa carrière et de sa vie pour des broutilles .Il n’était pas plus engagé politiquement que grand-père .
On ne lui connaissait pas de relations avec un groupe activiste en France .
Seulement il venait d’un labo dont on savait de notoriété publique que le patron était au comité central du PCF .
PCF et PCD, n’est-ce pas,pour un dirigeant troïkiste béninois, « bonnet blanc, blanc bonnet ? ».
Telle fut la double mésaventure de Fagbeiro Zacharie .
Fagbeiro, tu dis ? Où est-il allé « glané » ce nom africain ?
Eh oui,une fois au pays, comme il s’était juré, il s’était vite débarrassé de ce nom infâmant de René-Martin et s’était révêtu d’un patronyme bien béninois, emprunté à sa famille matrilinéaire !
Enfin ! Il était temps ! Mais cela n’a pas empêché son arrestation par les sbires de notre général « révolutionnaire » !
Ce qui était arrivé à Zacharie avait été déterminant,dans l’attitude souvent adoptée par grand-père vis-à-vis du labo et plus particulièrement du patron .
Il lui en voulait, lui particulièrement,de l’avoir coulé à pic en le laissant repartir les mains vides.
Pauvre Martin , Pauvre misère . Creuse la terre,Creuse le temps » .
Grand-père a donc pris le contre-pied de Zacharie en s’affirmant au maximum quitte à déplaire au « prince » .
Il voulait exister , montrer qu’il savait faire de la recherche .
Mais il pensait en lui-même « qu’aurais-je pu faire à sa place si le patron ne m’avait pas réfusé le sujet ?» Rien . Absolument rien . Pas plus que le Pauvre Martin . Il l’avait simplement échappé belle , votre grand-père, laissant le pauvre Martin partir au charbon ou boire le bouillon à sa place !
« Pauvre Martin , Pauvre misère, creuse la terre , creuse le temps » .
Mais en 1990,Martin ou plutôt Fagbeiro, soulagé,était heureux de rretrouver son travail, se mariait ,avait beaucoup d’enfants et prenait sa retraite quelques annnées plus tard .
Maleureusement pour lui, il ne jouit aujourd’hui que d’une toute petite pension de misère, l’obligeant à toujours trimer dans de petits jobs en petits jobs, à toujours bêcher, toujours retourner les champs des autres .
« Pauvre Martin , Pauvre misère, creuse la terre, creuse le temps ».
Mais la mort ne lui a pas encore fait signe de labourer son dernier sillon sinon il l’aurait vite fait !
« Et s’il fallait creuser lui-même sa tombe , notre pauvre Martin l’aurait toujours fait en se cachant presque . et s’y serait certainement étendu sans rien dire, pour ne pas déranger les gens . »
C’est le portrait tout craché de notre pauvre Martin qui trime encore, qui ,trime toujours !
Pauvre Martin , pauvre misère, creuse encore la terre ,car le temps n’est pas encore venu pour que tu dormes sous la terre , que tu dormes sous le temps .
Grand-père, bien sûr, parodie, vous l’aurez noté, les enfants, la chanson de Georges Brassens, Pauvre Martin ,adapté au cas du pauvre René-Martin Zacharie dit Fagbeiro qui partage avec lui beaucoup de traits communs de caractère .
Mais pour en revenir aux nombreuses erreurs de grand-père, Nozeran ne lui offrit heureusement pas l’opportunité de commettre sa dernière erreur qui lui aurait été fatale , celle de choisir le sujet sur la régénération des Phyllanthus .
Il est certain qu’il n’aurait pas eu la sagesse de Martin de se taire et de trimer tout seul dans son coin, mal vu, critiqué, abandonné et vilipendé par Line Bancilhon, la directrice de sa thèse .
Non, grand-père n’aurait pas toléré une telle humiliation .Il aurait commis sa toute dernière erreur :Il aurait foncé, tête baissée,tête-bêche sur la pauvre demoiselle qui aurait poussé de petits cris d’oiseau effaré en se sauvant dans le bureau du patron pour lui conter la dernière forfaiture de Somda .
Et ç’en aurait été la fin de l’épopée de votre grand-père . Car qui s’en prenait, à l’époque à Line, s’attaquait au patron lui-même .Sic !
Il eut pu se produire une si forte tension que grand-père n’eut plus su se maîtriser .Et ç’eut pu causer une déferlante de paroles regrettables, peut être des sorties de noms d’oiseaux de part et d’autres .
Bref de telles erreurs rédhibitoires auraient pu, ajoutées aux autres, provoquer la chute et le départ de votre grand-père du labo .
Il peut donc remercier vivement Nozeran qui ,ce jour-là, l’a sauvé… d’une noyade certaine !
Son opposition farouche, catégorique et prémonitoire a évité bien de déboires à votre grand-père .
Merci, Patron , merci Patron , Merci » .(bis)
Grand-père le reconnaît très humblement et bat sa coulpe sur les nombreuses erreurs commises qui l’ont conduit dans beaucoup d’impasses .
Il ne se réclame aucune circonstance atténuante car il aurait pu les éviter en réfléchissant davantage avant d’agir ou de parler .

Quant à ses succès, elles ne dépendent pas que de lui . Il a bénéficié de nombreux coups de pouce pour aller toujours de l’avant , prendre le large selon la devise bien connue : « duc in altum » .
Mais de cela nous en reparlerons .
La plus grande victoire de grand-père : avoir su, malgré tant d’échecs, tant d’embûches dressées sur son chemin, maintenir le cap, droit dans ses bottes, sachant nager dans les aux houleuses, la tête toujours hors de l’eau .
Il a su en effet toujours survivre à toutes difficultés, braver toutes tempêtes,affronter des vents contraires , franchir les pires obstacles, pour mener son embarcation à bon port ,:sa thèse d’Etat .
Il n’en dira pas plus pour le moment se réservant pour un bilan plus général des 13 années passées dans la région parisienne et non uniquement à l’université .
Bilan positif ?
Oui, certes .
Mais modeste!

Et si nous passions à présent, les enfants, au bilan des 30 années passées sur les bancs de l’école et plus particulèrement des 18 années d’études supérieures de grand-père ?
Vous voulez bien ?
Allons-y donc !

20.Bilan des années d’études de grand-père.(1948- 1980)
Grand-père, vous vous souvenez ,est rentré à l’école primaire à Dano en octobre 1948 et il a terminé ses études en 1980 par le point final qu’il a apposé au bas de son mémoire de soutenance .
Quel bilan tirer de ces longues années d’études ?

a.Elles sont effectivement longues,très longues, trop longues même : Plus de 30 ans . exactement 32 .

Mais cependant avec un intermède de 7 ans d’enseignement et de recherche à temps partagé. Mais les assistants et les maîtres assistants n’en font-ils pas autant ? En effet ils partagent leur temps ente l’enseignement et la recherche .

b.Des résultats quelque peu mitigés !

L’ecole primaire :

Bons résultats scolaires . Car contrat rempli : CEPE et Concours d’entrée en 6eme réussis .Mais il pouvait mieux faire pour se hisser aux premières places !Il est vrai que les maîtres lui enlevaient beaucoup de points pour son écriture et la mauvaise présentation de ces copies !

Etudes secondaires :

Contrat rempli : Succès au BEPE classé 3eme au plan nationnal,
échec partiel à la première partie du Bac et succès à la deuxième partie avec une mention assez bien .
Etudes supérieures :
Contrat rempli en général avec cependant quelques ratés : Reprises pour obtenir le diplôme d’SPCN,
Certificats ratés : Chimie Géné I, Génétique.
Diplôme de l’Orstom, réfusé .
BMPV, repris et réussi à Toulouse
Certificats abandonnés en cours d’année : Génétique, Génétique quantitative( inscriptions prises en 1970 à Paris VI- ParisVII après les histoires avec Rizet .)
Biochimie des métabolismes : C4 de Biochimie .
On notera que tous les ratés se sont produits en France .
Mais l’échec cinglant et cuisant a pourtant eu lieu, non en France, mais en Afrique.
Vous en souvenez-vous encore, les enfants ?
Grand-père vous laisse le temps de le retrouver :
Vous vous rappelez bien que grand-père a dû interrompre un projet important en chemin ?
Non ?
Grand-père peut même vous souffler le lieu où ça c’est produit .
Koumi .
Oui Louise ? C’est ça . Très Bien . Bravo .
Les études cléricales : la philosophie thomiste et la théologie pour devenir prêtre .
C’est bien ça .
Oui, grand-père pense que c’est son échec le plus cuisant .

Néanmoins, on peut, au total, constater avec beaucoup d’humilité, la belle moisson recoltée au cours de ces 30 années de dur labeur et s’en réjouir, toutefois avec beaucoup de modération .
1954 : Certificat d’études primaires élémantaires
1954 :Concours d’entrée en 6eme
1959 : Brevet d’études du Premier Cycle
1961 : Baccalauréat Ierepartie, série C
1962 : Baccalauréat Philo
1965 : Spcn
1966 : Certificat de Botanique
1966 Certificat de Géologie
1967 : Certificat de BMPV
1967 : Certificat de Physiologie Animale
1968 : Certificat de Physiologie Végétale
1969 : Certificat de Biochimie
1969 : Diplôme de Maîtrise de Physiologie

1970 : Diplôme d’ingénieur agronome (ENSAT)
1970 :Attestation d’Etudes approfondies et

1971 :Diplôme d’études Approfondies
Amélioration des Plantes
1974 : Doctorat de 3eme cycle
1972 :Certificat de Statistiques appliquées à la Biologie médicale

1981 : Doctorat d’Etat ès Sciences Naturelles.
(Amélioration des Plantes).
Fin

NB : D’autres certificats et diplômes viendront s’ajouter à cette moisson déjà fort riche .
Mais de cela, nous reparlerons plus tard, si vous le voulez bien, les enfants .

C’est bien les études,mais elles ne remplissent pas une vie . Il en faut plus .
C’est le propos sur lequel grand-père veut maintenant vous entretenir, les enfants, si vous voulez bien.

Devinez sur quoi grand-père veut vous entretenir ?
Pour vous mettre sur la piste, pensez aux relations entre grand-mère et grand-père lorqu’ils étaient jeunes.
Quand et où se sont-ils rencontrés ?
Que s’est-il passé entre eux ?
Qu’ont-ils fait ?
Et qu’advint-il après ?
C’est cette histoire absolument extraordinaire, merveilleuse que grand-père se propose maintenant de vous conter :

Allons-y, si vous voulez bien . .

21.A la recherche de la perle rare.
Mais vous ne découvrirez pas un grand-père coureur de jupons ni un don juan , ni même un chaud lapin .
Vous trouverez un grand-père plutôt timide, quelque peu gauche, un tantinet prude en amour .
Ses premiers flirts ne remontent pas à ses 15 ans comme la moyenne des ados; ils ont été tardifs car il a passé par le petit et le grand séminaire où les femmes étaient loin de ses premiers soucis .
Et même lorsqu’il sortit du séminaire, on ne peut vraiment pas dire que ce soit sa première préoccupation .
Grand-père vous a expliqué que ses premières années d’université ressemblaient à un véritable cloître où il s’était emmuré pour relever un défi qu’il s’était lancé . Donc il n’avait qu’un seul objectif : réussir, réussir ses études coûte que coûte, quoiqu’il arrive !
En amphi il ne voyait que le professeur et le tableau noir .
Au restaurant, il ne voyait que son assiette .
il mangeait à toute vitesse pour réjoindre vite sa chambre de cité .
Ses distrations tournaient autour de quelques jeux fort simples tels que les flippers de la cité universitaire, le billard ou autres jeux de salle pour se dégourdir les jambes et les bras ,s’aérer l’esprit et se changer les idées .
rarement au cinéma en ville avec des amis .
Grand-père ne connaissait même pas les filles de son amphi à l’exception toutefois de la fille de l’ambassadeur de France qu’un chauffeur venait déposer devant les salles de classes.

b.Les premières amitiés féminines de grand-père

Il ne fit vraiment la connaissance des étudiantes de la fac que dans les certifs où les effectifs tournaient autour de la dizaine .Nous ,étions déjà en 1965-66 !
Mais sa timidité l’empêchait de regarder leur robe ou leur coiffure tant et si bien qu’une fois lors d’une sortie de géologie ,une étudiante des plus délurées eu « le toupet » de venir s’asseoir dans le car à côté de grand-père qui fort embarrassé n’osa ni la regarder encore moins lui adresser la parole .
Mais coquine qu’elle était, elle se serrait de plus en plus contre grand-père qui essayait de se faire de plus en plus petit, mais en vain .
Elle poussa l’audace, l’effronterie,de s’assoupir sur l‘épaule de grand-père qui, gêné ,vainenement essaya de toussoter,de râcler de la gorge, bref de tout faire en remuant pour la réveiller .Rien n’y fit . Jusqu’à l’arrêt du car !
A la sortie, elle ne cessait de « coller » aux baskets de grand-père qui ne pouvait mais !
Elle tenta d’amorcer une discussion . Grand-père un peu intimidé et fort embarrassé au début, répondait tantôt par un oui tantôt par un non, non engageant.
Mais loin de se décourager, pour si peu, elle tint bon ainsi jusqu’à la fin de l’excursion .
Les autres camarades de sortie devaient sourire sous cape , amusés par cette scène de drague burlesque d’un genre nouveau où les rôles furent inversés car c’est elle qui draguait votre grand-père !
Par la suite , elle venait souvent s’asseoir exprès, en cours à côté de grand-père en lui tendant poliment la main et esquissant un large sourire coquin qui en disait long sur ses intentions inavouables.
Le stratagème dura ainsi tout le premier trimestre jusqu’aux vacances de Noël où elle demanda le numéro de chambre en cité de grand-père.Surpris et embarrassé , il hésita dans un premier temps avant de le lui donner .
Elle lui expliqua alors qu’elle était très en retard dans ses cours et qu’elle voulait profiter des vacances pour se rattraper . Mais pourquoi avoir mis son dévolu sur votre grand-père ?
Cela , elle ne le dit pas et le mystère plane encore aujourd’hui !
Effectivement pendant les vacances elle vint plusieurs fois emprunter les cours de grand-père, profita de l’occasion pour engager la conversion à laquelle grand-père eut du mal ,au tout début du moins, à participer . Mais il finit par s’y complaire .
Et c’était parti !
Ce fut la première copine de grand-père .
Mais il resta toutefois sur ses gardes, très réservé,tenant la distance à son égard jusqu’à la fin de l’année . D’ici qu’elle jette le grappin sur grand-père et l’entraîne dans des aventures ,il n’y avait qu’un pas qu’elle ne franchit jamais . Grand-père veillait au grain !
A la suite de nos succès aux examens, elle profita du prétexte pour inviter grand-père chez elle .
Elle s’appelait Suzanne, Bété de l’Ouest de la Côte D’Ivoire,originaire de Daloa .
Grand-père accepta volontiers et l‘accompagna dans sa famille qui habitait, à l’époque, à Kumasi ,un des beaux quartiers d’Abidjan. Elle fit de sobres présentations de grand-père comme un simple copain de fac à son grand soulagement .
On eut encore plusieurs occasions de repartir chez elle, de sortir au cinéma , au restaurant, à la plage de Vridy ou de Grand- Bassam .
Mais à la rentrée 1966, grand-père quittait Abidjan pour Toulouse .
Nous gardâmes des relations épistolaires jusqu’à ce qu’elle vint aussi en France à la Fac de Pharmacie de Clermont-Ferrand .Grand-père croit savoir que grand-mère l’a connu car elle devait faire partie de sa promotion !
Ses études de pharmacie terminées ,elle s’en retourna en Côte d’Ivoire où grand-père finit par perdre ses traces au bout de quelques années .
C’est elle qui le sortit de sa timidité à l’égard des femmes grâce à un abord simple et sans chichis ni fioritures .
Elle fut la première copine de grand-père, sa première vraie amie de fac et la dernière au sens de l’amitié Dagara (sèn) .
Vous vous rappelez , les enfants?
A partir d’elle grand-père put faire la connaissance des autres copines de fac ;Aminata, Fanta,Joséphine,Claire,et bien d’autres avec lesquelles grand-père perdit tout complexe et toute timidité pour entretenir de très bons rapports de copinage.
Arrivé en France, grand-père, la première année, fut entraîné dans le tourbillon des études.
Mais lorsqu’il rentra à l’Agro,il y eut dans la promo au moins 6 filles dont une malgache (Fanza) .
Grand-père entretint avec elles des rapports décomplexés amicaux notamment avec Fanza,Annie, Jannick, Marianne !
Les deux autres faisaient trop de chichis !
En dehors de l’Ecole , grand-père s’intressa très peu aux filles de la Fac à l’exception d’une jeune étudiante en pharmacie dont grand-père a même oublié le nom ! C’est vous dire les rapports éphémères que grand-père eut avec elle !
Par contre il avait connu auparavant le feu brûlant de l’amour !

b. Les premiers flirts de grand-père

C’était pendant qu’il était qu’il était encore à l’université d’Abidjan : Comme il vous l’a dit, il alla plusieurs fois en vacances au village où il avait organisé avec ses camarades étudiants et collégiens des activités culturelles à Dano .
C’est là qu’il tomba, pour la première fois, amoureux d’une jeune collégienne du collège des jeunes filles de Banfora.
Elle était de Dalgaane, le village natal de sa mère, mémé Julia. En plus sa maison jouxtait à 100 mètres à peine celle de son cousin Isaïe . Son papa , Denis était un ancien catéchiste plus jeune que pépé Simon , mais qui l’avait bien connu .
Nous nous fréquentâmes pendant les vacances de 1965 à 1969 avec un pic en 1968 lorsque grand-père fit son stage d’Agro prêt de Bobo- Dioulasso à Fara Koba-Matroukou .
Basilisa, puisqu’il faut l’appeler par son nom, , était l’ heureuse élue de grand-père .
Elle occupait à Bobo, avec des parents à elle, une maison, quelques carrés plus loin de là où lui-même avait élu domicile.
Nous passâmes des vacances en amoureux comme deux tourtereaux .Puis vint l’heure de la douloureuse séparation .
Grand-père repartait à Toulouse en octobre 1968.
Il ne regagna le pays, comme il vous l’a déjà signalé, qu’en 1975 lors du décès de sa sœur Léonie !
Vous vous doutez bien, elle n’a pas attendu grand-père pendant tout ce temps !
Elle se trouva un autre « jules », Christophe , un promotionnaire d’école de grand-père, ancien combattant devenu transporteur et commerçant . ils convolèrent en justes noces dès 1970 alors que grand-père se trouvait déjà à Orsay .Ils eurent de nombreux enfants avant qu’elle ne décède en 1995 . Nous ne nous étions plus jamais revus ! Paix à son âme !
A l’époque ,grand-père avait déjà d’autres flèches à son arc ! Elle fut vite rempacée !Une de partie, une de venue , ne lui en déplaise !
En effet en 1965, il avait répéré une petite collégienne toute menue et mignonne, fille d’un ancien instituteur de grand-père. Elle ne l’intéressa pas dans un premier temps, tant qu’il fréquentait Basilisa .
Mais comme il rendait souvent visite à son père, il finit par sortir avec elle comme une simple copine qui participait à nos activités culturelles .
Mais les parents, lorsqu’ils virent Françoise souvent avec grand-père, ne purent s’empêcher de nous faire remarquer que nous étions tous deux des Kusiélé du même patriclan .Comprenez : il ne fallait pas envisager un avenir commun ensemble mais lier une simple amitié à la mode Dagara ( sènu) comme grand-père vous l’a déjà expliquée. Vous en souvenez-vous ?

C’est là que nous découvrîmes que nous éprouvions de tendres sentiments l’un pour l’autre .Mais un amour déjà voué à l’oubli .Ni grand-père ni Françoise n’avaient l’intention d’outrepasser et de défier la coutume pour devenir des rebelles et des parias dans une société aussi conservatrice et d’une rigueur aussi tatillonne que la nôtre même si nous ne passions au village que de courts séjours .
Nous ne nous sentions pas non plus le courage de tricher avec les parents ni d’engager un bras de fer avec eux en allant plus loin qu’une simple amitié.Nous décidâmes donc de bannir tout ce qui pouvait ressembler à des manifestations d’amour prohibées dans l’amitié Dagara .Nous n’entretenîmes de tendres relations amicales jusqu’à ce qu’elle vienne comme étudiante à Montpellier en 1970 .
Naturellement , elle vint rendre visite à grand-père à Orsay et ralluma alors les flammes d’un amour couvant encore dans ses cendres toutes chaudes des braises toujours vives.
Mais très vite grand-père découvrit qu’elle avait un amant sérieux .Elle ne lui en avait jamais touché un mot !
Elle mit au contraire beaucoup de soins pour qu’il n’en sache rien, du moins jusqu’à son départ .
Nous eûmes alors à nous dire les quatre vérités avant de rompre définitivement nos relations amicales .
Pierre deviendra plus tard son fiancé , puis son mari . Elle, deviendra Mme Ouédraogo !
Nous ne nous revîmes plus jamais jusqu’à ce jour.Plus aucun contact sauf une seule communication téléphonique que le neveu Emmanuel Somda passa à grand-père après l’avoir eue au téléphone , mettant d’ailleurs dans un grand embarras son oncle qui dut s’efforcer de lui adresser quelques mots avant de vite raccrocher .Ouf, il l’avait piégé, le vilain neveu . pourtant il devait être informé de notre ancienne amitié quelque peu tumultueuse.
C’est fort probable tant ces choses ne se cachent jamais longtemps et deviennent vite des secrets de polichinelle susde tous, mais tus .
Grand –père n’en avait pourtant plus jamais rediscuté ni avec des amis encore moins avec la famille .

A Toulouse , Grand-père , après la rupture de Basilisa, faillit s’intéresser à une ex-sœur plus âgée que lui de quelques années . Elle était de Piirkuon.et venait tout juste de « jeter ses frocs de bonne soeur aux orties ».
Les parents opposèrent un refus catégorique .Il ne convenait pas pour un premier mariage qu’une femme soit beaucoup plus âgée que son mari .Point final ! fermez les bans !
Pour quelles raisons exactement ?
Grand-père croit deviner sous ce refus sans appel des survivances de vieilles croyances surannées d’incapacité procréative .
Nous eûmes quelques flirts mineurs avant qu’elle ne rentre au pays pour « trouver chaussures à ses pieds » .Elle convola en justes noces avec Etienne de la Caisse , un vieux célibataire endurci .Ils eurent beaucoup d’enfants avant qu’Etienne ne rende son âme à Dieu .
.
Quant à Hélène Bollon, dont grand-père vous a parlé, c’était surtout une profonde amitié qui tourna court parce que ses parents ne voyaient pas d’un bon œil qu’elle fréquentât un africain .
En gentille fille unique, elle se conforma sagement au désirs parentaux avec un certain pincement au cœur .
Ce fut ensuite Ghislaine Schweitzer, une autre fille unique, une normalienne de Fontenay-Les-Roses qui, avant l’année de préparation de l’agreg, venait suivre le DEA d’Amélioration avec un certain nombre de ses copines pour se confronter aux agros avec qui elles entretenaient de très bons rapports .Elles ont passé le même concours d’entrée dans les Ecoles d’Agro en plus de celle à FontenayCe fut dans cet atmosphère de copinage que grand-père s’attacha à Ghislaine .
C’était très sérieux et nous nous entendions merveilleusement bien tant que les parents n’en surent rien.
Mais dès qu’elle leur présenta grand-père , les choses prirent une toute autre allure au point qu’elle faillit en faire une dépression avant la fin de l’année .
Nous décidâmes alors d’un commun accord, pour sa santé et la préparation de son agreg, de cesser désormais de nous revoir .
l’année de préparation de son agrégation en Sciences Nat , nous tenûmes parole et nous ne nous revîmes plus jusqu’à ce jour .
Elle passa avec succès son concours, enseigna quelques années dans les grands lycées parisiens et finit par obtenir un poste de Maître de conf à Jussieu . Elle doit être proche aujourd’hui de la retraite si elle ne l’a déjà prise !
Dégoûté, écoeuré, dépité de ces deux expériences qui ne manquent pas de quelques similitudes avec ces deux filles uniques qui aimaient grand-père, mais qui ne voulaient pas contrarier leurs parents justement parce qu’elles étaient enfants uniques, grand-père s’était résolu à se replier dans sa coquille pour préparer tranquillement sa thèse de troisième cycle .
Grand-père, à Orsay, ne s’occupait pas que de ses études, de ses recherches ou des filles ; mais il s’intéressait aussi aux luttes syndicales et avait rejoint un groupe de maoïstes soixante-huitards . C’est avec eux qu’il partit à une réunion de soutien aux conditions de travail des femmes de ménage qui travaillaient dans les 4 cités du campus universitaire d’Orsay dont trois de garçons et une de filles.
C’est là que le hasard du destin voulut que grand-père rencontrât celle qui allait partager un peu plus tard sa vie pour le meilleure et pour le pire depuis une quarantaine d’années déjà . Nous avons fêté d’ailleurs le quarantième anniversaire de notre mariage(16 avril 1974-16 avril 2014).
Mais revenons au tout debut de notre rencontre :
C’était la rentrée universitaire 1971-1972 si grand-père a bonne mémoire .
Nous nous revîmes régulièrement cette année –là . En effet pharmacienne, diplomée de la fac de Médecine et de Pharmacie de Clermont – Ferrand elle était montée à Paris récrutée par un labo parisien de myopathie tout en suivant les cours du certificat de biochimie à Orsay.
Mais très vite , elle décrocha et du labo de recherche et du certificat de Biochimie car elle ne se sentait pas l’âme d’un chercheur .
Elle trouva alors un job de pharmacien dans une pharmacie de Saint Arnoult-en Yvilines où habitait déjà sa grande sœur qui enseignait les Lettres Classiques français- latin- grec au Lycée de Rambouillet .

1)Le Voyage de grand’mère en Afrique

Aux vacances 1972, elle dévoila à grand-père son projet de partir en Afrique, d’abord en Côte d’Ivoire, puis au Mali où l’avaient invitée des amis qu’elle avait connus à Clermont- Ferrand et à Paris .
Nos relations avaient pris une tournure si engagée que grand-père se permit de lui demander de passer par Bobo- Dioulasso rendre visite à Jean Somé , le copain de toujours depuis leur premlier jour de rentrée au CP à l’école primaire de Dano . Elle continua à Ouaga faire connaissance également avec Isaïe le cousin côté maternel de grand-père..
De Bamako qu’elle avait gagné ,après un premier court séjour en Côte d’Ivoire, elle accepta généreusement le détour voltaïque avant de regagner la Basse-Côte où l’attendait sa copine Maud .
Elle souhaita connaître Béné et les ;parents mais Isaîe l’en dissuada car :son séjour au village pouvait provoquer quelques vives tensions dans la famille .
.
Ses parents pouvaient pousser un ouf de soulagement en la récupérant toute entière un jour de décembre par grand froid . Elle regrettait déjà ses bons coups de soleil qui avaient rougi ses petites joues creuses dues à trop de méfiance des bons petits plats bien épicés que lui préparait sa petite amie Maud contente de mettre chaque fois un peu plus à l’épreuve sa petite copine toubabou . Elle n’avait jamais pu, su ,ou osé lui avouer qu’elle ne supportait pas le piment !Elle mangeait donc de tout , mais à de petites doses homéopatiques .

Nous nous retrouvâmes donc en début janvier 1973 pour confirmer et conforter tout le long de l’année notre désir réciproque d’un engagement plus profond .
Au cours des vacances d’été , elle prit son courage à deux mains pour annoncer à ses parents qu’elle fréquentait un étudiant africain .
Sa mère monta d’abord toute seule à Paris rencontrer grand-père
Mais de bataille, il n’en y eut point
. En effet grand-père était au rendez-vous, mais au lieu de s’engager dans une stratégie offensive comme il en avait l’habitude et le secret, il se fit tout miel, tout raisin, a son égard
.Elle fut charmée par une telle attitude !
car elle rencontra au contraire un petit africain , avenant, prévenant, affable et poli sans angle d’attaque, aucune aspérité par laquelle elle aurait pu s’accrocher pour inverser la situation .

Quand à son père ce fut la première fois qu’il lui était donné de s’adresser à un noir africain . Bien sûr qu’il avait fait ses classes au Maroc pendant la « drôle de guerre » de 39-45 ! Mais ce n’était pas l’Afrique noire’
ne s’attendait pas à tant de gentillesse et de respect de la part de ce jeune homme !
Ce n’eut été la couleur de sa peau ,il aurait pu faire un bon parti pour sa fille d’autant plus qu’il avait fait de solides études d’ingénieurs.
Mais il aura fallu surtout toute la force de conviction et l’habileté de la grande famille pour les amener progressivement à accepter ce qui paraissait inaceptable de prime abord. !
C’est donc dans une telle ambiance que nous fixâmes la date de notre union au 16 avril 1974 pour laisser un peu de temps au temps de se consacrer de façon sereine et paisible, à la préparation matérielle, psychologique et spirituelle de ce mariage.
Là où les deux filles uniques avaient réculé quelque temps auparavant et avait capitulé, grand-mère était arrivé,avec patience et diplomatie à ses fins !
Bravo d’abord pour elle,pour Frédéric et Dominique et pour vous aussi !
Avant le mariage, grand-père se fit le devoir et la joie de faire la tournée de toute la grande famille de grand-mère, oncles,tantes,cousins ,cousines disséminés dans toute la France , du nord au sud, d’Ouest en Est en ratissant le plus large possible: Lamazière-Basse , le berceau de la famille, Clermont-Ferrand, Beaumont, le domicile familial, Ceyrat chez tonton Aimé, la Touraine chez tonton Marcel et tanta Antho de Saint Martin de Bridorée , chez tonton Jean et tata Camille de Sainte Radegonde à Tours ; dans la région parisienne chez ses cousins de Bourg-La-Reine,Paul et Ginette,chez des cousines s de son père, Irène et Renée de Brunoy et aussi chez le couple René et Janette Valibus, autres cousins de son père habitant à Comble-La-Ville dans la région parisienne ; à Brive chez les oncles maternels : tonton Adrien et tata Adrienne, en Corrèze chez tonton Paul et les cousins Jean-Paul et Marie-Claude,Daniel et Martine ,à Egletons, la famille René Paillassou, frère de Ginette, à Clermont et ses environs, chez le 4 fils et filles de Tonton Aimé, Robert et Christiane , Jean–Claude et Sigrid, Danièle ,Annie , qui n’étaient pas encore mariées ! sans oublier Simone Deynoux , Bernard et Cathérine Deynoux
Hello,vous n’êtes pas oubliés,cousins et cousines de Touraine . Grand-père se rappelle que vous avez été d’un soutien indéffectible à leur cousine de Beaumont en la défendant « bec et ongles » son projet matrimonial .La visite remarquable faite en Touraine notamment à Saint Martin de Bridorée s’est averée déterminante dans l’acceptation de ses parents !
Merci à vous cousines et cousins de Touraine . Merci à Miche et Pascal qui avaient déjà formé leur couple . Merci à Nicole qui , du Japon nous avait soutenus, merci à Fanchou, puis à Daniel pour leur indéffectible soutien. Grand-père n’oublie pas sa cousine Marcelle restée malheureusement seule et qui vient de décéder !
Merci à tous et à toutes.
J’y ai pris un réel plaisir

Par contre,pour la famille de grand-père, la tâche s’avérera titanesque voire impossible, vue la notion même et l’extension de la famille Dagara par ailleurs plus grande, polygamie oblige .
L’immense majorité des visites de contact fut rejetée aux calendes grecques .
Puis vint le grand jour j : le 16 avril 1974, un mardi de Pâques :
mariage civil le matin à la mairie de Palaiseau,
l’après-midi, le mriage religieux en l’église paroissiale de Palaiseau où s’étaient massés des amis voltaïques de la région parisienne, une délégation du labo de Botanique, Mr Robert Haïcour et une laborantine dont grand-père ne se rappelle plus maintenant le nom ; des amis africains d’Orsay, la famille de grand-mère : ses parents, sa sœur et Jacques son nouveau compagnon, ses cousines de Touraine, Fanchou et Marcelle, le couple Valibus et sa cousine Ginette de Bourg–La–Reine .
Nous étions une bonne cinquantaine regroupée autour de l’autel pour la célébration nuptiale.
Grand-père , pour le symbole,avait demandé à l’abbé Timothée Médah qu’il avait connu à Nasso , puis à Koumi de bénir le mariage religieux .
Il accepta après quelques hésitations formelles à le célébrer en
évoquant celui manqué du malheureux de Jean-Pierre Somé de Béné.
Le malheureux avait épousé une bretonne pendant qu’il était étudiant à Saint Cyr ,à l’école spéciale militaire de Coetquidam. Le couple avait eu une fille prénommée Sarah. Tant qu’ils étaient en France tout allait bien . Mais Il rentra seul au pays, fut vite promu lieutenant et attendit en vain son épouse et sa fille qui ne le rejoignirent jamais .
Il sollicita en vain des autorités militaires voltaïques une permission pour regagner la France afin de résourdre le contentieux matrimonial, mais en vain
Il en fut si affecté qu’il se mit à boire de plus en plus . Conséquence , il fut bloqué dans son ascension aux grades supérieures et parvint péniblement au grade de chef de bataillon( commandant) .
Saint –cyrien , il ne s’était certainement jamais imaginé une carrière aussi décevante . Mais il ne fut pas le seul militaire sorti de Saint –Cyr à connaître pareille mésaventure

Son alcoolisme chronique n’explique cependant pas tout .
Il y avait également dans l’armée voltaïque une sourde concurrence entre ceux qui ont fait les grandes Ecoles militaires et les autres plus nombreux qui ont obtenu leurs galons , non par de hautes études militaires , mais par le mérite sur le terrain, ceux que l’on appelle « des sacs à dos » . Ces derniers,les plus nombreux,jalousent les militaires intello qui passent par les grandes écoles militaires . Les sacs à dos, les plus gradés et les plus anciens retardent volontairement l’accès aux grades d’officiers supérieurs, lieutenants-colonnels,généraux , leurs jeunes frères sortis frais émoulus des grandes Ecoles militaires : Saint-Cyr , Santé Navale , etc .
Nous aurons à revenir plus tard sur cet épineux problème qui ronge l’armée voltaïque, puis burkinabè depuis l’accession du pays à l’indépendance voici plus de 50 ans déjà .
Il mourut, le pauvre Jean- Pierre, à 60 ans certainement des suites de son alcoolisme chronique sans avoir revu sa femme et sa fille françaises .
Dépité, il s’était remarié au pays et eut de nombreux fils et filles dont l’aîné , Anselme qui essaya vainement de retrouver sa grande sœur après la mort de son père .
Il contacta l’ambassade du Burkina en France .Celui-ci prit contact avec le ministère des Affaires Etrangères qui saisit le ministère de l’intérieur, enfin celui de la justice.
Sarah fut vite localisée. Mais , pour des raisons qui n’appartiennent qu’à elle, elle ne souhaita pas que l’on communiquât ses coordonnées à ses frères du Burkina !
Mais elle apprit le décès d’un père qu’elle ne connut jamais sinon en photo !
Triste et sombre histoire d’un couple mal assorti .
Mais ,on connaît aussi d’autres couples qui n’ont pas eu ,heureusement ,un destin aussi tragique :
C’est le cas de celui de Louis- Eugène Somda, marié dans les mêmes conditions, dans la même école militaire qu’il fréquenta quelques 4 à 5 ans plus tard . Il rentra avec son épouse au pays où ils vécurent le parfait amour.
il eut les mêmes difficultés d’ascension aux grades d’officiers supérieurs et finit également sa carrière militaire au même grade de chef de bataillon .
Pourtant il n’était pas un alcoolique comme Jean-Pierre .
Chaque couple à sa propre histoire qui ne ressemble à nulle autre . Peut-être, peut-on parler à ce propos de destin ?
Bref, nous fîmes tout pour rassurer le brave abbé du mieux que nous pouvions .
Notre couple a connu ,certainement des hauts et des bas, mais il tient toujours depuis plus de 40 ans . Dieu ,Merci .
Maheureusement, Mr l’abbé Tim, décédé en 2010 repose aujourd’hui en paix en l’église paroissiale de Mariatang, là où les bans de notre mariage avaient été officiellement publiés par le curé de la paroisse, un certain abbé Anastase . Il ne verra donc pas l’anniversaire de nos quarante ans de mariage !
Quant à l’abbé Anastase Somé, nous l’avons revu en janvier 2013 à Diébougou.
Son nom ne vous rappelle rien ?
Si, bien sûr . Legmoin, le compagnon des mésaventures de grand-père avec le drôle de Père Blanc qui réfusait systématiquement sa 2CV . Voilà !.Le Père Rolet ! Bien !
La cousine Marcelle Seigne de Sainte Radegonde de Tours fut le témoin de mariage de votre grand-mère et le philosophe Louis Dabiré de Béné celui de grand-père .
Il sont tous deux aujourd’hui malheureusement décédés,Louis en 2010 . Il venait de prendre, un an plutôt, sa retraite à 65 ans . Requiem aeternam pour son âme .
Louis , repose en paix .Ce n’est qu’un au revoir , mon frère. Nous nous reverrons un jour .
La cousine Marcelle,est décédée en décembre 2012 comme grand-père vous l’a déjà dit !
Le Colonel Yoryane Somé, de passage à Paris, fut invité et nous rejoignit à la maison, rue Jean Jaurès . Il était à l’époque Ministre de l’intérieur en Haute-Volta .Vous vous rappelez bien de lui, n’est-ce pas les enfants ?
Gabriel Yoryane Somé fut en quelque sorte un « sac au dos » qui grimpa toute la hiérarchie militaire depuis le soldat de première classe jusqu’à celui de colonnel. Il aurait pu gagner ses étoiles de général comme le général Lamizana son aîné et « sac au dos » comme lui, si son destin n’avait tourné court .Il fut assassiné à la suite du coup de force de Sankara . Motif, trop à droite !
On rapporte à son sujet que prié de prendre le pouvoir àprès le premier coup d’état de Sankara qui amena Jean Baptiste Ouédraogo au pouvoir, il l’aurait décliné l’offre en arguant que son père Sokoun Somé avant sa mort lui avait interdit d’accéder à la magistrature suprême par un coup d’état . On le supplia mais en vain et ce fut Jean-Baptiste Ouédraogo qui fut alors désigné à sa place et lui se contenta du poste de chef des Armées . Quelques années plus tard , il devint l’ennemi N°1 à abattre et fut assassiné de façon atroce par son principal ennemi, le capitaine Sankara .
C’est triste, n’est-ce pas, les enfants toutes ces histoires de rivalités militaires !.
Yoryane était le leader de l’aile droite de l’armée .Il fut froidement abattu par les jeunes capitaines révolutionnaires .
Requiem aeternam pour ce premier Dagara qui aurait put devenir président de la République de Haute volta ,mais qui ne le fut malheureusement jamais par fidélité pour la parole donnée à son père.sur son lit de mort !
Ce ne fut malheureusement pas son destin !Qu’il repose donc en paix !
Mais revenons à des choses plus gaies, à notre nuit de noces que nous passâmes à Saint Arnoult -en -Yvilines dans le pavillon de sa sœur. Mais voyage de noces , nous n’en voulûmes point .
Nous reprîmes donc , chacun ,une semaine après, le travail , grand-père pour préparer sa soutenance de thèse de 3eme cycle qu’il présenta le 19 mai 1974.
Mais Comme son allocation de bourse avait été supprimée , il trouva du travail à l’école d’Horticulture Saint Antoine de Marcoussis.
C’est vrai, grand-père ne vous a pas encore raconté la suite de la perte de la deuxième moitié du mémoire de sa thèse de troisième cycle par Mr Nozeran .
Vous vous rappellez que ce dernier avait répondu par une pirouette pour le rassurer tant bien que mal en arguant que la première moitié suffisait largement pour une thèse de 3eme cycle ? Jolie flatterie !
Mais enfin,grand-père eut voulu retrouver tout son travail !
Mais aussi curieusement qu’il l’avait égaré, il la retrouva comme par un heureux hasard de circonstance après le dépôt de son mémoire de thèse d’Etat, ie quelques 7 ans plus tard !
Elle avait dormi de 1973 à 1980 dans un de ses dossiers secrets pour empêcher grand-père de vite présenter sa thèse d’Etat . Il dut l’avouer d’ailleurs à Mr Ducreux, devant grand-père, en s’excusant .
Mais il avait pris soin d’abord de contrôler les deux résultats .Ils concordaient parfaitement . Heureusement pour votre grand-père .
N’empêche ce sont plusieurs années perdues en reprenant des expériences déjà faites ,dont les résultats furent soutirés et cachés par le patron !
Abjecte .ignoble .inqualifiable attitude ! Le mobile ?
Manifestement celui de nuire ,d’empêcher grand-père de vite présenter sa thèse en utilisant les méthodes les plus viles qu’ils soient !.
Cela grand-père ne put jamais le digérer . Le morceau cette fois-là était encore uns fois trop gros à avaler et il lui resta au travers du gosier .
Combien d’années de perdues par des vacheries aussi bêtes que méchantes de la pire espèce?
Au bas mot 4 bonnes années !
Les seules expériences nouvelles que grand-père eues à rajouter à ce qu’il avait déjà fait furent les coupes histologiques des régénérations de plants des Stylosanthès .
Mr Ducreux avait convaincu grand-père de les effectuer pour vérifier leurs origines tissulaires .
Une année lui suffit pour mener à bien ces dernières recherches .
Donc, dès 1975, grand –père aurait pu terminer toutes ces expériences et commencer la rédaction de son mémoire .
Il aurait pu la terminer en 1976 et le soutenir au plus grand tard dans le courant de l’année 1977 !
Mais voilà, il a fait traîner le plus longtemps possible grand-père pour le décourager, le démoraliser et comme Martin ,l’amener à partir sans présenter sa thèse soit le retarder au maximum si jamais il résistait encore à cette épreuve .
Grand-père était manifestement très coriace , un dur à cuir .
Il avait en plus un moral d’acier qui lui permit d’opposer une farouche résistance à toutes les méchancetés, coups bas ,mesquineries d’un patron revanchard . Mr Rizet et l’Orstom étaient-ils derrière ces basses manœuvres ?
Grand-père en est convaincu.
Mais une des toutes dernières trouvailles mesquines et méchantes de Nozeran, appelez -le comme vous voudrez, avant la thèse, fut de repousser la soutenance le plus tard possible . Mais là aussi ,grand-père fut vigilant , tout en gardant tout son calme . Ce ne fut qu’une épreuve de plus pour le déstabliser et l’amener à la faute .
Là aussi ,échec sur tous les plans !

Il reste toutefois à vous raconter la toute dernière entourloupette de Nozeran :
Grand-père avait en effet émis le souhait que parmi les membres de Jury figurent au moins un prof de Génétique d’Orsay dont notamment
Mr Rizet , par défi pour lui montrer qu’en dépit de la crasse qu’il lui avait faite, grand-père avait réussi néanmoins à préparer une thèse d’Etat ;
Mr Demarly, le responsable du DEA de Génétique et Amélioration des Plantes qui a présenté sa thèse d’Etat sur les Luzernes ,autres légumineuses fourragères comme les Stylosanthès .
Mr Pernès , l’étoile montante des jeunes profs de Génétique .
Dans un premier temps Mr Nozeran balaya d’un revers de main ces trois propsitions encore par une entourloupette en arguant que le sujet de thèse (morphogenèse des Stylosanthès) n’était susceptible d’intéresser aucun des trois profs retenus .
Grand-père lui rappela très gentillement et calmement que Mr Pernès avait été pourtant membre de Jury de son troisième cycle et qu’il avait travaillé sur une plante fourragère. Quant à Mr Demarly il était le spécialiste des Luzernes, légumineuses fourrgères, elles aussi .
Il dut en convenir de mauvaise grâce et renvoya la décision finale à plus tard .
Quant à Mr Rizet c’était simplement de la provoc . Grand-père le reconnaît volontiers.
Bref, quelques jours plus tard, il accepta Demarly comme membre du Jury et il y ajouta de son propre chef Mr le professeur Champagnat de Clermont-Ferrand , le ponte de Physiologie Végétale en France et au lieu de Pernès,il retint plutôt le professeur Daniel Combes.Il eut travaillé avec Pernès sur les Panicum au centre Orstom d’Apodioumé en Côte d’Ivoire et enseignait à l’époque en coopération à l’université de Tunis .
Pernès ou Combes, c’était bonnet blanc, blanc bonnêt comme me le faisait remarquer Mr Nozeran ?
Pas tant que ça . Ils ont certes tous deux travaillé sur les mêmes espèces .Mr Combes a présenté le polymorphisme végétale des Panicum,une thèse somme toute classique . Mr Pernès a abordé l’aspect mathémathique de la sélection génétique,les a théorisés avec des formules complexes de la génétique des population en se basant sur les résultats concrets et papables obtenus par Mr Combes et il a su ainsi tiré toute la couverture à lui . Il est devenu le champion des champions toutes catégories !
Et cette « marmaille » de biologistes complexés devant la mathématisation de la biologie d’applaudir à tout rompre !
Faites de la biologie mathématique,et vous êtes sûrs de faire une bonne carrière universitaire ,les gars ! Vous en doutez ?
Mr Pernès et Mr Combes en sont les exemples vivants .
Mr Combes mène des recherches sur la biologie des Maximae du genre Panicum .
Mr Pernès vient exploiter ses résultats mathimatiquement et les biologistes de le placer devant Daniel Combes qui devient le second tiré par Mr Pernès qui a, en quelque sorte, valorisé ses résultats par la mathématique .
Grand-père vous a montré comment Mr Pernès devint très rapidement l’étoile montante des jeunes prof des années 80 tandis que le pauvre D. Combes resta longtemps maître de conf à Tunis , puis finit par obtenir un poste de prof une dizaine d’années plus tard dans une petite universite provinciale à Pau tandis que Pernès trônait dans l’un des meilleurs labos du Cnrs et dans l’une des meilleures universités parisiennes .C’est l’exemple type de discrimination qui s’opère entre chercheurs en biologie .
Saupoudrer votre thèse de formules mathématiques imcompréhensibles par la plupart des biologistes et ils vous applaudiront d’autant plus qu’ils ne comprennent rien en mathématiques . Ils vous monteront au zénith de la hiérarchie universitaire .Faites par contre une thèse de biologie compréhensible par la plupart des chercheurs: Quelles que soient les découvertes que y ferez , elles interésseront peu la gent scientifique et vous aurez bien de mal à percer .
Enquêtez bien et vous m’en direz des nouvelles . Vous en serez très édifiés .

Pour en revenir à la soutenance de la thèse de grand–père, il restait à choisir un autre prof extérieur à l’université de Paris Sud.
Grand-père pensa à son ancien prof d’Abidjan : Mr le professeur Edouard Adjanohoun, prof de Botanique Tropicale à Bordeaux qui se dépêcha d’accepter, flatté que grand-père ait pu se souvenir encore de lui et lui faire l’honneur de juger son travail .
On s’était en effet perdu de vue depuis Abidjan . Mais par l’intermédiaire de Réné-Martin Zacharie, son compatriote, grand-père put retrouver ses traces:
Il avait quitté l’université d’Abidjan pour le poste de Recteur de la jeune université Nationale du Bénin qu’il venait alors de créer.
Il occupa le poste jusqu ‘au coup d’état de Kérékou en 1976 où il dut fuir en France pour échapper aux sévices du pouvoir révolutionnaire !
Il retrouva un poste de prof de Botanique Tropicale à Bordeaux pour services rendus à la France reconnaissante.
Il était en plus un ancien du Centre de Recherche d’Apodioumé ;
ancien élève du professeur Mangenot, autre magnat de la Botanique tropicale .
Il eut le retour de l’ascenseur !
Il faut bien recompenser ceux qui vous ont fait du bien ,non ?.
On n’est pas ici dans les Ecritures qui disent : « Si vous aimez ceux qui vous aiment , si vous donnez à ceux qui vous donnent , quel mérite avez –vous ? Les païens n’en font-ils pas autant ? » .
Eh oui . Les paîens en font autant . voire même plus !
Et ils firent plus pour lui ayant davantage reçu de lui !
Grand-père l’avait mis comme membre de Jury de sa thèse à dessein.
Il était en effet bien connu par tous les universitaires africains francophones et beaucoup étaient ses anciens élèves .
Grand-père avait absolument besoin de ses soutiens,après la soutenance.
Il en était de même de Mr Demarly dont la côte en génétique était au zénith . Mr Champagnat est certes le prof en vue de la Physiologie Végétale en France, mais non connu en Afrique . Quand à la côte de Mr Nozeran , elle est nulle non du point scientifique mais politique à cause de son option communiste redoutée par beaucoup de régimes africains .
Mr D Combes et Mr G. Ducreux ne comptent que pour du beurre car ils n’étaient pas du tout connus par les responsables universitaires africains !

Au total voici les membres du jury de la thèse de grand-père:
Mr René Nozeran…………………………………………..Président
Mr Champagnat. Examinateur
Mr Yves Demarly Examinateur
Mr Edouard Adjanohoun Examinnateur
Mr Daniel Combes Rapporteur
Mr Georges Ducreux Examinateur

Voici donc la fin du calvaire pour la dernière épreuve scolaire de votre grand-père ! Mais d’autres l’attendent au détours des chemins de sa carrière de prof ! Mais reserverons-les pour plus tard !

Pour le moment revenons au séjour de Grand-père et de grand-mère dans la région parisienne :

22.Grand-père,où habitiez-vous , grand’mère et toi, après votre mariage ?

Le séjour de la famille à Palaiseau.(1974-1982)
Après notre mariage, nous habitions Palaiseau, à la Résidence Jean-Jaurès, petit immeuble à deux étages, dans la rue Jean- Jaurès.
Le deux pièces louées comportaient une grande chambre , une salle de bain-douche,une cuisine et une immense salle de séjour avec une magnifique baie vitrée .
Frédéric naquit un après –midi neigeux du 16 janvier 1975 à Lonjumeau ,la ville voisine car il n’y avait pas de maternité à Palaiseau .
Grand- mère travaillait déjà aux Ulis, alors un quartier de la ville d’Orsay mais qui devint rapidement une commune à part,indépendante.
Grand-père enseignait depuis un mois à Marcoussis et entamait à peine la préparation de sa thèse d’Etat.
L’oncle Gabriel et Léonie décéderont à la fin de cette année-là
Avec la venue de votre papa , la famille s’agrandit à trois et nous nous trouvâmes un peu à l’étroit dans notre deux pièces Rue Jean-Jaurès .
Nous déménageâmes alors dans un appartement à trois pièces aux Rieux 2. Nous pouvions ainsi disposer de notre propre chambre .
Comme à la Résidence Jean-Jaurès, nous bénéficions d’une immense salle de séjour avec baie vitrée et véranda offrant une une vue splendide sur la campagne voisine .
C’est là que vit le jour tata Dominique un 25 avril 1977 à la maternité de Lonjumeau où naquit deux ans plutôt votre père.
Ils grandirent en taille et en sagesse devant Dieu et les hommes .
Nous fîmes venir du village, plus exactement de Dano, Mari- Clémence Dabiré, la fille de Basile Somda, un cousin germain de Mémé Julia, à l’époque, instituteur à Dano, mais originaire du village de Kon-do-gar.
Elle devait nous aider à la garde des enfants et suivre des cours au lycée technique de Palaiseau dans la filière bureautique.
En effet, la gardienne des enfants était surchargée par la garde de deux enfants jusqu’à 20 heures , heure à laquelle rentrait grand-père ou grand-mère pour récupérer nos deux adorables petits oisillons et les ramener au nid familial .
Marie-Clémence resta à Palaiseau jusqu’en 1982, année du départ de la famille pour Cotonou . Elle rentra à Ouaga , fit sous Sankara le service civique national , mais ne trouva que de petits jobs jusqu’à revenir à Clermont-Ferrand porter aide aux beaux-parents et poursuivre ses études de bureautique jusqu’à l’obtention du BP .
Elle séjourna à Beaumont jusqu’à la mort du beau-père en 1989 et retourna au Burkina faute d’entente avec la belle-mère restée toute seule.
Marie-Clémence bénéficia du statut de jeune fille au pair : elle fit ses études de bureautique à Palaiseau ,puis à Clermont-Ferrrand et passa avec succès le CAP et le BP en Bureautique-comptabilité . Elle nous fut d’une aide précieuse durant ses deux séjours de 10 ans en France tant pendant l’année scolaire où elle allait chercher les enfants au sortir des classes que pendant les petites vacances où elle les gardait à la maison .
Ils passaient les deux à trois mois de grandes vacances à Lamazière-Basse avec les grands parents dans leur résidence secondaire aujourd’hui malheureusement vendue pour une bouchée de pain par les deux sœurs .

Lucette et Jacques en avaient assez de « se cailler» dans le froid glacial et la grisaille pénétrante de l’hiver corrézien . Il vallait mieux se retrouver dans le Sud bien au chaud, le regard tourné vers le large, en bordure de mer , histoire d’entretenir la nostalgie et les rêves d’antan mêlés d’une douce mélancolie de leurs hauts faits passés dans ces mers chaudes des Caraïbes .
C’est là, au Grau -du –Roi , le plus grand port de pêche français, et aussi ville de retraités, voisine de la Grande Motte ,qu’ils partagent leurs journées entre les vastes plages ensoleillées et les soupes au poisson, les soirs, assis aux terrasses des restaurants des berges de Port Camargue .
Devenus des anciens combattants de la Marine Libre, ils ne vivent que de leur passé glorieux, racontent au tout venant les mêmes histoires chauffées et rechauffées au bord de leur « On y va », petite coque d’un bateau à voile,fabriqué et monté par l’ingénieur de Matra-Armement, devenu vaillant capitaine ,sillonnant toutes les mers du globe .Auparavant, il s’était fait, tour à tour chiffonnier, tisserand, décorateur, créateur, restaurateur de chefs d’œuvre en péril,renovateur de vieilles baraques, puis il échoua,de guerre lasse à Port-Camargue avec « On –y-va ». Il l’avait construit et monté de ses propres mains et peint par les doigts de fée de sa douce épouse, Lucette rebatisée Luce pour mieux souligner, si besoin en était encore, le rôle primordial de l’ancienne prof de Lettres classiques aux idées toutes lumineuses .
De là, ils voguèrent , suivant les pas de leur illustre devancier, Christophe Colomb, de mers en mers, d’un océan à l’autre, du Sud au Nord des Indes Occidentales aux mers des Caraïbes pour jeter l’encre au large du Vénézuela, des Guyanes, de Cuba et enfin des Antilles. Ils atteignirent eux, les vraies côtes tant de l’Amérique latine que des USA par la Floride.
Tels des pirates d’autrefois,ils écumèrent des années durant toutes les mers chaudes occientales . Puis tel Ulysse qui fit un beau voyage , émoussés mais fort émoustillés de leur longue odyssée à travers le Nouveau Monde, ils regagnèrent la vieille Europe à l’anniversaire des trente « berges « de « on y va », les têtes encore pleines de leurs aventures océanes .
Ce fut un retour triomphal vers le pays natal avec déjà de nouveaux projets de globe-trotters tous plus ou moins déjà échaffaudés pour des épopées nouvelles cette fois à travers les mers orientales pour atteindre le Vietnam, pays d’origine de notre capitaine qui y a vécu ses 10 jeunes années chassant l’éléphant et le tigre de Bengale avec son prestigieux tonton, oncle William Bazé !
Mais une fois le pied à terre, ils perdirent le pied marin et les mille et une illusions de projets avec .
Ils vendirent « on y va » ,leurs projets, leurs illusions et leurs rêves aussi .
Aussi chaque matin ,en vieux marins, ils viennent à la levée des couleurs de ces grands voiliers qui filent toutes ailes déployées vers un horizon lointain où ils disparaissent pour réapparaître le soir ,rejoignant leur port d’attache.
Le vieux couple, un brin nostalgique,une larme au coin de l’œil, regagne d’un pas lent et hésitant le domicile conjugal pour leur bectance du soir , roucoulant tels de vieux pigeons voyageurs s’apprêtant à des bécots amoureux .
C’est leur façon d’entretenir la flamme du souvenir de leur monde à jamais disparu .
Adieux mers azurées, adieux, vous tous ,vieux loups de mer qui avez traîné votre bosse partout sur tous les horizons du monde, adieux soupes chaudes des capitaineries embrumées , adieux contrées lointaines visitées et revisitées, adieux marins disparus qui ne reviendront jamais, gisant aux fonds des cimétières océanes . adieux !

Mais faisons un retour en arrière, les enfants , si vous voulez bien et revenons à la période d’avant la vente de la maison de Lamazière –Basse
Nous y allions tous les week-ends de vacances et les lundis matins, vers les 5 heures du matin, nous repartions pour Palaiseau où nous arrivions vers les 11heures . Nous déjeunions rapidement avant de partir chacun à son travail.
Nos vacances se passaient ainsi invariablement à la Lamazière-Basse avec les beaux-parents même lorsque nous fûmes en coopération . Ceci dura jusqu’à leurs décès : le beau-père en 1989 et la belle-mère en 1993 . Nous y allions encore, mais moins régulièrement lorsque le beau-fère et la belle-sœur l’occupèrent après leur odyssée dans les Caraïbes
Du vivant des beaux-parents, nous passions rarément les vacances à Beaumont où ils avaient acquis une résidence principale en juin 1951.
Nous l’avons rachetée à la belle-sœur à la mort des beaux-parents.
Nous acquîmes par la suite un studio à Paris dans le 16eme, 5,rue Vilneuve pour loger tata Dominique qui voulut poursuivre des études d’ethnologie à l’université de Nanterre.
Enfin, nous achetions un appartement de trois pièces à Issoire avec la part de grand’mère issue de la vente de la maison de Lamazière.
Loué, il permettra d’arrondir les fins de mois à la retraite.
Le premier locataire fut votre père qui en fit un cabinet d’endocrinologie .
Mais après avoir galéré une année durant,il abandonna très vite le projet et rejoignit à sa grande satisfaction, l’hôpital de Vichy où il est actuellement praticien hospitalier .
Nous venons de terminer en août 2013, les traites de l’appartement .
Mais retournons par le don de la magie au temps où votre père et tata Dominique commencèrent leur scolarité à Palaiseau
Papa et tata vont à l’école.
Il est difficile d’organiser des sorties éducatives pour des enfants de moins de deux ans.
Néanmoins, nous le fîmes d’abord avec Frédéric au Jardin d’Acclimation, au Musée Océanographique,à Thouary, au Parc animalier de Vincennes , etc .
notre départ à Cotonou fut une douloureuse rupture avec ces activités dominicales. Nous ne les retrouvâmes malheureusement pas à Cotonou .
Mais nous découvrîmes d’autres activétés joyeuses
De cela, nous reparlerons plus tard , si vous voulez bien.

Revenons à Palaiseau où papa et Dominique s’apprêtèrent à rentrer à la petite école.
A 2 ans ½,Papa entra en Maternelle à Palaiseau en 1977 et tata Dominique au même âge en 1979.
Grand-mère avait inscrit votre père au conservatoire de musique de la ville et à la chorale municipale .
Tata Dominique ne s’inscrivit qu’au chant en 1982 après avoir terminé sa maternelle car notre départ était proche .
Papa à l’époque entrait au CE2 et Dominique en CP à 5 ans ½.
Chacun des enfants savait lire ,écrire et compter à son entrée en CP , votre père par la méthode syllabique . tata Dominique ,faute de temps car nous étions déjà dans les cartons de déménagement, utilisa la méthode semi globale, pllus rapide ! .
Grand-père abhorrait cette dernière, certes plus facile . mais que de problèmes d’orthographe par la suite !
Lorsqu’ils arrivèrent à Cotonou après les vacances de Noël , le 30 décembre 1982, tata Dominique était prête déjà pour faire un excellent CP .

23.Grand-père quand, comment et pourquoi es-tu devenu français ?

Grand –père a eu droit à plusieurs nationalités depuis sa naissance .
Voyons comment :
Il est né en 1942, pendant la seconde guerre mondiale sous le drapeau français maheureusement aux mains des vichystes .
Il était quand même français car la Haute Volta était déjà à l’époque une possession coloniale de la France d’Outre Mer faisant partie de Haute Côte d’Ivoire.car la Haute Volta, créée en 1919, après la première guerre Mondiale en récompense de la vaillante contribution du contingent Mossi, fut supprimée en 1932 et rétablie seulement après la deuxième guerre en 1947.Mais elle a toujours été une colonie française depuis sa conquête en 1897quel que fut son rattachement à telle ou telle colonie de l’Afrique occidentale française(AOF).
A la seconde guerre mondiale, ses oncles maternels Joseph-Marie et Olivier, en tirailleurs sénégalais,avaient répondu à l’appel du Général et avaient vaillamment combattu contre l’Allemùagne nazi pour libérer la France occupée, leur pays d’adoption .
Son autre oncle Simon Pierre fit la guerre d’Indochine et d’Algérie avant d’être gravement blessé !
La famille a donc combattu pour la France !
Puis en 1960, la vague des indépendances déferla le continent noir et balaya sous son écume la citoyennité tricolore de nos ancêtres les gaulois .
Nous perdîmes au change et la Gaule et de Gaulle et la citoyenneté française par ce cadeau empoisonné qui nous affubulait d’une nouvelle citoyenneté dite voltaïque que nous n’avions pas demandée .
Nous saluerons désormais une nouvelle idole, le drapeau toponymique,noir, blanc, rouge ,symboles des trois Voltas qui coulent dans les veines de la nouvelle patrie appelée la Haute-Volta .
Y avait-il un pays appelé la Basse -Volta ?
Pourquoi donc HauteVolta et non la Volta tout court comme l’avait suggéré certains responsables?
Cela favorisa le jeu de mots facile de certains esprits retors qui lui avaient très tôt collé le vilain sobriquet de « Honte Volta » .
Alors qu’il suffisait de l’appeler tout simplement la « Volta » de nos valeureux aïeux .
Mais que diantre avoir baptisé ces trois majestueux fleuves du nom générique « Volta » puisque les indigènes des lieux les avaient appelés sous d’autres dénominations bien plus poétiques avant la période coloniale ?
D’où ces allogènes ont-ils pu bien pêcher ce nom « Volta »alors que les autochtones les ont toujours appelés jusqu’à nos jours :
Mouhoun pour la Volta Noire
Nakambé pour la Volta blanche
Nazinon pour la volta rouge
Est-ce pour les distinguer de l’unique Volta ghanéenne,réunion de ces trois affluents burkinabè ?
Etait plus difficile de nommer le pays la Makambé ? Le Nazinon ou notamment le Mouhoun du nom du plus grand des troiscar ces noms typiquement autochtones n’étaient pas ignorés du colon !
Et pourquoi pas l’empire Mossi pendant que vous y êtes puisque lui, au moins il avait eu le mérite d’avoir été un « has been » . Mais attention le danger nous guettait toujours !
A la place du Mossiland advint la Révolution sankariste du 4 août 1983 . Elle débaptisa la « Honte Volta » en Burkina Faso ou Patrie ( Faso) en Dioula, langue plus parlée dans la moitié ouest du pays; hommes intègres( Burkina)en Mooré, la langue des Mossi, ethnie dominante du Faso.
De « Voltaïques » ( c’est bien les habitants des Volta .) ils perdirent une fois de plus leur citoyenneté, remplacée par une nouvelle, Burkinabè, la terminaison bè ou bé signifiant hommes en Fufulbé la langue peulh du Nord -Faso .
Ainsi personne n’était lésée par cette nouvelle trouvaille faite de bric et de broc artificiellement bricolée , incompréhensible en entier tant des Mossi que des Dioula , encore moins des Fulbé et des cent autres ethnies qui peuplent le pays .
C’est dire si nous avons perdu au change en nous affublant de ces nouveaux oripeaux retoqués d’un autre genre par de jeunes capitaines toqués de toutes les idéologies révolutionnaires en -isme : communisme,léninisme, maoïsme, symboles du renouveau,de la révolution .
En moutons bêlants, nous applaudissions, tous reconvertis en sankaristes fieffés ne jurant que de révolution et de slogans révolutionnaires tels: « La patrie ou la mort », nous vaincrons » !
Le capitaine Thomas Sankara ne fut accepté que des bouts des lèvres par les hautes hiérachies Mossi : « Voyez,ce jeune garçon n’est pas des nôtres . Il n’est pas un vrai Moaga ( singulier de Moosé ou Mossi), mais un Simili –Moaga, ethnie esclave des princes Mossi, mi Fulbé, mi Moaga, donc ni l’un ni l’autre, mais un métissage esclave-homme libre . Bigre !pourquoi avoir flanqué à la tête du pays des hommes fiers un fils d’esclave, pure jus ! où est donc notre fierté d’être gouverné par notre esclave ? »
Ils eurent préféré cet autre capitaine, flanqué à ses côtés qui, aux premiers abords semblait beaucoup plus posé, plus réfléchi que ce jeune homme fougueux !
Lui, il est un véritable Moaga, prince de sang du Ziniaré-Moro–Naba en filiation directe .Un véritable pur sang bien racé avec ses belles citatrices raciales de l’ethnie Mossi ! du pur jus !
Les hiérarchies Mossi avaient toujours rêvé de rétablir la grandeur passée de leur vaste empire . Mais jusqu’ici , aucun dirigeant même moaga n’avait osé suivre de telles élucubrations .
Ce jeune prince Moaga, militaire de surcroit, pourrait faire l’affaire avec le soutien de la chefferie traditionnelle .
Celle-ci lui fit alors comprendre qu’il n’était pas convenable que l’esclave prenne le fauteuil du Maître .Il devait l’en éjecter rapidement par un coup d’état qu’elle soutiendrait .
Le capitaine Compaoré , puisqu’il faut l’appeler par son nom, prince de sang de Ziniaré , flatté, gonflé dans son for intérieur, finit par franchir le rubicon, venant de Pô pour assassiner son meilleur ami , proclama une nouvelle République où bien sûr il s’auto-proclama , non empereur, mais d’abord président, réunissant ainsi en théorie à la fois les pouvoirs royaux traditionnels et républicains .
La chefferie Mossi d’exulter . Un des leurs venait de monter au trône pour réaliser leur vieux rêve de rétabir le grand Saint Empire Mossi démantelé par la colonisation .
Et toute l’ethnie mossi d’applaudir comme un seul homme du plus petit d’en bas au plus grand d’en haut .L’empire Mossi était enfin là à leur portée . Ils apprêtaient déjà de grands rassemblements avec des banderoles où on pouvait lire : « Vive l’empire Mossi ; Vive notre empéreur .Vive Blaise Compaoré » . Ils le tenait leur César ou leurNapoléon des temps modernes après le bouffon empereur Bokassa de Centrafrique !
Mais Blaise Compaoré à leur grand effarement suivit les pas de son illustre prédécesseur qu’il venait pourtant d’assassiner, prôna la sacro -sainte séparation d’une République laïque et moderne d‘avec le régime de la vieille chefferie traditionnelle dont il n’avait « rien à cirer » en tant que jeune capitaine rêvant plutôt de modernité que de rituels surannés d’un empire démodé .
Le rêve de l’empire Mossi venait une fois de plus de s’effondrer, enterré à jamais
Nous échappâmes ainsi de justesse à un nouveau pays , à un nouveau régime totalitaire, l’empire Mossi et à une nouvelle citoyenneté !
Ouf , il eut fallu de peu !
Les centraficains, eux , humiliés, subirent les pires pitreries et boufonneries de leur empereur Jean Bokassa Ier , pauvre bouffon et pauvre Centraftrique qui n’a cessé depuis lors d’être déstabilisé !
Les hommes intègres purent ainsi vivre, dans une paix et une sécurité retrouvées, leur citoyenneté à deux doigts de disparaître. Ils l’avait échappé belle grâce à la sagesse et à la clairvoyance de Blaise Compaoré qui n’avait pas cédé aux chants des syrènes de la haute hiérarchie Mossi !

Grand –père, pour résumer, eut en matière de nationalités :

1. La nationalité française jusqu’en 1958-1960 où il la perdit par ignorance , ie par défaut de ne l’avoir sollicité .

Mais « nul n’est censé ignorer la loi » ,n’est-ce pas ?
Donc grand-père a été français jusqu’à ses 18 ans .Mais la majorité à cette époque s’acquerrait à 21 ans . Ne l’oublions pas . C’est Giscard d’Estaing qui a instauré la majorité à 18 ans en 1974 .Il n’était donc pas majeur pour acquérir autmatiquement la nationalité française dont il fallait de toutes façons manifester le désir de conserver .

2.La nationalité voltaîque : 1960-1983 : obtenue de façon automatique.
La Haute Volta , créé en 1919,après la première guerre mondiale par la colonisation française pour faire plaisir aux chefferies Mossi fut dissoute en 1932 et partagée entre les pays voisins : Niger, Soudan français( Mali),la Côte d’Ivoitre.
Le Dagaraland était rattaché à la Côte d’Ivoire .
En 1947 : Rebélote et rétablissement de la colonie de Haute Volta dans ses anciennes frontières en récompense de la participation courageuse des Mossi aux efforts de la guerre 1939-1945.

3.La nationalité burkinabè( depuis 1984 ….)

Obtenue automatiquement pour tout voltaïque.
C’est ainsi que grand-père a pu conserver encore son certificat de nationalité voltaïque .

4. La nationalité française

.Mais revenons en arrière où nous avions laissé votre grand-père en France avec sa seule nationalité voltaïque en poche vers les année 80 à la veille de soutenir sa thèse.
On était sous la présidence du président Giscard d‘Estaing qui pensait déjà à limiter le temps de séjour des étrangers en France par l’ instauration d’une une carte de séjour de 10 ans .
Grand-père prit alors conscience de la précarité de sa situation en France et décida d’acquérir la nationalité française avant de rentrer au pays après la soutenance de sa thèse.
Il avait pour ce faire deux possibilités :
-Demander la réintégration de sa nationalité française perdue au moment de l’indépendance de la Haute-Volta en 1960 .
-Déclarer l’intention d’acquérir la nationalité française par mariage .
Ayant vécu en France de 1966-1980 pratiquement sans interruption, n’ayant que des diplômes français du CEPE au Doctorat d’Etat, grand-père pouvait obtenir très facilement la nationalité française par l’une ou l’autre voie .
Il préféra la seconde,quasi instantanée à l’époque par rapport à aujourd’hui . Par ailleurs,il avait déjà, au moment de la déclaration d’intention en 1980, 6 ans de vie commune avec grand’mère.
Quoiqu’il en fut,l’acquisition de la nationalité fut une pure formalité administrative Il l’obtint sans coup férir la même année .
Mahama , l’ami centrafricain de grand-père, vous souvenez-vous encore de lui ? Il avait épousé une italienne . Il ne pouvait donc suivre la deuxième procédure .
Il fit donc la demande de réintégration et l’obtint aussi rapidement que grand-père .

Pourquoi, vous ne l’avez donc pas sollicité,dès votre arrivée en France ?

De un , nous ne connaissions pas cette disposition légale .
De deux, même si nous le savions, nous ne l’aurions pas demandée à l’époque , en effet, nous étions de fervents militants antiimpérialistes et anticolonialistes. L’idée même de demander la nationalité de l’ancien colonisateur ne pouvait effleurer notre esprit .
Et même si d’aventure,elle pouvait nous venir en tête , elle aurait été très vite écartée d’un revers de la main .

Une fois marié, le problème fut évoqué par grand-mère. Mais grand-père n’y fit guère attention .
Et même lorsqu’il trouva du travail à Marcoussis, il n’avait pas encore la nationalité française et il dut demander comme tout travailleur étranger la toute nouvelle carte de séjour de 10 ans sans même songer une minute à prendre la nationalité française ,ce qui eut simplifié la vie à tous les partenaires intéressés : l’Ecole d’hortculture obligée de fournir de la paperasse supplémentaire pour avoir engagé un travailleur étranger ;
grand-père pour avoir entrepris de multiples démarches pour établir sa carte de séjour .
et l’administration pour la délivance et la détention de dossiers supplémentaires .
Tant qu’il était en France, il ne pensait pas utile ni nécessaire d’acquérir la nationalité française pour vivre en paix et en sécurté du moins à l’époque . Ce n’est plus le cas maheureusement aujourd’hui .
En 1980,la donne déjà avait changé sous la présidence de la droite giscardienne.
Grand-père venait de terminer la rédaction de sa thèse d’Etat et pensait sérieusement à sa rentrée prochaine au pays après la soutenance .Il prit conscience du danger de rentrer au pays sans la nationalité française .Il risquait de ne plus pouvoir revenir facilement en France même pour des vacances .
En effet les connditions de séjour en France des étrangers se durcissaient de plus en plus . Il nous fallait désormais disposer d’ une carte de séjour pour travailler en toute légalité et sécurité . Jusque là,on allait et venait en France sans ennui .Une simple carte d’étudiant ou d’identité de nos pays d’Afrique francophone suffisaient , les passeports avec visas d’entrée n’étaient pas encore exigés pour nous ; mais les comportements des autorités françaises ne laissaient aucun doute sur leurs intentions à long terme .
Grand-père en avait les signes prémonitoires . Il décida donc d’agir et alla déposer une déclaration d’intention d’acquérir la nationalité française . Il l’obtint en novembre 1980 .
Il venait d’être citoyen français alors que les conditions de séjour des étrangers même rentrés légalement en France ne cessaient de se dégrader , de se détériorer, de s’empirer d’année en année .La bataille des « sans papiers » était déjà engagée .
Grand- père venait de l’échapper belle !
Vous remarquerez que votre papa et tata Dominique ont été français avant votre grand-père !

Grand-père en prenant la nationalité française n’a pas pour autant renoncé à celle du Burkina Faso qu’il garde encore jalousement.
.
Votre père, votre tante Dominique et votre grand-mère ont d’office la nationalité burkinabè. Ils n’ont plus à la demander . Il s’agit simplement de présenter leur acte de naissance, celui de grand-père et son certificat de nationalité voltaïque .
C’est la démarche qu’a faite tata Dominique pour obtenir la nationalité burkinabè de fait ; Elle a même déjà fait sa carte d’idenité !Il ne lui reste que le passeport pour être en règle et pouvoir voyager comme burkinabè. Ceci procure beaucoup d’avantages pour voyager dans de nombreux pays africains.
Vous pouvez vous aussi l’obtenir par l’intermédiaire de votre père et de votre grand-père
Muni de sa citoyenneté française et résolu à travailler pour son continent il s’engagea activement dans la coopération française(1982-1996).
Nous distinguerons deux périodes dans ces 14 années passées à la Coopération française en Afrique avant que le vent ne tourne avec la politique de la coopération sans coopérants du couple Chirac-Juppé arrivé au pouvoir en 1995.

24.Les Années Cotonou ( 1982-1991)
Nous prîmes, par une fraîche journée d’automne 1982,l’avion à Roissy- Charles de Gaulle, direction Cotonou .Nous formions une équipe d’une dizaine de coopérants français toutes disciplines confondues,à nous embarquer ce dimanche 16 octobre en partance pour l’université d’Abomey–Calavi.
Nous débarquâmes à l’Aéréport International de Cadjehoun sur les 19 heures et nous fûmes immédiatement conduits dans deux « cases » , villas de passage réservées alors aux missionnaires français dans le quartier de la Haie Vive . Nous y resterons deux mois dans l’attente de rejoindre la Cité des Coopérants Français (CCF) appelée à l’époque « Yovo-Codji », « village des Blancs » . Elle était en cours de finition dans le quartier jouxtant l’aéroport et la haie vive . Nous pouvions donc suivre l’avancement des travaux au quotidien .
Grand-père était hissé et assimilé aux « Blancs » par sa nationalité et par son statut de coopérant , ce qui crée parfois des situations embarrassantes. Mais il n’était ni le seul africain ni le seul noir français en coopération. Il convient de dire que des antillais noirs qui n’ont pas d’autre nationalité que française formaient le gros de la gent noire.
En plus la coopération française ne faisait pas de discrimination entre français de provenances diverses : Pondichériens,antillais , arabes, maghébins,originaires d’Afrique noire, voire polynésiens , laotiens, cambodgiens, etc !
Tout ce melting-spot coopérait en bonne intelligence dans les tâches quotidiennes et la mission que l’on voulait bien leur confier.
Pour en revenir aux logements,la « case » de passage où logeait grand-père, la maison du Borgou, comprenait 3 chambres à l’étage plus une salle de bain-WC et au rez-de- chaussée ,une chambre, une salle de séjour,une cuisine et une salle de douche-WC .
Il lui échut une des deux petites chambres de l’étage.
Nous étions 4 à occuper chacune les 4 chambres durant deux mois avant de démenager pour des villas flambantes neuves de la CCF .
la Mission française de Coopération nous fit bon accueil.Nous étions en effet la première fournée massive de coopérants français après l’élection présidentielle de François Mitterand en 1981 et la retour du Bénin au calendrier scolaire français et des autres pays francophones d’Afrique, ie rentrée en octobre-novembre et fin de l’année en juin –juillet ! La révolution avait bouleversé ce calendrier en commençant son année scolaire en Mars pour la teminer en décembre . Les grandes,vacances se déroulaient de décembre à fin février !
Ce changement de calendrier n’arrangeait pas les coopérants français qui prenaient leurs vacances à un moment où leurs enfants scolarisés à l’école française n’avaient même pas encore terminé le premier trimestre !
Beaucoup de candidats à la coopération évitaient donc soigneusement le Bénin !
Le retour au calendrier normal était donc accueilli avec beaucoup de soulagement par tous les français résidant au Bénin !
Mr Garcia, le conseiller technique de la Mission française de Coopération, était chargé de toute la logique matérielle des coopérants .C’était surtout à lui que nous aurons désormais à nous adresser en ce début de séjour au Bénin.
Le ministère du logement béninois avait diligenté un agent,un certain Montaïro pour l’attribution du parc de logements aux coopérants de toutes nationalités Il n’y avait ni discrimination ni privilges particuliers pour les coopérants français qui constituaient le gros de la troupe.
Nos autres interlocuteurs privilégiés seront tout d’abord l’Association des Coopérants Français au Bénin dirigée à l’époque par Mr Divanon, un professeur d’anglais, le plus ancien coopérant français au Bénin (15 ans) .
Il était d’origine indienne de Pondichéry, très communicatif, jovial, bon viveur au demeurant .Son accueil fut des plus chaleureux !
Les camarades du syndicat Snes-sup (syndicat de l’Enseignement Secondaire et Supérieure) ne furent pas de reste . Grand-père y adhérera au cours de l’année.
On avait également l’ADFB (l’Assoiation des Français de l’Etranger section Bénin ), de Gauche et l’UFE ( Union des Français de l’étranger) la plus ancienne de tendance très droitière dont les membres de Gauche se détachèrent pour créer l’Adfe à laquelle grand-père souscrira bientôt .
Il y avait également les sections des princpaux partis français RPR, centristes, et PS auquel votre grand- père adhérera .
Côté béninois, l’accueil fut tout aussi chaleureux :
Grand-père connaissait un certain nombre d’anciens condisciples qui occupaient alors des places stratégiques : Karim Dramane , condisciple depuis SPCN (1964) à Abidjan. Il occupait à l’époque le poste de Vice-recteur de l’UNB( Univrsité Nationale du Bénin) .Il devint vite recteur après s’être distingué magistralement dans les réceptions qu’il organisa succèssivement pour les visites de Kadafi et Mitterand à l’UNB en l’absence de son recteur en stage en France . Mal lui en prit au recteur Jean Pliat qui se précipita à la dernière minute pour assister à la réception de Mitterand .
De recteur, Mr Dramane Karim passa directement sans transition au Ministère de l’ éducation nationale à l’arrivée de Nicéphore Soglo en 1990.
Alphonse Hounkpevi que grand-père avait connu au DEA d’Amélioration des Plantes à Orsay était vice- doyen de la Faculté des Sciences Agronomiques ( FSA).et directeur d’une Station de recherche agronomique proche de Cotonou .
El Hadj Tidjani avait aussi fait sa maîtrise de Physique et sa thèse de 3eme cycle à Orsay et venait de rentrer au pays !
Enfin Tidjani avait préparé sa thèse d’Etat en Chimie à Orsay sans compter Dossou-yovo auteur d’une thèse de 3eme cycle de Physiologie végétale à Orsay .Aho Nestor venait de passer un an plus tôt sa thèse d’Etat en Météorologie agricole la même année que grand-père à Orsay.Il le retrouvera chef du Département de Phythotechnie à la FSA .
Il y eut bien d’autres connaisances dont René-Martin ( Fagbeiro) Zacharie qui croupissait à l’époque, malheureusement en prison ! Moïse Houssou,directeur de la Recherche Agronomique à l’IRA ( Institut de la Recherche Agronomique) qui avait fait un excellent DEA d’Amélioration des Plantes, se classant second à l’AEA après un camerounais son promotionnaire de l’Ecole Supérieure d’agronomie de Nkolbinson à Yaoundé . Jolie moisson qui faisait la fierté des étudiants africains d’Orsay . Ils avaient la preuve vivante que les africains formés en Afrique pouvaient briller aussi de mille feux et être aussi forts que ceux formés en France ! Le hic ,c’était qu’ils avaient été formés par des coopérants français et non par des enseignants camérounais qui constituaient encore une petite minorité !Mais le mouvement d’émancipation était déjà en marche comme le constatera plus tard grand-père lorsqu’il sera nommé professeur à l’Ecole d’agronomie de Dschang qui avait déménagé entre temps de Nkolbisson à Dschang en pays Bamiléké.
Bref grand-père connaissait beaucoup d’anciens condisciples revenus au pays et et qui occupaientde hauts postes .
Le Bénin n’était donc pas une « terra incognita » pour lui .Il se sentait plutôt en « terrain connu» comme un poisson dans l’eau .
La seule personne qui reçut grand-père sans grand enthousiasme fut son chef de département avec lequel il n’eut jamais des rapports amicaux ,mais plutôt tendus .Il était gêné et quelque peu complexé que grand-père fut plus gradé que lui .Il n’avait que son 3eme cycle . Cependant nous nous connaissions depuis la France .
Mais de cela , nous reparlerons plus tard, les enfants si vous le voulez bien.
Nous étions dans le labo de Botanique trois coopérants français : Mme Simone de Souza qui avait la thèse d’Etat,professeur de Botanique ; Mr Profizi qui n’avait que son DEA et qui passera sa thèse de 3eme cycle en Ecologie végétale au Bénin et votre grand-père qui venait d’arriver pour occuper le poste de professeur de Physiologe Végétale .
Mr May Phal ,autre coopérant français , arrivera au labo deux ans plus tard. Nous reparlerons de lui un peu plus tard, les enfants .
La hiérarchie univrsitaire se déclinait ainsi à l’UNB :
Tous ceux qui avaient soutenu une thèse d’Etat avaient automatiquement le grade de professeur . C’était le cas de votre grand-père .
Avec la thèse de troisième , on accédait au grade de professeur-assistant . C’était le cas de notre chef de département .
Les autres, sans thèse, étaient de jeunes assistants ou des profs de lycée détachés dans l’enseignement supérieur où, pour monter en grade, ils devaient présenter au préalable leur thèse de 3eme cycle .
C’est ainsi que votre grand-père eut à diriger sur place l’un d’eux, inscrit à Bordeaux au labo de Mr Adjanohoun, professeur de Botanique tropicale comme nous l’avons déjà vu . Mais nous y nous y reviendrons encore ,un peu plus tard

Reprenons , si vous voulez bien, les enfants, notre fil conducteur, au tout début du séjour de votre grand-père à Cotonou :
Grand-mère , Frédéric et Dominique le rejoignirent, le 30 décembre dans la villa flambante neuve du quartier « Yovo-Codji » .
Grand-père venait de l’intégrer une quinzaine de jours plus tôt.
Votre père avait bientôt 8 ans le 16 janvier 1983 et venait de faire le premier trimestre de CE2 à Palaiseau.
Tata Dominique , 5ans ½ avait terminé le premier trimestre de son CP.
Nous craignions le changement d’établissement en cours d’année .
Mais il n’en fut rien .Tout se passa à merveille.
La scolarité des enfants n’a d’ailleurs jamais posé de problème juqu’à ce qu’ils partent de Cotonou, votre père en 1989 après sa troisième.
Tata Dominique quittait le Bénin et rentrait en France en même temps que grand-père et grand-mère en 1991.

a.Grand-père, professeur à l’Université Nationale du Bénin de 1982 à 1991.
Deux périodes sont à distinguer : La période Fast ( Faculté des Sciences et techniques) et la période FSA( Faculté des Sciences Agronomiques)

1)-La période FAST (1982-1986).

Comme son nom ne le dit pas , ce ne fut pas une période faste pour grand-père . Bien au contraire .Car avec son ténébreux chef de département qui voyait d’un mauvais œil grand-père, professeur au dessus de lui ,c’était plutôt continuellement la guéguerre au fleuret moucheté : vaines mesquineries, pièges grossiers que même un aveugle éviterait .
Bref, pendant 4 ans grand-père jouera au chat et à la souris avec ce gros matou , toujours prêt à sauter d’un bon sur la vilaine petite souris (votre grand-père) . Mais celui-ci ne manquait pas de vigilance .Il se tenait toujours à bonne distance. On n’est jamais trop prudent !
Nous étions en tout une douzaine d’enseignants regroupés par spécialités :
Trois écologistes : deux assistants béninois et un coopérant.
Trois botanistes : deux assistants béninois et un coopérant.
Quatre physiologistes : Trois professeurs-assistants et un coopérant
Un microbiologiste : professeur- assistant béninois.
Un pédologue Un coopérant, échu dans ce labo, on ne sait ni comment ni pourquoi .
Viendra en sa dernière année dans le département un prof Béninois de Physiologie, un collègue chercheur d’Orsay dont grand –père va se faire le plaisir de vous conter maintenant les mésaventures :
Bernardin Houndonougbo , puisque c’est de lui qu’il s’agit , venait du labo de physiologie Végétale de Lille lorsque grand-père l’avait connu à Orsay. Il rentra au labo du professeur Demarly où il s’inscrivit à la thèse d’Etat dans de drôles de conditions comme vous pourrez le constater :
Il avait quitté donc l’université de Lille où il venait de passer sa thèse de 3eme cycle et avait débarqué au labo d’Amélioration des plantes sans le sou ni allocation de bourse, ni aucune perspective de travail permanent lui garantissant des revenus fixes pour une poursuite normale de ses recherches.
Il faisait montre, en apparence du moins, d’une intelligence limitée et d’un personnage un peu borné .
Il avait écopé d’un sujet des plus complexes et difficiles sur la recherche en régénération tout comme quelques années avant lui son autre compatriote René- Martin Zacharie dont les recherches avaient viré au cauchemar dans le labo d’à côté, celui de Nozeran et par finir avaient tourné court .
Comment arriverait-il à l’époque, à effectuer la fusion cellulaire entre deux genres pour créer des cellules hybrides susceptibles de régénérer des plantes hybrides blé-luzerne ? Cela se fera bien plus tard !
Mais nous n’en étions qu’au début des recherches dans le domaine de la fusion nucléaire entre cellules d’espèces voire de genres différents.
Malgré un échec à l’avance prévisible , il accepta d’en courir le risque et se mit « dare –dare » au « boulot » !Il ne cessait de répéter de façon fort naïve à tous les détracteurs de son sujet de thèse que le professeur savait ce qu’il faisait mieux qu’eux tous
Au bout de 3 ans d’efforts vains , il jeta l’éponge de guerre lasse , rompit avec son directeur de thèse et et alla se réfugier chez un de ses assistants des plus contestés, le sulfureux Mr Bervilier , trop content de jouer un petit sale tour à son patron ! Il lui concocta un sujet abordable qu’il put mener à bien après 4ans de dur labeur .
Lui au moins avait pu être sauvé de la noyade, tiré par les cheveux à la dernière minute, contrairement à son compatriote malheureux du labo de Nozeran quelques années plutôt ., grand-père veut parler de Zacharie René -Martin, devenu Fagbéiro Zacharie en se dépouillant de son nom d’ancien esclave !
Notre brave Houndonougbo travaillait de façon si brouillonne et si maladroite que beaucoup de ces collègues de labo en étaient venus à se demander s’il avait jamais touché à des tubes à essais, et plus encore, effectué des cultures de tissus . Il venait pourtant de soutenir une thèse de 3eme cycle à Lille ,dont le mémoire , très bien rédigé, etait illustré de très belles photos de régénérations de patate douce, particulièrement réussies !
Mystère !
Pour soutenir sa thèse d’Etat , il s’attacha très habilement la sympathie de profs catholiques de la Faculté . Et Dieu sait qu’il y en avait de véritables bigots et de grenouilles de bénitier qui avaient formé un club d’une caste minoritaire mais très dynamique, capable de s’interposer pour torpiller des projets jugés trop avant-gardistes de leurs collègues communistes formant le gros de la troupe des profs d’Orsay .
Il réussit ainsi à écarter les menaces et à déjouer les manœuvres de fin lévrier de son ancien directeur de thèse.et réussit ainsi à réunir un jury conséquent et présenta brillamment son mémoire de thèse en 1985 au su et à la barbe de tous ses détracteurs !
Ouf . souffla-t-il ; il pouvait enfin penser sereinement à sa carrière de grand prof de physiologie au pays .
Il eut sur ce point aussi, plus de chance que grand-père, du moins dans un premier temps .Il fut en effet accueilli à bras ouverts comme prof à l’UNB et il se précipita au pays avec bagages, femme et enfants, se payant même le luxe d’avancer les frais de voyage quitte à les récupérer par la suite .
Mal lui en prit . Il ne récupérera jamais même pas un kopeck des sommes trop vite engagées malgré les mises en garde vaines de ses parents et amis .
Le régime communiste béninois du général Matthieu Kérékou était déjà aux abois , asphyxié, au bord de la faillite :Finances publiques délabrées et crise sociale sans précédent , plus d’un an de salaires des fonctionnaires, non versés !
Personne autour de lui ne se faisait d’illusion sur la possbilité
de se faire rembourser un jour cette avance de fonds excepté peut- être lui !
Mais ses malheurs ne s’arrêtèrent pas là ; ils ne firent alors que commencer en ces temps de crises du régime du camarade Général -Président Matthieu Kérékou :
Jugez-en vous-mêmes, les enfants :
Non seulement il ne fut jamais remboursé de l’avance que l’Etat lui devait, mais pendant plus d’un an , il ne put jamais , comme tous les fontionnaires beninois, touché un rond de son salaire de prof . La famille vécut chichement de ses maigres épargnes qui se réduisirent en peau de chagrin ,relayées bientôt par les aides des parents de Danielle sa chère épouse, au début consentante et suiviste !
Venus leur rendre visite, ils s’étaient vite rendus compte de l’état de leurs finances et de leurs conditions effroyables de vie au Bénin . Vers la fin ,ils ne mangeaient que de l’igname bouillie au feu de brindilles de bois !
Ils firent pression sur leur fille pour qu’elle puisse récupérer au plus vite son poste d’enseignante en France pendant qu’il en était encore temps pour subvenir aux besoins de la famille .
Avec le enfants,elle se résolut, après moultes tergiversations, à regagnerVilleneuve d’Asq, laissant notre pauvre Bernardin tout seul à Cotonou . sans le sou .Il vivota tant bien que mal, plutôt mal que bien l’année scolaire qui suivit le départ de son épouse sans plus de chance de toucher un sou du trésor public béninois malheureusement vide en ces années de vaches maigres .
De guerre lasse, il se résolut à rendre son tablier de professeur, donna sa démission et rejoignit sa femme et ses enfants déjà en France .
Danielle avait pu récupérer à temps son poste d’enseignante en EPS dans son lycée de Ville-Neuve d’Asq et put ainsi payer le rapatriement de son cher époux.
Nous étions en août 1989 .
Mais en décembre 1989, coup de théâtre !Le régime de Kérékou I cédait sous la révolte d’un peuple à bout de nerfs et criant famine .
Vint alors Nicéphore Soglo avec dans son escarcelle la démocratie et des espèces sonnantes et trébuchantes.En effet grâce à son passage à la Banque Mondiale, il put avoir un coup de pousse du FMI qui lui permit de relever les finances catastrophiques de l’Etat béninois. Il put alors verser les salaires des fonctionnaires , mais pas les arriérés qui, jusqu’aujourd’hui ne sont pas encore totalement soldées de tout compte !
Notre pauvre professeur Bernardin joua là aussi de la malchance. Quelle poisse !
Il partit quelques mois avant la chute du régime . Il serait resté une année scolaire de plus que ses soucis financiers se seraient en partie résolus .
Il aura donc passé trois ans à enseigner sans salaire !
In fine il eut moins de chance que grand-père qui fut rejeté de chez lui .
Rentré à Villeneuve d’Asq, il ne retrouva, en France, aucun poste d’enseignant .
Mais échaudé par son expérience béninoise , il n’osa plus solliciter de poste en coopération ni retourner chez lui, la page de Kérékou I définitivement tournée . En effet, « Chat échaudé craint l’eau froide » . N’est-ce pas ?
Il consacra son temps de chômage forcé à l’éducation de ses quatre enfants .
Il perdit le cadet de ses deux garçons dans des circonstances particulièrement douloureuses : Il se droguait depuis longtemps à l’insu de la famille jusqu’à cette nuit fatale où il prit des doses mortelles de drogue qui l’emportèrent !
Il avait vraiment la poisse , le pauvre Bernardin ! Encore pire que Martin son autre malheureux compatriote .Vous souvenez-vous de ses mésaventures avec Mr Nozeran et avec le régime de Kérékou I une fois rentré au Bénin?
Grand-père trouve son cas encore plus dramatique que celui du pauvre Martin .
Il ne travailla véritablement de sa vie que quelques trois ans
Il en a aujourd’hui plus de 70!
Comment vit-il ? De la seule retraite d’enseignante de son épouse ?

Mais arrêtons là ces histoires d’ horreurs et passons maintenant ,si vous voulez bien, à la deuxième et dernière étape du séjour de grand-père au Bénin comme prof à l’université Nationale du Bénin.

2)-La période FSA (1986-1991).
Grand-père, en respect de l’éthique missionnaire la plus élémentaire de la Coopération à savoir qu’un coopérant n’occupe un poste qu’en l’absence d’ un national. , jugea opportun de céder à Bernardin la place de responsable de l’enseignement de Physiologie végétale qu’il avait occupée durant les 4 ans .
Le missionnaire doit céder la place au fils du pays lorsque les circonstances sont favorables !Les missionnaires religieux catholiques le font ! Pourquoi pas les laïcs dans le domaine civil ? ça relève de la simple éthique même si les autorités compétentes françaises ou du pays d’accueil ne le demandent pas encore !
Grand-père le fit à la rentrée universitaire 1986-87 en rejoignant la Faculté des Sciences Agronmiques,profitant du départ à la retraite d’un coopérant français de la Fsa , « papa » Baurens comme on l’appelait très affectueusement .
Mr Baurens, comme grand-père,était un ancien Agro de Toulouse des années 50.Métis sino-français,il « avait traîné sa bosse » dans tous les coins du globe notamment en Haïti et dans toutes les Caraïbes avant de jeter son dévolu sur la Fsa où il a dû faire les 10 dernières années d’une carrière pleine d’aventures .C’était un célibataire endurci, un vieux garçon cependant ni bourru ni farouche . Mais personne ne lui a jamais connu de liaisons féminines et grand –père, les 4 ans qu’il l’a connu, ne l’a jamais vu fréquenter de fémme . Mais il savait se montrer très aimable voire même très galant vis-à-vis de la gent féminine .
Il mijotait de bons petits plats chinois lorsqu’il nous invitait .Il venait souvent à la maison .Il était en effet un camarade du Snes-sup.Il aimait les alcools forts et le vin . Il pouvait vider à lui seul la moitié d’une bouteille de Wisky et reprendre sa vieille 4L pour regagner chez lui à 20 kms/heure !
Grand-père l’appréciait beaucoup et éprouvait une véritable fierté de poursuivre son travail à la Fsa et lui aussi lorsqu’il sut que c’était grand-père qui reprenaitses cours.
Le doyen de la Fsa, d’alors, Mr Mama Adamou-Ndiaye, un originaire du Nord Bénin, manifestait beaucoup de sympathie à l’égard de grand-père et l’accuellit avec beaucoup d’enthousiasme et de chaleur humaine .
Mr Mey Phal, coopérant français d’origine cambodgienne, un ingénieur pédélogue sorti de l’Ensat de Toulouse, s’était échoué inopinement au labo de Bota comme un cheveu sur la soupe après la soutenance d’une thèse de docteur ingénieur . On ne sut que faire de lui . Il profita de la création d’un projet français de soutien à l’enseignement pratique pour passer également à la Fsa où sa présence se justifiait davantage .
Vint de Paris un couple d’agronomes dont l’épouse, Mme d’Orgeval fut la chef de projet . Elle fut rattachée au département d’Economie de la Fsa. Son mari Régis rejoignit le département de Zootechnie, tandis que Mey Phal alla au département des Sciences du sol et grand-père à celui de la production végétale où il retrouva de vieilles connaissances : Mr Nestor Aho et Mr Alphonse Hounkpevi qui l’accueillirent avec beaucoup de joie contrairement à ce qu’avait fait le chef du labo de Botanique, Ahouangonou Salomon 4 ans plutôt !
Grand-père était chargé des enseignements d’agronomie générale, de phytotechnie et de biotechnologie végétale . Plus tard, on lui confiera en sus l’enseignement de la Botanique .
Ce furent les meilleures années de la carrière d’enseignant de grand-père que ces 5 années passées à la Fsa de 1986 à 1991. Il ne retrouvera plus jamais cette ambiance de franche camaraderie entre enseignants et des élèves aussi studieux et appliqués, respectueux envers leurs profs .
Ce climat serein et apaisé était dû en grande partie au caractère du doyen d’alors, Mr Mama Adamou- Ndiaye qui n’est pas sénégalais comme le voudrait son nom, mais un peulh du nord Bénin, de Kandi .Il n’avait que des amis dans cette faculté qui se voulait une grande famille rassemblée et unie autour de son doyen pour l’éducation agronomique de leurs étudiants, dorlotés , gâtés comme des enfants par des enseignants-tuteurs dont le désir profond était de former de véritables professionnels ayant un vrai amour pour leur métier .
Les équipes de formation y veillaient jalousement .C’était la seule Faculté–Ecole de l’UNB . Elle se distinguait surtout des autres entités par ses stages pratiques soigneusement préparés par des équipes pluridisciplinaires, spécialisées et regroupées par années(5) pour mieux suivre la progression des acquis dans le métier .
Elles étaient soutenues financièrement par le projet français créé expressément à cette intention et épaulé par d’autres projets de pays amis : Pays- Bas , Belgique notamment qui avaient également envoyé des équipes professorales dans la plupart des départements de la Fsa : économie, pédologie,zootechnie, foresterie , nutrition et industries alimentaires
Les élèves étaient surentourés et les labo suréquipés afin de fournir la meilleure formation théorique et pratique aux futurs ingénieurs agronomes .
C’était donc dans cet atmosphère de saine émulation et dans ce climat de forte stimulation qu’a évolué votre grand-père, très remonté pour relever un défi à la hauteur de ses ambitions .
Il n’avait pu intégrer l’Agro de Ouaga . Ici , il n’avait rien perdu au change . Bien au contraire . Il disposait de tous les atouts pédagogiques et financiers pour former l’élite de l’agriculture africaine car il n’y avait pas que des étudiants béninois à la Fsa, mais aussi ceux des pays voisins affluant nombreux de toutes parts , ,attirés par l’abondante publicité faite autour de ses performances et de l’excellence de ses formations spécialisées.
Mais le projet français n’était prévu que pour 5 ans ,ie de 1986 à 1991 .
Le couple responsable du projet ne souhaita pas prolonger son contrat , malgré le franc succès remporté.Il avait demandé une autre affectation à Tana à Madagascar . Il fallait donc renouveler toute l’équipe .
Le nouveau chef de projet vint de Dschang au Cameroun , d’autres membres du Burkina et de France . Mais la Mission française de Coopération de Cotonou par le biais de Mr Guillaneuf, un camarade du PS, origninaire de Clermont –Ferrand, voulut retenir grand-père pour assurer la transition .
Et il commença alors à se chuchoter avec persistance de bouche à oreille que grand-père avait fait des pieds et des mains pour prolonger son séjour avec la complicité des autorités de la Fac quoiqu’entre temps Mr Ndiaye était déjà parti de la Fsa, devenu ministre de l’Agriculture sous le gouvernement Soglo issu de la Conférence Nationale Souveraine de 1990 . Il avait été remplacé au décanat par son vice -doyen de l’époque Mr Coffi Mathurin Nago, l’actuel Président de l’Assemblée Nationale du Bénin ! Grand-père entretenait des relations moins familières avec ce dernier , moins jovial et moins chaleureux que son prédécesseur nordique .Lui, il était un Mina du Sud-Ouest , plus calculateur , moins spontané et en définitive plus politicien que Ndiaye .
Devant des rumeurs aussi malveillantes, répandues par on ne sait qui et dans quel but, grand-père se devait de réagir . Il n’aimait pas en plus se retrouver entre le marteau et l’enclume en jouant le médiateur avisé et les bons offices pendant un an entre la nouvelle équipe française et l’autorité décanale .
Il abhorrait une telle posture et il se devait de réagir avec vigueur et détermination pour éviter que le piège ne se refermât sur lui !
Il avait déjà fait neuf ans de Coopération au Bénin, tata Dominique devait rentrer en France pour sa seconde classique avec la série Français -latin-grec absente au lycée français de Cotonou .
Grand-père était donc dans l’embarras de se voir proposer une année supplémentaire à Cotonou alors que ce n’était pas dans ses intérêts bien compris . La Mission lui assurait néanmoins un poste à l’Institut agricole de Bouaké pour l’année suivante s’il acceptait d’assumer cette transition que tout le monde ,mission et faculté redoutaient !
Mais lui, préferait la place laissée encore toute chaude par le chef de projet français de Dschang . « Un tient vaut mieux que deux tu auras . »
Grand-père choisit cette solution de sagesse en décidant de partir en même temps que ses coéquipiers pour le poste de prof à la Faculté des Sciences Agronomiques de Dschang ( Fasa) en remplacement du nouveau chef de projet français à Cotonou .
Il connaissait déjà un certain nombre de profs de Dschang qu’il avait d’ailleurs rencontrés lors d’un colloque des facultés agronomiques organisé à Cotonou pour l’harmonisation de leurs programmes de formation :Il avait noué ,à cette occasion des amitiés solides avec le directeur de ce qui n’était encore qu’un Centre agricole avant de devenir une université . Il connaissait également le directeur adjoint et beaucoup d’autres enseignants dont le nouveau chef de projet français de Dschang un certain Ducret..
Grand-père était très attiré par ce poste qu’il avait déjà sollicité 10 ans auparavant et qu’il avait dû refuser pour des raisons financières .Cette fois-ci ,il pouvait repostuler en tant que coopérant français. Les autorités camérounaises n’auraient pas à délier leur bourse ! C’était tout bénef pour eux !
Il préferait de loin cette solution que de se faire toujours montrer du doigt comme celui qui a su jouer de ses relations politiques pour se cramponner à son poste un an de plus !
un an de plus,le jeu n’en vallait vraiment pas la chandelle !
Et malgré les promesses de Raymond Guillaneuf,conseiller culturel de la Mission française de Coopération qui, en plus, préparait déjà le départ de grand-père pour l’année d’après en lui sollicitant la Médaille du mérite agricole pour toutes ses activités agricoles en faveur des enfants de la rue, grand-père décida de postuler le poste ouvert à Dschang. Il fut accepté et partit, renonçant à l’année supplémentaire de grâce accordée, à la promesse d’un poste à Bouaké et à la médaille du Mérite agricole dont la demande avait été déjà déposée auprès du Ministre de la Coopération !
Que de renoncements ! Grand père a-t-il eu tort de refuser à tant d’avantages et d’honneurs en partant ?
Il ne s’était jamais posé la question en ces termes .
Mais ce qu’il savait à coup sûr « c’est que les promesses n’engagent que ceux qui y croient » , et qu’ « un tient vaut mieux que deux tu auras » , « qu’il ne faut jamais mettre le doigt entre le marteau et l’enclume . »

c.Grand-père, tu ne nous a parlé que de ton enseignement mais jamais de tes travaux de recherche au Bénin. Nous aimerions en savoir un bout.

Bien sûr, les enfants . C’est avec un plaisir certain que grand-père va maintenant vous parler de ses activités de recherches au Bénin

1) Grand-père sur les terrains de prédilection des Stylosanthès
Grand-père n’avait jusqu’à présent étudié expérimentalement les Stylosanthès qu’ en dehors de leur environnement naturel ,dans des serres ,certes acclimentées, mais dans un environnement tout à fait artificiel . Il s’agissait une fois à Cotonou d’observer leur comportement dans des milieux naturels sous les tropiques.
Les premières années de recherche de grand-père consista à herboriser le long des bordures de mer, routes et sentiers où ils sont censés trouver les meilleures condition de croissance développement. Il recolta beaucoup d’échantillons qu’il déposa à l’Herbier National , installé de façon très provisoire dans le labo de Botanique . Il cultiva également des graines de différentes espèces dans des parcelles expérimentales de plein champ à la ferme de la Fsa . Il put ainsi confirmer les résultats obtenus en serres à Orsay .Il le refera à Dschang dans d’autres conditions naturelles mais à 1500 mètres d’altitude .
Il dirigea des travaux de recherche sur les plantes fourragères du Bénin en obtenant de la mission de coopértion une subvention substantielle étalée sur trois ans .C’est dans ce cadre que Jean-Pierre Essou put faire ses recherches de terrain pour sa thèse de troisième cycle qu’il soutint à Bordeaux quelques années plus tard.
Mais de cela nous en reparlerons un peu plus tard .
Abordons à présent les activités agricoles de grand-père qui lui ont valu une demande de la médaille agricole française par Raymond Guillaneuf conseiller culturel de la Mission française de Coopération ,peu avant son départ pour Dschang.
.
2)-Grand-père à la rencontre des enfants de la rue de Cotonou
Dès l’arrivée à la cité des Coopérants français de « Yovo-Codji », grand-père fut confronté aux montagnes d’imondices accumulées au voisinage d’un quartier dit des « Blancs » flambant neuf,dégageant déjà un e odeur pestilentielle . Pou couronner le tout, le lieu servait de dépotoir et de WC à ciel ouvert à tout ce petit personnel de maison de la Haie vive , quartier pourtant des plus chics et riches de la capitale économique . Mais les patrons ne pouvaient construire à leurs domestiques des toilettes dignes de ce nom. C’était le dernier de leurs soucis .
Soulignons au passage que chaque villa des coopérants français avait un Wc extérieur pour ses employés !
Il n’y avait pas en ces temps- la de ramassages des ordures ménagères dans quartiers de la ville .
Les propriétaires de ces maisons cossues ne s’occupaient donc pas de savoir où leur personnel se débarrassait de leurs déchets ménagers .
Les « yovo » de la cité, entendez les coopérants, n’étaient d’ailleurs pas de reste tant et si bien que l’atmosphère devint rapidement irrespirable par temps de pluie et de chaleur moite . Les plus écologistes d’entre nous s’émurent rapidement et se dressèrent comme un seul homme pour résoudre cet épineux problème .Mais il s’avéra difficile de s’opposer directement au personnel de maison . L’habitude de jeter les ordures dans ce « no man’s land » et d’y venir « déféquer »était déjà prise et elle était tenace . Par ailleurs tout se passait soit à la tombée de la nuit ou au petit jour avant le lever du soleil ! Allez saisir des ombres allant et venant dans la pénombre de l’aube naissante!
C’est là que l’idée vint à l’esprit de grand-père de débrousailler tout le voisinage pour y installer des jardins horticoles se rappelant de son passage à Saint Antoine de Marcoussis.
Vous vous souvenez bien de l’école d’horticulture de Marcoussis où grand-père a enseigné pendant 7 ans !
Il fit donc appel aux enfants qui traînaient ou mendiaient dans les rues de Cotonou . Les plus braves envahissaient les différents carrefours pour vendre à la sauvette aux feux rouges leur butin « tombé des camions » , entendez volé au Port tout proche et disparaîssaient aussi rapidement qu’ils étaient venus avant l’arrivée de la police .
Oui ,on pourrait occuper les enfants de la rue en leur proposant de faire là des jardins potagers et de vendre leurs productions dans les différents marchés de la ville.
Et tous d’applaudir ! L’idée était absolument géniale !disait-on !
Mais au moment de sa réalisation , votre grand-père se retrouva tout seul mais néanmoins très déterminé . Il fallait absolument faire disparâitre les tas d’ordures fumantes et leur puanteur pestilentielle à proximité de la cité !
Grand-père recruta donc ses premiers jardiniers dans les rues des différents quartiers de Cotonou, les arma de houes, de pelles et de rateaux et les mis dans le terrain vague.

En s’inspirant de la fable de La Fontaine , « Le laboureur et ses enfants », il leur tint à peu près ce langage :

« Un trésor est caché dedans » ,
« Je ne sais pas l’endroit ;mais un peu de courage
vous le fera trouver : vous viendrez à bout.
Remuez votre champ dès que l’on aura fait l’oût :
Creusez, fouillez, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse ! »
Le père mort,les fils vous retournent le champ,
Deça, delà, partout : si bien qu’au bout de l’an
Il en rapporta davantage. D’argent point de caché.
Mais le père fut sage
De leur montrer.avant d mourir
Que le travail est un trésor »
Malgré le scepticisme des « yovos » ;au bout d’une semaine de travail, ils vinrent à bout du nettoyage , brûlage et bêchage.
Le premier but était atteint,et plus personne n’osait plus venir « déféquer » sans être vu et chassé par la vigilance des nouveaux maîtres des lieux .
On creusa des puits de fortune à même le sable ; on confectionna des planches ,sema, qui ,des graines de laitue, qui, des carottes, des choux tant et si bien qu’au bout d’un mois le terrain était devenu méconnaissable .
Les montagnes d’immondices avaient toutes disparu et avaient fait place à de la verdure de salades, de choux, de carottes .C’est ainsi que commença l’expérience des jardins appelés à l’époque, « Jardins de l’aéroport » . Ils se perfectionnèrent de mois en mois et d’année en année juqu’en 1995, date où les jardiniers furent déplacés pour faire place aux villas construites à l’époque pour acceueillir la réunion de la Francophonie .
Grand-père anima l’équipe de jardiniers de l’aéroport 7 ans durant , leur procurant au départ les terrains prêtés par le délégué du quartier, les outils de jardinage, les graines des principales espèces légumières et florales, les pots de fleurs, les engrais et fumures organiques .
Il les encadra de ses conseils, leur montrant l’exemple par la création d’un jardin expérimental, modèle où ils pouvaient apprendre comment cultiver les différents légumes notamment les plus difficiles à mettre en place .
Et lorsqu’il quitta Cotonou en 1991, une bonne centaine de jardiniers et de fleuristes indépendants , maîtres de leurs propres parcelles, y gagnaient légitiment et légalement leur vie .Certains avaient même pris des apprentis à qui ils apprenaient les premiers rudiments du métier dont plus rien ne leur était secret .
Par la suite, il est arrivé souvent à grand-père de rencontrer ses anciens jardiniers en ville dont l’un d’eux avait réussi à s’acheter une vieille voiture pour transporter ses carottes au marché de Ganhi . Il était content et fier de lui narrer sa réussite : il était devenu un véritable patron employant une dizaine de jardiniers sans compter les apprentis . Il s’était spécialisé particulièrement dans la culture de carottes hybrides dont il se procurait les graines à Lagos, capitale économique du Nigéria voisin .
Un des gardiensde la cité que grand-père avait formé comme fleuriste avait aussi bien réussi et fournissait ses fleurs aux meilleurs hôtels de la ville .
Grand-père forma certains de ses étudiants dans la spécialité horticole . Ils s’installèrent comme horticulteurs car l’Etat béninois, empêtré dans ces déboires financiers n’embauchaient plus depuis 1986 dans la fonction publique les étudiants sortis de l’université . Chacun était invité, dans le cadre de l’auto-emploi préconisé alors, à créér sa propre entreprise .Ceux, désireux de s’orienter vers l’horticulture venaient effectuer leur stage et leur mémoire de sortie auprès de grand-père . Ils se préparaient ainsi à se créer leur entreprise horticole une fois leur diplôme en poche moyennant l’assistance financière de leur maître de stage .
Il leur donnait ainsi un coup de pouce pour le démarrage de leur propre entreprise. Car dans les années 90,le pays connaissait une grave crise économique et toutes les banques béninoises avaient fait faillite et avaient dépose leur bilan et mis la clé à la porte!
Ils restaient deux ou trois banques étrangères qui ,lorsqu’elles prêtaient à des entreprises béninoises, le faisaient à des taux usuraires si élevés que des entrepreneurs débutants ne pouvaient y avoir accès à moins de présenter des hypothèques produites par des parents fortunés officiellement connus de la place financière .
Plusieurs des anciens étudiants de grand-père grâce ses aides ont donc investi dans l’horticulture légumière ou en art floral et en ont fait leur métier jusqu’à ce jour !.
Ils font sa fierté et sa joie, chaque fois qu’il les rencontre pour partager autour d’un verre, leur réussite, et leurs expériences .
De ces sept ans de pratiques horticoles, grand-père a appliqué l’enseignement horticole qu’il avait prodigué 7 ans auparavant aux orphelins apprentis des Oeuvres d’Auteuil à la Maison d’horticulture Saint Antoine de Marcoussis .
Ces deux expériences théoriques et pratiques lui seront d’un grand apport à Dschang où il reprendra à la fois un enseignement horticole théorique et pratique pour les ingénieurs agronomes dont il assurait la formation dans le domaine.
Nous en reparleronsun plus tard.
Mais disons un mot maintenant sur la vie quotidienne à Cotonou autre que l’enseignement et la recherche .

d.La vie à Cotonou
La vie quotidienne à « Yovo-Codji » se déroulait comme un long fleuve tranquille s’égrenant lentement au fil des jours, rythmée par les invitations entre coopérants de la cité et de la ville ,voire d’autres coopérants non français, hollandais, belges , allemands, etc.collègues de travail à l’univrsité ou dans les lycées et autres institutions publiques
Il y avait aussi une certaine perméabilité entre le personnel des ambassades de pays amis .
Mais entre coopérants et collègues béninois les invitations marchaient moins bien pour différentes raisons :
Durant la période la plus dure du régime marxiste-léniniste de Kérékou I (1972-1981), il était très mal vu de fréquenter des coopérants, des ambassades et des missions de Coopération étrangères .
Donc les profs béninois et l’ immense majorité des beninois n’osaient pas fréquenter les coopérants ni accepter leurs invitations de peur d’être convoqués à la police des agents secrets pour des explications.
Les coopérants eux-mêmes ,n’osaient plus inviter leurs collègues béninois pour ne pas les mettre dans l’embarras de devoir refuser ! .
De même les enseignants béninois n’invitaient surtout jamais chez eux des collègues étrangers . Trop dangereux ! En plus ils n’avaient pas les moyens de les recevoir dignement vue la crise financière qui perdurait et qu’ils ne recevaient plus leur salaires depuis plus de 12 mois !
On se côtoyait donc au travail mais on ne se fréquentait pas dans la vie courante .
Ce ne fut après l’élection de François Mitterand que l’atmosphère se détendit , devint plus respirable et que les coopérants purent enfin oser inviter leurs collègues béninois , la réciproque étant toujours plus hésitante, liée à des craintes du pouvoir politique qui n’avait pas encore changé en profondeur et qui pouvait toujours frapper quant il le désirait. Prudence et attentisme étaient donc de mise !
Mais après la conférence nationale souveraine, grand-père eut à inviter plusieurs fois des ministres du gouvernement Soglo , collègues de l’UNB : Mama Adamou-Ndiaye, Karim Dramane qu’il avait déjà eu l’occasion d’inviter lorsqu’il était recteur de l’UNB , en tant qu’ ancien condisciple de la fac d’ Abidjan .
Il nous invita à son tour chez lui sans autre forme de procès .
Nous invitâmes d’autres anciens condisciples de la fac : Alphonse Hounkpevi même sous kérékou I d’après 81, El Adj TiDjani, un ami de fa fac d’Orsay qui a épousé une copine française devenue plus tard médecin .
Mr Gnonlonfoun, marié également à une française syndicaliste et socialiste .
Après la conférence nationale, il était devenu banal de recevoir et d’être reçu par des collègues béninois .
Les enfants , au départ n’invitaient à leur goûter d’anniversaire que des copains français et étrangers de leur école jusqu’à la la conférence nationale . Après ils purent rajouter à leur liste les noms de leurs petites copines et copains béninois .
La vie à Cotonou était faite également de militantisme syndical et politique.

e.Grand-père militant syndicaliste et politique.

Grand-père avait adhéré au Snes-sup à l’époque devenant même le responsable local . Mais notre nombre était des plus réduits, 5 à 6 tant et si bien que nous n’avions jamais mené d’actions à Cotonou .
Côté politique, il avait pris très tôt la carte du parti socialiste et de l’Adef Bénin,engagé dans les élections locales et présidentielles au consulat,dans les manifestations culturelles notamment les soirées Adfb, dans la distribution de l’Apatam , l’organe trimestriel de l’Adfe que Marc Lelièvre et grand-père diffusèrent jusque dans les rangs de l’Ufe .
C’était aussi la période faste de l’engagement politique de grand-père qui fut un membre influent du bureau local en tant que trésorier pendant de nombreuses années avant de passer la main!
Mais cet engagement politique s’estompa malheureusement dès qu’il eut quitté Cotonou pour Dschang qui était bien éloigné des jeux politiques de la capitale Yaoundé voire de Douala la capitale économique du Cameroun.

25. Grand-père à Dschang en pays Bamiléké
Dschang n’est certes pas et de loin la plus grande ville du pays Bamiléké, mais elle doit sa réputation surtout à sa situation, perchée qu’elle est sur les escarpements rocheux des monts Bamboutos à quelques 1500 mètres d’altitude avec son centre climatique datant du temps colonial où venaient se traiter les tuberculeux et se désintoxiquer tous ces vieux colons imbus d’alcool et autres loubards exténués par leurs aventures coloniales . Elle le doit également à son centre agricole qui, de recherche, se transforma en école, puis en université battant sur le fil en renommée sa vieille rivale, Bafoussam, capitale régionale , à une vingtaine de kilomètres plus au nord .
Grand-père débarqua un 6 novembre 1991 au soir à l’aéroport internationnal de Douala . Il fut logé dans une case de passage à la Mission française de Coopération et confié à un chauffeur du centre descendu pour le chercher .
Il découvrit pour la première fois l’imposante masse du Mont Cameroun dans toute sa splendeur et son orgueil de point culminant du Cameroun . Puis ce fut les falaises abruptes du plateau Bamiléké d’où dévalaient ,rapides d’énormes écumes d’eau telles mille chevaux crachant de leurs larges naseaux des trombes d’eaux,précipitées des hauteurs de ces monts
C’était particulièrement impressionnant de voir la pick up peiner pour arpenter pas à pas l’énorme dénivellation de plus de 500 mètres en à peine 5 kms à vol d’oiseau ,mais interminables pour le pauvre baudet haletant,râlant, menaçant à chaque pas de rendre l’âme .
Mais elle en vint à bout au prix d’efforts redoublés et de labeur consenti, puis dans une fierté chevaleresque,elle poussa des souffles de hourras et de ohé, pour l’Anapourna vaincu .
Il nous conduisit ainsi à bon port dans une bourgade sale et
poussiéreuse à l’époque , encaissée et recroquevillée au fond de vals perchés des monts Bamboutos .
Grand-père fut dirigé séance tenante au campus universitaire où il logea d’abord dans une « case de passage » en attendant l’attribution d’une villa individuelle.
La chambre où il fut admis , était une sorte de nid de guêpes dont les murs, aux trois quart aveugles s’adossaient sur un flanc de falaise , puant à plein nez le moisi comme si personne n’y avait habité depuis de dizaines de lustres.
C’est donc là que votre grand-père passa ses premiers mois à Dschang
isolé comme en tout premier temps de séjour .
A Dschang comme à Cotonou, vivait une petite communauté française à 99% de Coopérants de l’Institut agricole , engagés dans divers projets dont 4 au département de foresterie et trois en production végétale .
Les belges et les hollandais avaient colonisé les autres départements.
Une forte délégation américaine s’était érigée en seigneurs et maîtres des lieux avec la noble mission de renover les infrastructures d’un grand centre d’enseignement agronomique à la hauteur et en hauteur du grand pays agricole que se revendique, à juste titre,le Cameroun.
Mais au cours de ces grands travaux pharaoniques, dignes des tours de Babel que seuls les américains s’honorent toujours d’égaler,ils apprirent que le gouvernement camerounais avait changé de fusil d’épaule et avait décidé ,seul de son propre chef de hisser le Centre agricole ainsi renové et agrandi, non en une grande Ecole, mais tenez-vous bien , en une grande université de plein exercice où le centre agricole se réduirait en une faculté parmi tant d’autres, Droit, Sciences et Lettres .
Ce qui fut fait, dès que les américains , contrariés, dépités, fâchés de s’être faits roulés dans la farine, abandonnèrent l’immense chantier d’un projet titanesque pour regagner précipitament le lointain pays de l’Oncle Sam.
Il n’eut cependant pas, faute de prévision de structures adaptées, de fac de médecine .
C’est donc dans ces conditions que grand-père prit en charge les cours d’horticulture, content de retrouver un milieu universitaire qu’il connaissait déjà bien et qu’il chérissait .
Les collègues français formaient un collège de sans grades relégués
en seconde division.
Ramassis d’une équipe de coopérants, soudards, ignards et soulards , tous autant les uns et les autres,ils souffraient d’un complexe chronique d’infériorité dû à leur statut de soldats de deuxième classe sans grade dans cette république élitiste d’ universitaires hautains et imbus d’eux–mêmes , respirant la sainte suffisance de gens
Nos sans grades se morfondaient là, tristement dans cette vallée de larmes . Ils n’avaient trouvé nulle part ailleurs d’autres tanières pour se terrer et se faire oublier et hiberner ainsi quelques années, tranquilles dans les froideurs et moiteurs de ces hauteurs perdues , loin de tout monde civilisé !
Oui , votre grand-père venait aussi de s’enterrer là, dans ce trou perdu du reste du monde,car, Dschang était coupé de tout,oublié ,loin des deux grandes villes du Cameroun .
Toutefois,lorsqu’il arrivait que l’on parle à Yaoundé des coopérants de ce bout du monde, c’était en des termes peu flatteurs et méprisants de broussards attardés qui « se soulent la gueule » une fois leur cours terminés pour oublier leur isolement physique, mental, spirituel qui frôlait la déprime.
Voilà l’image de Dschang et de son centre dans ce grand pays qu’est le Cameroun , fier de ses reliefs , de ses Monts, de ses hauts plateaux, de ses montagnes aux gorges encaissées ., de ses monts Bambutos perdus dans les nuages à plus de 2500 mètres d’altitude !
On admirait certes ces paysages fabuleux,merveilleux, paradisiaques ! maispoint les autochtones des lieux, montagnards vivant à l’état semi-sauvage . C’est du moins l’image qu’ils donnaient aux camerounais de la côte et du centre, fiers d’abriter , les uns la capitale politique ,les autres la grande agglomération doualaise,véritable poumon économique du Cameroun.
Grand-père aurait pu aussi se faire oublier dans ce cul de sac perdu et y passer, pourquoi pas, de bons moments, recroquevillé au coin du feu pendant les saisons froides des hauts plateaux Bamiléké .on avait en effet construit des maisons avec des foyers magnifiques pour la saison foide et pluvieuse des mois de juillet-septembre ou de janvier- février lorsque souffle l’harmatan venant du nord.
Mais c’était sans compter sur les réveils douloureux des lendemains qui changent, des lendemains de changements politiques !
C’était sans compter sur le couple Chirac –Juppé qui s’invita aux élections présidentielles de 1995 . Sorti victorieux de Jospin , Mitterand ne se représentant pas, il bouleversa toute la politique de Coopération en réduisant de façon drastique le nombre de coopérants selon le slogan d’alors à la mode de « Coopération sans coopérants » .
Le glas venait de sonner la mort de la vieille politique de Coopération où il s’agissait de trouver des emplois pour des enseignants au chômage en France .
La nouvelle donne était de détourner l’argent de la coopération dans les poches des potentats africains pour qu’ils en retournent une bonne partie aux dirigeants politiques français dans les fameuses valises remplies de billets de banques . Chacun en avait pour son compte dans ces drôles de relations Francafrique qui durèrent longtemps, n’en déplaise au pouvoir actuel qui pousse des cris d’orfraie effarée chaque fois que l’on en parle !
C’est donc dans ce cadre que grand-père reçut dès 1995 une lettre de la Mission française de Coopération l’avertissant de la suppression de son poste fin 1996 reniant le contrat signé sous le couple, il est vrai , mal assorti, Mitterand-Balladur. celui-cis’était présenté d’ailleurs contre Chirac l’homme fort du moment et avait mordu la poussière !
Grand-père avait d’ailleurs prêté le dos au coups de fouet en effectuant un stage de reconversion de formateur de formateurs deux ans auparavant à Aix-en -Provence .
Il obtint même un DHEPS correspondant à une Maîtrise de Sciences de l’Education qui ne lui servira jamais une fois éjecté de la Coop .
Néanmoins, les 5 ans qu’il vécut dans ce trou perdu au milieu des hautes montagnes camerounaises, ne furent pas des années perdues, bien au contraire . Il gagna l’amitié de nombreux collègues camerounais en refusant de se replier sous le froc qui lui avait permis de franchir ces hautes murailles austères de monastère d’un genre nouveau .
Il logeait seul au campus universitaire dans une belle villa-prison de quatre pièces dont il ne savait qu’en faire .Il s’était acheté une Nissan Patfinder tout terrain avec chauffeur, s’il vous plaît, et excusez du peu,dans l’intention de faire souvent des excursions dans le Nord du pays ! ce qu’il ne fit jamais !
Auparavant, il s’était attaché une bonne à tout faire, Céline puis un cuisinier béninois, François qu’il fit venir de Cotonou.
Puis il installa des jardins floraux, ensuite légumiers . Et si comme cela ne suffisait pas,il fit des bassins piscicoles en associant des collègues camerounais . Mais malheureusement le temps lui manqua pour consolider ses grands travaux qui ne survécurent malheureusement pas à son départ précoce .
Les camarades camerounais ne pouvaient en effet s’offrir le luxe , comme le faisait grand-père,d’ y injecter régulièrement de fortes sommes d’argent . Aussi le projet ne put être mené à bon port et échoua faute d’un bon capitaine aux poches bien garnies et au capital financier conséquent comme le fut grand-père à l’époque tout au moins ! « Et le combat cessa faute de combattants » !ie, le projet cessa faute d’argent ! « Le feu cessa de brûler faute de bois »
C’était fort dommage car il servait de lieux de prédilection aux études des pratiques agricoles mises en place quelques années plus tôt .
grand-père revint 15 ans plus tard en pélérinage sur ces hautes terres il ne trouva nulle trace des 20 étangs de poissons , des jardins qui grimpaient les pentes ardues des collines du campus, de la couverture florale bordant routes ,chemins , sentiers et allées qui menaient aux amphis, au rectorat comme aux différents décanats de la nouvelle université .
N’empêche, grand-père était fier d’avoir pu imprimer sur ces hauts plateaux bamiléké qu’un coopérant français si noir fut-il de peau, pouvait avoir des idées lumineuses et un cœur d’or pour marquer durablement les esprits sur des projets si phaoroniques qu’aucun autre coopérant n’avait voulu ou su entreprendre .

-Conclusion du séjour de grand-père en pays Bamiléké
Grand-père s’éclata à Dschang avec les collègues camérounais , Jean Njoya chef du Projet Bafou, Bouemboué qu’il avait connu à Orsay,Tchoumboué, le prof agrégé en médecine vétérinaire avec lequel il a fait des sorties mémorables, l’anglophone Ignatio Parh, ami et collègue du Rotary Club de Bafoussam, le prof Joseph Djoukam dont l’épouse est béninoise, le prof François Kamadjou économiste et fier de l’être, Nono le géolgue , Afred, l’entomologiste, Pamo Etienne et beauoup d’autres dont les noms ne lui reviennent pas à l’instant en mémoire .
Nous avions abattu du travail grâce à une équipe très soudée .
Grand-père garde à jamais les souvenirs inoubliables de ces instants partagés de complicité et d’amitié intenses .
Il garde en mémoire certains étudiants avec qui il créa une petite association de jardins pour leur permettre de mieux appréhender le métier d’horticulture florale notamment .
Les seuls points noirs que grand-père se doit de signaler sont :
1) Avoir coupé les ponts avec la Mission française de Coopération de Yaoundé où on ne le voyait jamais tant et si bien que personne ne leva le moindre petit doigt pour l’aider lorsque son contrat fut à terme à Dschang.
C’était bien pire encore au Ministère de la Coopération où grand-père était complètement ignoré de tous les services comme il s’en aperçut lorsqu’il y entreprit des démarches de réinsertion au moment de son départ du Cameroun . Il constata avec effarement qu’il n’y reconnaissait plus personne dans les couloirs du Ministère et que personne non plus ne le remarquait.
En 5 ans , il avait tout perdu de tout le capital de sympathie accumulé en haut lieu et qui l’eut mérité une citation à l’ordre du mérite agricole s’il avait accepté de rester un an de plus à Cotonou .
Il faut noter cependant qu’en 5 ans, le contexte politique s’était complètement transformé: le parti socialiste avait quitté le pouvoir, les chiraquiens s’étaient incrustés à tous les rouages de l’état.
L’état RPR , l’état chiraquien règnait en maître absolu sur terre , sur mer et dans les airs, aux plus des cieux !
Grand-père ne connaissait plus personne dans cette droite française ni de loin ni de près . Au niveau coopérants, il n’avait développé pendant les 14 ans qu’il avait passés à la coopération aucune amitié avec aucun coopérant de droite .Tous ses amis « yovo » venaient de la gauche française !
Malgré ses diplômes , son rang de prof, personne ne s’intressait à lui à droitecar il était déjà pointé depuis Cotonou comme membre du parti socialiste « qui avec moi est contre moi » . C’est bien connu en politique . Or grand-père n’avait aucune affinité et accointances avec cette droite retrograde et ringarde !.Rien, absolument rien !
Il regagna donc la France ,Clermont-ferrand où il retrouva ses enfants devenus de grands étudiants.
Le deuxième point noir était d’être parti seul à Dschang sans la famille tout au moins sans grand-mère, rentrée en France pour suivre les études des enfants, puis au bout de quelques mois d’exercice en France, avait dû retourner à Cotonou car sa remplaçante avait été rapatriée définitivement en France à la suite d’ une chute grave dans un ascenseur !
Grand-mère ,présente à Dschang, aurait pu trouver un équilibre dans les relations de grand-père avec les deux communautés comme elle l’avait fait à Cotonou et lui aurait ainsi évité de se couper totalement du milieu Coopérant et surtout des instances de décision que constituaient pour lui la Mission et le Ministère de la coopération .
Malheureusement le temps passé ne revient jamais et on paie au prix fort ses erreurs ! C’est bien connu et ça ne date pas d’aujourd’hui !
Grand-père paiera doncau prix fort son retour forcé d’un an en France.
Et quelle année !

C’est d’elle dont nous allons nous entretenir maintenant, si vous voulez bien les enfants chéris.

26. L’année de grand-père à Beaumont ( juillet 1996- décembre1997)
Arrivé à Beaumont, grand-père poursuivit les demandes de postes en coopération .Il n’avait pas encore compris alors que l’ère de la coopération avec coopérants était bel et bien morte depuis l’arrivée du gouvernement Juppé .
Evidemment toutes ses tentatives restèrent lettres mortes .Et pour cause !
En effet comme on le constatera, le recrutement des enseignants avait totalement tari, remplacé désormais par celui de hauts fonctionnaires , conseillers français à la tête de tous les Ministères béninois .
Grand-père perdait son temps à expédier une tonne de paperassses partout .
Le vin était déjà tiré . il fallait le boire jusqu’à la lie !
Il ne l’a enfin compris qu’en 1998 .
Pour ne rien arranger les affaires, grand-père lutta de la façon la plus maladroite qu’il soit pour son intégration dans la fonction publique .

b.Grand-père avait refusé d’entrer dans la Loi Lepors qui reintégrait les Coopérants en France dans le second degré .

Avant l’arrivée du gouvernement Juppé,celui de Balladur avait donné la possibilité aux coopérants non fonctionnaires qui le voulaient d’intégrer l’enseignement du second degré en tant que maîtres auxiliaires .Tous les coopérants détenteurs d’une maîtrise et d’un troisième cycle bondirent sur l’aubaine en sacrifiant leur thèse .Pour ceux-là c’était du pain béni pour d’intingrer la fonction publique par cette loi pourtant cynique du ministre communiste Le Pors.
Les seuls postes proposés dans l’enseignement secondaire étaient des postes subalternes de Maîtres auxiliaires de second degré , encore fallait-il être muni d’une maîtrise d’enseignement ,ensuite passer le Capes à l’ interne. La plupart des ingénieurs n’étaient pas concernés, n’ayant pas de maîtrise d’enseignement . Or grand-père tout en étant ingénieur agronome avait une maîtrise d’enseignement . Il rentrait donc parfaitement dans la loi Le Pors . Pas de veine !
A l’instar de tous ceux qui avaient leur thèse d’Etat, il repoussa l’offre et préfera rester en Coopération sans se douter que la loi Le Pors était le prélude de la fin de la coopération pour les enseignants .Elle préparait déjà, sans le dire, bien sûr, le fameux slogan de « coopération sans coopérants ».
Le gros des coopérants était d’ailleurs à l’époque des enseignants du sécondaire et du supérieur .
Nous n’avions pas vu venir le piège qui se referma sur nous .
Les autres qui avaient accepté de jouer le jeu de la loi Le Pors pouvaient se gausser de nous . ‘Avec nos thèses d’Etat , c’était nous qui étions réduits au chômage . C’était bien fait pour nous .Nous l’avions bien mérité
Les collègues ingénieurs qui n’étaient concernés par la loi Le Pors eux pouvaient demander des postes d’enseignant dans des établissements secondaires spécialisés .Restaient donc donc nous . Grand père avaient un diplôme d’ingénieur, une thèse d’état et une maîtrise d’ensignement . Il pouvait rester au chômage puisqu’il avait recuser la loi Le pors à laquelle il pouvait prétendre.Et il y restera effectivement et ce d’autant plus qu’il était le seul dans sa situation !

c.Grand-père attaque le Ministère de la coopératon au conseil d’Etat et perd son procès

Il attaqua vainement en justice auprès du Conseil d’Etat le ministère de la coopération . Mais c’était le pot de terre contre le pot de fer . Par ailleurs, les avocats commis d’office par le Ministère étaient indemnisés en grande partie par lui . Conflit d’intérêt !
Les dés étaient pipés déjà au départ des hostilités et nous ne jouions pas à armes égales .
Nos dossiers traînèrent en longueur jusqu’au départ du gouvernement Juppé en 1997 et pour le gouvernement Jospin ses dossiers ne constituaient pas une priorité .
Débouté en première instance, grand-père fit appel, mais à partir de cet instant, son avocat se montra si discret dans sa défense qu’il finit par jeter l’éponge lassé par ce combat inégal ,truqué et perdu d’avance .
Mais il n’avait que 54 ans lorsqu’il quitta Dschang et la coopération . Il était en chômage . Son ancien employeur lui versa des indemnités de licenciement et 4 ans d’indemnités -chômage jusqu’à ses 58 ans .
A partir de 2001, il n’avait plus rien .car il n’avait pas suffisamment d’annuités pour prétendre à une retraite anticipée .
S’il avait 55ans, il aurait pu bénéficier de son salaire à tôt plein jusqu’à ses 60 ans même si l’éducation nationale ne l’avait pas employé !
A une année près,grand-père perdait tout ! Vous comprenez pourquoi, le Ministère de la Coopération avait interrompu son contrat une année avant son échéance où il aurait eu ses 55 ans !
Il attendra donc ainsi sans le sou juqu’à ses 65 ans révolus .
Une fois rayé du personnel de la coopération, grand-père rechercha de tous côtés du travail en France ,d’abord d’enseignant dans le privé ,puis partout ailleurs ensuite , mais en vain .
Son âge était partout rédhibitoire tant en France qu’en Afrique où , dans de nombreux pays l’âge de la retraite était fixé alors à 54 ans . Votre grand-père ,rappelons-le en avait 59 au moment où il était démuni de toutes indemnités en 2001 !

d.Grand-père à la recherche vaine d’un emploi même l’auto-emploi

De guerre lasse,il se tourna alors vers l’auto-emploi .Il redigea dès lors de nombreux projets de développement agricole qu’il soumit à de nombreux organismes de financement,mais en vain .
Là également, l’âge de grand-père fut un facteur rédhibitoire qui joua contre lui et ce malgré les nombreux stages qu’il put effectuer .
En effet outre les diplômes de formateur de formateurs qu’il obtint en 1990 au Canada et Aix en 1996, malgré les longs stages de consultant en éducation et en agronomie qu’il effectua,rien n’y fit .
La consultation en direction de l’Afrique francophone était le domaine réservé , à l’époque, la chasse gardée de quelques consultants français, belges , néerlandais voire allemands ou suisses, anciens coopérants reconvertis après leur retraite dans le secteur . Jaloux de leurs prérogatives et de leur gâteau,ils freinaient des pieds et des mains pour ne pas ouvrir la brèche à des consultants d’origine africaine qui leur feraient de l’ombre et finiraient par entamer leurs prébendes .
Il finit par opter pour un second séjour au Bénin.
Grand-mère y était encore , son patron comme nous le verrons, venait d’acheter, pour secourir grand-père, deux fermes ,une au nord, l’autre au sud .
Tout était prêt pour que grand –père s’engage tête baissée dans cette galère qui allait tourner bientôt au véritable cauchemar.
Mais pour lui, c’était un pis aller pour réjoindre grand-mère.

e.Conclusion du séjour de grand-père à Beaumont
Le séjour de Beaumont fut donc surtout consacré à la recherche d’un emploi qui malheureusement ne vint jamais essentiellement à cause de son âge .A 59 ans ,à l’époque, se remettre à la recherche d’un travail relevait de la chimère .
Et malgré les retrouvailles avec les enfants , le séjour ne fut pas une une sinécure car des nombreux combats engagés ne débouchèrent sur aucun résultat concluant .
Tous se terminèrent en véritables waterloos les uns après les autres entaillant le moral du chômeur qui en prit un sérieux coup .
Il s’était préparé une belle carrière d’enseignant et le voilà traînant ses savates usées dans les rues de Clermont-Ferrand pour aller pointer tous les mercredis au pôle-emploi .C’était à chaque pointage un retournement du couteau dans la plaie. Il fallait bien montrer à l’administration qui lui payait les allocations chômage qu’il courrait après le travail et que celui-ci le fuyait à toutes jambes!
Soixante ans ! tout le monde arrondissait volontiersson âge, comme si ses 59 ans n’étaient déjà pas suffisants et qu’il fallait souligner absolument qu’il avait atteint déjà par ce raccourci l’âge légal de la retraite !
L’administration elle-même y ajouta son grain de sel en appuyant là où ça faisait extrêmement mal :
Elle finit par dispenser bientôt grand-père du pointage en approuvant l’opinion générale des patrons : grand père était déjà trop vieux même pour pointer ! Il en sera dispensé !
C’était refermer la dernière porte de travail derrière lui !
Même l’administration du travail s’était lassée de sa présentation régulière aux guichets chaque mercuriale . Qu’il pleuve ou qu’il vente ,grand père avait la régularité d’un métronome .
Peut-être à cause de cela, gênée dans sa conscience de ne pouvoir plus lui trouver du travail, l’administration a prétexté son âge pour se débarrasser de lui à bon compte !.
C’était la pire des solutions puisque c’était reconnaître officiellement que grand-père ne pouvait plus trouver de travail !
Et pourtant on lui disait qu’il n’était pas pour autant dispensé de la recherche d’emploi !
Oui bien sûr qu’il ne pouvait être dispensé de recherche de travail puisqu’il n’avait pas encore l’âge de prétendre à une retraite ! Mais n’empêche ! Il était trop vieux ! et aucun employeur ne voulait lui.!
« Ô rage .Ô désespoir Ô vieillesse ennemie .
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? »
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? »
disait Don Diègue au cours de son long monologue dans le Cid de Corneille .
L’infamie pour grand père devint ignominie :
Même l’administration ne voulait plus le voir tant il était devenu le poil à gratter de sa propre incapacité de lui trouver du travail adéquat . Il était le symbole vivant de son propre échec !
Elle ne pouvait que lui parler de son âge rédhibitoire ?
Triste aveu de sa propre impuissance et incompétence à trouver du travail au demandeur d’emploi que de détourner l’attention sur son âge!
Hypocrisie d’une administration également aux abois car elle a pris la mesure de son incapacité, de son incompétence, de son impuissance à trouver du travail aux chômeurs !
De nos jours la situation s’est encore empirée avec trois millons de travailleurs au chômage !Et on n’a pas encore touché le fond !
« Vous êtes dispensé de pointage , mais toutefois pas de recherche de travail » ,osait-on lui dire encore .
Il se voyait encore donc dans l’obligtion de promener la pointe de son stylo sur les longues listes de postes bidons affichés le long des murs de l’immense salle des pas perdus de la maison des chômeurs sachant l’inanité de ses efforts et la vanité d’une démarche aussi stupide qu’inutile !
Jusqu’à son départ de Beaumont pour Cotonou, il s’y astreignit pourtant à ce rituel sans espoir mais vain d’un hypothétique travail qui ne s’offrit jamais à lui ! .
Lorsque grand-père ressasse dans sa mémoire cette période oh combien douloureuse de sa vie,il ne peut s’empêcher de revoir la tonne de dossiers, de projets faits et refaits dans des normes apprises et réapprises lors de ses nombreux stages de formation de réinsertion sociale . Tout cela « pour des prunes » !

Le second séjour de grand-père au Bénin ( mars 1998 – février 2011).
Le premier et le second séjours de grand-père au Bénin furent comme le jour et la nuit .
Le premier était empreint de joie, du plaisir de la découverte d’un pays de l’ Afrique de l’Ouest, de retrouvailles avec d’anciens copains de fac, d’activités nouvelles dans l ’enseignement supérieur, de contacts enrichissants avec des étudiants, futures élites de la nation, d’un nouveau terrain de recherche sur les Stylosanthès. Bref c’était grisant .
En plus il y avait la présence des enfants, leur école, leurs copains , le milieu coopérant que nous découvrions pour la première fois avec ses nombreuses invitations, fêtes et distractions de tous genres ;
les évènements politiques importants comme la fin de Kérékou I en fin 1989, la conférence Nationale souveraine en 1990, la désignation à la primature de Nicéphore Dieudonné Soglo en 1990, de Mgr Isidore de Souza à la tête du Haut Conseil de la République en 1990, les élections présidentielles avec la victoire de Soglo en 1991, la défaite et le départ de.Matthieu Kérékou C’était des moments grisants, d’euphorie collective .

b.Un petit retour en arrière :
La Conférence Nationale, la défaite du grand timonier et la victoire de Nicéphore Soglo

Parlons un peu de ces évènements tels que nous , les avons vécus et ressentis.
Avant d’arriver à la Conférence des forces vives de la Nation,nous nous proposons de remonter aux causes qui l’ont provoquée ,ie la crise économique qui a lentement paralysé le pays . Mais elle vient en fait du régime marxiste léniniste instauré par la junte de jeunes militaires qui a pris le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat opéré le 26 octobre 1972 avec la formation d’un gouvernement Militaire Révolutionnaire (GMR) présidé par le commandant Matthieu Kérékou, l’instauration progressive d’un socialisme scientifique guidé par le marxisme –léninisme adopté le 30novembre 1974
Un an plus tard , le pays changeait de nom . Le Dahomey faisait place à la République Populaire du Bénin le 30 novembre 1975 ;l’instauration d’un parti unique , le Parti de la Révolution Populaire du Bénin( PRPB). En 1977, après l’échec de Bob Denard pour renverser le régime, est adopté le 26 août 1977, une nouvelle constitution : la loi fondamentale. S’en suit les premières élections législatives de l’ère révolutionnaire au Bénin en novembre 1979 avec la création de l’Assemblée Nationale Révolutionnaire(ANR). En Février 1980, Mathieu Kérékou est élu Président de la République du Bénin par l’ANR. Il est réélu en 1984 par la même instance . Mais le régime révolutionnaire a déstabilisé toute l’économie du Bénin tant et si bien qu’en 1986, le gouvernement Kérékou décide sous les boutoirs du FMI de suspendre à tout nouveau récrutement à la fonction publique déjà pléthorique.
Le régime déjà surnommé ironiquement le « marxisme-béninisme » hérite du sobriquet de « laxisme-léninisme. « L’agriculture est complètement désorganisée ,la banque commerciale du Bénin(BCB) ruinée , les collectivités sont en grande parties paralysées faute de budjets. Sur le plan politique , les violations des droits de l’homme, les tortures infligées aux prisonniers politiques , contribuent à une tension sociale : l’Eglise et les syndicats s’opposent de plus en plus ouvertements au régime .
Les plans du FMI imposent en 1987 des mesures économiques draconiennes : prélèvements de 10% sur les salaires , gel des embauches ,et mises à la retraite d’office .Le 16 juin 1989, signature du premier plan d’ajustement structurel de la RPB avec le FMI . Sont prévus comme conditionnalités une réduction des dépenses publiques et une réforme fiscale ;.une privatisation avec réorganisation ou liquidation des entreprises publiques , une politique de libéralisation et l’obligation de ne contracter que des emprunts à taux concesssionnels .L’accord avec le FMI contribue à déclencher une grève générale massive des étudiants et des fonctionnaires qui demandent le paiement de leurs salaires et bourses non payées depuis plus d’un an .
Les troubles sociaux et politiques, la situation écnomique catastrophique et la chute des régimes communistes en Europe ( URSS et mur de Berlin) conduisent Matthieu Kérékou à mettre à bas son régime à laquelle il ne croyait plus .La rumeur populaire n’affirmait-il déjà pas que le nombre de sympathisants concvaincus du régime ne dépassait pas la douzaine ?
Par ailleurs les conditionnalités ci-dessus du FMI que le gouvernement béninois a acceptées constituent déjà un renoncement de fait au régime marxisme–léninisme . En février 1989, une lettre pastorale signée des 11 évêques du Bénin exprimait déjà la condamnation d’une république populaire marxiste-léniniste .
C’est dans la tourmente économique et sociale que Matthieu Kérékou est réélu en août 1989 par l’ANR . En novembre 1989, une grève générale est déclenchée par tous les syndicats de fonctionnaires et d’étudiants .Le président Matthieu échappe de justesse à un linchage de la population en passant devant une manifestation . Il ne doit son salut qu’en s’abritant dans l’église de Saint Michel . Le pays était complètement paralysé .
Le 7 décembre 1989,il prend les devants et surprend le peuple béninois en diffusant un communiqué officiel annonçantl’abandon du marxisme-léninisme , la liquidation du bureau politique, et la dissolution du comité central du parti .
Le gouvernement accepte alors la tenue d’une conférence nationale des forces vives de la nation réunissant les représentants des partis politiques, des syndicats, la société civile, ONG, Associations professionnelles ,associations de développement ,anciens présidents et sages de la nation,confessions religieuses, forces armées révolutionnaires, provinces ,opérateurs économiques, universités , béninois de l’extérieur, etc,etc
La conférence s’ouvre le 19 février 1990 à l’hôtel Aledjo, elle se refermera le 28 février 1990 . Après beaucoup de discussions dans une ambiance électrique, la conférence nationale présidée par Mgr Isidore de Souza,se déclare souveraine et prend des décisions contraignantes et elles décide la rédaction d’une nouvelle constitution, la mise en place d’un processus démocratique assuré par un gouvernement provisoire confié à un premier Ministre. Kérékou demeure chef de l’état à titre transitoire .Il déclare le 28 février sous la pression bienveillante et amicale de Mgr de Souza, après bien de tergiversations qu’il acceptait toutes les conclusions des travaux de la conférence . Nicéphore Soglo est désigné par la Conférence premier Ministre de la transition démocratique et met en place un gouvernement de transition .
Un Haut Conseil pour la République( HCR) ,créé en mars 1990 est confié à Mgr Isidore de Souza qui nomme officiellement le Premier ministre désigné, Nicéphore Dieudonné Soglo. Le multipartisme est rétabli et une nouvelle constitution est adoptée par référendum le 2 décembre 1990 .
Le 2 février 1991, premières législatives de l’ère du renouveau démocratique ont lieu
La RPB devient la République du Bénin.
Le 24 mars 1991, Nicéphore Soglo remporte 67,7% des voix et bat le président sortant à l’élection présidentielle . Celui-ci après plusieurs jours d’hésitations accepte sa défaite . La page Kérékou I est tournée .
Et grand-père peut dire en toute fierté : « J’y étais .»
Il quittera le Bénin définitivement en août de la même année après avoir vécu des évènements primordiaux de la démocratie béninoise .

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c.Le second séjour

Le second séjour de grand-père au Bénin de 1998 à 2011 fut très différent du premier :
Il vient dans un cadre privé .La ville ne présente plus de secret pour lui .Il logera dans un quartier à l’opposé sud de « Yovo-Codji », mais également proche de la mer ; dans un appartement ,certes spatieux, situé au premier étage avec une immense terrasse mais pas dans une villa individuelle comme à « Yovo Codji .
Le travail pour lequel il est venu diffère totalement de ce qu’il avait connu lors du précédent séjour Il doit diriger une ferme de production agricole,animale, voire horticole . Le personnel dont il dispose est un ramassis de jeunes voyous n’ayant jamais travaillé ou prou dans une ferme agricole , la plupart analphabètes pour lesquels il faudra organiser un minimum de formation tant agronomique, horticole que zootechnique.Comme nous le verrons , la ferme s’attelera à beaucoup de productions tant végétales qu’animales, d’abord avec l’aide de jeunes paysans de la région ,ensuite en faisant appel à de jeunes burkinabé Dagara, Gourounsi, Bobo,etc.
Nous diviserons ce séjour de 13 ans en deux parties fort distinctes :
-La période ferme de 1998-2004
-La période restaurant de 2004 à 2011.

a.Grand-père à la direction de la ferme de Tory-Dokanmey(1998-2004)
La ferme dit de Glo-Djigbé est en fait situé dans la commune rurale de Tory-Kada à quelques trente kilomètres au nord-ouest de Cotonou dans le village de Tory-Dokanmey.L’appelation ferme de Glo-Djigbè est une erreur car elle située à quelques 4 à 5 kms dans le pays Tory.
Elle comprenait à notre arrivée quelques 12 hectares de champs d’ananas, d’orangers et un verger de manguiers
Nous l’agrandîmes à quelques 100 hectares en l’espace 5 ans .
Nous y plantâmes : papayers solo, ananas , maïs et toutes sortes d’agrumes et une dizaine d’hectares d’avocatiers qui furent malheureusement arrachés par des villageois contestant la légalité de notre acquisition .
Sur ces diverses contestations nous aurons, les enfants, l’occasion d’y revenir.
Nous créâmes et poussâmes l’élevage à un niveau élevé :
Poules pondeuses, poulets de chair, pintades, canards, oies, cailles, dindes,perdrix pour la volaille
Caprins et ovins, lapins , ânes .
Cependant ,nous ne fîmes pas l’élevage de bovins car il fallait les adapter aux conditions climatiques du Sud .Mais ils pouvaient causer de graves nuisances dans cette zone de grande production agricole.
Nous avions même songé un moment à faire du miel comme à Dschang avec le professeur Tchoumboué, agrégé de médecine vétérinaire. Mais le temps nous a fait défaut. .
Abordons cette première période sous l’angle d’abord :
de la disponibilité des ressources financières
ensuite nous envisagerons celle des ressources humaines.

1)-Les ressources financières
Dans un premier temps, les ressources financières de fonctionnement et de productions furent régulièrement fournies par Mr Houssou , pdg de Pharmaquick, société de productions pharmaceutiques où travaillait grand-mère..
Au départ, il nous prodiguait avec une générosité bienveillante les ressources financières nécessaires à l’acquisition des 90 hectares supplémentaires, aux nombreuses constructions surgies du sol ,à l’achat du matériel végétal et animal .
Mais par la suite, il a fallu que grand-père se débrouilla sur les récettes pour financer les frais de fonctionnement et d’exploitation de la ferme. Et il sortit de sa propre poche lorsque les récettes n’équilibraient pas les dépenses obligatoires . notamment vers la fin du séjour..

2)-Les ressources humaines

La mise rapide en valeur des nouveaux terrains acquis nous amenèrent à recruter un nombre de plus en plus grand d’ouvriers permanents tant pour la production que pour la surveillance des cultures exposées aux vols nombreux des villageois . La production animale demandait elle aussi beaucoup de main d’œuvre .
Il était difficile par ailleurs de faire confiance aux autochtones de la région trop habitués depuis longtemps aux vols dans les nombreuses fermes installées sur leur territoire .Nous fumes obligés d’aller, dans des villages de plus en plus éloignés de la ferme, chercher travailleurs et gardiens jusque dans le Mono . Il fallait donc les loger dans la ferme d’où l’obligation de construire des logements.
Nous recrutâmes également de jeunes de la rue dans les villes, Cotonou, Porto-Novo ,Ouidah ,Allada ,Abomey,Bohicon, jusque loin dans le nord Zou . Mais la plupart de ces jeunes qui avait fui leurs villages pour les villes étaient soit inaptes ou le plus souvent montraient peu d’empressement et de zèle pour les travaux des champs surtout lorsqu’il fallait loger à la ferme , éloignée de toutes distractions urbaines .
Les défections étaient légion dans ce type de recrus qui, le plus souvent se sauvaient en cachette en abandonnant même leurs payes de peur que grand-père ne les rattrape à la dernière minute par les cheveux et les convainque de rester .
Autant le jardinage en zones périurbaines leur convenait,autant ils fuyaient les travaux agricoles de plein champ et ce d’autant plus qu’ils étaient ouvriers agricoles et non propriétaires de leurs parcelles .
Grand-père eut donc beaucoup de mal à trouver sur place un personnel suffisant pour exploiter la centaine d’hectares acquis et la production animale notamment avicole et cuniculicole( élevage de lapins)qui réclamaient beaucoup de main d’oeuvre
Face à ce problème ,grand-père décida de faire appel à ses compatriotes burkinabè Gurunsi d’abord, Dagara et ensuite Bobo en fonction de l’origine ethnique de nos premiers ouvriers burkinabé.
Les Gurunsi furent nos premiers recrus car le bras droit de grand-père, Désiré était Gurunsi. Il fit venir beaucoup d’ouvriers de sa région avant que grand-père, toujours face à l’insuffisance du personnel, n’envisagea de faire appel aux jeunes de sa région .
Ensuite ce fut le tour des compatriotes Dagara,une bonne vingtaine de jeunes Dagara âgés de 20 à 25 ans. Ils furent acheminés de Dano via Ouaga . Ils avaient l’habitude d’aller travailler auparavant au Ghana ou en Côte d’Ivoire dans les champs de caféiers ou de cacaoyers.
Nous pensions récupérer au moins une partie de cette main d’œuvre , les stabiliser dans nos exploitations par un salaire attrayant et leur procurer de meilleures conditions que celles qu’ils connaissent au Ghana ou en Côte d’Ivoire.
Mais mal nous en prit . Les recrutements furent mal faits et nous nous retrouvâmes avec une population de jeunes qui traînaient dans les gros bourgs facilement répérables à leur langage et à leur vêtements de loubards . Ils avaient accepté l’aventure pour connaître du pays et non pour cultiver la terre qu’ils ne faisaient déjà plus au pays .C’était des apprentis mécaniciens, réparateurs de vélos, de mobylettes ou de véhicules ; des maçons, menuisiers voire de petits commerçants de bric et de broc ;donc un ramassi de jeunes, bons à rien , peu recommandables que l’on avait recruté pour nos champs d’ananas ! Ils étaient complètement dépaysés , hébétés , surpris de se retrouver là .
Certains voulurent même faire marche arrière le jour même de leur arrivée . Ils n’étaient jamais entrés en contact avec de véritables champs et là ils se retrouvaient subitement confrontés à une réalité qui les dépassait et à laquelle ils ne s’y étaient pas du tout préparés et qu’ils ignoraient totalement . D’où la panique qui se lisait dans leurs yeux.
D’autres étaient effrayés de se retrouver confrontés à une réalité qu’ils avaient déjà fuie chez eux et qu’ils retrouvaient là .
Et ils se considéraient flouéspar les récruteurs.
Un petit nombre , bien plus disposé, s’y firent petit à petit en retrouvant des gestes habituels qu’ils connaissaient déjà .
Mais très vite ,en contact constant avec les journaliers des villages avoisinnants, ils prirent leurs mauvaises habitudes de paresse et de vols . Nous nous trouvâmes dans l’obligation de les retourner chez eux après un à deux ans de travail décevant ne correspondant pas à nos attentes .
C’était l’échec total, cuisant auquel il fallait vite rémédier en ciblant mieux nos récrutements dans les milieux paysans des fins fonds des villages .
Les résultats furent meilleurs .
Seulement il y avait un hic, un petit grain de sable qui vint gripper la machine et compliquer la situation :
Cette catégorie de garçons est constituée de jeunes paysans soucieux de retourner généralement au pays dès l’arrivée de la première goutte de pluie de la saison de cultures qui coincide avec la nôtre .
Mais bon gré, mal gré, la ferme s’étoffait petit à petit .Les signes les plus visibles venaient notamment de l’élevage où nous introduisîmes progressivement des pondeuses , des chairs, des canards, des pintades ,dindons , cailles ,oies et perdrix . Vinrent ensuite l’introduction des espèces caprines ,ovines , lapines, voire asines qui eurent cependant du mal à s’acclimater dans le climat perpétuellement humide du sud Bénin .
Mais de gros bétail, point car leur élévage est peu recommandé vues les conditions climatiques rédhibitoires à toutes tentatives d’introduction de races nordiques plus rentables .
Nous fîmes également plusieurs essais expérimentaux de cultures de plusieurs espèces et variétés de Ricin dont une partie était autochtones , autrefois sélectionnées et cutivées avant d’être abandonnées et livrées à la brousse. Elles étaient devenues des adventices se plaisant sur terres riches en humus proches des habitations ou d’anciennes cases laissées à l’abandon .
Après d’infructueuses recherches de financement auprès de banques telles la Boad,la Bad, voire des organismes de développement des Oléagineux du genre Cetiom, nous finîmes par jeter l’éponge .
Il semble actuellement que tous ces oléagineux aient de nouveau la côte comme biocarburants .Souhaitons bonne chance aux pays émergents comme le Brésil et l’Inde qui ont pris la tête de ce retour des biocarburants comme solution à la raréfaction des énergies fossiles non renouvelables .
Nous avons surtout parlé de la ferme du Sud, celle de Tory oubliant les autres fermes du Nord ( Papatia) ou en projet ,dans le centre du pays : la ferme Zootechnique de Foun-Foun proche de Savè ou celle de Savalou toutes deux dans le Zou-Nord .
La ferme de Papatia est situé à 35 kilomètres de Nattitingou, la capitale régionale de l’Atacora ;C’est surtout un verger de manguiers de 60 hectares et de terrains non plantés repris aux Lybiens qui l’avaient créée, développée et s’en étaient allés . Il fut repris comme lot de consolation par la fondation Georges , dans les choux pour l’acquisition d’une ferme avicole dans la banlieue cotonoise sur la route de Ouidah-Lomé.
Une équipe légère de deux à trois ouvriers veillaient contre les vols des
mangues au moment de forte production . Le reste du temps, ils étaient censés surveiller le verger contre les feux de brousse allumés par les paysans pour chasser les rats .
Mais dans les faits chaque année, le pauvre verger était la proie des flammes . Sa production ne cessait de diminuer donc d’année en annéesans compter le vieillissement naturel des arbres.
Les surfaces non plantées faisait l’objet de cultures céréalières et à notre arrivée d’essais expérimentaux de Ricin et d’ arbres fruitiers .

La commercialisation des produictions dans nos différentes fermes .

Elle se faisait de deux façons :

-La vente bord-champ où nous vendions directement , ananas, agrumes et papayes solo aux commerçantes qui se déplaçaient pour apprécier les quantités disponibles et acheter moins cher .

-La vente dans les marchés locaux ou à Dantokpa, le marché principal de Cotonou

Nous avions également à Cotonou de petites échopes où nous écoulions les produits de nos champs.
Mais nous vendions également sur les différents petits marchés de la ville.
Les récettes alimentaient une caisse déposée auprès de grand-mère la trésorière de la Fondation Georges soutien financier de la ferme appelée et présidée par Mme Simone Houssou ; Mr Houssou . pdg de Pharmaquick en était le vice-président . Grand-père le sécrétaire général et Mr Samuel Houssou le sécrétaire général adjoint .
L’Ong, reconnu tenait la route théoriquement sur papier. Mais dans les faits , elle n’a jamais fonctionné et nous n’avions jamais tenu aucune réunion depuis sa naissance en 1997 lors de l’achat de la ferme de Glo.
Les deux fermes marchent cahin-caha encore aujourd’hui près notre départ en 2004. On se contente d’y faire la cueillette des vieilles plantations d’agrumes datant des années 2000 . Les ananas et les papayers y ont disparu depuis plusieurs années déjà . La production animale a été abandonnée à l’exception d’une reprise récente d’élévage de lapins .
Par contre Mr Houssou n’a pas négligé l’acquisition de tous les titres de l’immense domaine que grand-père lui a laissé à son départ .
Mais dans les faits les paysans ont occupé toutes les surfaces non plantées en agrumes .
Qui pourra les en chasser ? Qui voudra les lui acheter tant les litiges abondent dans la région où les mêmes terrains sont vendus et révendus par les premiers propriétaires bien sûr sans aucun titre foncier .
Sa seule chance réside dans la reprise pour utilité publique de tous ses terrains dans le cadre d’un projet de construction d’un aéroport internationnal à Glo et d’infrastructures aéroportuaires .
La réalisation de ce serpent de mer constitue sa seule bouée de sauvetage,de sortie honorable de ce guêpier où le paysan lorsqu’il a encaissé en espèces sonnantes et trébuchantes, le prix de vente de son terrain,se considère toujours comme l’unique propriétaire. Il peut ainsi le revendre autant de fois que ses besoins d’argent se font pressants et qu’il se présente de nouveaux pigeons qui se feront plumer et passeront leur temps dans de conflits interminables jusqu’à se faire débouter en justice car incapables de fournir le moindre titre foncier Les paysans récupèrent alors de nouveau les mêmes terrains, s’empressent de recommencer les mêmes supercheries jusqu’à ce qu’un acquéreur avisé comme Mr Houssou aille jusqu’au bout de sa démarche en obtenant des titres fonciers aux Domaines.
Et même avec de tels papiers, les paysans réoccupereront les parcelles et lorsque la gendarmerie interviendra pour les faire déguerpir, ils reviendront dès que ceux-ci auront tourné le dos .
Et à ce jeu du chat et de la souris, ce sont toujours les paysans qui tirent leur épingle du jeu et la couverture à eux .
Il en est de même d’ailleurs sur les domaines de l’Etat qu’ils occupent illégalement sans que celui-ci n’arrive à les en déloger tant ils sont teigneux et résistants face à tous les traitements coercitifs .
grand –père s’adonna tant à sa tâche de direction de la ferme dans une véritable lutte physique et psychologique pour son extension et sa prospérité qu’il en vint à négliger sa santé .
Les divers soucis journaliers finirent par user sa résistance nerveuse .
Un beau jour, il eut une crise d’ischémie transitoire qui faillit le laisser à jamais hémiplégique .Mais il eut plus de peur que de mal et il put s’en sortir sans trop de casse, du moins physiquement .
Ajoutez à cela l’accident malheureux de la pick up du retour de la ferme et vous avez de quoi faire un coctail détonnant dont votre grand-père s’en serait bien passé !
Fatigué ,démoralisé, attaqué de tous côtés,par le pdg de Pharmaquick qui ne versait plus le moindre kopeck à la ferme ,par les ouvriers qui exigeaient toujours plus de lui ,
par la clientèle qui ne trouvait plus leur compte dans les produits de la ferme jugés un peu trop chers,grand-père finit par rendre le tablier pour se replier sur le restaurant qu’il avait créé et construit pour transformer les produits de la ferme , végétaux et animaux .
On était en fin 2004 , début-2005 lorque grand-père ,de guerre lasse, renonça à poursuivre la direction de la ferme. Les difficultés de tous genres pour renflouer les caisses de la ferme s’amoncelaient la rendant de plus en plus insolvable .
Heureusement pour lui il eut l’idée lumineuse de construire un bar-restaurant qui sauva la donne et lui permit de rester en activité pour relever d’autres défis , mener d’autres combats, sonder l’avenir avec beaucoup de confiance et d’espérance pour des lendemains meilleurs .

3)-Conclusion sur la direction des fermes de Tory et de Papatia
Il y eut, il faut le reconnaître,beaucoup d’échecs au cours de la direction de la ferme qui ont décidé du départ de grand-père.
Tel peut être résumé en quelques mots les 6 ans passés à la direction des deux fermes .
Pourtant grand-père ne s’était épargné aucune peine, aucun effort pour gérer correctement ces fermes qui lui tenaient vraiment à cœur .
C’était du vrai bouleau d’agronome que grand-père adorait et s’y était donné corps et âme .
Pourquoi a-t-il échoué au fait ? Pouvait-il seulement réussir ?
C’est à ces quelques questions qu’il essaiera ici de répondre .

1.Grand-père a vu trop grand :

S’il s’était contenté de gérer tranquille la ferme telle que lui avait cédée Mr Houssou avec ses 12 hectares,il n’aurait eu aucune difficulté de gestion ni financière ni humaine. Il n’aurait fait venir ni jeunes Gurunsi, ni Dagara, ni Bobo qui lui avaient pourri littéralement la vie .
Il a multiplié par huit les surfaces initiales et ainsi augmenté les occasions de conflits qu’il s’est éreintés de résourdre,!
Il faut bien convenir entre nous qu’il les a cherchées les difficultés et le bâton pour se faire battre !

2.Il a trop brassé de projets:

« Qui trop embrasse mal étreint » dit un proverbe français .
Il a voulu toucher à tout, tout essayer, tout entreprendre .Et ce faisant n’a rien pu maîtriser ni les finances ni le personnel .
Le financement n’a pas suivi . La cause vient ,peut être du surdimensionnement et de la démesure des projets que seul, il ne pouvait entièrement mener à bien

3.Grand-père était seul à la barre ,seul à la tâche

La barre de la direction ne se tient pas seul surtout quand le bateau dépasse les normes et est lourdement chargé .
Il eut fallu une organisation hiérarchisée des tâches et du personnel .Chacun à la place qu’il faut .Au lieu de cela grand-père était tout seul à la tête de ce vaste empire !
En dessous, que des mous ! des nullités !. aucune colonne vertébrale ! ,aucun soutien !, aucune idée que celle qui vient de sa seule tête,peut être bien faite, mais tout de même seule .
Certes, il y avait un chef de ferme pour la forme, mais c’était dans les faits grand-père qui occupait le poste . Tous les jours , il était là . Il ne laissait l’initiative à personne, il contrôlait tout .Il avait ses idées sur tout .
Les autres tels des moutons bêlants n’avaient qu’à bien le suivre, tous bien alignés derrière lui .tous lui obéissant au doigt et l’œil .
Il faut bien reconnaître que la plupart du personnel était inculte et sans aucune formation agronomique .
Grand-père au bout de quelques années, s’aperçut qu’il n’arrivait pas à tout faire et il récruta un agronome pour l’aider .Il voulut s’attacher un de ses anciens élèves de Dschang pour qui il avait beaucoup d’estime, Godefroy . Malheureusement celui-ci ne put se libérer.On m’envoya un autre ancien élève , certes brillant intellectuellement, mais d’une mollesse et d’une servilité déconcertantes .Il était incapable de toute initiative personnelle .Il suivait grand-père comme son ombre .Il ne lui était d’aucune utilité car c’est lui qui continua de plus belle à tout décider ,à tout contrôler , bref à tout diriger .
Comme exécutant, c’était un exécutant des plus médiocres sur qui grand-père ne pouvait s’appuyer .Mais il laissa faire les choses jusqu’à ce que Mr Houssou, pour des raisons que grand-père eut du mal à comprendre même encore aujourd’hui , décida de lui faire jouer un mauvais jeucontre ses propres intérêts :.
Grand-père venait de partir en vacances en lui laissant des consignes très claires des tâches à exécuter avec les ouvriers . Au lieu de cela , il s’entendit avec Mr Houssou pour n’en faire qu’à sa tête .
S’il avait réussi, grand-père, l’aurait félicité pour ses prises d’initiatives enfin heureuses. Malheureusement, il échoua sur toute la ligne, incapable de décisions tenant correctement la route tant par inexpérience que par incompétence .
Lorsque grand-père lui demanda des explications , il passa directement aux aveux .C’était sur les conseils de Mr Houssou qu’il avait négligé toutes ses consignes. Mal lui en a pris car à partir de ce moment , il ne lui pardonna plus aucun écart de conduite . Toutes ses erreurs furent consignées dans un cahier pour constituer des preuves à un futur renvoi dans son pays à l’occasion de ses vacances .
Et grand-père redevenait seul, plus isolé que jamais car il s’était fait désormais un ennemi qui n’était quelqu’un d’autre que le propriétaire de la ferme . Celui-ci dès le renvoi de Mr Jean-Jacques appelé par tout le personnel, Mr l’ingénieur,comprit que grand-père s’en était pris à lui .
Il s’engagea dès lors une lutte sourde entre le propriétaire et votre grand-père,directeur de la ferme
Les deux accidents qui arrivèrent à grand-père, vous vous en souvenez, sonnèrent le glas de leurs relations déjà mal en point !
Ils donnèrent l’occasion rêvée de consommer une rupture déjà annoncée.
Grand-père en fut atteint dans sa chair et dans son moral .
Ç’en était trop .Il ne tint plus le coup et rendrit le tablier .
Le propriétaire dut crier un ouf de soulagement . Mais pas pour longtemps, mal lui en prit.
Il s’était en effet dépêché de confier la direction à un certain Paul Akyè, originaire de Tory- Dokanmey qui avait servi d’homme de main à grand-père pour les nombreuses démarches administratives auprès des autorités locales .C’était lui qui s’occupait de toutes les négociations d’achat des terrains, des papiers à faire auprès du délégué du village, du maire de la commune de Tory- Kada, du préfet, des Domaines pour l’obtention des titres fonciers .Il avait fini par se rendre indispensable et en jouait tant auprès de Mr Houssou qu’auprès de grand-père .
Il eut même à détourner beaucoup d’argent de la ferme pour les nombreuses démarches dont il était chargé .Il se fit prendre et passa quelques temps en prison avant être relâché par la générosité du prince, et retrouva sa place .
C’est à ce garçon corrompu et peu recommendable que Mr Houssou commit l’erreur fatale de confier sa ferme qui, en quelques six mois fut vidée de tout sauf des arbres et des bâtiments qu’il ne pouvait emporter . Tout le reste disparut dans la nature : outils, recolte, récettes, tout ,parti . envolé !
Grand-père, en effet, par les comptes rendus et les critiques des ouvriers, de passage au restaurant, était informés de tous ses méfaits
La ferme ne fut pas fermée , mais c’était tout comme car de plus en plus les ouvriers désoeuvrés venaient traîner au bar du restaurant sans le sou comptant sur la générosité de grand-père pour « lever le coude » .
Depuis le départ de grand-père de la ferme, celle-ci ne cessa de se dégrader d’abord sous la direction de Paul de Dokanmey, ensuite de l’autre Paul , le « fils adoptif » de Mr Houssou !
Il semble , aux dernières nouvelles, qu’il chercherait vainement à la louer !

b.Grand-père et la restauration ( 2004-2011)

La restauration constitue la seconde étape du second séjour de grand-père au Bénin.
Avant même ses deux accidents de santé qu’il vous a relatés, l’idée lui avait déjà germé à l’esprit de créer un restaurant pour transformer les produits locaux dont particulièrement ceux de la ferme .
Ce devait être une restauration basique créée pour une population pauvre, sans aucune prétention d’excellence que celle de réussir à faire manger régulièrement des travailleurs du bas de l’échelle sociale sans être non plus la gargote ni l’échoppe des bas caniveaux, sans mur , ouverte à tous les vents et à la poussière rouge des rues crasseuses de Cotonou.
Une fois l’idée conçue, grand-père se mit au travail et ouvrit en juin 2004 vit le bar-restaurant de la Fondation Georges. Puis dans la foulée une nouvelle « Ong » fut mise en place, le Verger » pour soutenir les activités de restauration .Les statuts, déposés à Porto-Novo, furent avalisés ; l’association fut reconnue comme ong et le bar-restaurant débaptisé et rebaptisé « le Verger » nom qu’il porte encore aujourd’hui .
Très rapidement le bar et le restaurant furent équipées . Nous récrutâmes des femmes pour tenir cuisine et service de restauration . Les employés de Pharmaquick furent invités aux agapes à l’ouverture du restaurant .
Ils le fréquentèrent tant que la matrone embauchée était à la barre et au bar .
Mais après son départ, ils déguerpirent tous un à un à commencer par les plus âgés jusqu’au dernier jeune, après avoir jeté le discrédit sur la qualité des plats présentés par une nouvelle équipe pourtant rajeunie, susceptible d’aguicher leur agueusie .
Mais rien n’y fit .
On fit les yeux doux au personnel de la Sobetex, une usine de tissage avoisinante. Les petits chefs ,et leurs cadres subalternes se laissèrent attirer pendant un certain temps avant de se retirer un à un sur la pointe des pieds car le « Verger » ne faisait pas assez classe pour cette catégorie de cols blancs qui n’avaient pourtant guère les moyens d’assurer correctement leur pitance .
Leur entreprise menaçait de fermer et ne leur versait que de façon épisodique les salaires !
En plus la plupart de ces messieurs était atteints de pituite chronique qui leur desséchait la peau jusqu’aux os . Que pouvait-ils dans de telles conditions apprécier ?
Ils ne sentaient même plus les caresses de quelques gonzesses dévergondées qui tentaient vainement de leur soutirer quelques maigres sous avant de se voir sévèrement rudoyer et prier de quitter prestement les lieux car le « Verger » ne tolérait pas ce genre de conduite . Il n’était pas un « bordel » .
Seul les personnels de la Sbee ( Société béninoise d’électricité et des Eaux) et de la Sonel ( société national de l’eau) nous restèrent toujours fidèles jusqu’aujourd’hui .
Ces deux entités étaient des entreprises d’Etat, obligées de verser en temps normal les salaires à leurs travailleurs même si leur gestion laissait à désirer .
Nous créâmes par la suite une cafétaria indépendante et une deuxième salle de restauration chargée de préparer un autre type de cuisine susceptible de satisfaire les bourses de catégories encore
plus défavorisées .
Mais face aux peu de récettes qui rentraiernt par suite des de tournements et autres malversations, nous dûmes nous désengager et confiâmes la restauration à une dame qui voulait bien louer les locaux.
Nous nous consacrâmes alors désormais à la cafétaria et au bar plus rentables !.
Mais nous devions trouver les moyens de stabiliser notre personnel qui changeait tous les jours au gré des vents :
Ainsi de simples sauts d’humeur, d’antipathie entre la cuisine et le bar , entre le bar et la cafette suffisaient pour faire partir le personnel !
c’était une véritable valse endiablée du personnel : Les filles du bar-café allaient et venaient ,disparaissaient pour réapparaître toujours les mêmes, poitrines bombées , grosses tignasses retombantes sur des fesses plus que redondantes de varitables hottentotes. Togolaises aux voix chantantes, légèrement chevrotantes, elles se ressemblaient comme c des gouttes d’eaux. .Il était difficile ,même pour un œil très exercé ,de distinguer qui était Jeanne , janine , Janette ou Ginette . Seule Juliette à la taille de guêpe ressortait de ce lot de togolaises lourdes et empotées qu’on tirait au sort chez les démarcheurs de la foire aux domestiques , rue Sainte Dominique, à deux pas de la Cathédrale aux couleurs zébrées de Notre -Dame -des sept -Douleurs. !Lorsque le tirage ne correspondait à aux attentes, on avait la possibilité d’en échanger une. pas deux .
On embarquait alors la recolte jusqu’à la prochaine séance de loterie dans l’espoir d’ une main plus heureuse .
Ces marchands d’esclaves d’un nouveau genre s’alignaient le long de rues étroites, les filles enfermées dans une arrière cour crasseuse où elles dormaient curieusement toute la journée sur des nattes pourries et poussiéreuses, étendues à même le sol . A quoi pouvaient-elles s’occuper toute la nuit durant ? Mystère !
Bref on les réveillait brutalement lorsque que leur numéro matricule sortait de la grosse caisse dans laquelle un des démarcheurs plongeait fébrilement jusqu’à la fin de la séance .
On n’avait pas le choix et on repartait content ou pas avec le lot de On dut réfléchir au remplacement d’un tel système de récrutement qui, soit disant ne favorisait aucun patron ,en venait à les mécontenter tous . On adopta un nouveau mode de récrutement basé sur une liste d’inscription , la primauté des choix revenant aux premiers inscrits .
Les récrutements par recherche personnelle donnaîent de meilleurs résultats .
Grâce à l’amélioration des modes de récrutements, on arriva à réunir une équipe de serveuses plus sécurisée, mieux stabilisée, offrant de meilleures perpectives de durée dans le travail et de meilleures récettes.
Restait le fléau endémique des vols incessants effectués soit dans les caisses soit dans les ventes à la clientèle .
C’était un des points focaux du combat quotidien que devait mener le propriétaire d’un bar-restaurant pour rentabiliser son affaire et faire vivre son personnel .
Certes Grand-père ne vivait pas lui-même des récettes du restaurant; sinon il l’eut fallu rehausser le niveau et relever les prix . Ce n’était pas l’objectif premier qu’ils’était fixé, qui était d’offrir des repas soignés à des prix suffisamment modestes pour toucher toutes les catégories sociales défavorisées même celles qui, pour des raisons ou pour d’autres, n’arrivaient pas à prendre au moins un repas par jour.
Un autre objectif caressé était la cession de la gérance à un personnel suffisamment formé au métier et aguerri face aux vagues de difficultés inérantes à ce type d’entreprise aux multiples aléats et crises à répétitions dont souffre la restauration cotonoise.
La clientèle désertait le restaurant et notamment le bar-café dès le 10 du mois faute d’argent pour s’offrir un café le matin avant de gagner le
travail ou le soir, se détendre un peu avant de regagner le domicile conjugal avec ses nombreux problèmes !
Leur résolution passera par le renoncement au petit café du matin et à la petite rasade de bière prise à la sauvette , le soir au retour d’une journée de travail harassant .
Quant à la crise chronique mondiale,elle a déjà fait beaucoup de ravages et mis à terre beaucoup de gargotes et d’échopes dont les propriétaires essayaient tant bien que mal de subsister jusqu’à jusqu’au retour du beau temps .
Si tous n’en mouraient pas, tous étaient touchés et aucun n’en était épargné .
On en voyait le soir, à la lueur de bougies tremblotantes, tenir le plus tard possible pour ne glâner que quelques pièces jaunes .En effet des insomniaques chroniques ,tiraillés certainement par une faim tenace venaient leur jeterqueques petites pièces en échange d’une maigre pitance .
Que de fois , ne nous est-il arrivé de remplir des bols tendus par des mains sans doigts et par des vieux et des vieilles sans nez ni visage , rongés par la misère . Mais ils avaient encore une vie misérable à traîner , une vie à laquelle ils tenaient en dépit de toutes les misères qu’elle pouvait leur faire endurer.
« Plutôt souffrir que mourir,
c’est la devise des hommes. »
Cf la mort et le bucheron de La Fontaine
C’était le nombre de malheurs et de maladies qu’ils avaient empilés sur leur pauvre dos voûtés menaçantt à chaque instant de s’effrondrer .Mais par une sorte de sursaut d’énérgie qu’ils puisaient on ne sait où, ils se traînaient encore de portes en portes dans l’espoir de survivre encore quelque temps de la générosité des gens mieux lotis .
Grand-père a toujours veillé à ce que ces pauvres hères trouvent au « Verger » une certaine havre de paix et de bonheur même momentané avant de poursuivre leur destin malheureusement sans issu autre qu’une fin misérable au coin d’une rue parce que, malades, personne ne les aura soignés ni même regardés mourir car personne n’ose lever la tête lorsque l’odeur fétide d’un cadavre vient lui chatouiller les narines de peur de croiser un visage boursoufflu sans vie d’un corps gisant déjà en cours de décomposition au fond d’un caniveau aux eaux usées .
La voierie se chargera de l’enlever de là pour la poubelle comme n’importe rat mort ou chien écrasé sans autre forme de procès .
Ainsi va la vie dans nos villes surpeuplées du tiers-monde . Ni l’individu ni même la société à travers ses autorités compétentes ne peuvent s’occuper de toute la misère du monde disait à juste titre un ministre de la République .

Pour en revenir au restaurant le Verger,grand-père pensait avoir enfin réussi à réaliser son vieux rêve de confier la gérance au personnel ou tout au moins à une personne capable de le tenir , de gérer, de générer des revenus suffisants pour faire «tourner la boîte » et payer les nombreuses taxes municipales et domaniales ainsi que les salaires du personnel .
Grand-père a confié cette lourde tâche à Odette, femme de poigne, déterminée, opiniâtre,ayant le sens du commandement, mais malheureusement sans le sou .
Si elle y arrivait elle gagnerait le combat que grand-père avait engagé voilà déjà 8 ans .
. Sera-ce un temps de gloire ou un temps de deuil ?
Grand-père croisait les doigts et attendait que le temps lui apporta la réponse car rien ne se dessinait encore au bout d’un an que durait l’aventure !
Mais « chat échaudé craint l’eau froide » .
Il avait déjà fait l’amertume expérience d‘une aventure qui avait tourné court . Vous en souvenez-vous ?
Oui, l’expérience des étangs piscicoles et des jardins de l’université de Dschang .
Mais comme grand-père a eu à vous expliquer, il n’avait pas eu le temps de consolider cette exploitation pour la rendre viable avant son départ anticipé non programmé !
Concernant la restauration,le départ de grand-père avait été prévu des années à l’avance et le restaurant avait fonctionné de façon autonome assez longtemps ; il s’était même autofinancé les derniers temps avec un petit bénéfice net de 500000 frs cfa susceptibles de dépanner en cas de coup dur imprévu .
Grand-père pouvait pensait-il, lui souhaiter bon vent en toute confiance !
Mais non ! Le vent a malheureusement tourné dans la mauvaise direction :
Odette a mal géré le restaurant dès que votre grand-père eut le dos tourné !
Elle ne remettait pas l’argent à Solange et gérait toute seule le reretaurant qui a décliné aui fil des mois ! Les autres responsables tels Hervé, Solange, l’avaient constaté, mais s’étaient surtout gardé d’intervenir , comptant sur une faillite rapide pour pouvoir récupérer la mise! C’est bien ce qui arriva ! malheureusement !
Elle ne voulut pas dire clairement à grand-père la vérité et lorsqu’elle eut appris qu’il devait arriver en janvier 2013, elle décidait de jeter l’éponge et de s’évouir dans la nature sans laisser de traces!
En effet le lendemain de l’arrivée de grand-père à Cotonou, elle avait bien voulu encore répondre à son premier appel téléphonique, allant même jusqu’à promettre qu’elle le rencontrerait les prochains jours !
Mais c’était pour mieux protéger sa fuite car le lendemain elle était injoignable jusqu’au départ de grand-père !
Par la suite , Mme Padonou vint trouver grand-père pour lui annoncer fort habilement le départ d’Odette et lui dire qu’elle ne reviendrait certainement plus !
Serait-elle de connivence avec elle ?
On est d’autant plus tenté de le croire que quelque temps après, la même Mme Padonou nous annonçait le cambriolage sans effraction du bar-restaurant !
Les dits cambrioleurs avaient emporté la télé,le groupe électrogène, des casiers de bouteilles vides, etc !
L’avis de grand-père c’est qu’elle était revenue furtivement emporter tout ce qui pouvait l’intéresser et qu’elle pouvait emporter !
Car comment expliquer autrement que le gardien de nuit de Pharmaquick et beaucoup d’autres du quartier n’avaient rien vu ni rien entendu ?
Il fallait qu’Odette fit partie des dits cambrioleurs !
Triste histoire ! Triste mise en scène !Triste fin d’une aventure pourtant prometteuse !
Grand-père ne s’avoua pas vaincu pour autant !Il confia les locaux à Ouattara Magloire , spécialisé dans la restauration et la Cafétaria ! Et pour qu’il puisse redémarrer dans des conditions acceptables ,il lui remit 50.000frs !Par ailleurs pour ne pas faire de jaloux,il confia la gestion de la cafétaria des étudiants Nigérians à Solange.Quant à Hervé, il a gardé la gestion de la troisième cabane louée à un fleuristede la place.
C’est sans doute la dernière mise de fonds de grand-père !
Si ça ne marchait toujours pas ,il faudra alors songer à les mettre en vente sans aucun état d’âme ! Croisons les doigts et laissons faire le temps !
Aux dernières nouvelles, Ouattara vient de louer le restaurant et laé cafette à une togolaire revevu de France ! Celle-ci aurait tout renover en y injectant de l’ordre de 6 millions de francs cfa soit de l’ordre de 10.000 euros !
Solange et Hervé ont loué également leur emplacement! Mais plus aucune nouvelle ! « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles » a-ton l’habitude de dire ! Pourvu que ce soit vrai dans leur cas !
Et ça été le cas de Solange qui a loué sa cabane à la femme de Christophe le togolais pour 10.000 francs cfa par mois.
Grand –père n’a toujours pas de nouvelles de Hervé !

28-Grand-père et grand’ mère prennent leur retraite en France
Grand’mère le 23 juin 2010 atteignit ses 65 ans, ie l’âge de la retraite.
Grand-père l’avait déjà devancé trois ans plus tôt le 25 juin 2007.
Mais elle prolongea son travail jusqu’en janvier 2011où elle pris définirivement sa retraite.
Mais où la passeront-ils ? Au Bénin ou en France ?
La question ne s’était pas longtemps posée car notre cœur était résolument tourné vers la France où travaillaient nos enfants et où nous attendaient nos deux petits enfants .
La question tranchée , le temps des adieux à l’Afrique, à ce vieux continent qui nous avait si généreusement accueilli ,abritéet nourri depuis près de 30 ans ,était arrivé.
Il fallait la remercier et lui dire combien nous l’avions toujours aimée, ;mais le temps des adieux était venu, adieux tous relatifs car nous lui avons juré que nous la retrouverions chaque année lorsque la bise du nord serait venue en France . C’était juré . Promis .
Il fallait maintenant songer à préparer le retour dans cette France que nous avions quitté depuis 1982, ie près de 30 ans .Comment la retrouverons-nous pour un long séjour ?
Mais intéressons-nous pour le moment aux voyages d’adieux.

a.Les voyages d’adieux
Une des façons de procéder , était de renouer les relations amicales avec les pays qui nous avaient accueilli durant notre long séjour en Afrique en prenier lieu le Burkina Faso, pays d’origine de votre grand-père, ensuite le Cameroun où votre grand-père avait passé 5 belles années de sa carrière d’enseignant .
Il avait aussi nourri l’espoir de revoir la Côte d’Ivoire où il avait commencé ses études universitaires et dont il avait toujours gardé de très bons souvenirs Mais les évènements politiques internes à ce pays le contraignirent à reporter ce voyage en de temps meilleurs

Nous commençâmes alors pour des raisons d’opportunité de calendrier par le Cameroun.
En effet grand’mère devait représenter pour la dernière fois son entreprise à une réunion des pharmaciens d’Afrique réunis à Yaoundé .
Grand-père s’était fait la joie de l’y accompagner .
Et c’est ainsi que le 10 janvier 2011, nous débarquâmes par un soleil radieux à l’aéroport international de Douala et que nous regagnâmes
l’Hôtel Ibis où grand-père avait l’habitude de descendre lorsqu’il était encore à Dschang .
Nous renouâmes avec le ndolè au poisson des quartiers grouillants de la vieille ville .
Dès le lendemain matin, il fallait quitter l’hôtel pour emprunter le bus, direction l’axe lourd Douala -Yaoundé avec sa circulation des plus désordonnée, les véhicules calcinées au détour de virages très serrés .
Puis nous finîmes par apercevoir Yaoundé, ville aux cents collines ,fin de notre calvaire d’un voyage de 4 heures des plus chaotiques .
Le bus nous déposa dans une de ces gares poussiéreuses faite de brics et de brocs ,de cars fatigués admis à la retraite après de bons et loyaux services.
Nous rejoignîmes notre hôtel perché dans une des hauteurs de la ville où nous dominions les bas quartiers pourris, étalant toutes leurs misères et grouillant de ce petit peuple , on les aurait volontiers pris pour des asticots se débattant dans les pourritures de ces bidons-villes d’où remontent les relents pestilentiels des canivaux ouverts , lieux privilégiés où se rassemblent toutes les eaux usées des beaux quartiers de la capitale aux mille contrastes .
C’est toujours les pauvres qui trinquent n’est-ce pas , les enfants ?
Grand-père se plaisait à se mélanger à ce petit peuple, flânant dans les rues poussiéreuses des bidons-villes tandis que grand’mère sautait d’une colline à l’autre dans les hôtels luxieux des beaux quartiers pour des rencontres avec la « hight society » de cette ville bilingue et multiethnique où « Pidgin » et « petit–nègre » font bon ménage dans une promiscuité à nulle autre pareille en ces bas fonds exhalant toutes les puanteurs de la terre .
En fin de semaine, nous regagnâmes Douala dans un car climatisé, confortablement engoncés dans de fauteuils moelleux sentant le parfum démodé de ces vieilles dames se souciant encore de leur toilette et se teignant le visage de plusieurs couches de fard de teintes ocres quitte à se faire prendre pour ces statues de madones italiennes vite cédées pour un sou aux approches des églises .
Oui, nous nous retrouvâmes bientôt à Douala ,Douala cette vieille dame toujours aussi coquette qui s’étale paresseusement le long du Woury se gardant de vite rejoindre la ville-embouchure, Limbé, son ancienne rivale, aujourd’hui devancée par les poussées succssives de cette capitale économique ,gite de crustacés géants qui ont fait donner le nom au pays par les premiers commerçants portugais sillonnant les différents comptoirs du Golfe de Guinée .
Le soir, nous empruntions les ruelles empestées des odeurs de grillades de poissons ou de viandes couvertes de grosses mouches bleues que nul n’osait plus chasser tant elles couvraient tous les étals encombrés d’un fatras de brics et de brocs qui retrissaient davantage encore ces ruelles déjà bien étroites .
Puis tard dans la nuit, nous regagnions notre hôtel littéralement envahis de belles de nuit qui cherchaient vainement une proie à emporter pour un sou car les temps étaient devenus durs .
Il fallait bien rabaisser le prix de la marchandise .
Elles étaient plus moins jeunes , mais semblaient déjà fatiguées par un travail harrassant de jour comme de nuit .
Elles jetaient des œillades rapides et convenus aux vieux messieurs affalés devant le comptoir, puis ressortaient de l’hôtel en se dandinant , faisant ressortir les avantages des parties charnues de leur corps pendant que d’autres rentraient en dodelinant de la tête, coiffées d’une perruque qui leur retombait jusqu’aux fesses .
Nous quittâmes le lendemain l’hôtel Ibis pour Dschang, par la moiteur du soir de cette ville océane .
Dschang ,petite bourgade accrochée aux flancs escarpés des monts Bamboutos , fut atteinte après des heures de dure montée par ces mille kilos alignés les uns après les autres, incapables de se dépasser tant les virages étaient nombreux et serrés et les reprises difficiles .
Vers les quatre heures du matin, nous gagnâmes le Centre climatique niché à un pan rocheux de la ville .
Nous fûmes reçus à cette heure très matinale de la journée par un gardien ,le visage hagard, brutalement réveillé par les pétarades intempestives de nos deux engins fatigués mais fiers d’avoir vaincu la raideur de la côte .
Dans sa somnolence quasi maladive, il réussit ,le pauvre bougre, à nous trouver une clé et clopin clopant dans son boubou ample qui lui tombait des épaules, il gagna une de ces vieilles bicoques qui tenait encore debout .
Il tourna la serrure qui, dans un grincement plaintif réfusait obtinément pourtant de céder aux efforts de plus en plus vains de la pauvre hère qui finit par sortir de sa somnolence pour s’apercevoir que ce n’était pas la bonne clé ou la bonne serrure .
Il répartit en courant, soulevé par sa gandoura de laine crue achetée pour cinq sous dans une des nombreuses petites échoppes que compte la ville .
Essoufflé par tant d’efforts brusques, mais bien réveillé, il réussit d’un seul tour de poignet cette fois-ci à nous ouvrir la porte vermoulue de la vieille masure .
Il fit un grognement de satisfaction et poussa l’un des battants de la porte qui faillit rendre l’âme, mais après quelques hésitations elle se redressa aidée par le gardien qui la releva avec beaucoup de délicatesse et réussit à la remettre d’aplomb .
Ouf . ça n’avait que trop durer . Nous nous engouffrâmes dans un vaste « deux pièces « crasseux,sombre et sans attrait .
Nos valises déposées dans le salon, nous poussâmes la porte de la chambre et surprise . le lit était occupé par une vieille mémé qui s’était certainement écroulée là de fatigue la veille après le ménage des chambres . Elle se réveilla en poussant de petits cris d’oiseau et gagna vite la porte de sortie avant que le gardien ait eu le temps de la vider manu miltari..
Il prit le temps de nous changer les draps, maugréa quelques mots d’excuses et disparut dans l’aube blanchâtre d’un nouveau jour pointant déjà à l’horizon .
Nous ne tardâmes pas, morts de fatigue que nous fumes, de nous écrouler et de disparaître sous de draps troués mais confortables pour notre première nuit à Dschang après 15 ans d’absence .
Nous nous réveillâmes tout de même assez tôt malgré un coucher tardif pour vite explorer la ville et retrouver les senteurs d’autrefois .
Mais avant,nous nous offrîmes chacun un gros petit déjeuner d’ omelettes aux fines herbes.
Puis après une toilette de chat car il manquait d’eau et c’était chronique, nous redescendîmes à pied vers le campus universitaire qui s’étalait au fond de la vallée plus bas.
Au premier coup d’œil, rien n’avait changé en 15 ans sinon que les platanes centenaires bordant les allées des villas et les salles de classes avaient été tous abattus depuis belle lurette vue la taille des rejets .
La sensibilité de grand-père en prit un grand coup . Mais il pouvait s’y attendre, ayant assisté impuissant à un saccage similaire sur la colline voisine lorsqu’il était encore là . En dépit de ses vives protestations , rien n’y avait fait .Tout y fut ratiboisé et non replanté , laissant place à un ravinement important des pentes .
Les midis, nous déjeunions dans des « circuits », sortes de « maquis » improvisés par des dames de petite vertu entretenues par des messieurs peu scrupuleux .
Les soirs , nous nous faisions la joie de nous laisser inviter par des anciens collègues et non moins amis retrouvés au hasard de nos balades au campus .
Ces dîners impromptus donnaient lieu à de joyeuses retrouvailles où nous évoquâmes des souvenirs communs d’un passé malheureusement à jamais révolu .
Puis nous regagnions notre gîte solitaire où nous étions à peu près les seuls clients .
Une jeune dame nous accueillait chaque fois avec une nouvelle toilette refaite de la tête aux pieds tant et si bien qu’il nous était impossible de la reconnaître et qu’elle se faisait à chaque fois une joie non dénuée de coqueterie de nous dire qu’elle était bien celle de la veille .
Effectivement elle nous convainquait par sa voix qui, elle, n’avait pas changé .
Elle nous accompagnait jusque devant notre villa piaffant telle une jeune jument s’apprêtant à un exercice périlleux . elle caquetait,piaillait , piaulait,même avec une volubilité à nulle autre pareille mais dans une incohérence totale .
Elle ne perdait jamais haleine .Au bout d’un quart d’heure, nous savions tout d’elle . Qu’elle venait de divorcer avec une petite Noémie sur les bras, que son ex était un gendarme quelque peu alcoolique . qu’elle travaillait au centre climatique depuis peu et que le travail lui plaisait parce qu’elle n’avait rien à faire vu le peu de clients qu’elle recevait . Tout d’une haleine elle passait de ses nouvelles conquêtes à ses escapades sans lendemain de Dschang pour des amours frivoles de courte durée.
Elle nous eut tenu ainsi en haleine jusqu’au petit matin si , grand-père , n’avait cessé de pousser des épaules grand-mère pour qu’elle fasse abrèger cette séance de verbigération démentielle .
Elle finissait toujours par surprendre le jeu de coudes de grand-père qui voulaient dire que nous avions besoin d’aller nous reposer .
Elle nous plaquait subitement là pour regagner la salle d’accueil contente d’avoir passé une bonne soirée à glousser tout son soûl .
Nous, nous avions perdu des heures précieuses de sommeil réparateur .
Nous passâmes ainsi trois nuitées au Centre climatique content d’avoir pu revoir Dschang , mais aussi de déguerpir les lieux , lassés des interminables et fastutidieux jacassements de notre jeune dame au demeurant fort aimable , mais plutôt fatiguante .
Qu’en dites-vous, les enfants ?
Nous rejoignîmes Douala où nous passâmes notre dernière nuit dans un « circuit » bien achalandé où nous dégustâmes de grosses crevettes bien dorées et bien croustillantes accompagnées d’un petit vin blanc des plus moelleux et fruité
Le lendemain , 18 janvier , nous nous envolions pour Cotonou contents d’avoir pu effectuer ce séjour Camerounais avec cependant un petit pincement au cœur qu’il fut si bref et peut-être le dernier .
Si tôt arrivés au Bénin , il nous fallait déjà penser à préparer nos valises pour le Burkina Faso .

c.Quinze jours d’adieux ou d’au revoir au Burkina en général et au pays Dagara en particulier.
Nous décidâmes de voyager par la route : Bohicon Dassa-Savalou-Nattitingou-Fada-Ngourma- Ouaga-Dano-Béné.
Le 21, nous partions avec la Rav que conduisit Hervé Somé,le chauffeur de grand-père.
Nous fîmes une première halte au relais de Dassa –Zoumé, puis une seconde à la ferme de Papatia où nous vîmes Nadjim et sa famille. Quand au verger de manguiers que nous n’eûmes pas le temps de visiter, il semblait avoir pris un sérieux coup de vieux . Mais il était néanmoins en fleurs .
Nous gagnâmes ensuite Natttitingou où nous retrouvâmes le Bourgogne, notre hôtel habituel,. Nous goûtames la douce fraîcheur d’une nuit, bercés par le ronronement du climatiseur après un voyage des plus cahotiques .
Au petit matin,nous prîmes la route pour Ouaga avec une halte après Fada pour nous restaurer dans une gargotte de fortune. Puis nous gagnâmes Ouaga d’un trait .
Nous avions déjà retenu un hôtel, le Palm-Beach. Il ne brillait pas par ses étoiles , mais par la simplicité de ses infrastructures : pas d’étage ; chambres, restaurant et bar-café ne payaient pas de mine ,mais un calme paisible y règnait . Il était central , vite répérable par les visiteurs :En face, le lycée français St Exupéry, pas très loin ,la Mairie, la cathédrale,le marché central, l’avenue KWamé-Nkrumah .
C’éait génial
C’est de là que nous rayonnerons pour les visites aux amis : Isaïe, Jean Somé, la famille de Louis Dabiré malheureusement décédé, la famille du regretté Christophe, Jacob monté de Gaoua, Martin Méda,Fidèle Hien,Jean de Dieu Somda, tous des camarades et amis rescapés du séminaire .
Les « frères » du village,neveux, cousins vinrent chaque soir nous tenir compagnie en sortant du travail : Michel Somé, Pascal Somé, les frères Emma et Guy Somda et leurs familles, Euléthère Somda, le fils de Jean-pierre de Gnap-Yir et bien d’autres .
Au troisième jour de notre halte ouagalaise, nous prenions la route du village avec une halte dans une gargote sommairement aménagée sur le bord de la route Ouaga –Bobo, puis nous rejoignîmes Dano assez tôt dans la journée pour envisager de nous rendre au village l’après-midi même sans plus tarder .
Nous y avions prévu 4 à 5 jours de séjour. Nous les passerons à Dano mais pas comme nous l’avions prévu .
En effet nous passâmes l’après-midi et le lendemain matin en famille pour rendre hommage aux disparus de la famille notamment les trois derniers de l’année : Augustin , Alfred et Saturnin .
Ensuite, nous filions sur Dalgane rendre visite à la famille de Mémé Julia et celle d’Isaïe et Gilbert, voir les tombes des parents décédés notamment celles de tante Hélène et de tonton Théophile. De Dalgaane, nous gagnions Kpomaan pour retrouver la famille de Jacob et d’Abel, s’incliner sur tombes de Césaire et de François d’Assise.et de celle de la femme de Jacob.
Puis c’était le retour sur Dano par Dissin situé à 5 kms de Kpomaan .Nous y fîmes une courte pause pour nous désaltérer et nous reprîmes la route de Dano par Bèonvaar, le village d’Hervé notre chauffeur.
L’irréparable se produisit peu après la traversée de Bèonvaar : Nous coulions la bielle de la Rav. Le chauffeur n’avait rajouté ni eau, ni huile moteur depuis notre départ de Cotonou .
Nous réussîmes cependant à rouler lentement jusqu’à Dano où nous confiâmes le véhicule au mécanicien de la ville, un certain Siaka .
Nous étions bloqués à Dano pour deux jours, le temps qu’il nous bricole le vilbrequin tordu et nous remplace quelques pièces .
Cet accident modifiera profondément notre programme de voyage :
Nous devions partir de Dano à Bobo en passant par Diébougou rendre visite à l’abbé Nicolas et autres anciens camarades de séminaire.
A Bobo, nous avions beaucoup de visites familiales à effectuer :
La famille Nestor Somé, Jean-Claude Somda, Michel Somé, Sœur thérèse Méda, nous incliner sur la tombe de sœur Jeanne, puis rendre visite au séminaire de Nasso, la Guinguette et Koumi puis regagner Ouaga au quatrième jour .
C’eut été un adieu sinon un au revoir à tous .
Nous nous contentâmes de rendre visite à la maison des prêtres retraités malades . Nous y vîmes les abbés Elie de Dalgaane, l’abbé Raphaël de Kolinkaa, deux prêtres ordonnés en 1962 et l’abbé Jacques de Piirkuon plus jeune , s’occupant de l’économat. L’abbé Tim qui était avec eux venait de les quitter pour le repos éternel, fatigué de la lourdeur de cette fin de vie terrestre .
Bien sûr Mgr Jean-Baptiste Kpièlè Somé, le prélat émérite ne jouait pas dans la même cour que ses anciens subordonnés . Il s’était construit sa propre villa, il disposait de son propre personnel. Il mangeait tout seul, fréquentait peu ses anciens prêtres .Il avait fondé une congrégation de sœurs dont il s’occupait maintenant sans compter les nombreux projets de développement mis en place dans la région de Dano grâce aux nombreux dons venant d’Europe et notamment de France .
Il n’était pas présent lors de notre visite . Il était en tournée d’inspection de forages dans de nombreux villages .
Il ne revint que lorsque nous nous apprêtions à partir .Nous ne l’aperçumes que de loin .
Nous avions vu la Mère supérieure de la congrégation des bonnes sœurs accompagnée de ses accolytes pour rendre visite aux deux vieux presbytres .
L’état de la voiture, nous obligea donc à abréger notre tournée et à regagner directement Ouaga pour remplacer le vilbrequin ,tenant on ne sait par quel miracle !,mais maugréant et grinçant des dents de douleur à chaque tour de roues .
Le voyage sur Ouaga se passa toutefois sans trop de peine, mais cependant la peur au ventre et à vitesse réduite . Nous pouvions pousser un ouf de soulagement lorsque nous rejoignîmes sains et saufs Ouaga dans l’après-midi et confiâmes le véhicule au mécanicien de Jacob en visite fort heureusement à Ouaga .
Il fouilla vainement toute la ville pour dénicher un vilbrequin neuf .Il en trouva d’occasion ,descendit et dépièça le moteur à la recherche de pièces défaillantes , remonta ensuite tout le bataclan .en trois à 4 jours .
Nous avions trouvé , faute d’avoir réservé à temps une chambre au Palm Beach, un hôtel qui nous avait hébergé 7 ans auparavant , Le Pacific hôtel , propre, central pour que parents et amis nous retrouvent plus facilement.
Dès la Rav réparée, nous reprîmes la route pour Nattitingou que nous atteignîmes d’un trait . Nous retrouvâmes le Bourgogne que nous quitterons le lendemain matin pour Cotonou après une halte de restauration à Dassa .

Ce n’est qu’un au revoir , les frères
Il ne nous resta alors que 15 jours pour nous préparer à rejoindre la France .
Nous ne rapatrions que peu chose ,quelques cartons de livres,de disques et autres objets auxquels nous tenions partiulièrement.Le mobilier, la vaiselle , beaucoup de livres ,les fleurs et plantes ornementales étaient confiés à la bonne garde de Solange, la bonne à tout faire de la maison
Puis le 18 février au soir ce fut les adieux à la ville, au pays, à l’Afrique et à tout notre petit monde sachant en fait que ce n’était qu’un au revoir et que nous nous reverrions bien sûr un jour .
Ce n’est qu’un au revoir mes frères, ce n’est qu’un au revoir, Oui nous nous reverrons un jour », Ce n’est qu’un au revoir » . Bye, bye . et à bientôt .
Ne pleurez pas , à très bientôt A vous chers frères, à vous chères sœurs , à vous chers parents ,ce n’est qu’un au revoir .
Que d’émotions partagées pour un départ pas comme les autres

29.Grand-père et grand mère auprès de.leurs enfants et petits enfants.
Au moment où grand-père écrit ces mots, vous savez les enfants que nous avons déjà passé une année entière avec vous .
Grand-père termina les sessions de théologie auxquelles il s’était inscrites,passa les oraux , puis s’attela à l’écriture du présent livre.
Grand-mère après quelques tâtonnements s’engagea dans différents mouvements associatifs caritatifs devenus de mode pour tout retraité branché , soucieux de garder sa forme et le sentiment d’être encore de quelque utilité pour une société qui ,pourtant ne veut plus employer de vieux de plus de 50ans . Rédhibitoires pour du travail salarié , ils deviennent du pain béni pour le travail volontaire , entendez non rétribué .On les réfuse là pour mieux les exploité ici .Dans quel monde vivons nous,dites les mômes, dans quel monde sommes-nous ?
A vous pour lesquels nous nous sommes dépêchés de vite rentrer, vous êtes là, les enfants ,illuminant par vos sourires, vos rires , vos joies bruyantes nos vieux jours s’égrènant lentement et heureusement à la lumière de vos fréquentes visites.
Que de joies partagées avec votre père, sa compagne et vous tout le long de cette année écoulée espérant que la seconde année entamée par votre grand-père, courbé sur son ordinateur verra l’achèvement de la première phase de rédaction de cette autobiographie tant réclamée par les uns etles autres .

Grand-père et ses rapports à l’écriture
Disons -le clairement et tout de suite :Si vous cherchez les publications de grand-père sur Internet, vous n’en trouverez pas .
-Car à part ses rapports de stages d’Agro qui dorment paisiblement dans les archives de l’Ecole,
-à part les mémoires de DEA, de thèse de troisième cycle et d’Etat qui sommeillent dans la poussière de quelques bibliothèques universitaires,
-à part ses rapports volumineux de Dheps qu’il toujours pas pu réduire pour publier
-a part ses tentatives d’éditer un livre sur les Stylosanthèsque vous trouverez dans la grande bibliothèque de la maison de Beaumont,
-à part ses livres en chantier sur la Biologie des Stylosanthès,
-sur les entreprises agricoles du Cameroun,
-sur l’Agriculture urbaine à Dschang ,
A part la tête pleine de projets d’écriture d’autres livres,
A part, à part,etc,et il en passe des meilleurs, votre grand père n’a publié que quelques broutilles d’articles dont il a même perdu les traces !
C’est vous dire l’intérêt qu’il porte sur les publications de ces écrits !
Et de trâiner sous le poids des ans ces énormes pavés qu’il désespère maintenant de publier un jour !
Il faut bien avouer qu’il n’a jamais été un fan des publications, mais il adore écrire !
Pourra-t-il jamais conduire tout ce vaste chantier à terme ?
Les ans lui sont désormais comptés et il n’y a plus de temps à perdre ! Il fera le maximum avant de rejoindre tous ceux qui lui sont très chers et qui l’attendent au beau pays des ancêtres, son père, sa mère, sa sœur ,son éphémère frère qu’il n’a jamais connu et qu’il a hâte de rencontrer et aussi toute la multitude des parents qui jouissent du bonheur sans fin auprès de l’Eternel !
.
,En attendant,si vous voulez-bien, les enfants, reprenons le cours de l’historique sinon l’histoire de ces différents chantiers dont les uns sont sortis déjà de terre, certains même prèts à être rendus publics tandis que d’autres dorment encore du sommeil du juste , attendant que grand-père veuille bien les tirer de leur longue hibernation et leur redonner de l’élan vital .
Mentionnons les principaux que vous retrouverez dans la bibliothèque du bas de la maison :

I. Les Stylosanthès
Vous trouverez au moins 5 exemplaire dans son état quasi définitif dans la bibliothèque de la maison tandis10 autres qui prenaient la poussière dans l’appartement de grand-père et de grand-mère à Cotonou ont fait l’objet de don avec beaucoup d’autres livres à la faculté d’agronomie de l’université catholique de l’Ucao au Benin.
Pourquoi l’édition n’a-t-il pas été menée jusqu’à son terme ?
Uniquement pour des raisons de gros sous .Grand-père avait entrepris son édition tant qu’il avait du travail, mais une fois réduit au chômage, grand-mère a jugé que sa publication en compte d’auteur ne représentait plus une priorité .
Elle n’envoya jamais les épreuves que grand-père avait reprises et corrigées aux éditeurs..
Et celui-ci pour maintenir la paix du ménage n’insista pas et laissa faire .
De temps à autre, il jette cependant,des coups d’œil nostalgiques sur ce premier grand chantier qu’il n’a jamais pu achever .Tant pis pour les chercheurs français obligés d’aller fouiller des renseignements en anglais car,à ma connaissance, c’était le seul livre français sur les
Aujourd’hui que l’eau a beaucoup coulé sous les ponts, il pense qu’il aurait dû insister avant que nous ne prions notre retraite car le chantier risque maintenant d’être définitivement abandonné, faute de capital pour le terminer.
Le projet de publication mérite t-il d’être ainsi à jamais enterré ?
Grand-père n’a certainement pas dit son dernier mot ?
Et la bataille pour l’éditer n’est certainement terminée . Il n’est pas dit qu’il sera ainsi si vite enterré .
Et bien même que grand-père n’y parviendrait pas,il a une relève en ses enfants et petits enfants pour relever le défi . Il peut compter sur eux .Il leur fait confiance !

II . Contribution à une meilleure connaissance des entreprises agricoles et de la profession d’entrepreneur agricole au Cameroun dans le cadre de la professionalisation de l’enseignement agricole et des organisations paysannes.

C’est le titre du mémoire déposé pour l’obtention du Diplôme des Hautes Etudes des Pratiques Sociales( DHEPS), Option Formation des formateurs par votre grand-père à l’Université d’Aix-Marseille II, Faculté des Sciences Economiques.
C’est le résultat de trois ans de formation à l’Université Aix-Marseille sous la responsabilité de Daniel Balizet pour une vingtaine de coopérants enseignants sélectionnés de tous les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest. Le mémoire est le fruit de travaux de recherche sur le terrain au Cameroun ,effectuée avec l’aide de deux étudiants .
Il fut soutenu le 12 juillet 1996 à Aix devant un jury composé du président , Maurice Parodi, professeur émérite, Université de la Méditerranée ; Thierry Gillet, un professionnel , consultant et le tuteur , Daniel Balizet, Directeur de Focea –Développement, le responsable de la formation.
Grand-père l’a repris et le texte est quasi-prêt pour en faire un livre. Mais peut-être faudra-t-il le ressaisir une fois encore ou mieux le scanner et envoyer une copie à d’éventuels éditeurs .
C’est une véritable étude encyclopédique de 1250 pages :
Le sommaire comprenait alors les parties suivantes :
1). Référentiel de la profession d’entrepreneur agricole
1).Problèmatique et méthologie de recherche : 68 pages
2) L’ environnement de la formation agronomique au Cameroun :
I.L’Environnement National : 126 pages + annexes(19 pages)
II.L’environnement régional : 113 pages + annexes(5 pages)
3).Contribution à une meilleure connaissance :des entrepreneurs agricoles et
de la profession d’entrepreneur agricole pour la professionalisation de l’enseignement agricole et des organisations paysannes au Cameroun : 245 pages
Avec des annexes 1 (I à IV) : 64+118+72+96=350pages
Annexes 2 (V à VII) : 323 pages
Total annexes : 673 pages
Total pages textes :576 pages
…………………………………………
Total général : 1249 pages
III . La Biologie des Stylosanthès
La Biologie des Stylosanthès constitue le troisième livre dont la rédaction est terminée, mais la saisie définitive n’a pas encore démarré .
Il faudra s’y atteler dès la fin du présent ouvrage.
Il est composé de 5 parties rédigées sous forme d’articles.
A l’origine ,il s’agissait effectivement d’articles séparés , une soixantaine, que grand-père a ensuite regroupés en 5 parties pour en faire un livre,sachant qu’il lui serait difficile de placer une soixantaine d’articles dans des revues spécialisées .
Grand-père vous épargne les détails de la composition de ce volumineux pavé.
Vous pourrez le feulleter plus tard à votre guise,si d’aventure, il vous intéressait .

IV L’Agriculture Urbaine au Cameroun

L’argriculture urbaine ou périurbaine a toujours passionné grand-père depuis Cotonou où il avait beaucoup travaillé avec les jardiniers et à Porto-Novo avec des étudiants.
Les résultats de cette expérience ont été présentés à plusieurs occasions :
-Formation des formateurs à l’Institut Agricole de Bouaké en 1989 ,
-au Collège Communautaire d’Edmundston au Nouveau –Brunswick en 1990.
-Au séminaire de Cotonou sur l’Agriculture périurbaine au Bénin en 1993.Arrivé au Cameroun, il a tôt fait de mener des recherches sur l’agriculture périurbaine à Dschang, puis à une trentaine de villes du Cameroun (31).
Mais ici il s’intéressa tant aux productions végétales :1649 personnes enquêtées, 62 variables testées ; qu’animales : 886 personnes enquêtées et 43 variables testées.
Ce travail monumental a été effectué par une cinquantaine d’étudiants stagiaires(52) que grand-père avait payés (1.500.000FrsCfa, soit de l’ordre de 2000 euros) pour collecter les données .
Mais il n’eut guère le temps d’exploiter et d’engranger cette abondante moisson qu’il devait partir de Dschang, abandonnant en friche tout le grand chantier qu’il pensait mener à bien mais qui sera réduit à néant par la politique de Coopération sans coopérants, nouveau slogan d‘un président nouvellement élu .
Cet immense chantier, grand-père pourra-t-il jamais le mener à terme ?
Il s’y attelera résolument .
Voilà . Ce sont les quatre livres que grand-père avait mis en chantier et qu’il espère terminer à temps avant d’aller rejoindre le pays des ancêtres pour un repos bien mérité .
Il deviendra un ancêtre que vous devrez vénérer pour peu que vous ayez compris la tradition Dagara.
Ainsi vous recevrez bénédictions sur bénédictions pour bien mener votre vie et vos affaires juqu’à leur terme.
Croisons les doigts et au travail ! ce chapitre reste lui aussi ouvert ! Quand sera-t-il fermé ? Le sera -t-il jamais ?
A voir !

31.La Style d’écriture de grand-père
Ça n’a pas dû et pu vous échapper le style de grand-père ?
Comment vous le caractériseriez-vous les enfants ?
Eh oui, le style de grand-père n’est pas des plus élégants, n’est-ce pas ?
Il est lourd, plein de reprises . Il manque de légèreté, de rapidité, de vivacité, d’agilité. Il n’est pas alerte .
Ce style, grand-père le traîne tel un boulet depuis la terminale philo et surtout depuis son année de thomisme au grand séminaire.
Il a fini par en faire un complexe tant on lui en a fait des reproches sur tous les tons .
Malheureusement, le pli est irrémédiablement pris .Il est désormais difficile voire impossible de remédier à ce mal rédhibitoire.
Les rapports, les comptes–rendus, les mémoires de thèses, les devoirs tous récents de théologie, tous ont beaucoup souffert de ce style en longueur surtout lorsqu’il est exigé un résumé ,un certain nombre de pages ou de signes . Cela lui devient alors un véritable cauchemar et un exercice impossible .
Pour vous donner un exemple tout récent, les enfants, grand-père a eu une « prise de bec » mémorable avec un des assistants de la Catho qui trouvait ses devoirs trop longs et exigeait un certain nombre de signes (2 000) .Grand-père n’y arriva jamais et se fit fâché .Voilà !
Mais ici, l’enjeu est de taille : il faut séduire le lecteur en captant son attention et en le tenant en haleine par un style alerte et vif .
Grand-père s’y essaie, mais le pari est loin d’être gagné !
Vous le lui direz s’il a réussi . Juré ?

32.Grand-père et la philosophie
Grand-père adorait la philo en terminale :
La métaphysique où se posent les problèmes essentiels et existensiels.
L’essence précède-t-il l’existence ? ou l’inverse ?: L’existence précède l’essence ?
Il aimait les longues dissertations où il fallait doser savamment thèse, antithèse et synthèse dans une longue réflexion en profondeur .
Grand-père aimait aller jusqu’au fin fond des idées ,les analyser, les disséquer, démonter ,en succer la substantielle moelle,en étudier la substantielle pensée , jongler avec les idées , les remonter, les re-assembler ensuite , les reconstruire pour en obtenir une structure complètement nouvelle !
Grand-père aimait la psychologie qui vous décortiquait les mobiles, les raisons de l’agir humain et qui vous plongeait jusqu’au plus profond , au plus secret de votre âme pour fouiller et remonter des tréfonds de votre subconscient des tendances,des potentialités que vous ignoriez et qui impriment votre carectère et votre personnalité .
Grand-père aimait la morale , non cette morale répressive, négative de ces pères fouettards de l’Ancien Testament ou des Pères de l’Eglise telle les « Tu ne feras pas ceci , tu ne feras pas cela, sinon tu recevras tant de coups de fouets ou bâtons ou tu en mourras, etc… », mais la morale positive ,cet ensemble de règles d’actions et de valeurs qui fonctionnent comme des normes qu’une société se donne pour vivre elle-même en conscience et pour autrui.
Grand-père adore manipuler les idées , les théoriser, les tourner et retourner comme des crêpes jusqu’à leur digestion et assimilation totales.
Au grand séminaire, l’amour pour la philo avait atteint son paroxisme avec le thomisme, sublime avatar recueilli de l’aristotélisme grecque ..
Les cours de métaphysique constituaient pour lui une véritable jubilation .
Mais la sortie précipitée du grand séminaire pour les motifs que vous savez déjà, sonna la rupture totale d’avec ce qu’il avait adoré . Il jeta le bébé avec l’eau du bain . Il ne voulut plus entendre parler de philo jusqu’à ce que sa fille choisisse d’en faire sa profession, de passer sa maîtrise et même son agregen philo !
Son option a libéré grand-père de ses démons et l’a renoué avec le goût de disséquer et de jongler à nouveau avec les idées . Il l’a même amené à s’inscrire à deux sessions d’histoire de la philo à la Catho, aide précieuse pour la théologie et la patristique.
Aujourd’hui grand-père s’est reconverti et réconcilié totalement avec la philo .
Il éprouve seulement un certain regret de n’en avoir pas fait davantage .
Merci , tata Dominique ,d’avoir redonné à ton père l’envie nouvelle et le goût retrouvé de se redélecter de la philo .
Merci . Dominique . Merci ma chérie.

33.Grand-père et l’université de troisième âge : grand-père, philosophe ou théologien ?
« Il n’ y en a pas comme moi, s’il y en a ,il n’y en a guère » aurait pu chanter grand-père en tant que prof africain qui à 62 ans se remet en cause en se rasssayant sur les bancs de l’école, du moins virtuelle et en ligne .
Que ,diantre , vient-il encore chercher, grand-père, dans cette grande galère ?
N’en a-t-il pas assez avec toute cette montagne de diplômes accumulés pendant près de soixante ans d’études pour aller encore s’asseoir, à son âge comme un vulgaire étudiant ?
Eh oui . grand-père aura parfois les mêmes interrogations, la même impression que vous durant ce parcours chaotique que constitue une reprise des études lorsqu’on les a soi-même dirigées quelques années auparavant .
En effet, il n’est pas simple de retrouver l’envie de gober avec gloutonnerie tout ce que l’on vous propose sans un esprit critique d’autant plus aiguisé par une formation scientifique de haut niveau .
Attitude qui a parfois eu le don d’agacer plus d’un professeur habitué de voir les étudiants en redemander encore tels des oisillons , qui, fébrillement, saisissent jusque dans le gosier de leurs parents,les victuailles apportées en bordure de nid, quitte à basculer dans un vide sidéral dans l’indifférence totale de leurs congénères et non moins concurrents .
Oui, ce n’est pas du tout évident de reprendre surtout ce que l’on a abandonné en cours de chemin, comme grand-père l’a fait avec la philo et la théologie , des disciplines pas comme les autres puisqu’il s’agit d’études axées principalement sur Dieu, le Dieu des chrétiens, le Dieu des juifs, le Dieu des mahométans ,voire même , pourquoi pas, le Dieu des religions traditionnelles que votre grand-père a abordées dans la première partie de cet essai .
Oui, ce n’est guère plaisant de retrouver les mêmes types de professeurs qui ne doutent aucunement de leurs savoirs, sûrs de leur bon droit,et qui s’étonnent qu’un simple étudiant puisse oser mettre en doute certaines de leurs théories hasardeuses qui ne reposent pourtant la plupart du temps que sur des pétitions de principe .
Mais grand-père n’est pas un simple étudiant .qu’en dites-vous les enfants ?
Oui ,il n’est pas facile d’accepter sans démonstrations des suites d’affirmations gratuites parce que ce sont des dogmes et que les dogmes sont par principe des vérités de foi qui doivent être avalées telles quitte à s’attraper de terribles indigestions ou des renvois puititaires graves .
Oui, il est difficile de remettre à plat vos connaissances , vos certitudes pour les confronter à la lumière de la raison scientifique .
C’est pourtant ce que fera sans hésiter votre grand-père, content une fois encore de relever le défi au plus haut des cieux .
Il commença cette étude en octobre 2004 là où il l’avait laissée en 1963, par une sesson annuelle catéchétique appelée Mystère Chrétien où il ne put résourdre aucun des mystères divins qu’il aborda . Bien au contraire . Les mystères tant joyeux, glorieux que douloureux furent si nombreux que des pauses trimestrielles s’imposaient pour lister le long chapelet de vérités dogmatiques assénées à coup de raisonnements aussi biscornus qu’alambiqués .
Nous abordâmes ensuite l’Ecclésiologie, ie l’Eglise étudiée , vue et analysée par ses propres lorgnons. Ais gare aux conflits d’intérêts !
Que donne cette Eglise regardée par le petit bout de la lorgnette des savants ecclésiastiques sinon ecclésiologues?
Regards de complaisance, d’autosatisfaction, regards narcissiques qui finissent en narcolepsie ou en narcose suscitée par des doses exagérées de contre-vérités à endormir d’ennuis dans sa bure même le clerc le plus avisé et fieffé roublard versé dans l’art de la dramarturgie ou de la comédie gréco-religieuse !
Mais ces monologues plus drôles que comiques , au bout d’un moment , n’amusaient plus votre grand-père qui abandonna le domaine pour s’investir non dans des vérités affirmées ex cathedra, mais plutôt dans les études de textes bibliques dont certaines sont toutefois si obscurs et sybillins qu’ils prêtent à toutes les interprétations possibles et imaginanables voire imaginaires !.
grand-père avala gloutonnement une cinquantaine de livres de l’Ancien Testament comme du Nouveau sans pourtant en être rassasié tant et si bien qu’il les reprit les uns après les autres pour pour mieux en succer la substantielle moelle .
Cela lui prit le temps qu’il fallut pour les digérer tous..
Il aurait pu en rester à cette excellente exégèse biblique où toutes les cuisines orientales et exotiques associées aboutissaient à des saveurs fort exquises .
Mais son appetit et son goût maladifs de toucher à tout , d’embrasser tout, l’emmenèrent à pousser hardiment d’autres portes aussi diverses les unes que les autres telles le grec biblique, l’hébreu biblique, la Patristique, l’histoire de l’Eglise ,la Septante sans pourtant arriver à étancher une soif ni à calmer une faim qui le tiraillait à aller de plus en plus loin ,de plus en plus haut vers de nouveaux horizons !
Il aborda avec une véritable fièvre du dimanche , la théologie pratique, ie en fait toutes les pensées philosophiques tant anciennes que modernes ;Vatican II, les principaux sacrements qu’il avala goulument les uns après les autres sans même laisser le temps d’une saine digestion !
Il arpenta les pentes raides de la morale chrétienne, se brisa les dents sur les textes ardus des Pères de l’Eglise pour finir par redecouvrir les fondements de la foi chrétienne .
Au total grand-père en 7 ans avait avalé toutes les sessions inscrites au programme en ligne de l’Icp sans pourtant s’en être lassé . Il en redemandait encore lorsqu’il prit le congé sabbatique pour rédiger cette autobiographie pas comme les autres .
Cette pause sabbatique de l’an de grâce 2011-2012 lui permettra-til de mieux digérer , mieux décanter et classer toute cette énorme masse de données accumulées 7 ans durant, 7, symbole de l’infinitude du temps ?
Sans doute reprendra-t-il sa course effrénée demain, après-demain vers de nouveaux savoirs si l’occasion lui est donnée à l’Icp ou dans d’autres instituts ou universités théologiques ?
Grand-père les a presque tous inventoriés Les 5 universités cathos ou protestants de Paris, Lyon, Toulouse, Lille ; Angers et Strasbourg qui a un statut particulier d’être la seule université d’Etat en Théologie et Sciences religieuses.
Mais d’autres villes moyennes possèdent des Instituts de Théologie comme,Montpellier, Aix, Marseille,Metz, etc!
Parfois coexistent dans une même ville plusieurs instituts cathos et protestants,voire musulmans !
.

Session suivie Durée de la session Validation
I THEOFACNET : Formation universitaire
Universitaire : ICP
Mystère Chrétien Un an Validé
Ancien Testament Un an Validé
Nouveau Testament Un an Validé
Ecclésiologie Un an Validé
Synoptiques Un an Validé
Mariologie Un semestre Validé
Grec Biblique Un an Validé
Christologie patristique et Johannique Un an A valider en 2011
Histoire de la Liturgie Un semestre A valider en 2011
Septante Un semestre A valider en 2011
Remarque :
Toutes les sessions proposées ont été suivies
II THEOPRATNET : Théologie Pratique Pas de validation universitaire
Vatican II Un semestre Contrôlé par les devoirs envoyés
Histoire de la Philosophie
1ère partie Un semestre Contrôlé par les devoirs envoyés
Histoire de la Philosophie
2ème partie Un semestre Contrôlé par les devoirs envoyés
Le Baptême Un semestre Contrôlé par les devoirs envoyés
L’Eucharistie Un semestre Contrôlé par les devoirs envoyés
Le Credo Un semestre Contrôlé par les devoirs envoyés
Remarque :
Toutes les sessions proposées ont été suivies

Session suivie Durée de la session Validation
III THEONET : Formation Chrétienne
Cycle de Morale Chrétienne Morale Fondamentale 1ère partie ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Morale Fondamentale 2ème partie ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Morale pratique : La vie – 1ère partie ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Morale pratique : La société – 2ème partie ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Cycle Découverte de la Foi Chrétienne Qui est Jésus ? ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Qu’est ce que croire ? ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Où est ton Dieu ? Dieu et la question du mal ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Du souffle pour les essoufflés : Le Saint Esprit ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Cycle de découverte des Pères de l’Eglise Irénée de Lyon : une théologie du Salut (fin IIème siècle) ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Augustin 1ère partie : un chemin de conversion (IV-Vème siècle) ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Augustin 2ème partie : une théologie de l’Histoire ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Grégoire de Nysse : un maître spirituel de la fin du IVème siècle ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Athanase d’Alexandrie IVème siècle ≈ 5 à 7 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Autres sessions proposées à suivre ultérieurement Pourquoi baptiser /
Droits de l’homme et Christianisme /
La famille /
Dialogue inter-religieux /

Session suivie Durée de la session Validation
IV BIBLINET : Etude biblique
Ancien Testament Genèse 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Exode 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Deutéronome 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Livres de Samuel (1 & 2) 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Livres des Rois (1 & 2) 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Amos et Osée 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Isaïe 1-39 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Isaïe 40-55 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Isaïe 56-66 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Jérémie 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Ezéchiel 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Les Psaumes 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Nouveau Testament Matthieu 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Marc 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Luc 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Jean 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés

Les Synoptiques 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Récits de la Passion et de la Résurrection 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés

Session suivie Durée de la session Validation
IV BIBLINET suite
Première Epître aux Corinthiens 1ère partie 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Première Epître aux Corinthiens 2ème partie 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Lettre aux Philippiens 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Actes des Apôtres 1ère partie 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Actes des Apôtres 2ème partie 4 semaines Contrôlé par les devoirs envoyés
Remarque :
Toutes les sessions proposées en ligne ont été suivies

Par ailleurs , il a étudié tout seul l’Hébreu depuis 2005 jusqu’à 2011 où il s’est inscrit à un cours livré par un pasteur protestant, Emmanuel Correia, aujourd’hui pasteur à Vichy
Ce cours vient de s’achever en fin septembre 2015 !
Grand-père reprend son autoformation par l’étude des textes en attendant mieux !
Depuis 2004 il a donc consacré beaucoup de son temps à réfléchir sur Dieu, le Christ, , les religions chrétiennes et plus particulièrement sur l’Eglise catholique, dans laquelle il a été baptisé 15 jours après sa naissance,où il a grandi , reçu une formation religieuse depuis l’école primaire,le petit et le grand séminaires.
De 6 à 21 ans il avait déjà eu une solide formation religieuse .
De 1963 à 2003, il s’est consacré aux études et à l’enseignement profanes !
Sentant venir sa retraite prochaine ,il a repris les études religieuses qu’il s’était promis de reprendre ,à la retraite.
Il a donc tenu parole et concrètement depuis 2004 ,il n’a cessé de réfléchir sur sa foi.
Qu’en est l’aboutissement ?

Les convictions qu’il se permet d’expirmer ici sont le fruit d’une long parcours de reflexion semé de crises et de doute, mûrie au fil des ans et livrée seulement aujourd’hui non sous forme de certitude fixée une fois pour toujours comme les saintes écritures , mais appelées à évoluer au fil du temps .
Il sait qu’à certains âges de l’histoire de l’Eglise, il aurait subi l’anathème, sommé de se renier, exclu de la communauté chrétienne comme un paria, voire même brûlé vif !
Mais aujourd’hui, la liberté de concience et d’expression étant reconnue partie intégrante des droits de l’homme, il est seul face à lui-même dans l’expression libre de sa foi . Il est seul responsable devant Dieu de l’expression de sa foi prise après mûre réflexion :une foi personnelle, susceptible d’évoluer et n’engageant personne d’autre que lui .
Il n’a donc l’intention d’influencer qui que ce soit dans ses prises de position surtout pas ses enfants et petits enfants à qui ce livre est dédié !
Ils ont déjà fait leur choix ou choisiront librement ce en quoi ils croient ou pas à leur majorité . Mais en attendant, leur grand-père croit savoir qu’ils recevront certainement une éducation religieuse catholique comme leur père pour éclairer leur choix futur .C’est son souhait le plus cher .
Il convient que cela se sache avant qu’il n’aborde le prochain paragraphe où il compte exprimer en toute sincéritéet liberté ce en quoi ,après moulte réflexion, il croit.

Grand-père réfléchit sur sa foi chrétienne
Grand-père peut-il réciter avec autant de conviction le Credo chrétien d’aujourd’hui ?
Nous prendrons celui que les chrétiens adoptent dans leur prière quotidienne , ie les Actes des Apôtres dont nous allons maintenant décortiquer les principaux articles

Oui, grand-père croit en Dieu,le Père tout puissant , Créateur du ciel et de la terre.
Ce premier article de foi conditionne tous les autres à venir dans l’expression de la foi de grand-père.
Il croit en Jésus historique ie Jésus de Nazareth, fils de Marie et de Joseph.
Il a souffert sous Ponce-Pilate,a été crucifié , est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers , le troisième jour est ressuscité des morts par le Père tout–puissant.
En effet Celui-ci est tout puissant . donc il peut ressusciter un homme selon sa propre volonté , son désir sans en rendre compte à personne .
Grand-père croit que Jésus historique a été déifié par Dieu le Père tout-puissant capable de déifier un homme en son fils unique, en faire un Christ sauveur de l’humanité entière .
Il l’a fait au baptême de Jésus par Jean Baptiste où : dès qu’il fut baptisé,Jésus sortit de l’eau.Voici que les cieux s’ouvrirent et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui . Et voici qu’une voix venant des cieux disait : « Celui-ci est mon Fils bien aimé , celui qu’il m’a plu de choisir » Mt 3, 16-17. La même voix réapparaît à la transfiguration Mt 17,5 pour marteler le même message. De même en Mt 12,18-21.

Marc donne aussi une version toute semblable : Mc 1,10,11
« A l’instant où il remontait de l’eau , il vit les cieux se déchirer et l’Esprit , comme une colombe , descendre sur lui . Et des cieux ,vint une voix : « Tu es mon Fils bien –Aimé, il m’a plu de te choisir»
En Mc 9,7, le message est écourté et il n’y a plus, « celui qu’il m’a plus de choisir. »
Luc n’est pas de reste Lc 3,21-22 : « Or comme tout le peuple était baptisé,Jésus baptisé lui aussi, priait : alors le ciel s’ouvrit : l’Esprit Saint descendit sur Jésus sous une apparence corporelle, comme une colombe , et une voix vint du ciel : « C’est toi mon Fils , moi aujourd’hui je t’ai engendré
Mais en Lc 9, 35 il est dit explicitement : « celui-ci est mon Fils , celui que j’ai élu, écoutez-le »
Grand-père peut continuer les citations pour montrer que Jésus a été bel et bien choisi par le Père et déifié . Mais il est vrai qu’on peut opposer d’autres citations notamment en St Jean qui interprète dans le sens de Jésus Fils de Dieu avant sa venue au Monde notamment dans son prologue qui a été ajouté bien après la rédaction de cet évangile . En plus l’évangile de Jean a été difficilement accepté par la grande Eglise après que les johannistes se soient soumis à sa loi et aient fait amende honorable .
Mais pour ce qui est des synoptiques le message est clair .
Ceci dit , le moment de la filiation de Jésus n’a pas tant d’importance .Il l’a été par la volonté du Père tout puissant que ce soit dans la temporalité pour les synoptiques ou non ( Jean) !

Grand- père croit au Saint–Esprit, pour les mêmes raisons : Dieu le Père tout-puissant ,dans sa toute puissance ,peut tout dans la temporalité comme dans l’intemporalité . Nous le croyons fermement .
Grand-père croit à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection des morts et à la vie éternelle dans la mesure où encore Dieu le Père tout–puissant peut tout . Il n’y a rien à dire .
Il émet de sérieuses réserves sur sa foi à la sainte Eglise catholique si le terme catholique est utilisé dans son sens très restreint d’une Eglise particulière, romaine, latine ou autre appelation de même genre . Si c’est dans le sens d’une Eglise une ,universelle et indivisible quelles que soient les pratiques particulières de tel ou tel rassemblement d’hommes qui se réclament de ceci ou de cela ou qui osent se dénommer doctement catholiques, protestants, évangéliques, orthodoxes , etc. Grand-père croit à l’Eglise universelle fondée par les Apôtres sur ordre de leur divin Maître : « Allez de par le monde entier et faites des disciples, … »
Mais l’Eglise, aujourd’hui, s’est complètement discréditée par ses divisions , ses luttes intestines , les massacres opérés au cours de son histoire, par les guerres de religions ,etc,etc .On ne peut plus lui faire encore confiance .Elle est rapidement devenue un « machin » ou une machination humaine et Jésus s’il revenait sur terre ne le reconnaîtrait plus et le rejetterait avec beaucoup de violence :
« Ce peuple m’honore des lèvres , mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; car les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes d’hommes. » Mt 15,8-9 ; Mc 7,6-7
Puis en Mt 7,21-23 : « Il ne suffit pas de me dire « Seigneur , Seigneur » pour entrer dans le royaume des cieux . Il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux Beaucoup me diront en ce jour-là : « Seigneur . n’est-ce pas en ton nom que nouas avons prophétisé ?en ton nom que nous avons chassé les demons ? en ton nom que nous avons fait de nombreux mriacles ? Alors je leur déclarerai : « Je ne vous ai jamais connus : écartez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité » de même Lc 6, 46 et surtout 13, 26-27 :
Quant à Marie, elle n’est pas plus vierge que la mère de chacun de nous qui bénéficions de la vie qu’elle nous a généreusement donnée .La virginité n’est pas signe de supériorité sur la maternité .Ce serait plutôt le contraire si on entend qu’elle donne la vie et que la vie , c’est la chose la plus essentielle et la plus précieuse qui soit donnée à tout vivant : homme,animal ou végétal .
Si l virginité de Marie est d’ordre spirituel, grand-père peut encore l’admettre .
Virginité des religieuses , célibat de prêtres même tabac .
Le célibat devrait être volontairement assumé et renouvelé périodiquement et non seulement pendant une jeunesse enthousiaste quitte après à le regretter tout le reste de son existence et mener une vie avec les pires déviances que l’on sait des prêtres pédophiles auxquels s’intéresse périodiquement la presse à scandales .Mais en marge de ces cas dramatiques que de douleurs senlicieuses, de vies gâchées par des célibats mal assumés parce que mal vécus !
On devrait reconnaître à tous les prêtres, religieux et religieuses catholiques, le droit à l’erreur au lieu de les contraindre à vivre la plus part du temps en secret un long calvaire ou des déviances coupables .
Mais comme la haute hiérarchie catholique pratique une gérontocratie qui ne dit pas son nom,elle ne peut pas scier la branche sur laquelle elle est assise !
Pauvre misère que toute cette galère dans une Eglise qui préfère se saborder par manque de vocations que d’avoir le courage, la charité de revenir aux fondamentaux des premiers temps de cette religion qui a admis un clergé marié avant l’instauration de la géroncratie qui lui a été imposée !
Mais ne dit-on pas que la charité chrétienne commence par soi-même ?
Bref grand-père préfère en ce domaine le réalisme protestant et orthodoxe où pasteurs et popes peuvent exercer leur ministère dans le mariage . Sont-ils moins bien lotis que leurs confrères de l’Eglise catholique ? Grand –père ne le pense pas . Il serait plutôt tenté d’affirmer le contraire .
Cela dit chaque état a ses contraintes et ses déviations et celles de marié n’en possèdent pas ni moins ni plus !.

En conlusion, grand-père ne croit pas du tout en la virginité selon la chair de Marie , mais selon l’esprit !
En affirmant cette simple vérité de simple bon sens scientifique , grand-père n’enlève rien en Marie la gloireet le mérite d’avoir dit oui à l’ange et accepté d’ enfanter Jésus de Nazareth, l’élu de Dieu qui en a fait son fils bien-aimé .
En cela , elle mérite tous les honneurs, toute l’admiration des générations qui la diront bienheureuse car elle a mis au monde Jésus de Nazareth, l’homme Dieu par qui Dieu le Père , dans sa sagesse infinie ,a décidé de sauver l’humanité .
Elle ne mérite pas pour autant le culte exagéré que certains bigots ou grenouilles de bénitier lui vouent au point qu’ils en feraient un quatrième Dieu ou déesse si les cerbères des dogmes n’avaient mis le holà pour les arrêter dans leur élan d’impiété et d’idolâtrie !
Grand-père n’adhère pas non plus au culte des saints car Dieu seul est saint disent les Ecritures.
Il veut bien croire à l’exemplarité de certaines vies d’hommes et de femmes,sacrifiées en héros pour témoigner leur foi ou celles d’ hommes et de femmes qui ont vécu dans l’héroïsme leur foi et le don de leur vie pour Dieu et pour les autres. Ils méritent vraiment d’être imités dans leur vie exemplaire!
Delà à les déclarer officiellement saints,c’est prendre la place de Dieu qui seul est saint,le trois fois saint comme on le chante au Sanctus de la Messe .
Leur rendre un culte c’est de l’idolâtrie pure et simple .
En cela grand-père approuve encore l’attitude très sobre et mesurée des protestants .Admiration pour l’héroïsme de leur vie, mais aucun culte à leur rendre .
Quant à l’autre idolâtrie à rendre hommage ou culte à des images, statuettes et autres lieux d’apparition de la Vierge, c’est là pure folie d’idolâtrie dont les fautifs finissent par ne plus s’en apercevoir .Ils prennent la représentation pour la chose elle-même , par adorer ou rendre culte à ses objets pour eux-mêmes .
Ouvrons enfin les yeux pour voir le syncrétisme religieux tapi sous le couvercle de la foi, au fond de chaque homme .
Inculturation, vous voulez retorquer ? Ne jouons pas sur les mots pour ne pas nous déjuger . Il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre raison ou plus aveugle que celui qui ne veut pas voir ou regarder la vérité en face .Sourd et aveugle, il restera toute sa vie .
Ceci dit , grand-père ne prônera pas, à l’inverse des iconoclastes la destruction des images, et des tous les oeuvres d’art produits par cette foi aveugle et sourde . Ils constituent néanmoins des chef-d’œuvres témoins d’un passé de croyances révolues que nous nous devons de sauvegarder pour leur beauté et non pour leur vérité .
Les missionnaires ont prôné et détruit pourtant la plupart des œuvres d’art des religions traditionnelles ,agissant ainsi en iconoclastes patentés, aveuglés par la sacro-sainte supéroiorité de leur religion .
Que de sottises, de bêtises n’ont-ils commis en saccageant nos autels et les représentations de nos ancêtres sans réaliser que leur propre religion faisait de même .
Mais pour ce faire, il faut avoir réfléchi auparavant sur sa propre religion . Ce que la plus part de ces combattants d’une foi mal maîtrisée , mal assimilée n’étaient capables de comprendre .
Ils n’avaient malheureusement pas eu de formation d’anthropologie religieuse avant leur envoi en mission !
Vous aurez compris que grand-père abhorre toutes les horreurs bêtes et idiotes des querelles, guerres religieuses qui , en fait, ne sont la plupart du temps que luttes politiques meutrières ,déguisées en croisades, guerres saintes et autres stupidités du même genre !
Ne serait-ce que pour tant de crimes, de massacres perpétrées ,les religions qui pratiquent ces horreurs devraient être déclarées désormais hors la loi, bannies par la conscience universelle .
Il faut beaucoup de tolérance, car Dieu habite en chacun de nous, en chacun des cœurs épris de justice, d’égalite, de fraternité, de paix . Accordons à chacun le bénéfice de la liberté de conscience ; confessons la nôtre dans la tolérance de la foi de l’autre.
Dieu reconnaîtra les siens .Et les siens , c’est toute sa création qu’il ne cesse d’aimer d’un amour infini et qu’il rachetera de tous ses fautes manquements,trahisons au dernier jour , car sa magnaminité déborde tout ce que l’homme est à même d’imaginer . Chacun aura son verre petit ou grand plein à la mesure de l’amour de Dieu et du prochain qu’il aura manifesté durant toute sa vie terrestre .
Notre Dieu est un Dieu de miséricorde et de pardon qui ne garde racune sur aucune de nos fautes passées.
C’est dire que Grand-père ne croit pas à ce Père Fouettard qui rejetterait définitivement dans une sorte de géhenne béante un certain nombre de ses créatures jugées irrécupérables .
« Nous irons tous au Paradis , vraiment . » chante Michel Polnareff ,repris d’ailleurs par le Père Gérard Bénéteau .
C’est une des convictions les plus profondes de grand-père .
Yahvé lui-même ne le disait-t-il pas en Isaïe 55, 6-8 : « Recherchez le Seigneur puisqu’il se laisse trouver. Appelez-le, puisqu’il est proche. Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme malfaisant ses pensées . Qu’il retourne vers le Seigneur qui lui manifestera sa tendresse , vers notre Dieu qui se surpasse pour pardonner, c’est que vos pensées ne sont pas, ne seront pas mes pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins ,oracle du Seigneur » .
Alors ? Pourquoi vouloir faire croire que nos pensées d’hommes sont celles de ce Dieu, ce Père aimant qui prend soin de toutes ses créatures et qui ne veut qu’aucune ne se perde ?
Dieu seul est juge . Laissons–le faire . Il parlera bien à la fin des temps .
Et il n’y a pas à redouter ce jour que d’aucuns voyants ou croyants prédisent déjà terrible ! Mais Dieu est bon et éternel son amour .
Ce sont les pères fouettards, revanchards qui jettent à la géhenne ceux qui ne peuvent se faire à leur domination mentale .
Ce sont eux qui édictent des lois et veulent y faire souscrire Dieu pour assouvir leur besoin de domination politique, économique , sociale et culturelle au nom d’une religion surannée à laquelle grand-père n’adhère en aucune manière .
Aussi peut-il s’autoriser, après tant d’autres qui ont fait l’objet d’anathèmes de la part de l’establishment religieux, d’affirmer avec force que toutes les religions se valent et qu’aucune n’est meilleure plus qu’une autre ;
que le religions monothéistes ou du Livre n’ont aucune sorte de légimité ni de supériorité sur les religions traditionnelles, religions naturelles basées sur l’oralité des traditions ancestrales .
Toutes les pratiques religieuses valent ce que valent les religions .
Grand-père ne souscrit pas aux religions , mais il les tolère dans la mesure où elles respectent les valeurs humaines de liberté de conscience, d’égalité entre toutes les pratiques religieuses,le respect de tous ceux qui n’ont aucune religion ou aucune pratique religieuse .la fraternité entre tous les hommes religieux ou pas .
L’homme religieux ne brille pas forcement par sa supériorité sur celui qui n’en a pas . Grand-père en veut pour preuve le boudhisme qui n’est pas une religion , mais une philosophie, un art de vivre ; pourtant aucune religion ne peut se targuer d’avoir une spiritualité plus élevée que la sienne !
Quant à la morale,la religion n’en a pas l’apanage exclusif .Et on ne peut affirmer la supériorité d’une morale religieuse donnée sur une autre et ce d’autant plus qu’il existe une morale laïque .
Religion et morale ne vont pas forcément de pair .
Il existe même une philosophie morale qui n’est pas de nature religieuse , mais découle de la rationalité humaine .
C’est ainsi que les boudhistes peuvent développer une morale des plus strictes , ascétique même alors qu’ils n’ont rien de religieux .
Telles est la foi de grand-père . Il n’est d’aucune obédience religieuse , d’aucune chapelle. Il se comporte en véritable électron libre . libre dans sa pensée, son esprit, ses paroles et ses actes .
Bien sûr,ces considérations, dépassent actuellement votre entendement.
Vous y reviendrez plus tard quand le moment de la réflexion sur votre propre foi viendra .
En effet tout homme digne de ce nom se pose un jour ou l’autre ces questions existentielles : Qui suis-je ? Que fais-je sur cette terre ? D’où je viens ? Où je vais ?
Mais ce chapitre était surtout destiné à l’establishment religieux qui ne manquera,certes pas, d’épingler tels ou tels propos de grand-père pour les clouer au pilori ,les vouer aux gémonies ou les porter au vindict populaire de leurs ouailles . Quant à l’anathème ,c’était autrefois leur arme absolue . Il n’est pas encore exclu de nos jours surtout lorqu’il s’agit de crime de lèse majesté, la religion s’entend . Mais son influence est aujourd’hui, de courte portée si bien qu’il ne fait plus peur à personne .
En tout cas pas à grand-père pour le moins du monde . Ce serait même un honneur qu’il ne recherche en aucun cas car « pour vivre heureux vivons cachés » telle est sa devise

35.Grand-père amoureux des langues anciennes

Grand-père adore depuis toujours les langues anciennes :
Dans le secondaire il a fait le latin de la septième à la terminale voire même au grand séminaire où les livres était en latin et les séminaristes devait s’exprimer en latin pendant les cours de philo et faire les devoirs en latin !
Grand-père ne détestait pas l’exercice !
La seconde langue ancienne fut le grec commencé en 4eme., mais arrêté en fin troisième pour des raisons de changement de série A à C comme grand-père a eu à vous l’expliquer déjà.
Il a toujours regretté de n’avoir pu poursuivre l’apprentissage de cette langue dans le cadre de ses études secondaires.
Mais lorsque Dominique commença ses études secondaires, sentant qu’elle était plutôt une littéraire qu’une scientifique,il l’inscrivit en latin et en grec ! Mais comme il n’y avait pas de cours de grec ni de latin d’ailleurs au Lycée français de Cotonou, elle suivit les cours par correspondance jusqu’en fin troisième et grand-père s’improvisa répétiteur en reprenant, après une trentaine d’années, l’apprentissage du grec pour lui venir en aide
Puis il reprit des cours de grec biblique par correspondance à l’Icp tant et si bien qu’il a pu combler son retard dans l’apprentissage du grec ancien .
Il peut maintenant lire et comprendre la plupart des textes bibliques des Septantes et du Nouveau Testament en grec !

La troisième langue ancienne que grand-père a abordé depuis maintenant près d’une dizaine d’années est l’hébreu biblique,appris d’abord par correspondance puis depuis 2012 avec un Pasteur protestant qui dispense des cours d’hébreu de 2 heures tous les 15 jours.
C’est un plaisir de pouvoir lire et comprendre les textes de l’Ancien Testament en hébreu dans la même langue que les juifs pendant la période de l’Ancien Testament ,ie quelques 500ans avant notre ère , texte que Jésus lui-même lisait dans les synagogues il y a plus de 2000ans !
Quel privilège ! L’exercice est toujours ardue ! Mais le résultat final vaudra bien tous les efforts du monde !
Grand-père prend des contacts déjà pour apprendre l’arabe classique dit encore,l’arabe littéraire pour pouvoir lire et comprendre le Coran dans le cadredans le cadre d’un dialogue religieux avec les musulmans !
Il a démarré l’autoapprentissage de cette langue, Dieu soit loué ,en décembre 2013 !
Ces progrès sont lents car il n’arrive pas à trouver un prof ni même un cours par correspondance ou en ligne mais il tient bon et ne lâchera pas la bride

36.Grand-père et la politique.
Grand-père aime-t-il la politique ? Et quelle politique ?

Oui grand-père aime la politique, mais pas la politique politicienne .C’est d’ailleurs une des raisons qui ont fait que votre grand-père ne milite plus au parti socialiste où il s’était inscrit pendant des années à Cotonou et qu’il hésite toujours à y retourner .
Grand–père a des idées généreuses de gauche ;Il les a montrées tout au cours de sa vie active en venant en aide ou en se consacrant aux plus défavorisés : Orphelins-apprentis d’Auteuil,enfants de la rue, restaurant à prix réduits, restitution du restaurant au personnel, etc., études et recherches sur l’agriculture périurbaine tant à Cotonou qu’à Dschang, aujourd’hui aide aux devoirs pour les enfants défavorisés de nos villes et de nos campagnes .
Grand-père a toujours voté à gauche en France depuis qu’il a acquis la nationalité française en 1980 . Son premier vote a participé à l’élection du premier président de gauche sous la cinquième République en 1981 .
Vous savez de quel président grand-père parle ? Il s’agit bien sûr du prédident François Mitterand, deux fois élu, le 10 mai 1981 et une deuxième fois en mai 1988 soit 14 ans de mandat présidentiel qu’aucun président sous la cinquième République n’a pu atteindre, même pas de Gaulle qui , réelu pour un deuxième mandat de 7 ans, n’a pu l’achever avant de démissionner en 1969 après seulement 4 ans de second mandat !
Pompidou mourut au bout de 5 ans au cours de son premier mandat .
Quant à Giscard , il ne fit qu’un seul mandat de 7 ans, battu pour son second mandat par François Mitterand .
Mitterand , malade ne se représenta pas pour un troisième mandat et mourut 8 mois plus tard le 11 janvier 1996 .
Après l’élection de son successeur qui fit deux mandats ,le premier de 7 ans , le deuxième de 5 ans sur limitation de la Constitution . ce qui nous amène en 2007 .
Nicolas Sarkozy prit la suite en 2007. Il a achevé son premier mandat de 5 ans en 2012 et s’est représenté pour un second mandat .
Pour qui auriez-vous aimé voter si vous aviez vos 18 ans ?
Grand –père a participé en effet à toutes ces scrutins et il s’est réjoui de l’accession de François Hollande à la présidence de la République ,puis de l’arrivée d’une majorité de gauche à l’Assemnlée Nationale !
Voilà déjà trois ans que la Gauche est au pouvoir et perd toutes les élections intermédiaires comme la droiter Sarkoziste en son temps ! C’est mauvais signe , ce d’autant plus que le Front nationnal ne cesse de progresser dans les élections et les sondages pour celles àvenir !
Que nous réserve l’avenir ?
En tout état de cause pas de bonnes nouvelles à l’horizon 2017 si l’on en croit les récents sondages qui se suivent et se ressemblent tous ! La Droite républicaine gagnera les prochaines élections présidentielles !
Grand-père, s’il était véritablement mordu de politique politicienne partisane , il se serait jeté dans l’arène politique en Haute volta ,au Burkina ensuite où les partis qu’il soutenait depuis les annnées 80 étaient souvent arrivés au pouvoir.
Vous voyez , grand-père ne serait pas avec vous présentement à moins qu’il n’ait déjà pris sa retraite politique , ce qui est rarement le cas tant que la chance vous sourit et que vous êtes au pouvoir !
Pourtant des chefs de mission de connotation socialiste qui aimaient bien votre grand-père notamment Mr Montfort, Mr Hadjaj, avaient bien voulu le pousser dans la hiérarchie du minstère de la Coopération par des stages proposés à des coopérants socialistes qui auraient pu le conduire à être chef de mission à son tour comme cela a été le cas de Mr Dominoni, puis sait-on jamais la suite ?
Mais grand-père n’avait pas mordu à l’hameçon . Ce genre de favoritisme politique ne l’intéressait pas du tout sur le plan déontologique .
Monsieur Esther,coopérant français, prof d’EPS,à l’époque, responsable de la section PS de Cotonou, voulait faire entrer grand-père à la Maçonnrie ,au grand Orient de France, de gauche . Ses convictions religieuses à l’époque n’étaient pas compatibles avec une entrée dans la maçonnerie à la franche réputation athée et anticléricale .
Grand-père déclina poliment l’offre .
Mr Raymond Guillanoeuf revint la charge, sans plus de succès.
Ajoutons qu’il avait même demandé la médaille du mérite agricole pour grand-père qui a dû certainement le decevoir et même.plus d’un responsable socialiste local qui ,ayant remarqué sa haute probité morale et intellectuelle voulait le pousser à sortir de l’anonymat et du rang de simple coopérant de base .
Mais grand-père n’avait vraiment aucune ambition politique personnelle .
Il ne voulait surtout pas être le nègre de service, pion servile aux mains de gens avançant masqués pour atteindre ainsi leurs objectifs inavoués parce qu’inavouables.
Quel regard grand-père porte-t-il sur ce passé enfoui au fin fond de son subconscient et qui maintenant remonte en surface par ces évocations ?
En tout état de cause , grand-père ne les considère pas comme des occasions manquées.
Il n’était pas fait pour briller en pleine lumière !
Par ailleurs il n’est pas dans ses habitudes de regretter ce qu’il n’a pas voulu ou pu faire dans le passé
Tout humain normalement constitué a dans sa vie un certain nombre de choix à effectuer .On peut se demander les raisons,les mobiles profonds qui motivent tel choix plutôt que tel autre !
Pour grand-père ce sont souvent des raisons éthiques ou religieuses,qui font la décision . Il peut aussi s’agir d’une certaine peur, angoisse atavique de se lancer dans des chemins inconnus , risqués, non balisés .
Il y a enfin toutes les représentations que l’on se fait de la politique qui vous détermine ou non à oser vous lancer dans cette voie.
Pour grand-père, la politique active ne l’a jamais vraiment tenté .
D’autres en lisant ce chapitre pourront pousser des soupirs de regret ou de désolation en se disant que grand-père n’a pas su ou pu saisir les oppotunités en or qui lui furent offertes .
Il leur répondra de faire leur propre examen de conscience pour constater qu’il en est ainsi pour chaque homme , chaque femme, à quelques différences près .
Il est rare que nos choix soient purement fortuits .Ils dépendent souvent de mobiles cachés qui sont tapis en chacun de nous et qu’il convient à l’occasion de ressortir pou une analyse sans concession
Grand-père l’a fait et ne renie rien aujourd hui.

37.Grand-père et l’écologie
Aucun français n’est vraiment contre l écologie, la vraie, l’unique, l’écologie scientifique et si l’on voulait faire un sondage ou mieux un référendum sur le sujet, les français répondraient oui à 99,99 %..
Alors me direz-vous, pourquoi les partis écologiques croupissent aussi bas dans les pourcentages de votes aux différentes échéances électorales ou dans les sondages pour celles à venir ? Europe –Ecologie- les Verts ne fait pas mieux(1,5%) !
Oui, c’est vrai , votre question est pertinente et grand-père va se faire le plaisir de vous l’expliquer.
Cela vient en fait d’une confusion des genres .
En effet on confond , selon grand-père, écologie scientifique,ie l’écologie tout court et cette sorte de religion laïque qu’est l’écologie politique ou l’écologisme .Ne les appelle-t-on pas d’ailleurs des écologistes ie des partisans de l’écologisme !
De nos jours, les mots se terminant en -isme ne font plus bonnes récettes ni bonne presse telles les religions !
On devrait utiliser le terme écologue pour désigner les partisans de la vraie écologie. Or grand-père vous a dit qu’il n’était pour aucune religion .Aussi,vous comprendrez qu’il ne soit pas pour cette autre religion qu’est l’écologie politique avec sa hiérarchie bien établie, sa Bible, sa Tradition, ses dogmes, sa morale,sa kyrielle d’ Eglises s’entredéchirant à belles dents, s’anathémisant les unes les autres , se distingant entre droite, gauche, voire centre !
On apprend très tôt à l’écologisme, sinon dans ses associations,ses ong, et autres chapelles, le b-a-ba du cathéchisme écologiste et de son parfait cathéchiste.
Pour entrer dans les détails,essayez de refaire une retrospective raccourcie des caciques de l’écologie politique : leurs origines, leurs programmes , leurs visées, et leur société idéale.
On ne sera pas étonné que les Cohn-Bendit et autres papes écologistes nous viennent en directe ligne de mai 68 issus d’un amalgame de tout ce que la gauche non communiste pouvait compter de chapelles : Psu, gauche maoïste, anarchistes de tout poil,etc .
Mais on remarquera également que beaucoup de ces étudiants ,professeurs et intellectuels venaient de milieux catho sinon chrétiens dont l’idéal était de retrouver ici-bas déjà le paradis perdu par l’homme qui n’avait pas voulu respecter la nature telle que créée par Dieu . La faute venait, à n’en pas douter de l’homme car Dieu pour sa part a créé la nature parfaite. C’est la faute de l’homme si la nature est dévenue celle que nous connaissons aujourd’hui . Ressaisissons –nous et retrouvons dame Nature telle que créée à l’origine par le Maître du monde .
C’est donc ce paradis perdu que l’écologie politique ou l’écologisme veut reconquérir, retrouver, remodeler dans sa perfection originelle.
Ses méthodes sont identiques à celle du Judaïsme naissant : Le monde sera sauvé par un Messie d’écologie politique . Mais la route sera longue avec des traîtres à la cause, des crucifixions douloureuses, des adeptes de tout poil se repandant à la conquête du monde, inspirés par la sainte devise : « Mens sana in corpore sano » , ie « Un esprit sain dans un corps sain . »
Elle eut ses saints martyrs que l’on peut consulter au grand livre vert de martyrologie écologiste .Elle eut ses croisades, ses barbares, ses huns et ses wisigoths , ses autrogoths et et ses Francs (-tireurs) , etc .
Elle eut ses Pères écologistes , ses papes, se rois écolo jusqu’à ses divisions meurtrières , ses révolutions et contre révolutions jusqu’à nos jours où les athées écologistes font la séparation entre le sacré et le profane pour retrouver une écologie politique renovée avec ses réformismes successifs.
Bref , beaucoup de français ignorent la véritable nature de l’écologie politique! En effet combien de français savent ce que c’est que l’écologisme ? Combien de français savent que les écologistes sont les adeptes de l’écologisme ? .
Vous avez dit adeptes ? Oui nous sommes bien en plein dans la religion, avec ses chapelles , ses églises , ses sectes et sectarismes !
Tandis qu’écologues , nous le sommes tous dans l’âme .
En effet :
Qui ne veut pas conserver la nature en bon état pour ses enfants ?
-Personne !
Qui veut respirer les gaz viciés par la pollution de nos villes et de nos campagnes ?
-Personne !
Qui veut boire l’eau de nos rivières polluées par les eaux usées les engrais comme les nitrates et les pesticides de l’agriculture intensive ?
Personne !Personne !
Est-on pour la propreté de nos villes et de nos campagnes ?
– Ouaï!
Est-on pour respirer un air pur des montagnes ?
-Ouaï !
Est-on pour boire l’eau pure de nos sources et de nos rivières non polluées par les nitrates ?
Ouaï .
Est-on contre les OGM,contre les nitrates dans l’eau de nos robinets, contre la pollution de nos villes ?
Ouai
Vous voyez !si vous soumettez donc ce genre de questionnaires au suffrage universel direct par voie de référendum, le oui l’emportera à 99,99 % .
Alors pourquoi donc Europe -Ecologie-les Verts ne décole-t-il pas de ses 1,5% à 3% dans les intentions des votes des Français aux présidentielles ?
Parce que les français , fidèles à la loi de 1905 instituant la séparation de l’Eglise et de l’Etat,abhorrent tout ce qui peut lui rappeler de loin ou de près la religion ou les sectes religieuses dans ses institutions républicaines
Laïque, la République le restera à jamais.
Que l’écologisme religieux et sectaire se le dise pour toujours !

38.Grand-père, un passionné d’horticulture, des jardins et du jardinage

Vous le savez déjà, votre grand-père est un passionné d’horticulture, des jardins et du jardinage.Pourtant , ce n’est pas ce qu’il a choisi pour métier, mais l’agronomie. Vous direz bien sûr que ceci n’empêche pas cela et vous aurez raison.
La passion pour l’horticulture date des années 70 à Orsay lorsqu’il se servait des abord des serres pour faire des tomates, des terrasses de son appartement à Palaiseau pour cultiver fleurs et légumes .
Mais ce fut l’enseignement de l’horticuture générale qui déclencha définitivement et pour toujours cette passion .
En effet de 1974 à 1981, il enseigne l’horticulture générale à l’école d’horticulture Saint Antoine de Marcoussis tout en s’intéressant aux différentes spécialités : , Floriculture,culture maraîchère, arboriculture , et autres spécialités secondaires.
A Cotonou, il créa bien avant de rejoindre la faculté des Sciences agronomiques( FSA), un jardin près de l’aéroport dès 1983, un an après son arrivée à Cotonou, vous vous en souvenez, les enfants ?
Il favorisa autant les cultures maraîchères que florales.
Ce ne fut plus tard qu’il intéressa les étudiants de la FSA à son jardin en les y amenant faire les travaux pratiques sur les cultures maraîchères notamment.
Trois des étudiants dont grand-père dirigea la mémoire de sortie s’intéressèrent à l’horticulture et l’un d’eux en fit même son métier en s’installant horticulteur.
Grand-père forma plus d’une centaine de jeunes de la rue au métier d’horticulture . Beaucoup ont embrassé le métier et y sont encore.
A Dschang , on confia à grand-père l’enseignement de l’horticulture.
Il créa un jardin dans l’enceinte même du campus où il pouvait enseigner sur place les pratiques horticoles.
Sa villa se distinguait de toutes les autres par la beauté de ses fleurs qui servaient à indiquer la villa de votre grand-père à ses amis qui venaient lui rendre visite : « Ne vous fatiguez pas à chercher, demandez simplement la villa fleurie et n’importe quel étudiant ou habitué du campus vous répondra : « La villa du professeur Somda ? » C’est dire que tout le campus universitaire connaissait la villa fleurie et son locataire !
Grand-père ne se contenta pas de fleurir simplement sa villa , mais il forma une association d’étudiants pour fleurir tout le campus.
Ce qui fut fait !
Durant le second séjour de grand-père au Bénin de 1998 à 2011,ce fut sa période d’agriculture avec la ferme de Glodjigbè où il fit tant la production animale que végétale.Mais il ne manqua point de créer son bout de jardin maraîcher enrichi tant par les déjections des chèvres et moutons que par les crottes de lapins et surtout de poules et autres volaille !
La terrasse et les vérandahs de l’ appartement de Cotonou étaient remplis de fleurs et d’arbres ornementaux que grand-père entretenait avec beaucoup d’amour !
A départ pour la France Solange fut chargée de l’entretien des plantes et elle le fit bien !
Arrivé à Beaumont, toute la maison fut fleurie dedans ,dehors et sur le balcon.
Le jardin du beau-père situé sur le sentier de l’Ave Maria à quelque 500m de la maison avait été confié à une école d’enfants handicapés dont les moniteurs venaient leur apprendre quelques rudiments d’horticulture.
Pour participer à ce travail éducatif, grand-père se lança depuis le printemps 2013 dans le jardinage !Il nettoya le jardin de fond à comble et y planta des pommes de terre, de la tomate, des courgettes, des haricots verts , de la salade ,des choux,des fleurs sur les bordures .Il désherba, bêcha , planta tant et plus que pendant tout l’été , on se gava des produits du jardin tout l’été, l’automne et l’hiver!
Il en fut de même les années qui suivirent jusqu’à ce jour !
Malgré la séchéresse de l’été 2015, nous avons néanmoins réussi à produire quantités de tomates, de courgettes, de choux pommés et de choux-fleurs, de choux brocolis,de choux de Bruxelles, choux de Chines sans compter les haricots verts,pomme de terre etc…
Et tant qu’il restera à grand-père un peu de forces, il assouvira sa passion pour le jardinage et son plaisir de consommer les produits bio de son jardin !

39.Grand-père ,sa passion des études , de l’enseignement et la recherche.

Petit à l’école primaire, grand-père ne s’était jamais imaginé plus tard instituteur. Il se voyait plutôt prêtre, parcourant les villages sur sa grosse moto, prêchant , confessant etcélébrant les messes dans les chapelles ! Tel était le rêve que s’était fabriqué votre grand-père ! Aussi à l’heure du choix, il n’hésita pas une seconde , c’était au petit séminaire de Nasso qu’il irait.et il n’a jamais remis en cause cette option jusqu’à la fin de son séjour à Nasso.
Le bac en main, il ne fut jamais tenté par autre destination que le grand séminaire qu’il intégra le plus naturellement du monde!
Pour lui la voie était toute tracée , il serait prêtre ou rien !
Mais le scandale de Legmoin sema pour la première fois le doute, puis rapidement le renoncement à ce rêve d’enfance pour les raisons que grand-père a eu à vous expliquer .
Il s’orienta sans hésiter vers les études universitaires car il adorait apprendre, apprendre encore, apprendre toujours! Ce fut une des raisons qui l’amena à opter pour une branche scientifique que littéraire où il excellait pourtant ! La suite , vous la connaissez :
Université d’Abidjan d’abord où le choix d’enseignant en Sciences naturelles n’avait pas été explicité. Il s’était inscrit en sciences sans même penser à ce qu’il ferait une fois ses études terminées !Mais la réalité le rattrapa lorsqu’ayant pensé à la carrière de vétérinaire , il fut débouté avec pour mention sur son dossier : destiné à l’enseignement de second degré !
Il réalisa alors dans quel casier on venait de l’enfermer et sa réaction fut immédiate : tout sauf enseignant du second degré !
Il continua pourtant sa licence d’enseignement avec la ferme résolution de changer de cap dès que l’occasion se présenterait.
Celle-ci ne manqua au rendez-vous l’année d’après lorsque grand-père sollicita à entrer à l’école d’agronomie de Toulouse.
La bourse lui fut cette fois-ci accordée grâce à la complicité de l’inspecteur Charles Nahon Somé qui lui permit ainsi d’accomplir son souhait le plus profond. Il sera ingénieur agronome !
Il mena donc les études d’ingénieur à l‘Ecole nationale supérieure d’Agronomie de Toulouse (ENSAT) et poursuivit en même temps une maîtrise de Biologie qu’il obtint un an avant la fin de ses études agronomiques qu’il termina à Orsay où il s’était inscrit à la fois à un AEA d’Amélioration des Plantes et au certificat de génétique pour une carrière de chercheur à l’Orstom.Il ne put intégré l’Orstom pour les raisons que vous connaissez déjà. Mais il obtint son diplôme d’ingénieur normalement en 1970.
Malgré ses démêlés avec l’Orstom et Mr Rizet, il s’inscrivit pour une thèse de troisième cycle dans le laboratoire de Mr Nozeran.Il passa avec succès en 1974 son doctorat de troisième cycle et malgré le refus d’une bourse pour s’inscrire en thèse d’Etat ,il n’hésita pas une seconde !Il s’ y incrivit avant même de trouver un travail pour payer ses études !
Et quelle surprise ! Il accepta un poste d’enseignant dans le second degré en horticulture ! Lui qui avait fui , pensait-il à jamais cette carrière le voilà rattrapé 5 ans plus tard, à un moment où il est vrai, il n’avait pas le choix !Mais pour autant le poste ne lui déplut pas.Il enseigna ainsi pendant 7 ans , le temps de pouvoir passer sa thèse d’Etat en 1981.Entre temps il s’était inscrit à Paris à un certificat de statistique appliquées à la biologie qu’il mena à bien. Mais inscit au certificatde génétique quantitativeà Paris 6, il ne put le mener à bien faute de temps, mais par manque véritable d’intérêt pour ce certificat qui manquait d’attrait !
Puis sans hésiter , il opta pour l’enseignement supérieur et après bien de déboires, il atterrit en 1982 à l’université d’Abomey-Calavi comme enseignant de Physiologie végétale à la Faculté des Sciences et Techniques(Fast).En effet , il avait tous les diplômes voulus pour enseigner tant dans une facultés de sciences que d’agronome : Maîtrise de Physiologie végétale, DEA d’amélioration des plantes, doctorat de troisième cycle en Amélioration des plantes, doctorat d’Etat en Sciences Naturelles dans la recherche agronomique !
Mais il n’avait pas renoncé pour autant à son métier d’agronome et il créa des jardins maraîchers danss Cotonou pour les enfants de la rue avant de rejoindre la faculté d’Agronomie en 1986.
C’est vous dire, les enfants que votre grand-père adorait les études et les quelques deboires de parcours n’ont jamais entamé son enthousiame d’étudier d’apprendre et de faire de la recherche !
De la recherche, il en a fait beaucoup même si cela ne se traduit pas par des publications qu’il n’a pas pu faire faute de soutien de son laboratoire de recherche !Il a écrit des articles non publiés ; un livre achevé ,les Stylosanthes, non publié.il a fait également des recherches sur la biologie des Stylosanthès et résultats on fait un projet de livre dont la rédaction est pratiquement achevée.
Il a fait des recherches sur les Légumineuses fourragères du Bénin
Avec l’aide financière de la mission de coopération française de Coopération dont les résultats ont été publiés en partie.
Il a mené des travaux sur l’agriculture urbaine et périurbaine à Cotonou dont les résultats ont été présenté à différents séminaires à Cotonou, Bouaké ,puis à Edmunston au Canada dans le New-Brunswick !
Il a supervisé Jean-Pierre Essou, un assistant du laboratoire de Biologie dans ses recherches sur les lespèces fourragères du Bénin.pour l’obtention d’une thèse de troisième cycle qu’il a soutenu à Bordeaux avec le prof Edouard Adjanahoun , ancien prof de grand-père en Botanique à l’université d’Abidjan
A Dschang, il a poursuivi ses recherches sur la biologie des Stylosanthès en haute altitude (1500m).Il a également poursuivi et amplifié ses recherches sur l’agriculture urbaine avec ses étudiants !Les résultats n’ont pu être encore entièrement exploités !
Il a également travaillé sur la professionalisation de la formation agricole au Cameroun dans le cadre d’un diplôme de maîtrise consacrant une formation des formateurs à Aix-Marseille . Le mémoire présenté en fin de formation pour l’obtention du diplôme a été reprise et complété à des fins de publication , mais la res aisie à l’ordinateur ,après une correction manuelle, n’a pu encore se faire.l’ordinateur! Seulement il est énorme, plus de mille pages saisies , tirées et reliées en plusieurs volumes.
Parlons un peu des recherches effectués à la ferme de Glodjigbè, Papatia, Foun-foun sur le Ricin dont grand-père a remis le résumé et les résultats à son ami René –Martin Zacharie dans le cadre de recherches sur cette plante comme biocarburant , recherches initiées par le gouvernement béninois dans le but de diversifier ses sources énergétiques !
Grand-père avait fait des recherches assez poussées en collectant toutes les espèces qui se trouvait au Bénin et en faisant venir d’Amérique du Sud des dizaines d’autres espèces dans le but de relancer la production de l’huile de Ricin.
Les études effectuées il frappa à différentes portes pour la production des graines et l’extraction de l’huile.
Malheureusement ses efforts pour trouver des mécènes démeurèrent vains !Les organismes français qui s’intéressaient à la production des huiles ne s’intéressait plus à l’huile de Ricin qui ne poussait pas bien en France pour que la production d’huile soit rentable !
Grand-père frappa à la porte des banques africaines dont la BAD sans aucun réssultat papable que de vaines promesses qui n’ont pu être concrétisées !
Faute de soutien financier, grand-père abandonna donc la partie.
Vous voyez ,les enfants que grand-père s’est beaucoup dépensé en recherches de tout genre, même s’il n’a pas beaucoup publié les résultats , faute de soutien d’un laboratoire de recherche et peut-être faute de ne s’être pas assez battu pour publier !Il faut souligner qu’il n’était soutenu par son laboratoire d’origine à Orsay !

40.Et si tu pouvais recommencer ta vie, comment l’envisagerais-tu , grand-père?

Vaste question , mais fort intéressante !
Vous demandez à grand-père , en quelque sorte, qu’est-ce qu’il regrette ou pense n’avoir pas tout à fait accompli dans sa vie active et qu’il aurait souhaité mieux faire ?
On ne peut malheureusement pas recommencer sa vie, mais on peut jeter un regard en arrière et mener une réflexion sans complaisance sur sa carrière et sur sa vie en comparaison à celle que l’on avait soit rêvée ou souhaitée vivre ; sur les erreurs faites qui ont pu soit nuire à votre carrière ou empoisonné votre vie et que vous auriez pu éviter.
Ceci dit il ne s’agit pas de rêver, après coup sur une toute autre vie, sur une toute autre carrière que l’on n’a pas pu faire !
Grand-père , dans l’ensemble ne regrette pas la carrière ni la vie qui ont été la sienne car il se dit chanceux au regard du milieu d’où il est issu du parcours qu’il a pu effectuer et du niveau de vie qu’il a atteint !
Bien sûr ,les erreurs grand-père en a beaucoup commises dans sa vie ! Mais qui peut se targuerde n’en avoir jamais faites?
Néanmoins votre grand-père en regrette un certain nombre qu’il aurait pu éviter s’il ne s’était pas laissé emporter par ses défauts majeurs : trop d’impulsivité,trop de caractère rebelle , trop de comportements colériques ! trop d’orgueil parfois ,sans compter l’ignorance et le manque d’informations sur les personnes et les choses !Vous connaissez suffisamment maintenant votre grand-père pour savoir ce à quoi il fait allusion !
Grand-père aurait pu éviter par exemple les aventures qu’il a eues avec Mr le professeur Rizet et l’Orstom qui lui ont pourri la vie
et fermé beaucoup de portes à un moment où il en avait bien besoin !
Les démêlés avec le professeur Nozeran résultent en partie de ce qui s’était passé avec Mr Rizet même s’il s’en défendait !
L’erreur fatale , c’était d’avoir forcé quelque peu Mr Nozeran à le lp^rendre dans son labo de recherche alors que Mr Demarly cherchait vainement à l’en dissuader !
Grand-père ne connaissait pas suffisamment ni Rizet et ni l’importance de son influence à la fac d’Orsay et à l’Orstom !
Par ailleurs , il s’est laissé séduire par le comportement démagogique de Mr Nozeran et il a été berné par ce côté naïf de sa personnalité!
Mais une fois dans son laboratoire , il aurait du se tenir tranquille ! Là aussi, il a montré son caractère rebelle qui n’a pas favorisé de relations apaisées entre un élève et son Maître comme c’est la coutume dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche car le Maître est tout puissant et l’élève moins que rien. Il doit être complètement soumis à son Maître s’il veut avancer dans sa recherche et dans sa carrière !
Grand-père n’a pas su ou voulu , par son caractère,s’y conformer :et il en a payé chèrement l’addition car Nozeran n’avait plus d’intérêt à favoriser la réussite d’un élève aussi rebelle et indépendant d’esprit comme votre grand-père !
Mais tout ceci grand-père ne le savait pas ! Il ignorait tout du milieu universitaire où il ne suffit pas de brilleret de faire de la bonne recherche, mais d’être soumis à son Maître et à ses supérieurs hiérarchiques ! L’élève n’est rien au départ sans son Maître. C’est lui qui , tout au début des recherches de son élève doit mettre en valeurs ses résultats!
S’il n’est pas disposé pour une raison ou pour une autre à le faire , l’élève se retrouve pénalisé dans son avancement et donc dans sa carrière !
Grand –père vous a expliqué toutes les entourlepettes de Mr Nozeran qui n’avaient qu’un seul objectif : le décourager sinon le retarder au maximum. Il n’a réussi qu’à lui perdre beaucoup de temps!Mais il aurait pu lui arriver pire encore comme cela est arrivé à René Marin Zacharie qui s’est découragé et s’en est retourné bredouille dans son pays !
Une fois la thèse passée, les résultats des recherches de grand-père auraient dus connaître un meilleur sort ie être mieux valorisés par des publications ! Rien n’a été fait pour l’aider !Et sans publications , pas de poste intéressant !
C’est une autre façon pour un patron de se venger d’un élève rebelle et trop indépendant d’esprit car sans l’aide d’un patron l’élève n’a pas l’expérience ni la notoriété voulue pour ouvrir les portes des éditions vue la concurrence très féroce que se livrent entre eux les labos pour sortir des publications ! Le soutien du Maître de recherche est alors d’une nécessité absolu !
Grand-père n’en a jamais bénéficié. Cela explique en grande partie que ses nombreux articles, et ses livres n’ont été publiés !
Ceci dit, le patron n’est pas la cause de tous ses déboires en la matière !
Il aurait dû se battre davantage qu’il ne l’a certainement fait !
D’autres regrets dans d’autres domaines qui n’ont ni joué sur sa carrière mais certainement sur le quotidien de sa vie.
C’est ainsi que grand-père éprouve quelques regrets d’avoir complètement délaissé tout ce qui n’était pas noté tel le sport ,les activités physiques et manuelles en ne favorisant uniquement que les activités intellectuelles !
En effet à l’école primaire , par exemple,il se cachait à l’heure de la Gymn !! Les maîtres le recherchaient en vain et ne le retrouvaient qu’après !Mais comme les activités sportives ne faisaient pas partie des matières scolaires, elles n’étaient pas notées et aucune mention n’était faite dans le bulletin!
Donc les absences à la gymn ne portaient pas à conséquence sur la scolarité !Aussi grand-père les négligeait royalement tant à l’école primaire. Mais au séminaire il comprit qu’il ne pouvait pas y échapper comme il l’avait fait à l’école primaire car cela faisait partie du règlement intérieur tout comme les prières , le travail manuel, la musique et d’autres activités qui n’étaient pas notées.Mais grand-père tout en y participant les prenait pour éléments négligeables.
Néanmoins il s’aperçut déjà après un certain temps que ceux qui excellaient dans certains sports tels le foot, le basket ,le hand ,voire même la gygnastique,la musique, la reliure se faisaient plus de réputation que les premiers de classe qui avaient le nez toujours fourré dans les bouquins !
Mais c’était déjà un peu tard !
Il en fut de même de la prise en charge de responsabilités dans la vie collective. Grand-père ,au départ voulait les éviter pour se consacrer uniquement à ses chères études,. Mais là, il fut obligé par les profs du séminaire à prendre sa côte part car ils jugeaient que c’était un apprentissage indispensable dans la vie en société.
En résumé, tout ce qui n’était pas noté, tout ce qui n’était pas intellectuel, n’intéressait pas votre grand-père.
Une seule passion l’habitait, les études où il excellaient.
Il s’en mord les doigts jusqu’aujourd’hui !
Il ne sait rien faire de ses dix doigts. Il n’est ,ni un manuel ,encore moins un sportif !
Nul en bricolage,il sait à peine remplacer une ampoule grillée ou un robinet qui fuit !Tant qu’il travaillait en Afrique ,il faisait appel aux artisans car la main d’œuvre n’était pas chère !
En France , c’est tout autre et grand-père regrette beaucoup d’avoir négligé l’apprentissage des activités manuelles dans une société où il faut savoir bricoler avec ses dix doigts !
Il est vrai qu’en France les métiers manuels sont négligés par une certaine élite intellectuelle et qu’il n’y a pas de parents qui ne rêvent de voir son enfant réussir dans les études pour pouvoir choisir un métier bien rémunéré !
Les métiers manuels reviennent donc à ceux qui n’ont pas réussi leurs études!
Il s’ensuit qu’il n’y a pas assez de personnel de base dans les métiers manuels tant et si bien que les prix de prestation des services grimpent en flèche et que chaque citoyen français se trouve dans l’obligation d’ apprendre le minimum de bricolage pour s’en sortir dans les pannes simples ou dans les travaux ou réparations qui ne demandent pas une grande compétence professionnelle.
On en est là dans les pays développés où chacun aspire à un métier intellectuel en délaissant les métiers manuels dont certains tendent d’ailleurs à disparaître tant et si bien que beaucoup de produits ne se réparent plus faute de réparateurs. On les jette à la poubelle ou à la déchetterie dès qu’ils tombent en panne !
Voilà où en sont les pays développés tandis que les pays en développement regorgent encore d’artisans à deux sous qui se disputent le marché des réparations de toutes sortes de produits en panne ou qui dévelppent le génie à transformer les objets non réparables en objets d’art ou en d’autres objets utiles.
Bref c’est dire, les enfants que les métiers manuels ne sont pas à négliger et qu’il vous faudra, filles ou garçons apprendre à vous servir de vos 10 doigts pour vous sortir dans votre vie quotidienne.
Parole et conseil d’un grand-père qui n’a jamais appris à se servir de ses dix doigts et qui n’a que deux mains gauches !
Pour ce qui est des différentes disciplines sportives, musicales voire récréatives, elles entrent dans ce qu’on appelle des disciplines culturelles aujourd’hui très prisées !Et même lorsqu’elles sont enseignées à l’école, les parents y inscrivent leurs enfants en faisant tout pour qu’ils excellent et soient au top très tôt dans l’une de ces disciplines !
On ne sait jamais,s’ils sont doués dans l’une ou l’autre , ils peuvent y faire une brillante carrière !
Courage donc les enfants ! Rien n’est à négliger à l’école ni les matières scolaires, ni les disciplines dites culturelles car vous pouvez plus tard en faire votre métier ou pour le moins en tirer un plaisir personnel ! Mais grand-père prêche à des convaincus car vous les pratiquez depuis votre plus tendre enfance !
Vous êtes sur la bonne voie , continuez donc et bonne chance !
L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ! Poursivez donc les enfants ! Vous êtes sur la bonne voie !

41.Grand-père , peux-tu nous parler des événements qui ont le plus marqués ta vie jusque là?

A plus de 73 ans maintenant , il est vrai que la vie n’a pas épargné votre grand-père tant des évènements tristes se sont produites depuis sa plus tendre enfance jusqu’à ces temps.
C’est inévitable et dans la nature des choses et tout homme est soumis à ces contraintes biologiques . Nous en reparlerons bientôt.
Mais fort heureusement, les évènements heureux et joyeux sont de loin les plus nombreux et donnent à la vie humaine tout son sens de beauté , de bonté et de générosité.
Oui, la vie est belle , la vie est bonne, la vie est généreuse et mérite d’être vécue bien qu’elle soit toujours émaillée d’évènements tristes et douloureux.
Grand-père commencera par vous relater les évènements tristes et malheureux qui n’ont cess& d’émailler sa vie avant de vous rapporter ceux qui ont illuminé de leurs éclats
a. Evènements tristes et douloureux qui ont quelque peu assombri à un moment ou à un autre sa vie.
Vous devinez déjà , les enfants ce que grand-père va évoquer :
Les nombreux décès qui ont endeuillé la famille depuis son enfance jusqu’à ces derniers temps.
Nous évoquerons la mémoire des parents les plus proches qui sont partis sans oublier tous les autres
1) La mort prématurée de Pépé Simon à l’âge de 29 ans en novembre 1949. Grand-père vous en a déja longuement parlé.
Le de son père a complètement déstabilisé l’enfance de votre grand-père qui s’était senti quelque peu abandonné par ses oncles paternels. Il s’était revolté contre cette mort qu’il trouvait fort injuste ! Ce n’est pas lui , le catéchiste qui devait mourir à cet âge en pleurant de laisser trois petits orphelins à peine âgés de 7,5 et 3 ans !
Jusqu’à ce jour grand-père reste marqué par la disparition précoce de ce père qui lui manquera toujours !
Aujourd’hui il aurait 95 ans !Votre arrière grand-père maternel avait près de 100 ans, l’œil encore vif et après s’être brisé le col du fémur , il avait très bien supporté son opération !
C’est dire s’il était encore robuste à cet âge!
Malheureusement un banal rhume a eu raison de lui comme ce fut le cas de tonton aimé à l’âge de 93 ans !!

2) Le décès de mémé Julia.
Si douleureuse qu’elle fut la mort de Mémé Julia pour votre grand-père , elle n’a cependant pas produit le même effet sur lui que celle de son père.
Mémé Julia avait déjà dépassé les 75 ans et avait élevé ses 4 enfants
dont malheureusement un a disparu avant elle à l’âge de 29 ;ans !.Grand-père veut parler de sa sœur Léonie née en 1946 ,morte en 1975 aui même âge que son père ,pépé Simon !
On peut considérer que la mort de mémé Julia est dans l’ordre des choses . Les Dagara ne s’y trompent pas d’ailleurs : Lorsque meurt une personne de cet âge, les funérailles ne sont pas aussi chaudes que lorsquil s’agit de celle d’un jeune comme pépé Simon ou Léonie votre grande tante.
Les funérailles de personnes âgées sont apaisées chez les Dagara qui
considèrent qu’elles ont bien vécu leur vie et que leur mort est naturelle, c‘est à dire de l’ordre de la nature. Ce qui n’est jamais le cas d’un jeune !
Grand-père considère comme eux que Mémé Julia a bien rempli son existence de femme de bien et qu’elle s’en est allée rejoindre les siens au pays bienheureux de ses ancêtres .Quoi de plus normal !
3) La mort de Léonie
Nous en avons déjà suffisamment parlé.
Grand-père ajoutera seulement qu’il a été beaucoup choqué par cette disparition précoce et qu’il en veut à toute la famille de l’avoir abandonnée à son triste sort . En effet personne n’a voulu l’amener se faire soigner au dispensaire de Mariatang !
Devant pareille attitude, mémé julia a avoué qu’elle avait fini par se décourager de lutter toute seule et qu’elle aussi , elle a vait fini par abandonner le combat faute de moyens financiers pour la faire transporter au dispensaire !
Sur ce dernier point grand-père s’en veut de n’avoir pas souvent téléphoné ou pris des nouvelles de la famille ! S’il l’avait fait plus souvent peut-être aurait-il pu envoyer de l’argent pour acheter les médicaments ou pour son transport au dispensaire !
Grand-père le faisait avant son départ en France !
Cette douloureuse expérience lui a servi de leçon !
Depuis lors , il écrit , téléphone et prend souvent des nouvelles de la famille toujours prêt à délier sa bourse pour faire soigner celui-ci ou celui-là à la demande de la famille.
Et il a pu ainsi sauver des cas désespérés lors qu’il fut sollicité à temps !
Ceci dit,grand-père a du mal à pardonner encore aujourd’hui à ses cousins qui ne l’avaient même pas prévenu de la mort de sa sœur !
Il fallut que se soit un ami du séminaire qui apprit par hasard la nouvelle à Ouaga et qui avertit votre grand-père qui téléphona au village .Et là Raphaël , fort embarrassé et confus ,confirma la triste nouvelle !
Bref les torts sont certainement partagés et chaque membre de la famille a sa part de responsabilité dans cette mort comme dans bien d’autres que nous aurons à évoquer dans les paragraphes
4) et 6) qui suivent.

4) Les décès d’un neveu de grand-père.

Le décès du fils d’An-nononmè qui devait être le bâton de Mémé Julia pendant sa vieillesse a beaucoup bouleversé grand-père et ce d’autant plus que sa mort a été brutale. Il est décédé en l’absence de sa grand-mère,partie chez elle à Dalgaane pour des funérailles ! Il semblerait qu’il fut pris d’une violente fièvre qui l’emporta en quelque jours . Là également en l’absence de Mémé Julia personne ne se soucia de sa maladie et il mourut avant même que la famille s’aperçut de la gravité du mal qui l’avait atteint !
Et rebélote une nouvelle fois !L’insouciance de la famille n’a pas de limite !Jugez –en vous-même !
La famille a laissé mourir Bernard, un des petits frères de Raphaël, par insouciance ou par négligence.
Voyons les faits : Bernard se plaignait d’une boule au ventre qui lui faisait mal au point de ne pouvoir travailler son champ !Raphaël fit appel à grand-père qui envoya de l’argent pour l’opérer. Mais il semble que l’opération ne fut pas faite sinon mal faite tant et si bien que le pauvre Bernard traîna toujours son mal jusqu’en mourir ! L’annonce de sa mort causa une grande émotion chez grand-père qui avait beaucoup d’estime pour son cousin .Il laissait orphelin le jeune Zéphyrin privé de son père tout comme votre grand-père , mais encore plus jeune . Il devait avoir 3 ans !
Raphaël, selon la coutume Dagara se chargea, en tant que frère aîné
de l’épouse et de l’enfant de Bernard en plus de sa nombreuse famille !
Et il eut de nombreux enfants avec elle !

5).Les décès des oncles et tantes
Aujourd’hui grand-père a perdu à sa connaissance tous ses oncles et tantes paternels et maternels ! Mais à son grand regret, il n’a pu aller à aucune de leurs funérailles ! Peut–être a-t-il pu assister à celles de la tante Marie –Gabrielle , la mère de Jacob seul survivant aujourd’hui de cette famille nombreuse, Césaire, Marcelle, Sr Jeanne,François d’Assise et Abel tous partis !
elles .
-Le décès de l’oncle Jacques et de tante Hélène.
L’oncle Jacques est mort accidentellement alors qu’il devait construire la maison de grand-père au village . Celle-ci sera reportée sine die.
Quant au décès de tante Hélène , elle a pris de court votre grand-père. Elle a été si rapide qu’il n’a pas eu même le temps de prendre de ses nouvelles lorsque son fils Isaïe lui avait annoncé sa maladie.
Celui-ci choqué par l’attitude ,pour lui ,incompréhensible de grand-père refusa de lui annoncer la nouvelle du décès de sa mère.
Ce fut donc par son autre cousin, Jacob qu’il dut apprendre la douloureuse nouvelle.Il s’en est beaucoup voulu. Mais trop tard, le mal était fait et il n’avait que ses yeux pour pleurer la mort de sa tante bien aimée ,sœur de lait de Mémé Julia .
Elles se ressemblaient tellement que tout le monde les prenait pour des sœurs jumelles.Et on raconte volontiers cette annecdote : Mémé Julia de retour de Cotonou où elle était venue voire son fils et ses petits enfants,arrive chez Isaïe et croit voir dans le grand miroir du salon de son neveu sa sœur Hélène et de lui demander depuis quand elle est là ,elle aussi, chez son fils !
Mais ce n’était pas sa sœur qu’ellevoyait, mais sa propre image au miroir !
La dernière mort qui a choqué votre grand-père fut celle de François d’Assise son cousin qui avait recueilli sa tante Mémé Julia après la mort de son petit fils !Grand-père , en compensation lui envoyait chaque mois environ 20.000 frs jusqu’au décès de Mémé Julia en 1999.
Mais il fit un grave accident de moto à Dano et fut transporté à Ouaga . Sa femme prévint rapidement grand-père qui prit en charge son transport et ses soins d’hôspitalisation. Il ne survécut malheureusement pas à ses blessures et mourut une semaine après son accident.Là aussi grand-père ne put se déplacer pour ses funérailles !

6) Les autres décès de la famille.

Grand-père ne peut évoquer ici tous les décès survenus dans sa famille quoiqu’aucun ne l’ait laissé indifférent notamment celui de Marie- Clémence,une cousine qu’il avait fait venir du pays en 1977 pour garder votre papa et tata Dominique encore tous petits. : Frédéric avait deux ans et tata Dominique quelques mois !
Elle s’en était retournée au pays lors du déménagement de la famille à Cotonou.en 1982.
Elle eut l’occasion de revoir les deux enfants qu’elle avait gardé lors du mariage de Frédéric où elle fut invitée. Ce fut l’occasion donc de renouer les contacts qui , au fil des années s’étaient distendus. Entre temps , elles s’était mariée , avait eu deux filles très mignones dont on avait fait la connaissance chez elle à Ouaga..
Elle perdit entre temps son mari dans un accident mortel ! Il était en effet chauffeur-transporteur entre le Burkina-Faso et le Ghana.
Elle élevait donc seule ses deux filles !
Mais lorsqu’elle fut malade, on les lui enleva et personne dans son entourage ne pensa nous prévenir ! Il sesmblerait même qu’elle fut délaissée par les parents de son mari et qu’elle mourut sans assistance d’aucun membre de la famille qui ne sut la nouvelle que par ses voisins Mossi !
C’est bien triste de finir ainsi !
Nous avons déjà évoqué et rendu hommage aux morts tant de la famille paternelle que maternelle nous n’y reviendrons donc pas !

7) Terminons par l’évocation de la mort des beaux-parents ie les parents de grand-mère.
Là aussi grand-père n’a pu assister à leurs obsèques :
-D’abord le décès du beau-père Sylvain.en mars 1989. La petite famille résidait encore à Cotonou .
C’est d’ailleurs votre grand-père qui apprit la nouvelle car grand-mère était partie au cinéma voire un film avec votre père et tata Dominique: « La vie est un long fleuve tranquille »
Grand-mère prit l’avion le surlendemain tandis que grand-père s’occupait des enfants.
-Le décès Mémé Marguérite survint en 1994. Frédéric et Dominique avaient déjà rejoint la France pour leurs études, Frédéric en 1989 tout juste après la mort de son grand-père et Dominique en 1991.
Grand-mère était rentrée en France pour s’occuper de sa mère gravement malade.
Grand-père était déjà à Dschang et lorsqu’il apprit le décès de sa belle-mère ,il avait déjà presque un pied dans l’avion qui devait l’amener à Cotonou pour un séminaire auquel il avait été invité depuis longtemps pour présenter une contribution.
Il ne put donc ,à son grand regret décommander l’invitation pour se rendre aux obsèques.
D’autres évènements non enthousiasmants voire douloureux ou triste ont émaillé l’existence de grand-père. Il n’évoquera pas ici leurs souvenir soit qu’il en ait déjà parlé dans ce livre soit que cela n’en vaut pas la peine car ces petites misères sont le lot quotidien de tout être humain. Elles diffèrent seulement d’une personne à l’autre , mais elles n’en existent pas moins.

b.Souvenirs d’évènements heureux

Il est plus facile de se rémémorer les évènements heureux parce qu’ ils évoquent des souvenirs de moments joyeux et agréables de la vie . Nous n’allons donc pas nous en priver tout de même !
Comme ils se bousculent , nombreux, dans notre mémoire, essayons de les classer chronologiquement .

1)Souvenir d’une enfance heureuse avant le décès de Pépé Simon.

Grand-père a connu une enfance heureuse à Dayèrè où son père exerçait son ministère bien qu’il en ait gardé très peu de souvenirs exacts . Mais sa mère évoquait volontiers comment la famille respirait le bonheur avant la maladie de Pépé Simon. Celle-ci à changer la donne et a bouleversé cette vie heureuse et paisible d’un couple et d’une famille qui ne demandait qu’à croquer la vie à pleines dents ! Et elle ajoutait avec beaucoup de nostalgie que c’était trop beau pour durer longtemps !
Sa théorie était que le bonheur est souvent très éphémère et qu’il convient d’en profiter au maximum tant qu’il reste à portée!

2) Le retour de mémé Julia de Dalgaane auprès de ses enfants après le décès de pépé Simon.

Ce fut un vrai bonheur de retrouver notre mère à la maison, de savoir qu’elle ne nous avait pas abandonnés et qu’elle était revenue pour nous !Bien sûr grand-père était en pension à Dano , mais était rassuré de savoir que sa maman était à la maison avec ses deux sœurs et lorsque le pensionnat lui devenait insupportable, il faisait l’école buisonnière pour se réfugier auprès d’elle, retrouver un peu de confort moral ,de joie et de paix , de sa présence affective.
Malheureusement cela était de très courte durée car Césaire veillait au grain et dès le lendemain matin , il était à la porte de la maison pour ramener le fugitif à l’école !

3) L’obtention du certificat d’études primaires et du concours d’entrée en sixième.

Grand-père n’était pas peu fier à l’annonce de la nouvelle. Lui le dernier sélectionné de la liste, il était pourtant le seul à avoir réussi du coup aux deux examens !
Oui la nouvelle paraissait incroyable , mais pourtant vraie et il ressentait au moment de la proclamation solennelle des résultats une joie indescriptible. Ce n’était que du pur bonheurqui redonna confiance à votre grand-père pour la suite de ses études secondaires et universitaires..

4) Puis ce fut une suite de réussites à ses différents examens au cours de ses études secondaires.

Il savourait sa joie à chaque succès : le brevet, la première puis la deuxième partie du Bac avec mention « Assez bien « !
Grand-père n’était pas peu fier de damer le pion à tous ses collègues et amis pour se hisser aux toutes meilleures places et ceci le comblait d’une joie intense !

5) L’entrée au grand séminaire et la prise del a soutane

Vous ne pouvez pas imaginer la joie de grand-père lors qu’il foula du pied le sol du grand séminaire et surtout lorsqu’il revêtit la soutane ! Il avait tant rêvé ce jour !Et il était là pour de vrai ! Ce n’était plus du rêve , mais la réalité incarnée ! Grand-père était rayonnant d’une grande joie « Magnum gaudium » qui ne fut
malheureusement que de courte durée car en moins d’un an , le soufflet était retombé et grand-père s’était dépouillé de son froc
devenu lourd et encombrant à porter et il s’en était allé chercher ailleurs sa voie !

6).Grand-père renoue avec le succès après un an de doute au début de son entrée à l’université d’Abidjan.

Après deux ans de travail acharné et une reprise de la la première année, grand–père renoua avec le sucès !
Il avait néanmoins, un moment,douté de ses capacités de décrocher un diplôme scientifique !
Donc quelle ne fut pas sa joie lorsqu’il fut déclaré admis au SPCN, diplôme de propédeutique de première année pour aborder les études scientifiques . Celui-ci fut supprimé en 1966 remplacé par le DEUG : Diplôme d’Etudes Universitaires Générales.
Puis ce fut beaucoup d’autres succès dont grand-père a déjà ici fait mention !
C’était devenu plutôt la norme et grand-père n’en éprouvait plus de grandes joies jusqu’à sa thèse d’Etat qui clôtura la fin de ses études universitaires et qui lui permettait de franchir les portes de l’enseignement supérieur. Ce fut plutôt un grand soulagement qu’une grande joie car il était épuisée par la dure bataille qu’il dut mener avec Mr Nozeran pour réussir à franchir ce cap !

7).L’autre grand évènement qui combla de joie grand-père fut le jour du mariage avec grand-mère .
Mais cela grand-père vous l’a déjà largement raconté.Puis ce fut les naissances de Frédéric et de Dominique qui illuminèrent la vie du jeune couple que nous venions de former .Nous étions au comble du bonheur avec nos deux « petiots » !

8) Puis ce fut les joies au quotidien de les voir grandir en âge,en taille et en sagesse.
Joies de leurs réussites scolaires ,année après année jusqu’au bac réussi tous deux avec mention « Bien ». On était content et satisfait
de ces deux réussites qui consacrèrent une scolarité très studieuse.

9).L’université constitua un autre challenge pour eux.

.Ils en vinrent à bout , Frédéric des études médicales ,
Dominique de l’ethnologie .Chacun passa une thèse qui consacra la fin de leurs études universitaires.
Les jours de soutenance furent des jours de grande joie pour eux ,pour les parents et pour leurs amis.

Puis ce fut l’entrée dans la vie active de Frédéric qui s’installa d’abord à Issoire comme Médecin libéral.
Il eut du mal à s’en sortir et il passa le concours de PH( praticien hospitalier ). Admis dans la grande joie de tous, il exerce aujourd’hui à Vichy.
Mais je ne vous apprends rien sur ces derniers évènements ;
vous le saviez déjà !

10)Puis ce fut son mariage avec votre mère au printemps 2003.
Ce fut célébré dans une grande joie !
11).Le 12 mars 2004 fut un grand jour de joie immense pour vos parents et vos grands parents puisque Louise voyait le jour à Saint Denis de la Réunion où votre papa était en stage d’internat et votre maman déjà médecin l’avait suivi.
12) Le 21 novembre 2005 naissait à son tour Raphaël à la maternité de L’hôtel-Dieu de Clermont–Ferrand.à la grande joie de ses parents et grands parents.

13) Votre voyage à Cotonou en 2008

Grand-père et grand-mère furent au comble de leur joie en vous accueillant à Cotonou avec vos parents.
Que de bonheur partagé pendant ce bref séjour où nous n’eûmes malheureusement pas le temps de partir au village.! Mais ce n’est que partie remise , juré !.

14). Le remariage de votre père ce 21 septembre 2013

Moment de grande émotion et de grande joie en cette belle journée ensoleillée du samedi 21 septembre 2013 où l’adjoint au Maire de Cournon-en- Auvergne unissait par le liens de mariage le nouveau couple que forme désormais Loriane et Frédéric.
La fête fut belle et réussie en présence des deux familles Vétier et Somda réunis et d’amis de chacun du couple.

15).Naissance de Eli

Un heureux évènement était attendu d’ici début décembre pour couronner le tout.
Croisons les doigts pour que tout se passe bien et que grand-père et grand-mère soient grand-parents pour la troisième fois d’un garçon dont le prénom n’a pas encore été dévoilé par les parents.
Mais patience, c’est pour bientôt.

.En effet Eli naquit le 20 novembre 2013.

16).Naisssance d Julia

Il a près de 2 ans aujourd’hui que vient de naître sa petite Sœur Julia le 1er septembre ! Il fête donc aujourd’hui même son premier mois !
Bravo pour la joie rayonnante des heureux parents d’abord, de leurs grands frère et sœur, des grands parents et arrières grands parents !

Les souhaits et vœux de Grand-père.

1.Avoir encore un peu de temps devant lui pour achever certains projets qui lui tiennent particulièrement à cœur tels par exemple:les 5 livres en chantier dont les 4 cités plus haut .
2.Revoir chaque année l’Afrique et plus particulièrement son village.
3.Voir grandir en âge et en sagesse et en réussite professionnelle ses enfants et petits-enfants
4.Vieillir en bonne santé physique et psychique
5.Mourir au lit entouré des siens.
6 Q’une partie de ses cendres soit dans une urne funéraire, l’autre répandue partout où grand-père a passé au moins un an de sa vie :
Béné,Dagaane,Dayèrè,Dano,Nasso,Koumi,Abidjan,Toulouse,Orsay,Palaiseau,Beaumont,Cotonou,Dschang.
Il est bien entendu qu’il ne désire pas que ses cendres reposent dans un de ces cimétières perdus, envahis d’herbes folles !7.Que ses enfants et petits enfants puissent lui rendre visite une fois au moins l’an et entretiennent bien sa tombe !
Et longue, longue vie à tous et à toutes ! Que chacun puisse voir ses enfants , ses petits et arrières petits enfants aussi longtemps que possible !
Enfin pourquoi ne pas souhaiter la construction d’ un caveau familial où toute la lignée reposera en paix pour se retrouver unie au jour du jugement dernier !
Rêve ou réalité future? Cela dépendra de vous et de vos parents.
D’aucuns diraient : Amen ! en guise d’approbation
Amen !

43.Conclusion générale

Voilà !.Vous connaissez un peu mieux maintenant ce grand-père « pas comme les autres » surnommé encore : « Il n’y en a pas comme moi »
Comme tous les grands-parents il adore ses petits enfants qui représentent son avenir sur cette terre des hommes lorsqu’il reposera d’ici quelques années auprès de ses pères.
Merci d’être indulgents à son égard des insuffisances que vous constaterez dans ce livre .
Mais sachez que votre grand-père a tout fait pour vous livrer la meilleure autobiographie possible pour que puissiez vous intéresser beaucoup au continent africain,au Burkina,à Béné,à l’ethnie Dagara dans laquelle le Destin que d’aucuns appeleraient Dieu, d’autres le hasard,etc a voulu qu’il vienne au monde ce 25 juin 1942 à la très grande joie de ses parents qui venaient de perdre leur premier–né., Jonas !
Il n’a rien choisi . Il a tout reçu en cadeaux : la vie, .des parents aimants , une épouse aimante et aimée, des enfants, des petits-enfants, une famille, un village, un pays,un continent , un beau pays d’accueil, des amis et beaucoup d’autres cadeaux comme une éducation de haut niveau qui lui est échue gratuitement .Il n’a eu aucun mérite particulier.
Oui grand-père est très reconnaissant au Destin de lui avoir fait don de la vie et surtout d’une vie humaine, d’une vie d’homme qui a su tracer son chemin tant bien que mal, plutôt bien que mal !
Merci au Destin pour l’avoir fait naître dans le plus vieux continent du monde .
Merci d’être venu dans une famille bénie des dieux qui lui a permis d’aller à l’école à une époque où le taux de scolarité était quasi nulle .
Merci de lui avoir donné très tôt le goût, la passion de l’école, le goût d’apprendre, le goût du sérieux, du devoir acompli,, toutes choses qui ont contribué ou facilité ses futures réussites .
Merci d’avoir guider ses pas vers le séminaire petit et grand . Ils ont fait de ce petit rebelle Da-gaara de l’école primaire un niir-powlè(, ie un homme doux, dressé comme le na-powlè, le bœuf dressé qui trace paisiblement les sillons dans les champs et que l’on peut même monter sans provoquer des sauts de cabri !
Merci d’avoir sorti grand-père de là pour le diriger vers l’université .
Merci pour son parcours universitaire mouvementé qui ne l’a pas empêché d’atteindre le but qu’il s’était fixé, devenir un scientifique d’un certain niveau .
Merci pour la carrière universitaire qu’il a pu faire ! Elle a été courte , mais riche et intense !
Merci pour l’épouse aimante , perle rare découverte au détour d’une réunion pour défendre le travail de femmes de ménage.
Merci pour la famille que vous lui avez donné .
Merci pour la réussite des enfants et des petits enfants qui ne manquera pas de venir pour chacun et pour tous !
Merci de lui avoir inspiré cette autobiographie.
Merci pour chaque seconde,chaque minute,chaque heure, chaque jour,chaque semaine, chaque mois,chaque année de vie qui, de par votre bonté et votre générosité lui est encore en cadeau en espérant que vous continuerez à la lui dispenser pour un certain temps encore pour qu’il puisse voir grandir en âge et en sagesse ces chers enfants et petits enfants,.joie et fierté de tous.
Pour tout, encore un grand merci de la part de ce grand-père ,pas comme les autres.
Merci

44 Signature.
Bangfo Jean-philippe de Béné–Wouré-Gaane, Bèvon Guri , fils de Simon Kusiélé Dabiré et de Julia Nayiilé Somda de Dalgaane ,né à Béné le 25 juin 1942, baptisé le 10 juin 1942.

Fait à Beaumont en l’an de grâce,2015 , le 30eme jour du 9eme mois de l’année. Postface :

Postface générale

Une autobiographie complète n’est jamais terminée tant que l’on est encore en vie ! Mais Grand-père l’essentiel a été raconté !
Ce qu’il lui reste à vivre revêt certainement son importance, mais les plus marquants sont déjà derrière lui. Les plus grands les connaissent déjà et se chargeront de raconter aux plus petits.
Par ailleurs ue autobiographie telle que grand-père vous l’a racontée n’a pas été une aventure ni facile ni toujours agréable. En effet elle fait remonter du subconscient à la mémoire des souvenirs parfois douloureux parfois tristes que l’on aimerait pas toujours évoquer ! Mais le choix de l’autobiographie l’exige !
Grand-père l’a faite en toute honnêteté et en toute transparence .
Une vie d’homme n’a jamais été exemplaire et la vie de votre grand-père non plus!
Il y a en effet beaucoup d’événements que grand-père auraient pu éviter . Mais par son caractère impétueux de da-gaara, il n’a pas pu ou su le faire.Avec beaucoup de sincérité,il le regrette et demande un sincère pardon à tous ceux qu’il a pu offencer en les mettant en cause ou en doutant de leur bonne foi. Mais c’est ainsi qu’il les a vécus et pas autrement.
La rédaction de cette autobiographie a pris beaucoup de temps . En effet depuis 2012 grand-père s’y attèle, revenant sans cesse sur le métier sans en être entièrement satisfait !
Il compte sur votre indulgence sur les nombreuses imperfections du texte !
Il espère aussi que les lecteurs et blogueurs qui liront cette autobiographie corrigeront avec beaucoup d’indulgence les fautes de forme et de fond..
Beaucoup d’efforts déployés pour les réduire au maximum n’y ont malheureusement pas suffit !
.

3 réflexions au sujet de « Ce grand-père pas comme les autres »

  1. COMMENT OBTENIR VOTRE EX LOVER RETOUR.
     Je veux partager mon témoignage avec tout le monde, je m’appelle Victoria Desmond de France après 4 ans de mariage avec mon mari, il m’a quitté pour une autre femme qui m’a amené dans la frustration. J’ai fait tout mon possible pour le récupérer, mais aucun n’a profité, jusqu’à ce qu’un vieil ami à moi parle d’un lanceur de sortilège Dr.jaja sur Internet qui l’a aidé dans un problème similaire, au début j’ai douté mais j’ai décidé de le donner un essai. J’ai contacté le docteur (jajaspellcastertemple@gmail.com.com) il m’a aidé à jeter un sort sur mon
    mari et dans les 48 heures mon mari est revenu à la maison à moi encore. Je ne peux pas arrêter de donner merci à JAJA. Contactez ce grand lanceur de sorts sur n’importe lequel de vos problèmes, il est capable de fournir une solution durable à tous vos problèmes:
    (1) Sortilèges et sorts d’amour
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  2. Bonjour,
    je suis étudiante en histoire à Chambéry et je fais des recherches sur Mgr Joanny Thévenoud, je suis donc à la recherche de témoignages. A ce titre, l’article que je viens de lire m’a beaucoup intéressée. Mais je n’ai pas compris qui est l’auteur : est-ce ce « Grand-Père pas comme les autres ? »
    J’aimerais bien connaitre son nom et son année de naissance pour pouvoir le citer dans mon mémoire de Master.
    Merci de me répondre.
    Bonne journée
    Valérie

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